Teddy montait les escaliers qui menaient jusqu'à son appartement. Il aurait bien pris l'ascenseur, mais celui ci se révélait être en panne... Aujourd'hui, ce n'était vraiment pas son jour de chance. Il avait passé sa journée à travailler dans le quartier où se trouvait Columbia, et il n'avait pas arrêté. Il avait eu des demandes assez spéciales, comme par exemple une jeune femme qui voulait le portrait de son petit ami sur son dos. Évidemment, en tant que tatoueur professionnel, il avait dû s’exécuter, bien qu'avant il s'était assuré que c'était vraiment ce qu'elle voulait. Sans surprise ça l'avait été. Si il avait été à sa place, Teddy ne l'aurait jamais. D'une parce que ce n'était jamais sûr qu'un amour entre deux personnes pouvait durer jusqu'à la mort, mais en plus de ça, c'était moche. Et même si on décidait d'effacer un tatouage, ça laissait des marques. Parfois il se demandait si les gens se renseignaient avant de venir le voir. Sur le chemin, il croisa une de ses voisines, une vieille qui était toujours ronchon pour un rien : Mme Doubtfire. Il n'était pas étonné de la voir étant donné que l'ascenseur ne fonctionnait plus. « Bonsoir. » dit il avec un sourire qui se voulait poli tout en hochant légèrement la tête. « Mmmh. » grommela t-elle en guise de réponse. Puis elle le poussa contre le mur avec un coup hanche, sans gêne. Ça non plus il n'en était pas étonné. Teddy leva les yeux au ciel, avec un sourire amusé. Si il était sympathique avec elle, c'était tout simplement parce que c'était une femme âgée, qu'elle n'avait pas toute sa tête et qu'au fond il espérait qu'elle avait une partie d'elle gentille. Mais il espérait juste. Pour le moment, et ça va faire faire cinq ans, il ne l'avait vu que se montrer égoïste, mégère, et aussi commère. Aussi, il aurait juré l'avoir aperçu lui faire un doigt d'honneur alors qu'il avait fait tomber ses sacs de courses. Il lâcha un soupire, l'imaginant bien continuer à grommeler alors qu'elle descendait toujours les marches avec difficulté. Après une dizaine de marches, le voilà enfin devant la porte de son appartement. Il sourit puis sonna . Il fouilla dans les poches de sa vestes pour chercher ses clés. Teddy sortit de ses poches un briquet, un paquet de cigarette, les clés de sa boutique, son portable, mais pas les clés de chez lui. Il leva ses sourcils étonné. Il les avait tout de même pas oublié à son lieu de travail ? Il ne pouvait pas y retourner pour vérifier, c'était trop loin. Il tenta tout de même de tourner la poignée au cas où que sa femme fut de retour plus tôt que prévu, mais la porte était fermée. Après avoir tout remis dans ses poches, sauf son portable, il passa une main dans ses cheveux embêté. Il fronça les sourcils et se décida d'envoyer un sms à Scarlett. 'J'ai oublié mes clés.. tu peux rentrer plus tôt ce soir, stp ?' Le jeune homme se laissa glisser contre le mur. Elle n'allait pas être là dans les minutes qui suivent, le temps qu'elle lise son texto et qu'elle vienne. Si elle voulait bien interrompre son boulot avec sa collègue, Azylis. Il soupira de nouveau, mais cette fois ci agaçé. Maintenant, il n'avait plus qu'à attendre. Oui, définitivement, aujourd'hui, ce n'était pas sa journée.

