« Connard de Jeremiah ! » maugréa Wayne, blindant à on ne sait quelle vitesse non autorisée dans les grandes artères new yorkaise. Il avait subitement écourté sa garde en cours pour quitter l’hôpital où il avait découvert que son frère jumeau bossait… en tant que morticole. Médecin légiste, vraiment, il n’avait rien trouvé de mieux ? Et en prime, réussir à se faire embaucher dans le même hôpital que son frère, il y avait de quoi être diagnostiqué comme fou furieux bon à enfermer dans un asile ! Wayne ne savait pourtant pas pourquoi ça le troublait au point que ses mains se soient mises à trembler et qu’il n’ait rien trouvé de mieux que de coller son poing dans la tronche de son aîné. Anna l’avait empêché de recommencer, évitant ainsi qu’il n’abîme ses mains de chirurgien d’une part, mais aussi qu’il ne soit frappé qu’une insupportable culpabilité l’instant d’après. L’américain avait donc préféré partir, n’ayant même pas quitté son vêtement de titulaire en neurochirurgie et encore moins sa blouse, où son nom était clairement marqué. Un peu de sang de Jeremiah avait éclaboussé sur celle-ci, et contrairement à ce qu’il avait pu soutenir à Anna, il s’était effectivement écorché les phalanges. Rien de bien sorcier ou même de dangereux, mais c’était douloureux… au moins autant que le simple fait d’être à nouveau confronté à son salopard de jumeau à la noix.

Marley. Wayne n’avait eu que ce prénom tonnant dans son esprit durant toute sa course folle à travers New York et à vrai dire, il se demandait si elle n’allait pas le trucider pour se pointer à trois plombes du mat dans un état catastrophique mais il ne savait guère vers qui se tourner d’autre. Il ne voulait en aucune façon réveiller son meilleur pote, l’ayant pourtant soutenu alors qu’il avait vécu bien pire… et quelque part, il voulait partager ça avec elle. Il ne savait pas réellement dans quoi il mettait les pieds mais même avec les yeux explosés et rougis par les larmes n’ayant eu de cesse de couler durant toute sa conduite, il se mit à sonner comme un fou furieux à la porte de la jolie sicilienne. Il fallait qu’il la voie, c’était vital. Elle avait d’ailleurs à peine ouvert la porte que déjà, il l’avait entourée de ses bras, la surplombant de deux bonnes têtes tandis qu’il reprenait enfin une respiration plus normale après avoir été en apnée pendant un long, très long moment. Mais Wayne eut une soudaine prise de conscience et s’écarta brusquement de Marley, la relâchant de faire de son emprise pour mieux se passer nerveusement une main dans ses cheveux en bataille. « Je ne sais même pas pourquoi je suis venu te réveiller à trois plombes du mat… désolé. » Que pouvait-il dire d’autre ? J’ai pété la tronche de mon jumeau et j’en suis autant fier que coupable ? Il lui pointa sa main blessée pour tenter de le lui faire comprendre, mais ce n’était pas gagné.

Wayne savait de source sûre qu’en venant chez Marley, il ne tomberait pas sur un os, elle ne lui fermerait pas la porte aux nez ni même ne lui dirait des paroles qu’il n’avait aucune envie d’entendre. Mieux, la chaleur que lui prodigua le fait qu’elle entoure le corps du neurochirurgien de ses bras lui fit un bien indescriptible. Il aurait pu rester là des heures durant, sans bouger, sans émettre le plus petit son et ce en toute impunité. Il fut surprit qu’elle ne lui prenne la main pour l’emmener jusqu’à la partie semblant n’être occupée que par Marley, avant de les enfermer à clef. La donne le surprit bien évidemment mais cela le rassura aussi : à partir de ce moment, il savait de source quasiment sûre qu’il pouvait se confier sans crainte d’être jugé et que la sicilienne allait l’écouter jusqu’au bout. Sans doute émettrait-elle un jugement ou donnerait-elle son opinion mais cela ne le gênait pas… son frère jumeau restait un enfoiré de première et éviter de s’en apercevoir consistait tout simplement à se mettre de joyeuses œillères devant les yeux. « Non, pas un patient. Et je crois que la personne en question s’attendait à la fois à recevoir mon poing dans la gueule et espérait ne pas le recevoir quand même. Mon frère jumeau en est la cause. Quel enfoiré ! » L’américain était épuisé à cause de ses gardes consécutives mais plus que tout, ce qui l’épuisait, c’était la baisse soudaine d’adrénaline qu’il subissait maintenant… sans oublier le contre coup émotionnel.

