Cinq juin 2012 – 23h15; Portable en main, je regardais les photos que j'avais prise dans l'après midi lors de ma balade à Broadway avec Savannah. Depuis son plus jeune âge, je l'emmenais assez souvent dans cette partie de New York pour qu'elle profite de ces avenues pleines de fiches de spectacle mais aussi des spectacles que l'on allait voir ensemble. Elle n'avait que trois ans et c'était plutôt difficile de la scotcher trois heures à un siège mais elle s'en sortait plutôt pas mal. Plus tôt dans la soirée, nous sommes allées voir Mama Mia et elle avait beaucoup aimé. Elle n'avait pas compris grand chose mais la musique lui avait plu et voir le visage de ma fille plus que joyeux me suffisait pour avancer dans la vie. Elle avait découvert tout un monde, que je découvrais pour la quatrième fois puisque je venais voir cette comédie plutôt souvent, encore plus depuis que je connaissais l'une des protagonistes du spectacle : Helen. J'avais rencontré la jeune femme dans Broadway et elle avait été si... impassible et sans vie que je ne m'étais pas gênée pour lui dire ses quatre vérités, sans une once de gentillesse. Cependant, le soir même, je l'avais vu sur scène et c'était tout l'inverse : elle était forte, elle s'imposait et aimait ce qu'elle faisait. Tout cela m'avait étonné et j'avais donc décidé de la retrouver, pour discuter et depuis, nous nous côtoyions assez souvent. Je savais qu'elle n'avait pas de représentation demain et donc, pas de répétition de dernières minutes et j'en profita donc pour tenter de planifier un rendez vous avec la belle brune. Allant dans le menu message de mon iPhone, je tapais un court message à l'attention de la jeune femme : « Demain, à neuf heures devant le théâtre de Broadway dans lequel tu as joué ce soir, ça te va ? Je demanderai à Conrad de s'occuper de Savannah entre midi, on aura la journée pour nous deux. Dis moi si ça va pour toi » Appuyant sur la touche 'envoyer' j'entendis une voix de bébé monter dans l'appartement et souffla légèrement. Ivy-Blue ne faisait toujours pas ses nuits et ma meilleure amie – avec qui je vivais – ne s'en sortait pas mais alors pas du tout. Elle était rapidement dépassée mais je ne pouvais pas la blâmer, j'aurai été dans la même situation si le père de ma fille n'avait pas été là les six premiers mois de sa vie. Posant mon portable sur ma table de nuit, je sortis rapidement de mon livre et me dirigea vers la chambre de ma filleule. Arrête de pleurer avant de réveiller Savannah, pitié. Elisa était déjà là, la petite dans les bras mais j'avais l'impression de voir un zombie en la voyant. La fatigue se lisait de plus en plus sur ses yeux et ce n'était franchement pas beau à voir. Faisant signe à mon amie de me donner sa vie, je lui dis « Va dormir Lis', tu ferais peur à un mort, tu m'étonnes qu'Ivy-B continue d'hurler la mort quand tu la berces. Je m'en occupe, je travaille pas demain, va te recoucher » Elisa et moi étions très proches l'une de l'autre et nous nous aidions dès que nous le pouvions. Elle m'avait accueilli il y a cinq ans de cela, lorsque j'étais arrivée à New York et je lui devais beaucoup. Après avoir quelque peu débattu, la belle blonde retourna dans son lit et sa fille se calma rapidement. J'avais 'la main' avec les enfants alors que je n'étais pas d'une nature patiente. Retournant au lit, je ne regarda même pas mon portable, préférant rejoindre morphée pour les quelques heures qui me séparaient de mon réveil pour emmener Savannah à l'école et chopper Conrad pour lui demander de prendre ma fille à manger à midi. Je l'avais déjà fait pour sa petite alors bon...

Six juin 2012 – 7h10; Penchée au dessus du lit de Savannah, je la regardais dormir si paisiblement. Dieu qu'elle était belle, ma petite fierté. Déposant un baiser sur son front, je la souleva doucement de son lit, pour lui faire comprendre que la grasse matinée ce n'était pas pour aujourd'hui. Elle devait être à l'école dans moins de cinquante minutes et cette petite crevette n'était pas vraiment une flèche. Habillée, restaurée, coiffée et sac sur le dos, nous partions rapidement vers l'école et, comme à notre habitude, nous faisions le chemin avec Conrad. Je ne perdis pas de temps pour lui demander ma petite faveur, qu'il mit du temps à accepter. Deux filles pour le repas, bon courage mon cher ! Je ne perdis pas de temps après avoir déposer Savannah et lui avoir tout expliquer de sa journée pour rentrer, me préparer un peu plus 'en profondeur' parce que je n'étais pas franchement opérationnelle pour sortir avec ces cernes et ce teint pâle. J'avais rendez vous dans un peu moins d'une heure et je devais prendre les transports en commun pour éviter de me retrouver coincée dans les bouchons. Bien entendu, métro et tout ce qui allait avec était plus rapide que ma voiture mais il fallait traverser un bon bout de la ville. Me dépêchant de sortir, je fonça à moitié dans l'une de mes nombreuse voisine et m'excusa à la va vite. Je n'avais pas le temps pour m'excuser platement et si cela ne plaisait pas, c'était la même chose. Montant dans le métro, je regarda mon portable et envoya un dernier message à Helen « Je viens de monter dans le métro, je risque d'être légèrement en retard » Que voulait dire légèrement pour moi ? Bonne question. Au moins, elle était prévenue que je ne serai pas là à neuf heure tapante. Écouteurs sur les oreilles, je profitais de mon moment de calme avant la tempête, avant l'apprentissage de soi que l'on faisait régulièrement avec Helen. Être calme et douce n'était pas quelque chose d'inné chez moi, il me fallait le travailler...