Alors qu’elle s’apprêtait à accueillir une nouvelle cliente, le portable de Scarlett se mit à biper. Freinée à mi-chemin, elle dut faire demi-tour pour aller répondre. Elle répondait toujours au téléphone, on ne savait jamais qui cela pouvait être. Une présentatrice de loto pouvait appeler à tout moment pour annoncer qu’elle avait gagné le gros lot… Enfin ça aurait pu arriver si elle jouait au loto. Le téléphone était toujours posé sur sa table de travail. L’écran affichait « Teddy ». Il ne l’appelait jamais au boulot, enfin rarement quoi. Très vite, elle se mit à s’inquiéter. Ce n’était pas habituel, peut-être lui était-il arrivé quelque chose ? Elle déverrouilla son téléphone en quatrième vitesse et ouvrit le message. « J'ai oublié mes clés… tu peux rentrer plus tôt ce soir, stp ? » Soulagée, elle poussa un petit soupir et se laissa tomber sur sa chaise. « Tu m’as fait peur idiot, j’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose ! Je fais au mieux, je pars dans pas longtemps. » Puis elle rangea son téléphone dans sa poche. Elle avait toujours répondu présente quand Teddy avait eu besoin d’elle. Toujours. Quand il avait appris pour les activités criminelles de sa mère, quand ça n’allait pas fort, quand il avait besoin d’aide pour les cours ou toute autre futilité du genre. Mais là, elle était assez embêtée. Il y avait plusieurs clients qui attendaient encore pour se faire lire leur avenir aheum, arnaquer. Cela représentait bien cent-cinquante dollars de bénéfices… Bon, elle pouvait bien faire un effort, leurs affaires, à Azylis et elles, marchaient plutôt bien en ce moment, et elle et Teddy avaient fait un gros coup à Vegas trois semaines auparavant. Elle pouvait bien faire l’impasse sur ces cent-cinquante dollars… Même si cela la dérangeait. La jeune femme se leva, enfila sa veste, empoigna son sac, et se dirigea dans la salle d’attente. « Excusez-moi mesdames, je ne pourrais pas m’occuper de vous aujourd’hui. Revenez demain matin, je m’occuperai de vous en priorité, et je pourrais même vous faire une petite réduction. » Elle leur adressa son plus beau sourire, puis se tourna ensuite vers le fond de la pièce. Il fallait quand même qu’elle prévienne Az’ qu’elle devait partir. « Az ! Je dois partir là, Teddy à un problème, désolée, je te laisse fermer, à demain ! » s’écria-t-elle avant de finalement sortir, pour bien se faire entendre.

Scar avait fait le plus rapide possible pour ne pas que son cher mari attende trop longtemps devant la porte. Bon c’était un grand garçon, il n’avait pas peur seul – même s’il y avait de quoi quand on avait une voisine comme Mrs Doubtfire. Cette femme était un démon, la femme de Satan personnifiée. Au pire, il aurait pu aller se promener, faire un tour sur la plage, peu importe. Ca, la jeune femme n’y avait pas pensé. Cela lui aurait permis de finir sa journée de travail. Enfin, à présent c’était trop tard. Elle était arrivée chez elle et avait renvoyé tous ses clients chez eux. Elle monta les escaliers sans trop se presser – elle ne voulait pas risquer de se tordre une cheville. Arrivée à son étage, elle trouva un Teddy a l’air agacé, appuyé contre le mur, assis par terre. Il faisait presque de la peine à voir. « Et bah fait pas cette tête ! C’est pas grave. » dit-elle dans un sourire. Elle s’approcha de lui puis s’accroupit afin de pouvoir déposer un court baiser sur ses lèvres. Après ça, elle se releva et alla ouvrir la porte. « Je t’ai pas fait attendre trop longtemps ça va? Et à part ça, comment s’est passée ta journée ? » C’était un passage obligé ça. A chaque fin de journée, ils se racontaient respectivement la leur.