« J’ai découvert par hasard qu’il était revenu sur New York après des années à vagabonder on ne sait où, et qu’en prime il s’était fait engager en tant que médecin légiste dans le même hôpital que moi. Tu imagines… je suis sûr qu’il l’a fait exprès juste pour m’emmerder. Je suis dans énormément de revues médicales, on sait que j’exerce au Lennox Hill quand on connaît mon nom de famille… je ne veux pas qu’il approche Anna, et je ne me suis pas retenu de lui refaire le portrait. » Wayne savait qu’il n’avait pas besoin de points, juste que la plaie soit désinfectée et point barre… mais les baisers de Marley lui arrachèrent son premier sourire depuis de nombreuses heures. « Je ne savais pas que tu étais une guérisseuse… »

Même par le passé, Wayne n’avait jamais eu conscience d’avoir été proche un jour de son frère jumeau. Ils partageaient le même sang et certes un petit quelque chose en plus, mais Anna avait toujours été la personne, en dehors de sa mère, avec laquelle l’américain s’entendait le mieux. Il n’était pourtant aucunement sauvage, ou même introverti en soi, il n’aimait simplement pas être connu du premier venu, y compris s’il s’agissait de son propre frère… et somme toute, il avait eu pleinement raison. A la mort de leur mère, celui-ci s’était lâchement échappé avec leur père, niant toute responsabilité quant à leur jumelle malade, laissant Wayne mener de front ses études de médecine ainsi que plusieurs petits boulots pour lier les deux bouts et payer les très nombreuses factures d’hôpital ne cessant d’affluer. Mais le pire, c’est que le chirurgien d’aujourd’hui ne se plaignait pas davantage que l’étudiant d’hier, s’étant contenté de relever la tête, de retrousser ses manches et de faire en sorte que chaque wagon soit raccroché de la bonne manière. Est-ce qu’il avait souvent douté ? Très probablement. Est-ce qu’il avait souvent eu l’impression que les problèmes s’accumulaient sans qu’aucune solution ne puisse être trouvée ? Chaque foutu jour où il se levait aux aurores, notamment pendant son internat. Mais il l’avait fait… et en soi, il pouvait en être fier. « Si tu débarques… il va claquer sa pile et ce sera bon débarras ! Mais d’un autre côté… puisqu’il a fallut qu’Anna se déplace pour nous déplacer, elle nous étriperait toi et moi en sachant qu’on a tout fait pour qu’il chope une syncope. C’est chiant, hein ? » Pourtant, dieu sait que la proposition de Marley était alléchante…

« Tu veux que j’te prête mon bistouri pour qu’on voit lequel de nous deux est le plus virtuose avec ? » Mais le pire, c’est que Wayne n’en pensait pas un mot. Il était haineux envers son jumeau, c’est vrai… mais delà à vouloir le blesser volontairement, il y avait une limite. Surtout qu’après la phase de désinfection de sa plaie, Marley lui offrit quelque chose à laquelle il ne s’attendait pas : de la tendresse. Pure et dure. D’ordinaire, Anna était la seule à le serrer délicatement contre elle, attendant qu’il ne calme ses ardeurs colériques en caressant ses cheveux. Mais là… sentir le cœur de la demoiselle battre de façon régulière alors qu’elle le serrait avec une délicatesse qu’il ne lui connaissait pas, c’était… grisant, tout bonnement. Wayne n’eut même pas la force d’émettre le plus petit son, profitant de cette étreinte avant de se relever pour déposer un frêle baiser contre les lèvres de Marley. « Merci d’être là pour moi ma Marley… » se contenta-t-il d’articuler péniblement. Ce n’est que par la suite qu’il entourant ses grands bras puissants en lovant sa tête contre son épaule de façon plus véridique, profitant de toute la chaleur qu’elle lui offrait en espérant qu’ils ne seraient aucunement dérangés car bien qu’il ne le dirait jamais à haute voix… il avait grandement besoin de ce moment de paix.