Quand on y pensait, Helen et moi étions différente, totalement différente même. Elle était la douceur et la sagesse incarnée alors que j'avais le diable dans le corps et n'étais pas une tendre avec autrui. Cependant, avec le temps, j'avais voulu changer, ou du moins tenter de changer parce que je n'étais pas sûre qu'un jour – que ce soit dans un mois ou dans dix ans – je sois quelqu'un de calme et de sage. J'avais vécu trop longtemps sous les coups des règles, des interdictions et depuis, dès que l'on m'interdisait quelque chose, je faisais l'inverse. J'étais un sacré cas mais c'était tout à fait agréable, pour moi du moins parce que je doutais que mes camarades apprécient franchement mon comportement. C'était d'ailleurs pour cela que j'avais opté pour travailler à la maison ces derniers temps. Mes collègues ne me portaient pas dans leur cœur et être la meilleure amie de la numéro deux du magasine était mal vue. Seulement voilà, j'avais beau être plus que fière de mon caractère – et j'emmerdais le premier qui venait se plaindre de moi – mais je savais que ce n'était pas un exemple à montrer à ma fille. Savannah a bientôt quatre ans et je ne peux plus me permettre de jouer les garces à tout bout de champ, ne me gênant pas pour rabaisser plus bas que terre autrui dès que j'en avais envie. Lorsque j'étais seule, cela pouvait passer mais en compagnie de ma fille, c'était tout autre chose. Elle devait me prendre pour un monstre – ce que j'étais – mais je ne voulais pas qu'elle prenne mon chemin d'une façon ou d'une autre puisque ce serait mon plus grand échec. Par conséquent, avec Helen, nous avions plus ou moins décidé de se voir une à deux fois par mois – quand son emploi du temps et le mien, bien entendu, nous le permettait – pour apprendre l'une de l'autre. Elle se faisait marcher sur les pieds, se renfermait sur elle même pendant que j'explosais et brillais comme une nouvelle étoile sur terre. J'aimais que l'on se retourne sur mon passage, le besoin d'attention des gens a toujours été quelque chose d'important pour moi et ça, on ne pouvait pas me le reprocher, c'est clair et net. J'avais vécu dix ans dans l'ombre d'une petite sœur et je ne comptais plus vivre dans l'ombre de quiconque au jour d'aujourd'hui. Seulement, la méchanceté allait me consumer et je ne pouvais pas me mettre toute la ville de New York à dos, c'était impensable et totalement fou. Je me dirigeais vers Broadway et réfléchissais à des tas de choses en même temps. J'étais fatiguée de la vie de folie que je menais mais, en même temps, je ne changerais rien et ce, pour rien au monde. J'aimais mon métier, ma petite princesse, les deux magnifiques femmes avec qui je vivais... Il n'y avait qu'un seul bémol dans ma vie : le père de Savannah que je n'arrivais pas à oublier, quoi que je fasse. Il avait été – plus ou moins – la cause de mon envoi en pensionnat il y a dix ans de cela et il était la cause de ma haine aigüe envers la gente féminine. Dès qu'un homme s'approchait de moi, j'actionnais ma carapace et ne me laissais pas attendre, absolument jamais. Arrivant à pas pressés vers Helen, je lui fis la bise et dis « Ça va et toi ? La fatigue est une composante quotidienne de ma vie, on s'y habitue à force ! Pour le moment, elle doit être avec sa maitresse et vu qu'elle adoooooore l'école, ça doit bien aller ! Puis j'ai un bon voisin sur qui compter lorsque j'ai des 'empêchements'. Il comprend tout à fait et il me laisse sa fille aussi, de temps en temps » J'avais beau être froide et dure avec certaines personnes, j'étais une vraie pipelette avec d'autres et Helen faisait partie des personnes avec qui je pouvais papoter des heures et être un vrai agneau. Non, je n'étais pas bipolaire, juste méfiante et elle le savait, il n'y avait qu'à voir la façon dont je l'avais presque agressé le jour de notre rencontre. Étant donné notre lieu de rendez-vous, un café, je souris à la jeune brune et lui dis « Tu veux boire ou manger quelque chose ? Je t'invite » Attendant sur sa réponse, nous nous dirigions vers la caisse et je regardais de loin ce que j'allais bien pouvoir prendre pour me régaler un peu avant d'annoncer le plan de la journée. J'étais toute surexcitée à l'idée de travailler sur moi même parce que, bien que cela soit quelque chose d'extrêmement difficile, j'estimais que c'était important, très important pour moi et mon entourage. Ceux qui constituaient mon entourage étaient mes amours, mes fiertés et je ne pouvais pas les décevoir encore plus. Bien entendu, ma meilleure amie était une garce finie – tout comme moi – mais elle finirait par comprendre que lorsqu'elle entendrait le premier gros mot de sa fille ou que cette dernière l'enverrait chier du haut de ses trois ans, elle devrait changer. Je commanda la commande d'Helen ainsi que mon thé aux fruits rouges et mon muffin citron-framboise avant de payer et de me diriger vers une table dans un coin. Coupant un bout de muffin avec mes doigts, je regarda Helen et dis « Alors, as-tu mis quelques conseils de la dernière fois en application mademoiselle ? » J'en doutais grandement, c'était difficile d'agir seule et je savais de quoi je parlais... Moi non plus, je n'avais pas réussi à appliquer ses conseils pour prendre sur moi et m'adoucir. J'étais peut être une cause perdue après tout...