Finalement, Scarlett avait répondu relativement vite à son message. « Tu m’as fait peur idiot, j’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose ! Je fais au mieux, je pars dans pas longtemps. » Teddy fit une légère grimace avec sa bouche. Il est vrai que lorsqu'ils travaillaient ils ne s'envoyaient pas vraiment de message, sauf lorsque c'était vraiment urgent. Bon, là, c'était un peu une forme d'urgence non ? En tout cas, pour lui s'en était une. Il était fatigué, gavé, et tout ce qu'il voulait c'était rentrer chez lui, ne rien et être avec sa bien aimée. Il ne demandait pas la lune non plus. Scarlett allait faire du mieux qu'elle pouvait, d'après son message, et il croisait les doigts pour que tout soit en sa faveur. Le jeune homme ne répondit pas pour ne pas trop insisté et il soupira, commençant à pianoter sur son portable pour voir si il n'y avait pas un jeu à faire pour passer le temps. Il y en avait quelques uns, mais rien de bien extraordinaire : le jeu de briques et celui des bombes semblaient être les plus intéressants, mais ils étaient en version d'essai. Le seul jeu qu'il avait en version complète était le snake. Oui, le snake, ça existait encore. Bon là c'était un peu plus moderne que celui qu'il y avait dans les téléphones des parents. Les téléphones en noir et blanc, qui ne pouvaient que téléphoner et jouer au snake. Bon en soit, tout ça n'était pas vraiment intéressant, mais comme je ne savais pas trop quoi dire, le temps qu'il attende Scarlett... Ah bah, la voilà. Enfin, il n'entendait que des bruits de pas dans les escaliers, et il espérait que ce soit bien elle. Le jeune homme rangea son téléphone maintenant déchargé dans sa poche, et il attendait toujours, les fesses au sol, ayant un peu la flemme de se lever de suite. Ses yeux étaient à la limite de briller lorsqu'il vit la tête de la jeune brune apparaître. Enfin ! Mais il ne changeait pas vraiment son expression agacée sur son visage. « Et bah fait pas cette tête ! C’est pas grave. » Certes, mais Teddy voulait faire son enfant ce soir, pour une fois. Elle se rapprocha de lui pour s'accroupir juste devant de lui. Il cilla et elle l'embrassa. Le jeune homme lui accorda alors un sourire. Il ne pouvait pas lui en vouloir, après tout c'était de sa faute si il avait oublié les clés chez lui, et elle avait fait l'effort de quitter son travail plus tôt pour venir à son secours. « Je suis désolé de t'avoir fait quitter plus tôt ton boulot. » Il était à la fois vraiment désolé, mais également, content. Teddy n'aimait pas vraiment ce que faisait Scarlett, donc, moins de temps elle passait de temps là bas, mieux il se comportait. Il se leva à son tour, avec lourdeur, et se posta juste à ses côtés. Évidement, comme chaque jour, elle le questionna sur sa journée. Sa femme entra dans l'appartement, suivit de Teddy. « Loooongue journée. » dit il en insistant bien sur le « longue ». Il ferma la porte de lui et commença à se déshabiller de sa veste. « J'ai même pas mangé ce midi, c'est pour dire ! J'ai eu quelques clients rapides, mais après j'ai du en prendre une... Elle m'a demandé de lui tatouer le visage de son copain dans le dos. Ridicule... Bon ça me regarde pas, mais bon... C'était très long, et j'ai eu du mal à me concentrer jusqu'au bout. J'ai les yeux en compote. Je suis crevé quoi. A puis, j'ai aussi croisé... » Il mima un batteur pour créer un petit suspense. « Doubtfire ! Ahah. Comme d'habitude, en la croisant, ma vie ne tenait qu'à un fil... Elle m'a poussé violemment. » Il marqua une pause pour la laisser réagir. « Et toi alors ? »

omg... j'sais pas du tout ce que j'ai foutu dans mon RP '____'

Teddy avait quand même l’air sacrément de mauvais poil. Peut-être qu’il avait eu une très mauvaise journée. En même temps, certains clients pouvaient être très désagréables et pouvaient vite faire tourner en bourrique. La jeune femme en savait quelque chose… Pas plus tard que le matin même, une femme n’avait cessé de pleurer parce que Scar n’avait pas réussi à « entrer en contact » avec le petit chien Pookie de la dite femme. Et après sa scène digne d’une tragédie grecque, elle avait refusé de payer. Scar avait quand même réussi à lui soutirer cinquante dollars. Mais elle avait perdu du temps, or le temps c’est de l’argent, c’est bien connu. « T’en fais pas. » répondit-elle tout en secouant la tête de gauche à droite, assez rapidement, un sourire étirant ses lèvres. « Je commençais à fatiguer de toute façon, puis tu n’as pas à t’excuser, tu passeras toujours avant tout le reste. » Teddy était la seule personne à pouvoir la déranger à n’importe quel moment, vraiment. Elle le ferait toujours passer avant tout, même avant elle. S’il avait besoin d’elle, elle ne pouvait pas lui tourner le dos. Elle avait toujours été présente, il n’y avait aucune raison pour que ça change.