« Oh dear… toi et Anna, va falloir que je me planque dans ma salle d’op’ pour éviter d’être touché par cette troisième guerre mondiale ! » Wayne avait besoin de penser à autre chose, de ne surtout pas se remémorer le fait qu’il ait pleuré devant Marley comme un véritable bébé qu’il n’était pourtant plus depuis des lustres. Quelque part, cet épisode navrant les avait rapprochés car ils n’avaient jamais eu ce genre d’instant plus câlin, plus calme et d’autant plus grisant avant aujourd’hui. Il n’émit pas la moindre réserve lorsqu’elle le serra contre lui sans détour, ou même lorsqu’il sentit ses lèvres s’échouer lentement contre la peau froide et nue de son cou. Au contraire, il sentit une longue sensation de bien être s’emparer de lui, à des lieues de cette frustration, de cette colère froide qu’il l’avait considérablement bousculé, au point qu’il ne quitte sur le champ l’hôpital où sa garde n’était pourtant pas terminée. Bah, il savait parfaitement que le chef de chirurgie ne lui en tiendrait pas rigueur… Wayne était celui s’engageant dans le plus de gardes dans l’année, n’étant jamais malade, jamais absent, jamais à se plaindre. L’arrivée de son frère changerait peut-être certaines petites choses mais son chef savait depuis longtemps que son titulaire restait le plus fiable de toute son équipe de chirurgiens… il n’y avait donc aucune raison qu’il lui tienne rigueur de ce petit accident de parcours, du moins était-ce à espérer. Mais là encore, l’américain n’avait aucune envie ou même attention de se concentrer sur ce genre de choses alors qu’il tenait la jolie sicilienne entre ses bras, que celle-ci n’avait pas envie de le fuir et lui offrait plutôt la première épaule sur laquelle il acceptait de se reposer… « Fais gaffe, me dire des choses comme ça, c’est risquer que je vienne t’emmerder à toute heure du jour comme de la nuit. Je crois qu’on fait une belle brochette d’emmerdeurs, non ? On aime ça faut croire… »

Wayne poussa un long soupir d’aise alors qu’il embrassait à son tour longuement le cou de Marley, sans être brusque ni même impatient. Il cherchait simplement à la remercier pour sa gentillesse et sa disponibilité, choses auxquelles il n’était aucunement habitué, pour être honnête. « Je sais que c’est sûrement abuser, mais… d’un côté j’ai juste envie de dormir en te serrant contre moi, et de l’autre, avant ça, j’aimerais bien calmer mes nerfs en suturant quelque chose… genre si tu as des fruits dans le coin, je suis preneur ! Ne me prends pas pour un fou échappé de l’asile, ça va m’éviter d’avoir encore envie de dézinguer la tronche de mon frère si je le recroise. » Il valait mieux être un pro de la suture de banane que d’avoir envie de suturer la tête de son jumeau, après tout… surtout que Wayne lui proposait ensuite de dormir chastement à ses côtés, sans rien vouloir de plus si ce n’est une présence chaleureuse comme celle qu’elle lui offrait maintenant.

