Il n'était pas rare pour Bonnie de passer une bonne partie de ses nuits à l'Awesome. Ce bar/boîte de nuit avait tellement évolué un an et demi. Il n'était au départ qu'un lieu sympa new-yorkais où passer de bonnes soirées entre amis. A présent, c'était un réel lieu de rendez-vous, celui où il fallait être. La jeune femme en avait fait une sorte de QG, plusieurs soirs par semaine elle y retrouvait ses amis. Elle avait sa table attitrée, légèrement reculée de sorte à ne pas être trop dérangé. Ce soir là, elle était seule, assise au bar, à siroter tranquillement un excellent cocktail alcoolisé aux fruits. Elle n'avait pas pour habitude de se rendre misérable chaque soir, mais s'autorisait quand même à deux ou trois verres. Elle qui aimait tellement avoir le contrôle sur tout ne pouvait pas se permettre de le perdre à cause des effets de l'alcool. En revanche, elle savait très bien jouer la comédie et faire semblant de ne plus être tout à fait lucide. D'une certaine façon, c'était un moyen comme un autre de manipuler les autres, en quelque sorte. « Ce siège est libre? » Une voix masculine la tira de sa rêverie. Elle ne prit même pas la peine de tourner la tête et répondit par un « Hmm. » Elle connaissait ce genre d'individu. Le genre de mec solitaire contre son gré qui passait ses soirées à essayer d'attirer l'attention d'une fille. Rien qu'une. Le genre de mec qui se disait grand séducteur alors qu'il n'était en fait qu'un petit joueur. Il commanda une boisson, tandis que Bonnie regardait tout atour d'elle. Partout sauf vers ce gars en fait. Le bar était plein, et elle n'arrivait à distinguer aucune tête connue. Elle soupira, le gars retenta sa chance. « Je peux vous offrir un verre? » La jeune femme continua de fixer droit devant elle. Encore une parole de sa part et elle s'en allait. Elle avait un seuil de patience très bas. « Non. » C'est là qu'elle se tourna pour la première fois vers le gars. Le pauvre, il avait l'air d'un petit chiot perdu au milieu de fauves. Parce qu'il était clair qu'il n'était pas dans son élément. Enfin il ne semblait pas le savoir. Pour savourer sa petite victoire - il ne semblait pas tenter une troisième fois de lui adresser la parole - elle but une petite gorgée de son verre. Mais le repos ne fut que de courte durée. « En tout cas, vous êtes vraiment... » Le pauvre n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Bonnie s'était levée avec son verre, et en avait renversé tout son contenu sur l'entrejambe du pauvre jeune homme. « Comment je dois te faire comprendre que je ne suis pas intéressée? » dit-elle le sourire aux lèvres, avant de partir en direction des toilettes. Elle était à deux doigts de rentrer chez elle. Elle qui pensait s'amuser un peu, retrouver des gens qu'elle connaissait, était déçue. C'était mortel comme soirée. Bon en même temps si elle ne voulait pas rester seule elle avait qu'à rester seule et ne pas s'en remettre au hasard. La jeune brune se recoiffa vite puis sortit. On aurait dit qu'en l'espace quelques minutes, la piste de danse s'était remplie encore plus. Elle essaya de se frayer un chemin parmi les danseurs, non sans mal. Elle bouscula plusieurs personnes mais ne s'excusa pas. Ils n'avaient pas à prendre toute la place. Le pompom fut quand même lorsqu'un abruti lui rentra dedans de plein fouet et la poussa sur une autre personne. Son coude était parti tout seul. « Ah meeeeerde. » Bonnie reconnut tout de suite cette voix qu'elle entendait à longueur de journée. C'était son patron, Lynch. Elle en eut la confirmation quand elle se retourna pour voir son visage. Elle avait apparemment fait se renverser les verres qu'il tenait sur sa chemise. D'un autre côté, s'il n'avait pas été là elle serait tombée... Et elle avait eu son quota de chutes dans la semaine. « Je suis vraiment, terriblement désolée... » La tâche était énorme sur la chemise immaculée de son patron. C'est pourquoi il lui vint une idée assez saugrenue. Elle le prit par la main et l'entrainement sans ménagement dans les toilettes féminins. Elle essaya d'abord de limiter les dégâts en essuyant la tâche avec du papier toilette mouillé. Ce fut vain. Elle eut alors une autre idée. « Donnez moi votre chemise, ça ira surement mieux si je la trempe entièrement. » Elle commenca à remplir le lavabo sans attendre l'accord du jeune homme.

