Le spectacle devait commencer à 20 heures. Mais comme la plupart des représentations, il y a eu un peu de retard. Quelque chose comme un quart d’heure, rien d’insurmontable en soit, surtout pour des personnes venues ici en fin de soirée pour se détendre en profitant de cette belle organisation dans un coin de central Park…
Vous me croirez si je vous dis que, malgré tout, certains trouvent le moyen de se plaindre et d’en devenir chiants ?

Voilà quelques jours que j’ai repris les cours à la faculté. Je loge toujours chez Elizabeth mais les travaux dans mon appartement – qui a pris feu il y a un mois – avancent bien et j’essaye, avec optimisme, de m’imaginer de nouveau chez moi d’ici quatre ou cinq semaines. Ce sera encore long, mais quoi de mieux que de se détendre avec de la musique ?
Les soirées sont agréables en cette période, l’air frais du parc devient joli paradoxe avec la chaleur ambiante qui plane toute la sainte journée dans les rues de NYC et c’est avec le sourire que je me suis installé sur l’une des chaises libres, aux alentours de 20 heures donc.

Devant moi la rangée de sièges est remplie et je suis satisfait de voir que l’on s’intéresse encore un peu à l’art qu’est l’opéra. La musique en générale a du succès, il faut bien l’admettre et c’est tant mieux. Mais j’étais sceptique quand à la foule que je pourrais croiser – ou non – ici ce soir. C’est une belle surprise de voir toutes ces têtes orientées vers la scène.
Tout pourrait être parfait, mais la perfection n’existe pas parait-il.
Devant moi un homme, grand je crois puisqu’il me gâche la vue, ne cesse de croiser les bras, les jambes, les décroiser, les secouer, se lever, se rassoir, se moucher, éternuer – pas de sa faute ça, je le reconnais – il en arrive même à déplacer avec son pied le sac devant lui…qui ne lui appartient pas !
Je fronce les sourcils, étonné par un tel comportement et lorsque la demoiselle à qui appartient vraisemblablement ce sac ose lui demander de se calmer, le voilà qui s’énerve ! Bon sang, mais les gens sont-ils vraiment faits pour foutre la merde ?

Le spectacle commence pourtant. Alléluia.
C’est en fait une première partie. Trois chanteurs, assez jeunes, débarquent sur l’estrade et avec une puissance magistrale se mettent à chanter alors qu’un petit orchestre symphonique prend place à l’arrière, sans doute pour la deuxième partie du spectacle. Autrement dit l’opéra.
Essayant d’ignorer le guignol assit devant moi, je savoure un instant les prouesses vocales qu’on nous offre avant que cet âne ne décide de s’en prendre une fois de plus – une fois de trop pour moi – au sac à main de la demoiselle.
Elle ne m’a rien demandé ? Certes, mais mes nerfs ont lâchés.

« Monsieur s’il vous plait ! Si vous êtes mal installé il me semble que certaines places sont libres à l’arrière mais laissez cette femme tranquille ! »

Les insultes qu’il articule alors n’auraient pas du me surprendre. Quand on se permet d’être aussi irrespectueux avec sa voisine de siège, on peut bien cracher du venin à revendre ! Les personnes à nos côtés ne prennent pas parti et se contentent de râler à l’encontre de la scène en général.
J’offre un regard d’excuse à la jeune femme, pour laquelle moi j’ai pris parti, mais avant de pouvoir m’expliquer et/ou m’excuser : l’abruti recommence à crier. Sur nous deux…

Qui est venu ici pour se détendre ? Tu parles d’une soirée…j’aurais mieux fait de corriger les copies de mes étudiants. Ça m’apprendra.