« J’ai la berlue ou tu essayes de me faire peur ? Je suis plus accrocheur que du velcro, à croire que j’ai inventé la super-glue » avoua Wayne avec malice, juste avant que Marley ne s’absente pour aller lui chercher un fruit. Qu’elle le trouve bizarre ne le choquait pas particulièrement, dans le sens où il aimait le fait de ne pas agir comme le commun des mortels. Mieux, ses sutures, il y tenait tout particulièrement… la raison ? Cela le détendait de façon plus incroyable, autant être honnête jusqu’au bout. Ce n’était pas seulement à cause du fait qu’il soit chirurgien depuis un paquet d’années et parce qu’il était doué en la matière, mais plutôt parce que ce genre d’action avait un véritable effet calmant sur sa personne. Quoi de mieux dès lors, après une altercation si violente avec son jumeau –surtout en comptant sur le fait qu’il allait devoir le supporter régulièrement à partir de maintenant–, que de vouloir s’adonner à quelques petites sutures sur un fruit innocent qu’il prendrait sûrement beaucoup de plaisir à manger une fois calmé. Ce qui l’étonna bien davantage, ce fut que Marley ferme la porte à clef après être sortie, comme si elle avait l’impression qu’il allait fuir dans la seconde. Wayne fronça un instant les sourcils avant de se mettre à rire volontiers. C’était à qui serait le plus bizarre, dans le fond… « Tu avais peur que je me fasse la malle ? » osa-t-il demander alors qu’elle revenait, des fruits en main. Puisqu’elle lui avait pincé légèrement la joue, l’américain ne manqua pas de s’emparer furtivement de ses lèvres avant de sortir de sa blouse un kit de sutures. En tant que chirurgien il se devait absolument d’en avoir toujours un sur lui, au cas où. Mais autant dire que cette fois, ce n’était pas pour recoudre une plaie, à moins que l’on puisse considérer un fruit comme un être humain et partir du principe qu’il allait « blesser un petit fruit sans défense ».

« Dans cinq minutes tu vas me dire que tu défends la cause des fruits ? » s’amusa-t-il tout en ouvrant légèrement la peau de la banane à l’aide d’une aiguille à suture, avant de la poser sur ses genoux, l’air particulièrement sérieux, pour mieux mettre du fil à peau dans le chat de son aiguille. « Tu veux que je t’apprenne maintenant même si tu bailles et que tu as plutôt l’air d’avoir hâte que je finisse mes conneries ? Il ne faut pas croire, ça détend ! Sinon tu imagines comme je pèterais une durite à passer des heures à en faire dans un bloc opératoire… » Son sourire ne quittait pas son visage, à vrai dire. Il commença sa suture avec un air particulièrement habitué, avec des gestes assurés et sans aucune hésitation. « Le secret, c’est de bien démarrer… il faut se dire que la peau humaine est particulièrement épaisse, contrairement aux idées reçues. La peau du fruit qui s’y rapporte le plus, c’est justement la banane… tu as eu un excellent flair ma belle ! Mais en quoi la suture peut t’intéresser ? »

Wayne se faisait un plaisir particulièrement puissant de recoudre cette banane dont il avait ouvert la peau. Il était passé expert en la matière lorsque, après une dure journée de labeur, il n’était pas en mesure de trouver le sommeil immédiatement. Comme il se trouvait être la coqueluche des infirmières, celles-ci avaient toujours quelques fruits de côté pour sa personne lorsqu’il jouait les somnambules. Mais il n’allait surtout pas préciser la chose à Marley, il n’avait aucune envie qu’elle se mette à inspecter chaque infirmière se trouvant dans l’environnement de l’hôpital où il travaillait ou ne les fassent fuir. Après tout, chacune d’elle avait beaucoup de métier, de précision et de dévotion pour le job qu’elles exerçaient. Voilà qui inspirerait le respect à n’importe qui, même à un neurochirurgien ayant déjà fait la couverture de très nombreux magazines scientifiques, ayant récemment été classé en tant que meilleur dans son domaine et ayant réalisé de très nombreux séminaires à travers le monde, dans des hôpitaux très cotés. La suture, c’était une véritable promenade de santé par rapport à tout ce qu’il pouvait bien voir à longueur de journée dans son bloc, somme toute. « Tu veux essayer ? On va procéder comme ça : si tu me fais au moins une belle suture, tu auras droit à la moitié de ma banane » lança-t-il d’un air presque insolent, haussant légèrement les sourcils comme pour la défier. Il savait qu’elle ne résisterait pas, juste pour le plaisir du jeu… du moins l’espérait-il, d’une certaine façon.