Quand Lynch lui tendit sa chemise, elle s'attarda bien à fixer son torse nu. Pour le plaisir de ses yeux évidemment, elle ne refusait jamais de bonus, et n'était pas du genre à détourner le regard dans de telles situations. Le gêne, elle ne connaissait pas. « Pourquoi? On ne peut pas dire que vous soyez ridicule torse nu. Au contraire. » Elle retourna ensuite vers le lavabo, un sourire au coin des lèvres. Elle voyait bien que son patron était embêté. Pas nécessairement pour la tâche, mais juste qu'une femme lui donne des ordres. Ce n'était pas un macho, mais pas non plus le genre d'homme à se faire dicter sa conduite par une nana, son employée de surcroit. Mais il se laissait faire et la facilité avec laquelle il semblait s’exécuter la surprenait.

La jeune femme avait beau frotter, frotter encore et encore, la tâche ne voulait pas partir. Pire encore, elle s'était élargie, et laissait une couleur douteuse sur la chemise tantôt immaculée. Elle lâcha l'affaire au bout de quelques minutes. « Je suis désolée pour votre chemise, encore une fois. Mais elle est bel et bien foutue. » Elle haussa les épaules. Après tout, il n'avait qu'à regarder où il mettait les pieds. « De toute façon, vu l'argent que vous vous faites chaque jour, ce ne sera pas un souci pour vous d'en trouver une autre semblable. » Après cette réplique, un long silence s'était installé. Un silence... étrange, presque gênant. Presque parce que bourré comme il semblait l'être, Lynch aurait très bien pu se ridiculiser rien qu'en ouvrant la bouche. Mais il était juste là, à côté d'elle, assis sur le lavabo, les pieds se balançant d'avant en arrière. Bonnie le regardait : on aurait dit un grand gamin. L'alcool, sans doute.

D'un coup d'un seul, sans prévenir, ou faire un geste "d'avertissement" au préalable, Lynch la prit par la tête. En l'espace de deux secondes, sans qu'elle n'ait eu le temps de le réaliser, leurs lèvres s'étaient rapprochées et il était entrain de l'embrasser. Il fallut d'ailleurs quelques secondes avant qu'elle ne réagisse et ne le repousse. Après tout, ce n'est pas parce qu'elle n'y était pas préparée qu'elle n'avait pas apprécié. Mais là encore, quelque chose lui disait que c'était plus l'alcool qui avait agit qu'autre chose. Son sourire niais le lui prouva. Quand même, peut-être que ça n'avait servi qu'à le pousser à passer à l'action. Désir inconscient, quelque chose dans le genre... « Eh bien c'était... Inapproprié. » Faux. Evidemment qu'elle ne le pensait pas, mais elle ne pouvait décemment pas faire comme si elle approuvait le geste. « Bon... Je pense que je ne peux plus rien pour vous donc, bonne soirée? Enfin à la limite, je peux vous appeler un taxi pour vous ramener chez vous ou soudoyer quelqu'un pour qu'il vous donne sa chemise. » dit elle pour changer de sujet. Il n'y avait pas grand chose à ajouter sur le baiser. Il n'allait sans doute pas s'en souvenir. Ce n'était même pas sûr qu'il se souvienne de son prénom à cet instant. Bonnie tourna donc les talons et prit la porte..

Ce n'était pas une question qu'il avait honte de son corps, bien au contraire, il se pensait plutôt bien foutu par rapport aux autres PDG de la ville, qui eux étaient vieux et avaient du bide. Mais, c'était super désagréable de se balader avec une chemise mouillée. Ça collait, ça freinait les déplacements, bref, c'était dégueulasse. Puis torse nu... Dans ce genre de bar, c'était quand même mal vu, et jusqu'à preuve du contraire, Lynch n'était pas un gars qui faisait du go go dancing et qui était invité pour une occasion spéciale. Non, c'était un homme d'affaire. Et puis, si il sortait torse nu des toilettes, juste après une femme, les gens se poseraient certainement des questions. Mais bon, ça ne semblait plus tellement le déranger. Il n'avait pas fait attention qu'elle venait de le repousser durant leur baiser. Elle abandonna finalement la chemise dans l'évier. Lynch la prit pour la regarder de plus près. En effet, pour ce qu'il lui restait de véritable conscience, il en concluait qu'elle était bel et bien foutue. Tant pis. C'est vrai qu'il pouvait s'en repayer autant qu'il voulait, mais le mieux ça serait maintenant, et à ce moment précis, il lui était impossible puisque la plupart des magasins étaient fermés. Elle était décidée à partir et le laisser seul ici. Non, Lynch ne voulait pas rester seul. Il jeta la chemise dans l'évier et accouru pour la rejoindre, à l'extérieur des toilettes. « Non, attendez. Me laissez pas seul. » Il se passa la main sur son visage pour tenter de reprendre ses esprits, mais c'était flou. Si il avait été sobre, il n'aurait pas fait tout ça, et il ne ferait pas tout ce qu'il allait faire durant la soirée. Croyez le ou non, mais Lynch aimait beaucoup être dans cet état. Il s'amusait, et ne se posait plus tellement de questions sur ce qu'il faisait, genre si c'était bien ou non. Il faisait, et parfois même ça le lançait dans des délires que surement il n'exécuterait pas lorsqu'il est sobre. Il lui fit un sourire que l'on pourrait qualifier de charmeur. La soirée ne pouvait pas se terminer ainsi, du moins entre eux. Et la jolie blonde qui l'attendait surement ? Il l'avait déjà oublié. « Venez, je vous invite à boire quelque chose. » Non, il n'en avait pas terminé avec l'alcool. Et puis, il voulait aussi lui en faire profiter. Elle hésita légèrement, mais il n'attendit pas sa réponse définitive. Le jeune PDG plaça son bras autour de ses épaules, ne se préoccupant plus d'être torse nu. Il ne se posait même pas la question si un membre du staff de l'Awesome lui ferait une remarque. « Allez, on va bien s'amuser. » Il l'emporta jusqu'au comptoir et lui tira une chaise pour qu'elle puisse s'asseoir. Il s'assit à son tour, tentant de se contrôler. Il n'avait pas le droit d'être en état d'ébriété dans un endroit public de ce genre. La barmaid vint à leur rencontre, ne manquant pas de remarquer la tenue peu vêtue de Lynch. « Un wisky pur et ... » il jeta un regard interrogateur en direction de Bonnie, en attendant une réponse de sa part.