La jeune femme entra dans l’appartement, tout en écoutant attentivement son mari, qui la suivait de près. Elle balança son sac dans l’entrée, posa sa veste sur un des fauteuils du salon, puis s’écroula dans le canapé, sans cesser d’écouter le jeune homme qui était en train de lui raconter sa journée. Elle eut un sourire désolée lorsqu’elle comprit que Teddy avait eu une longue et semble-t-il éprouvante. Très vite, elle se releva, puis la força à s’asseoir sur le canapé. Elle se plaça derrière lui et commença à le « masser », plaçant ses deux mains entre ses épaules et son cou. Elle l’écoutait toujours attentivement. En fait, c’était un peu l’épouse parfaite, sans qu’elle veuille se vanter ou quoi. « Tout va s’arranger maintenant que tu es avec moi. » Elle sourit, sans qu’il puisse toutefois le voir, puis se pencha en avant, au-dessus de son épaule, pour déposer un nouveau baiser, sur sa joue cette fois. « On pourra commander chinois, si tu veux. » Teddy enchaina sur une anecdote de sa journée : une femme qui avait voulu se faire tatouer le visage de son petit copain. Scarlett éclata de rire. C’était certes une belle preuve d’amour… Mais rien n’était jamais certain et cette femme ne pouvait pas être entièrement sure qu’elle allait être avec cet homme toute sa vie. Et enlever un tatouage de cette taille… Eh bien, oui, en fait il ne valait mieux pas le regretter. « Ca veut dire que si je veux me faire tatouer ton visage sur le dos, tu voudras pas me le faire ? » Elle prit une mine déçue, puis se remit à le masser. Elle se stoppa néanmoins quand il se mit à lui parler de Mrs Doubtfire, leur très chère voisine.

« Qu’as-tu donc fait à cette pauvre dame cette fois pour qu’elle en vienne à menacer ta vie ? » demanda la jeune femme, tout en se plaçant à côté de Teddy, et non plus derrière lui. Son air se voulait accusateur, mais elle finit par rire. Elle connaissait très bien sa voisine et elle savait que celle-ci se débrouillait toujours pour leur en faire voir de toutes les couleurs. Mais au bout de quelques années, Scarlett avait fini par s’y habituer, et elle en riait. « Tu aurais dû la pousser dans les escaliers une bonne fois pour toutes ! » dit-elle l’air toujours amusé, en levant un poing déterminé en l’air. Elle reprit ensuite un air plus sérieux. « Quant à ma journée et bien… C’était une journée normale quoi. J’ai encore gagné pas mal d’argent. » acheva-t-elle par dire, fièrement.

Comme elle s’en était doutée, son petit massage improvisé plut immédiatement à son mari. Scarlett n’en avait pas vraiment l’air comme ça, mais en réalité elle était une vraie petite femme au foyer qui savait tenir une maison et s’occuper de son homme. Son seul point faible était la cuisine. Elle commandait plus volontiers des plats à emporter… Au moins là, elle ne risquait pas de les empoisonner tous les deux. Ah oui et aussi, elle ne voulait pas d’enfants. Elle ne saurait pas gérer, c’était l’excuse qu’elle se donnait. Elle voulait rester irréprochable. Bon il y avait également quelques autres raisons plus profondes qui ne méritent pas qu’on s’attarde dessus pour le moment. Son monde s’était comme écroulé quand elle avait cru être enceinte quelques années auparavant. Cette épreuve avait juste eu le mérite de tester l’attachement que Teddy pouvait avoir pour elle, la force de leur lien et de leur amour. C’était beau. La jeune femme aimait vraiment être pleine d’attention pour son cher et tendre. Il le méritait. Puis elle préférait qu’il soit de bonne humeur et à l’aise plutôt que le contraire. Elle ne voulait que son bien. C’est pourquoi elle improvisait parfois quelques massages, ou sortait plus tôt du boulot pour ne pas le contrarier, et ce même si des possibilités de secours s’offraient à lui. Là par exemple, il aurait pu aller se promener ou retourner au salon de tatouage chercher ses clés. Ou alors il aurait pu utiliser sa force et ses beaux muscles pour défoncer la porte. Scar aurait payé. « Paradis c’est mon deuxième prénom. Dis que je suis parfaite, dis-le ! »