« Pour ne pas avoir choisi médecine si tu voulais ? » demanda-t-il le plus innocemment du monde. Wayne se rendait bien compte qu’il ne connaissait pas réellement l’environnement de Marley, ou même les détails de la relation avec son père. Il n’était pas particulièrement pressé de rencontrer celui-ci, d’ailleurs… finir dans plusieurs sacs poubelles dans une déchetterie n’était pas son ambition première dans la vie. « Tu sais, mes patients à moi, ils ne m’emmerdent pas… comme la plupart du temps je dois leur ouvrir le crâne à la perceuse chirurgicale pour réparer ce qui déconne, pour faire dans le très synthétique, ils sont pour la plupart endormis et je n’ai pas de simagrées ! » Wayne émit un petit sourire en oubliant bien sûr de préciser qu’il y avait tout le moment avant l’opération et, tout aussi important, le moment de l’après. La médecine était vaste, et complexe… dommage que Marley ne se soit pas lancée là dedans, elle aurait sûrement été excellente. « D’ailleurs ça me fait penser à une chose : le mois prochain, je dois diriger un séminaire en Suisse… tu m’accompagnerais ? » Un peu prématuré sans doute mais l’américain était très bien placé pour savoir que chaque minute compte. Inutile donc de se perdre en tergiversations à longueur de journée. Aller à l’essentiel, toujours.

« Pour l’instant c’est moi qui suture donc c’est la mienne ! » protesta faussement Wayne tout en jetant un regard amusé à l’attention de Marley. « Puis il n’y a pas ton prénom gravé dessus… prouve donc que c’est la tienne ! » Décidément, il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre bien que l’américain doive admettre que la surprise s’abattait soudainement sur lui : ainsi, la sicilienne le faisait suivre et s’était suffisamment renseignée pour savoir où il partait et combien de temps ? Intéressant. N’importe qui n’étant pas le neurochirurgien aurait probablement hurlé au scandale et au manque cruel d’intimité, mais Wayne s’en trouva plutôt flatté. C’était une grande première pour lui, après tout ! D’ordinaire, on le considérait certes comme un grand médecin mais dans son environnement personnel, il passait complètement inaperçu. Il faut dire qu’une femme équilibrée et souhaitant fonder une famille n’acceptait jamais ses horaires impossibles, ses longues journées de boulot ou bien le fait qu’il soit tout le temps sur le front, n’ayant jamais de temps pour autre chose. Il devait admettre que Marley était compréhensive en plus d’être totalement folle… mais c’est ce qui faisait son charme justement. « Je vois… tu dois donc savoir que ma prochaine conférence aura lieu à Tokyo et que je suis accompagné par une doctoresse japonaise ? Tu es forcément au courant, suis-je bête ! Mais si ça veut dire que tu m’accompagnes il va falloir dépoussiérer tes robes de bal et t’attendre à ce que l’on ne rentre pas sur New York pendant un long, long moment… tu es toujours partante ? »

Dieu que Wayne détestait les pince-fesses au-delà des mots et qu’il exécrait la plupart des scientifiques n’ayant de cesse de le complimenter sans en penser un mot ou avoir lu ses recherches en neurochirurgie. Cet état de fait lui donnait rigoureusement envie de mordre mais Marley allait changer la donne cette fois. Tous ses séminaires et autres conférences lui paraîtront certainement bien moins ennuyeux et solitaires ! « Pour répondre à ta question de tout à l’heure ça fait un moment que j’exerce alors forcément, j’ai été à l’origine de la mort de plusieurs patients. Le risque zéro n’existe pas, surtout dans ma discipline… mais contrairement à d’autres qui ne supportent pas d’avoir « tué » quelqu’un, je me suis dit que poursuivre justement me permettrait de me racheter. Je n’ai pas choisi la voie la plus facile et on me considère comme un robot les trois quart du temps. Mais tu m’aimes quand même, pas vrai ? » Petit sourire insolent et exagéré. Sans doute avait-il besoin qu’on le lui dise, après avoir revu tous ses souvenirs de rejet vis-à-vis de son frère et de son père lui éclater à nouveau en pleine gueule…

