Un café par ci, un cookie par là, un chocolat chaud d'un côté, un milkshake de l'autre... C'était le quotidien d'Aspen au travail. Durant des heures, elle voyait défiler des centaines de clients, tous plus différents les uns que les autres, avec des commandes toutes plus différentes les unes que les autres. Il y en avait des sympathiques mais aussi des plus chiants, des lents et des rapides, des jeunes et des moins jeunes, des personnes de tous âges et de toutes nationalités. Parfois la jeune femme riait intérieurement, d'autres elle soupirait, face à un client indécis ou à la longueur de la queue par exemple. Soit elle prenait les commandes, soit elle les exécutait. Cela dépendait des jours. Elle essayait d'être rapide, mais elle ne pouvait pas faire de miracles, particulièrement quand elle était fatiguée à cause de sa journée de cours. Ce n'était pas Wonder Woman non plus.

Lorsque l'heure de sa pause arriva enfin, elle soupira de bonheur et posa son tablier dans l'arrière boutique. Elle se servit ensuite un café et alla s'installer à une table près de la fenêtre. Aspen était une accro à la caféine. Elle en buvait presque toujours. C'était chaud, bon, et cela lui avait tant de fois sauvé la vie les nuits qu'elle avait passé à travailler. C'est pour ça aussi qu'elle avait choisi de postuler dans un café plutôt que dans un bar ou un fastfood. Ainsi elle pourrait profiter des produits de qualité de Starbucks. Le seul point noir était le contact avec les gens, qu'elle supportait difficilement. Mais il n'existait malheureusement pas de travail où le contact avec les autres n'existait pas. Or, elle avait besoin d'argent, c'est pourquoi elle prenait sur elle chaque jour que dieu faisait.

La jeune femme but une, puis deux gorgées, silencieusement. Elle entourait la tasse des deux mains, pour s'imprégner de la chaleur dégagée par le liquide. Elle jetait des coups d’œils dans toute la pièce, et observait les clients. Intérieurement, elle se moquait de certains. C'est alors que son regard se posa sur une jeune femme, blonde comme elle. Elle était seule mais n'avait pas l'air bien. Aspen fut tout de suite touchée par son malheur apparent. Cependant, elle ne savait pas si elle devait aller la voir, s'imposer à elle pour voir ce qui n'allait pas et comment elle pourrait l'aider. Mais allait-elle seulement accepter de se confier à une inconnue comme ça? N'allait-elle pas l'envoyer balader? Qu'à cela ne tienne, elle but une troisième gorgée de son café comme pour se donner du courage, se leva et se dirigea droit sur la jeune femme. Il ne lui restait que peu de temps de pause, mais tant pis. Elle avait bien le temps pour une bonne action, et si elle pouvait aider quelqu'un à aller mieux et bien... ce serait une première. « Je peux? » demanda t-elle, penchée au dessus de la table, pointant le siège libre. De là où elle se trouvait, elle vit des larmes sur les joues de la demoiselle, ainsi que ses yeux rouges et légèrement gonflés, choses qu'elle ne pouvait pas voir de sa première place. Elle posa son gobelet sur la table, puis reprit, fixant l'inconnue. « Je suis désolée de m'imposer comme ça, et vous pouvez m'envoyer balader ou me dire de partir, je le ferai, mais je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que vous n'alliez pas bien. Je sais qu'on ne se connait pas, mais je ne peux pas rester sans rien faire. Comment puis-je vous aider? »

Avec l’accord de la jeune inconnue, Aspen pris place sur le siège qu’elle pointait jusqu’à présent. Elle s’empara à nouveau de son gobelet, sans toutefois le porter à sa bouche ou cesser de fixer l’inconnue. Elle était surprise d’elle-même. Habituellement, elle n’allait pas spontanément vers les gens, encore moins ceux qui semblaient en détresse. Elle n’aimait pas leur contact, et elle ne sentait pas assez patiente pour écouter leur problème et essayer de les régler ou de les consoler. Elle ne savait pas ce qui s’était passé pour qu’elle en vienne à aller l’aborder de cette façon. Peut-être étaient-ce les pleurs… Ou autre chose… La jeune femme l’avait touchée et elle n’avait pas pu tourner simplement la tête et faire comme si elle n’avait rien vu.

Aspen lui rendit son sourire, résolue à l’aider du mieux possible. Etre aimable ne semblait pas être un effort non plus pour elle, étonnamment. Elle commença par se présenter, avant que la jeune femme en face d’elle ne commence à s’expliquer. « Je m’appelle Aspen. » lui dit-elle d’un sourire franc et sincère. Elle attendait à ce que la jeune blonde se présente aussi.

« Je n’ai, à ce jour, pas encore réussi à faire de miracles… » Avec la médecine, elle cherchait quelque part à atteindre ce but. C’était le domaine dans lequel il y avait quelques manifestations de miracles. « Mais qui sait, peut-être qu’aujourd’hui est le grand jour ? Peut-être que c’est votre jour de chance ? » Elle lui sourit à nouveau puis but une gorgée de café, qui était devenu un peu plus tiède au fil de la conversation. « Je peux essayer en tout cas. » Cependant la jeune femme n’avait toujours pas accepté à ce qu’Aspen reste pour parler avec elle, et celle-ci avait un peu peur de la déranger. Après tout elle s’immisçait dans son intimité, son espace personnel, et elle était tout à fait en droit de l’envoyer balader et de lui dire que ces problèmes ne la regardaient rien. Cependant, Aspen se détendit quand elle fut invitée à rester discuter. Sa pause était définitivement terminée depuis quelques minutes déjà. Tant pis, son patron n’aurait qu’à retenir sur son salaire à la fin du mois, mais elle avait quelque chose de mieux à faire, de plus utile. Ce n’était pas tous les jours qu’elle se sentait d’humeur si généreuse. « Dites moi tout. »