La conversation se poursuivit sur la journée de boulot de Teddy. Il avait dû tatouer le visage d’un mec dans le dos de sa petite amie. Trop romantique. Scar, en plaisantant, avait insinué qu’elle voulait faire la même chose. « Chéri. » L’australienne se pencha en avant pour lui faire les yeux, style chat potté dans Shrek. « Si je te dis que je veux ton visage partout sur mon corps, j’aurais ton visage partout sur mon corps. Je veux que les gens sachent que tu es à moi. Et si tu ne veux pas le faire, je trouverai bien quelqu’un parmi tous les tatoueurs de New York qui me le fera. Je suis prête à faire le tour des Etats-Unis pour ça. » La jeune femme était aussi du genre très déterminée. Quand elle avait une idée en tête, elle ne l’avait pas ailleurs. A sa remarque suivante, elle pouffa. « Ce que je m’apprête à dire va sonner très… Twilight mais… » Ce film était synonyme de niais pour elle. « Toi et moi c’est pour la vie bébé, même si dans cinquante ans on est plus ensemble, ou avant parce que la vie t’auras arraché à moi, je continuerai de t’aimer. Pour toujours. Et je dis ça très sérieusement. » Elle avait voulu rester sérieuse, mais finit par éclater de rire. Ce qui n’enlevait rien à ses sentiments pour Teddy ou au fait que son engagement était réel et qu’elle ne comptait pas le laisser filer si facilement.

La discussion en vint ensuite rapidement à leur charmante voisine Mrs Doubtfire. Ah celle-là ! Si elle n’existait pas il faudrait l’inventer, et tous seraient très certainement bien tristes de ne pas l’avoir dans leurs vies. « Cette femme est un rayon de soleil. Et toi tu es un goujat. Oser la saluer et être poli ! » Scar bascula sur le côté, se retrouvant assise non plus derrière, mais justement à côté de Teddy. Elle le regarda avec un air de nouveau très sérieux. « Oui mais tu es à moi. J’aime cette femme, vraiment, je ne veux que son bonheur à elle aussi. Mais je ne suis pas prêteuse. On devrait lui trouver un homme aussi bien que toi. » La jeune femme divaguait complètement. Et pourtant elle n’avait ni bu ni fumé entre sur le trajet depuis la boutique. Elle était juste d’excellente humeur, il fallait croire. Ou alors c’était la fatigue qui la faisait délirer. La fatigue avait toujours eu un drôle d’effet sur elle. « Chut ne parle pas de ça ! C’est tellement triste… On s’ennuierait sans elle. C’est vrai, c’est l’une des seules choses de bien dans cet immeuble. » Elle avait un air triste, qui se transforma bien vite en air enjoué. Elle riait presque. Elle s’entendait parler sans pour autant réfléchir à ses paroles. Elle avait juste conscience qu’elle racontait n’importe quoi. Seulement, Teddy cassa quelque peu l’atmosphère en mettant une question très sérieuse sur le tapis. Scarlett se redressa d’un coup, cet air sérieux s’empara à nouveau de son visage, pour de vrai cette fois. « Changer de job ? Pourquoi ? Ca rapporte bien, je ne vois pas pourquoi je changerais… » Vraiment, la jeune femme était surprise. Elle ne pensait pas que son travail pouvait déranger à ce point son mari. Et elle ne voyait pas en quoi il pouvait bien le déranger.