Lynch lui faisait penser à un enfant. Un grand enfant. Notamment à cause de son comportement depuis le début de la soirée : il ne réfléchissais pas à ses actes, agissait donc spontanément, et ne voulait pas rester seul, sans compter son attitude sur le lavabo un peu plus tôt. C'était un peu son boulot, à Bonnie, de s'occuper de lui, de le chouchouter : c'était ce que toute assistante digne de ce nom se devait de faire. Un patron devait se sentir perdu en l'absence de sa secrétaire, sans quoi celle-ci n'était pas douée. « Je vais être payée aussi, pour le temps que je vais passer avec vous ce soir? J'ai connu pire comme heures sup. » La jeune femme se résigna à le suivre. Après tout, tant qu'elle pouvait boire un peu et passer une bonne soirée, peu importe avec qui c'était. Elle n'avait pas énormément d'amis avec qui sortir de toute façon, et se retrouvait souvent embarquée avec de parfaits inconnus pour la nuit. Elle en avait toujours de très bons souvenir. Elle prit tout de même la peine de retirer d'une main le bras de son patron, qu'il venait de placer autour de ses épaules. Ça aussi c'était assez inapproprié, certes moins que le fait qu'il soit toujours torse nu... Ma foi, elle lui avait proposé plusieurs solutions et n'avait acquiescé à aucune. Elle n'allait pas non plus lui faire enfiler un haut de force, comme on faisait avec les bébés. Elle prit place sur la chaise qu'il venait de tirer pour lui. « Tant que vous ne foutez pas la honte, ou que vous ne m'obligez pas à tenir vos cheveux pendant que vous vomissez, et bien je pense qu'on pourra parler de bonne soirée. J'ai une réputation à tenir moi. » Réputation qui n'avait pas l'air de déranger le jeune homme. A agir ainsi, dans un lieu public et bondé de monde, foule principalement constituée d'une éventuelle clientèle, il n'avait guère l'air de se soucier de ses actes et des répercussions que ceux ci pourraient avoir plus tard. En même temps il était jeune, beau, et riche. Que pouvait-il faire d'autre? Il avait raison d'en profiter. « Un cosmopolitan. » dit-elle en regardant la barmaid. Elle espérait juste que cette dernière ne fasse aucune remarque sur la tenue de Lynch, et qu'elle ne les vire pas. C'était sympa comme endroit quand même... Bonnie reporta ensuite son attention sur son jeune patron. « Vous finissez souvent comme ça? Enfin, finissez... Commencez plutôt, la soirée n'en est qu'à son début. En postulant pour vous, je ne pensais pas que vous seriez si 'ingérable' que ça. C'est que ça me fait beaucoup de boulot, si je dois même veiller sur vous sur mon temps libre... Vous êtes déjà accro à moi, c'est ça? »