Lorsque je voyais Helen et sa timidité, je me demandais comment elle faisait pour réussir dans ce monde sans se faire bouffer dans la main, sans être bouffé tel un plancton par un requin qui passait par là. Je m'étais posée des tas de questions sur la jeune brune. Sa timidité devait cacher quelque chose mais quoi c'était autre chose. Je savais très bien que mon côté fonce dans le tas et méchanceté gratuite était du à mon enfant, à mes trois ans dans un pensionnat entouré de nones. Mais elle qu'elle était sa raison ? Y en avait il une au moins ? Je ne savais pas vraiment et j'essayais de répondre à ces questions sans le demander, histoire de ne pas faire ressortir de vieux démons. Payant les cafés, je me voyais déjà passer ma journée à essayer de m'attendrir mais j'avais l'impression que cela était mission impossible. J'avais l'habitude d'écraser les gens sur mon passage et de les détruire pour un oui pour un non, c'était comme ça et pas autrement. Avec le temps, j'avais pensé que la carapace que j'avais construite de mes propres mains finirait par disparaître, j'avais une fille merveilleuse, une vie de rêve mais j'étais encore plus méchante, voyant le mal et la souffrance à chaque coin de rue. Cela n'était pas bon pour Savannah, que je surprotégeais et qui commençait déjà à en avoir marre du haut de ses trois ans et demi. J'étais la maman sur protectrice qu'aucun gosse ne rêverait d'avoir. Je pouvais être cool et douce, il n'y avait pas à dire mais ce n'était pas mon penchant habituel, dira-t-on. M'asseyant à côté de la jeune brune, j'avalai une gorgée de ma boisson avant de dire « Pareil. J'ai bien essayé d'être agréable avec le jeune homme qui a renversé son café sur ma robe blanche la dernière fois mais j'ai pas réussi. Le pauvre c'est fait traiter de tous les noms en cinq minutes mais c'était plus fort que moi, malheureusement » Chassez le naturel il revient au galop comme on entendait souvent et cette phrase était plus que vrai. Mon naturel était d'être une garce égoïste et manipulatrice, cela n'allait pas changer de si tôt à moi d'un exploit, exploit qui n'arriverait peut être qu'à la fin de la décennie. Ou du siècle, je ne savais pas vraiment. Me tournant vers la belle brune, je dis « Commençons par toi ma chère Helen ! La gentillesse est un atout mais un sacré point négatif sinon tu te fais bouffer tel un poisson dans l'océan » Et j'étais persuadée qu'elle s'en était rapidement rendu compte. et puis, elle n'aurait jamais un rôle important dans une comédie musicale si elle n'avait pas la force ni l'audace de s'imposer ! Il y aurait toujours quelqu'un de plus prenant, de plus imposant prêt à la manger toute crue ! Coinçant mon café entre mes genoux, je dis « Mets toi en situation. Tu es pressée, avec des fichiers sous les bras et quelqu'un te bouscule et fais tout tomber. Comment tu réagis ? » Personnellement, j'hurle, le traite de tous les noms d'oiseaux possible et finis par lui donner le nom de mon opticien. Bien entendu, ce n'est pas l'attitude à avoir et je le savais bien seulement... Seulement j'étais comme cela, j'étais une pile électrique qui attaque et qui réfléchis après. Bien entendu, si je croisais le regard de mon 'perturbateur' et que ce dernier était intéressant, je me confondais en excuse. C'était toujours la bonne chose à faire mais ça, je ne me voyais pas le dire à la jeune brune. Elle faisait ce qu'elle voulait après tout. J'attendais sa réponse avec impatience, histoire de voir si elle avait les bons réflexes ou pas encore. La voyant réfléchir, je dis « Réponds moi du tac au tac. Si ça t'arrive, tu réagis comment ? Tu te confonds en excuse ou lui dit qu'il aurait pu regarder où il allait même si tu es la fautive, ça on s'en fou. Helen, ne réfléchis pas ! » Instinct de l'agneau ou instinct du lion, telle était la question...