L’atmosphère avait été, jusque-là, plutôt détendue. Très détendue même. Scarlett avait semble-t-il réussi à faire oublier à son mari la mauvaise journée qu’il avait passé, grâce à l’un de ces merveilleux massages dont elle seule avait le secret. Elle avait pas mal plaisanté aussi, légèrement divagué. Teddy avait souri, ri avec elle, il se sentait bien. Et ce même s’il avait failli y laisser sa vie en croisant leur amour de voisine Mrs Doubtfire. Tout semblait aller parfaitement bien dans le meilleur des mondes. « Si c’est juste pour quelques petites années alors… Tu me promets que tu reviendras ? On ne sait jamais, une fois que tu as gouté à la vie avec Mrs Doubtfire, je suis sûre que tu ne veux pas perdre ce bonheur que ce doit être. Cette femme est une sorcière, j’en suis sûre, elle saura te manipuler pour que tu restes avec elle ! » Scarlett le regarda avec un air grave, hochant la tête sans le quitter des yeux. « Puis qui te dit qu’il n’y en aura que pour quelques petites années hein ? Elle n’a pas l’air si vieille que ça. Puis c’est robuste ce genre de créature ! » Créature étant ici un terme tout à fait mélioratif. Oui oui. Mine de rien, la jeune femme s’était quelque peu prise d’affection pour la vieille femme. Leur petit jeu n’était qu’un jeu, elle en était certaine. Elle ne savait rien de sa voisine, mais elle ne devait pas être foncièrement mauvaise. C’était surement un jeu pour elle, une façon d’égayer un peu ses longues journées. La pauvre, elle vivait seule. Elle n’avait même pas de chat ! L’australienne se redressa à cette idée. S’ils avaient été dans un dessin animé, une petite ampoule se serait allumée juste au-dessus de sa tête. « Mais oui c’est peut-être ça la solution… Un chat. On pourrait lui offrir un chat. C’est bien les chats, c’est gentil, affectueux, ça peut même être divertissant. Encore mieux qu’un homme. » Scarlett regarda Teddy d’un air rieur, puis pensif, fronçant les sourcils pour faire mine de réfléchir très sérieusement. « Je vais peut-être faire ça tiens. Te remplacer par un chat. » Elle haussa ensuite les épaules, le sourire aux lèvres, plutôt satisfaite de son idée.

Malheureusement, la bonne humeur ambiante s’envola assez vite. Enfin… Il n’y eut pas tout à fait de passage à une mauvaise humeur ou à une ambiance vraiment tendue mais… Scarlett put sentir un changement, et ça ne lui plaisait pas. Le soupir de Teddy la fit se redresser et fit disparaitre son sourire. Elle le regarda se lever sans dire un mot. Il semblait… énervé ? Teddy ? Contre elle ? Ils ne s’étaient jamais disputés. Jamais. C’était surement leur ancienne position de meilleurs amis qui avait permis ça. La jeune femme ne voulait pas que cela change. Leur bonne entente constante était ce qui faisait une des particularités de leur couple. Ils n’étaient pas jaloux, ils ne s’étaient jamais pris la tête pour des choses futiles, tout comme pour des choses importantes d’ailleurs, ils prenaient les décisions… décisives ensemble sans tergiverser pendant des heures, ils étaient efficaces, ils arrivaient toujours à se mettre d’accord sur tout. Enfin, avant… Visiblement, le travail de la jeune femme ne faisait pas partie de ce « tout ». « Quoi ?! Qu’est-ce que tu me joues là, Teddy ? » Elle n’en croyait pas ses oreilles. Arnaquer des gens ? Oui et ? Depuis quand il n’aimait pas ça ? Ils avaient toujours fait ça, tous les deux. Pourquoi est-ce que ça ne le dérangeait que maintenant ? Scarlett le regarda avec un air d’incompréhension. « Non vraiment, faut que tu m’expliques. Depuis quand ça te pose un problème d’arnaquer les gens ? » Elle croisa les bras. Elle ne voulait peut-être pas se disputer avec lui, mais elle n’était pas prête à tomber d’accord non plus. Elle allait se défendre, puis elle aimait son travail, elle n’était pas prête à en changer. C’était marrant, et ça rapportait bien. Ce n’était quand même pas de sa faute si les gens étaient naïfs !