Ahaha, sa Marley était donc tellement passionnée par son emploi du temps qu’elle en connaissait les moindres modifications, les plus petits déplacements ? Wayne éclata de rire avec force face à cet étalage de vérités qui étaient très loin de lui déplaire. Non, vraiment, il aimait se sentir désiré au point que la sicilienne occupait ne serait-ce qu’un peu de son temps à le surveiller. Voilà qui allait l’empêcher scrupuleusement de faire le moindre écart, à moins qu’il ne la découvre davantage concernée par son emploi du temps plutôt que par l’occupation pour laquelle il comptait sur elle : son chien, Loki. Cette espèce de mastoque avait besoin d’énormément d’attention et de promenades. Jusqu’ici, l’américain aux origines russes avait senti son animal parfaitement épanouit, heureux… il n’y avait donc plus qu’à prier pour que cela dure, car Wayne ne pouvait malheureusement pas se permettre de l’avoir constamment avec lui à l’hôpital. Pas à moins de vouloir l’attacher à une laisse toute la sainte journée ! Pauvre bête, il n’aurait pas survécu une journée avant de lui faire ses fameux yeux de crapaud mort d’amour auquel le neurochirurgien lui-même ne pouvait pas résister. « Jalouse ! Et qu’est-ce que tu ferais si je cherchais de prendre une femme qui pourrait, potentiellement et hypothétiquement m’offrir plus d’affection que toi ? » Provocation suprême sans doute pour Marley mais Wayne n’en pensait pas un mot. D’ailleurs, son sourire amusé ne quittait pas ses lèvres, alors qu’il poursuivait sa suture avec beaucoup d’application. Oh bien sûr, il était diablement touché et même chamboulé des gestes affectueux de la sicilienne, surtout lorsqu’elle lui avoua qu’il lui plaisait tel qu’il était. « Ne serait-ce qu’un câlin, rien de forcément graveleux ! » ajouta-t-il aussitôt tout en la surveillant du coin de l’œil, s’attendant à ce qu’elle ne lui pète une durite d’un instant à l’autre. Wayne ne cherchait pas à la repousser hors de ses derniers retranchements, il était juste curieux. Curieux de savoir quel effet il lui faisait au juste, si elle comptait juste le harceler en obtenant chaque minute de son emploi du temps chaque jour ou, si sous ses dehors extrêmement distants et difficiles se cachait autre chose de plus profond. Ceci étant, loin de lui l’idée de la malmener sentimentalement parlant et c’est la raison pour laquelle il leva un regard extrêmement sérieux vers la jeune femme. Aucun sourire n’était plus visible contre ses traits, juste une impassibilité contrôlée afin qu’elle ne doute surtout pas de ce qu’il s’apprêtait à dire. « Toi aussi tu me plais telle que tu es. Même en Sherlock de l’info ! »

« Si un homme t’accordait plus de temps ? Tu oublies que je suis virtuose du bistouri, ma belle… » Et très accessoirement un homme jaloux de nature. Wayne n’avait jamais aimé quelqu’un en soit, mais il n’aimait pas que l’on convoite la même personne que lui. Il était bien loin de considérer Marley comme un vulgaire objet, elle était une femme à part entière et avait de fait tout son respect mais le fait qu’elle soit si distante, si peu attentionnée maintenant qu’il s’était un peu plus dévoilée à elle le frustrait. Il n’avait pas envie de lui forcer la main mais le fait de ne pas savoir ce qu’il était en droit d’attendre ou pas l’énervait, d’une certaine façon. Il aimait cet environnement de surprise constante, mais d’un autre côté, il était en droit de se demander si ce n’était rien d’autre qu’un jeu pour elle ou si, dans un avenir plus ou moins proche, elle comptait y donner davantage de profondeur. Il ne s’agissait pas d’impatience au final… plus de curiosité, à vrai dire. Ce fut la raison pour laquelle il ne manqua pas de se lever une fois sa dernière suture terminée, s’approchant dangereusement de Marley avant de passer une main contre sa joue pour mieux lui rendre le baiser qu’elle venait tout juste de lui donner, à ceci près qu’il y mit davantage de profondeur, de langueur et de provocation. Wayne s’écarta cependant rapidement, lui mettant le fruit entre les mains conformément à sa demander tandis qu’un sourire amusé peuplait désormais ses lèvres. « C’est drôle, tu scrutes mes moindres faits et gestes, tu vas jusqu’à réserver un billet d’avion pour me suivre pour un séminaire au cours duquel il y aura surtout des médecins… mais tu restes distante. As-tu peur de moi, ou… ? » L’américain avait pourtant tout fait pour ne plus se comporter comme le dernier des derniers, tel qu’il l’avait été lors de leur toute première rencontre particulièrement hard et violente. Il tâchait de faire des efforts mais peut-être que sa patience avait des limites, au final… « Que sommes-nous, dis-moi ? De simples copains, tu me considères comme ta chose ou est-ce plus… profond ? » Qu’elle se décide. Wayne voulait bien lui laisser tout le temps du monde mais il n’avait pas l’intention d’être pris pour un pigeon pour autant : il avait déjà bien assez à faire avec sa famille de fous… inutile d’y rajouter une couche de complexité !

Wayne s’était attendu à beaucoup de choses, à énormément de réactions de la part de Marley, mais pas celle qui incluait être frappé à trois reprises par un coussin. Il n’y avait aucune douleur particulière à retirer dudit geste, mais c’était plutôt la forme qu’elle mettait dans cette réponse… est-ce qu’il la troublait, perdait-elle le contrôle ? L’espace de quelques secondes, juste quelques-unes, l’américain se surprit à vouloir savoir ce qu’elle pensait ici, maintenant, sans attendre. La sicilienne était toujours en retrait, ne se confiant que très rarement et s’il trouvait le mystère attirant la plupart du temps, trop de mystère finissait par tuer sa curiosité à petits feux. Il faut dire qu’il avait son compte d’intrigues avec son propre frère… Sasha était un désespoir ambulant en la matière, tant et si bien que le neurochirurgien n’était pas tenté par le fait de s’embarquer dans une nouvelle galère. Vraiment, il avait besoin de réponses, qu’elle le regarde dans les yeux et lui donne ne serait-ce qu’un signe, mais tout ce qu’il récolta fut une rétorque virulente avant qu’une étreinte n’apaise le feu qu’elle avait manqué de faire naître en lui. Quelques secondes de plus et Wayne serait probablement parti, mettant de côté ce qu’ils avaient vécu et manqué de vivre. Pour ainsi dire, sentir les bras de Marley lui fit un bien phénoménal, au moins autant que les deux mots libérateurs qu’elle prononça ensuite. Ce furent eux qui le poussèrent à l’étreindre plus encore, caressant doucement son dos sans aller plus loin : ce n’était pas le moment de la faire fuir à grandes enjambées, pas vrai ?

« Plus profond, hein ? » demanda-t-il le plus simplement du monde, comme s’il peinait à y croire lui-même. A vrai dire, Wayne n’était pas franchement coutumier de l’attachement humain, c’était même tout le contraire, et il peinait à se reconnaître dans ses faits et gestes. « J’aime ça, ma rusée damoiselle » souffla-t-il à son oreille avant de n’embrasser chastement sa tempe, ses doigts se glissant délicieusement dans ses cheveux alors qu’il respirait sa divine odeur. S’il n’avait pas été un gentleman, probablement aurait-il tenté quelque chose, après tout Marley était absolument parfaite de toutes les manières possibles et imaginables, à commencer par le fait qu’elle possède un corps divinement élancé. « Tu aimes bien que je te cours après, hein ? Bientôt il va falloir que je t’attache pour que tu ne me fuies pas ? »

Incroyable. Wayne et Marley partageaient davantage depuis quelques minutes à peine qu’en des semaines à se côtoyer, se frôler sans vraiment se toucher… et se fuir, surtout se fuir. La sicilienne n’était pas la seule fautive, jusqu’ici, l’américain n’avait pas réellement exprimé le souhait d’aller plus en profondeur au niveau de leur relationnel. Il s’était laissé bercer par les choses, délicatement, sans prendre conscience de son attachement de plus en plus marqué pour cette curieuse demoiselle. Une voix à l’intérieur de sa tête lui hurlait que la côtoyer pouvait être dangereux, mais une autre partie de son être lui hurlait que justement, le risque était délicieux à prendre. Après tout, ne prenait-il pas constamment des risques en tant que neurochirurgien ? Le moindre millimètre pouvait sauver une vie ou au contraire la sacrifier sous l’autel de la Science. Un autel bien cruel, souvent… mais à des lieues de ce que Wayne vivait, ici et maintenant. Il se sentir frissonner violemment face à ce baiser qu’elle lui offrit, sans condition, sans hésitation, y mettant tant d’intention qu’il eut comme l’impression d’être totalement dépossédé de ses lèvres. Tout ce qu’il prit en compte, ce fut le fait que ses mains s’accrochèrent littéralement à Marley face à la cascade d’émotions qu’il s’était mis à éprouver. C’était bon… divin même. Il aurait même voulu que ce baiser ne cesse jamais. « Qui te dis que j’ai l’intention de filer ? » demanda-t-elle soudainement, en murmurant la chose au creux de son oreille. « Et si justement j’avais envie de dire que je suis prêt à sauter de ce train en marche et prendre les conséquences les unes après les autres ? »