Scar eut un frisson en voyant l’air très sérieux de son mari. « Hey me regarde pas comme ça ! Vu comme tu en parles on dirait que tu vas l’assassiner. Pour récupèrer sa fortune. Je suis sûre qu’elle est super riche mais qu’elle est trop radine pour dépenser un seul centime. Et coup après j’ai peur que tu fasses la même chose avec moi. » Elle fit ensuite mine d’avoir peur, puis se cacha quelques secondes derrière un coussin. Evidemment, elle ne pensait pas un mot de tout cela. Teddy était tellement gentil, adorable… Absolument incapable de faire du mal à une mouche ! « Mon amour, mon étoile, mon soleil ! » Elle exagérait volontairement sur ces petits noms affectueux et avait pris un ton quelque peu théâtral. « Bien sûr que je tiens à nos vies ! Enfin… Surtout à la mienne. Puis comme tu es un homme courageux et fort, tu ne crains rien avec elle. D’autant plus si comme tu le dis, elle a un faible pour toi. Du coup je n’ai pas à avoir peur. » Elle se mit ensuite à battre des cils. Le jeune homme comprendrait ainsi que là encore ce n’était que de la plaisanterie. Pour clore le sujet, elle redevint très sérieuse. Elle prit également un air pensif. « Très sérieusement, loin de moi l’idée de te remplacer, mais je pense qu’on pourrait prendre un chat. Ou chien ! Oh et puis soyons fous, les deux ? » La jeune femme adorait les animaux, et elle ne serait pas contre avoir un animal de compagnie. Ce serait un bon entrainement à être des parents. Si jamais l’idée leur venait un jour. Ils s’étaient fait assez peur la fois où Scar avait cru être tombée enceinte. Ils avaient tous les deux compris qu’ils n’étaient pas prêts et n’avaient pas vraiment besoin de ça.

Le sujet de la conversation avait peu à peu dévié sur le travail de la jeune femme, que Teddy ne semblait plus – ou pas du tout, qui sait, ça n’avait peut-être jamais été le cas – approuver. La conversation allait très bientôt s’envenimer, elle le sentait. Mais elle n’en avait pas envie. Ce n’était pas aujourd’hui qu’ils auraient leur première grosse dispute. Teddy lui tournait le dos. Elle détestait ne pas voir son visage, ne pas pouvoir savoir ce qu’il ressentait, même si elle pouvait aisément le deviner. Quand il se retourna enfin vers elle, elle ne le lâcha pas du regard, le regardant dans les yeux, sans jamais cligner ou avoir envie de détourner la tête. Il semblait regretter d’avoir abordé ce sujet épineux. Qu’il lui demande d’oublier ce qu’il venait de dire était une preuve de ce que la jeune femme pensait : il ne voulait pas non plus engager une dispute et là, il retirait tout ce qu’il avait dit. Seulement, c’était trop tard. Scarlett n’allait pas laisser passer ça. S’il y avait bien une chose de pire que les disputes – même si on disait souvent que celles-ci cimentaient un couple – c’était les non-dits. Et la jeune femme voulait que son mari puisse lui parler aussi ouvertement qu’il le voulait. Après tout ce n’était pas une dictatrice, elle était prête à entendre son point de vue et n’allait pas le faire tuer parce qu’il n’était pas d’accord avec elle. « Teddy…» Elle n’eut pas le temps de continuer qu’il s’en allait vers la cuisine. Elle se leva aussi sec, se « lançant » à sa poursuite. Elle le trouva appuyé contre le comptoir, un verre d’eau à la main. La brune se stoppa dans l’entrée, sans arrêter de regarder Teddy dans les yeux. Elle avait un air triste sur le visage. Triste mais déterminée à en savoir plus. « Non il n’y a pas rien et non je ne laisse pas tomber. Parle-moi, s’il te plait. »