Le pire ? C’est que Wayne était sérieux. Qu’on veuille le découper en morceaux et le mettre dans des sacs, qu’on prenne sa vie pour la piétiner… qu’importe. Il prenait le risque pour la simple et bonne raison que… « … tu en vaux la peine, Marley » lui murmura-t-il ensuite, la berçant dans ses bras tandis que son étreinte prenait légèrement en force de seconde en seconde. Il ne voulait pas la voir s’éloigner, pas à nouveau. « Mais je n’ai pas envie que tu t’éloignes encore… ne me fuis pas. Si je ne compte pas te laisser tomber, alors ne m’abandonne pas non plus. » Ah, pour un peu, l’américain se trouva pathétique de lui murmurer de telles choses, lui prouvant ainsi par a+b à quel point elle s’était emparée de son cœur et de l’intégralité de son âme. Il ne voulait pas devenir un simple jouet de plus entre ses mains… il voulait plus. Beaucoup plus que cela.

Diantre. C’était chose évidente désormais, Marley avait juré sa mort ! Elle n’avait jamais été en compagnie masculine de façon autre que feinte, n’est-ce pas ? Cela se sentait en tout cas. Dans le cas contraire, jamais elle n’aurait ainsi tenté le diable en le poussant sur le lit, venant ni plus ni moins s’asseoir à califourchon sur sa personne la seconde d’après. Une chance qu’il soit en pleine possession de ses moyens et que ses nerfs soient d’acier. Mais quelque chose lui disait que la sicilienne aurait à un moment donné sa mort sur la conscience si elle ne cessait pas son petit jeu de séduction, si agréable soit-il… d’autant que ses mots étaient un véritable brasier pour quelqu’un comme Wayne, et il dû faire preuve d’une maîtrise extraordinaire pour ne surtout pas faire davantage que de poser à nouveau ses mains contre son dos pour le caresser. « Honey, tu es vraiment soit folle, soit… non tu ne peux qu’être folle à tenter le diable comme ça ! » Mais l’américain s’amusait presque de ce nouveau challenge qu’elle lui imposait, bien qu’elle vienne ni plus ni moins de lui dire qu’elle comptait bien le retrouver où qu’il aille, quoi qu’il fasse, qu’il le veuille ou non. « Tu veux qu’on investisse dans une puce GPS pour te faciliter la tâche ? » la taquina-t-il, un sourire à la fois innocent et insolent planant contre ses lèvres avant qu’il ne lui vole un nouveau baiser pour faire bonne mesure. Après tout, puisqu’il était censé agir en parfait gentleman et ne surtout pas la brusquer… il pouvait bien se rattraper sur autre chose pas vrai ? « C’est là où je suis censé avoir peur et me planquer à Guadalcanal ? Ne t’inquiètes pas je suis un grand garçon et avoir peur à en hurler comme une chochotte est très loin d’être mon genre… mais je prends note. Au pire, s’ils me font des misères… ce sera à toi de penser mes petites blessures et de me consoler ! » Wayne alla jusqu’à lui mettre une petite tape sur ses magnifiques fesses musclées avant de ne la serrer chastement dans ses bras. Quelque chose lui disait que son histoire avec elle n’allait pas manquer une seconde de couleurs… et cela lui plaisait. Surtout maintenant qu’ils prenaient un virage plus sérieux et profond tous les deux. « Tu es au courant que ma sœur ne va pas te lâcher la grappe, aussi ? Tu ne sais pas à quoi tu t’exposes jeune fille… » Anna Swarovski ou la chianteuserie incarnée. Bientôt, ils allaient faire un concours à quel membre de leurs familles respectives serait le plus chiant et protecteur !