Bonnie regardait son patron avec de grands yeux ronds. L'alcool ne lui réussissait vraiment pas. Difficile à croire qu'il ait bien vingt cinq ans, comme il venait de le préciser. En fait la journée il paraissait être bien plus âgé, du fait de ses responsabilités et de sa position sociale, notamment. On n'avait pas vraiment l'habitude de voir un si jeune PDG. Mais à côté de ça, son attitude en soirée lui donnait plutôt l'air d'avoir dix-sept ou dix-huit ans. On attendait en général d'un homme de sa position qu'il sache se tenir en soirée, mais avec Lynch c'était tout l'inverse. Au moins il savait profiter de la vie et n'était pas qu'un pingouin avec un balai entre les fesses. « Vous ne voulez peut-être pas être seul, certes, mais vous m'avez choisie moi. Vous auriez pu choisir une autre fille, je pense que ce n'est pas ça qui manque ici. » Elle jeta un coup d’œil circulaire dans la pièce. « Et puis... » Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà leurs deux verres arrivaient. Son patron s'empressa de prendre son verra, Bonnie fit de même. De toute façon ce qu'elle dirait ne servirait à rien, il n'allait pas s'en rappeler dix minutes après. Elle voulait bien entendu faire une allusion à leur baiser. Elle se contenta de lever son verre, de trinquer avec son patron à la Greenwalt Company, et d'en avaler quelques gorgées. Quelle idée de trinquer pour une entreprise concurrente à la sienne... Si elle n'avait pas su tenir debout, ou si elle n'avait même pas été créée, elle n'aurait pas eu à se déguiser en secrétaire. Sur cette pensée, elle but le reste sa boisson d'un seul trait.

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Quelques heures, quelques verres, quelques conversations insensées plus tard, Bonnie était toujours dans le bar, toujours avec Lynch. Elle s'était sentie obligée de rester avec lui, de veiller sur lui en un sens. Elle l'avait laissé boire, tout en faisant attention à ce qu'il ne fasse pas quelque chose qu'il pourrait regretter par la suite. Puis s'il fallait le ramener chez lui, elle ferait. Soit en appelant un taxi, soit en le trainant par terre. Bah oui, elle n'allait quand même pas le porter dans ses bras ou sur son dos. (ceci est une blague.) D'un coup d'un seul, il tenta de se lever. Bonnie ne le vit pas tout de suite, elle était -trop- occupée à regarder le fond de son verre. En même temps il se faisait tard, la boite s'était quelque peu vidée, et elle pensait à son lit. Son grand lit confortable. Quand Lynch manqua de s'étaler de tout son long sur le sol, et de se manger un tabouret au passage, la jeune femme fut obligée de sortir de ses pensées pour l'aider. Elle n'avait pas envie qu'il lui reproche quoi que ce soit le lendemain, si son visage était abîmé. « Wowowow, doucement. » dit elle tout en l'aidant à se remettre droit sur ses jambes. « Faire le moindre mouvement dans votre état n'est pas franchement conseillé. » Mais bon, il n'avait pas l'air de vouloir s'asseoir. Au lieu de ça, il lui demanda de l'accompagner. Il avait envie de prendre l'air, apparemment. Bonnie acquiesça et le suivit. Il ne lui avait pas laissé le choix de toute façon, et elle avait des souvenirs en tête qu'elle n'aimerait revivre pour rien au monde. Ceux d'une fois où elle avait osé contredire un mec bourré. Vraiment bourré. Ça ne s'était pas tellement bien terminé (pour lui.). Bonnie récupéra sa veste au vestiaires, et ils sortirent enfin. Elle tenait Lynch par le bras. Le moins que l'on pouvait dire est qu'ils ne marchaient pas vraiment droit, et que marcher était une tâche bien laborieuse. Ajoutez cela au fait qu'elle n'était pas dans le plus sain des états non plus... Bref, on avait là un sacré cocktail. Elle se mit à rire en entendant sa remarque. Un patron qui couche avec sa secrétaire. On ne pouvait pas faire plus cliché, et pourtant c'était tellement vrai, pour leur grande majorité. Ces propos ne la choquèrent même pas, elle voulait se persuader que c'était l'alcool qui parlait. Puis elle avait pu voir que Lynch n'était pas du genre pudique, alors ce genre de remarque n'était que de la rigolade à côté de son attitude de la soirée. « Vous savez très bien que ça n'arrivera pas. Quant aux verres profitez en, accrochez vous à ce merveilleux souvenir tant que vous voulez parce que c'était la première et la dernière fois. » Ils étaient toujours devant l'Awesome. Lynch repassa son bras autour des épaules de la jeune femme. Il était décidément très tactile avec elle ce soir. . « Qu'on bouge? Et si on rentrait plutôt? Vous avez une réunion importante demain et il serait bon pour vous comme pour moi de se reposer... » De qui se moquait elle? A voir l'état du jeune homme, elle ne se faisait pas d'illusion quant au fait qu'il refuserait de rentrer chez lui.

Bonnie avait vu juste : son très cher patron avait refusé son invitation à rentrer dormir. On aurait dit qu'il croyait que la soirée ne faisait que de commencer, comme si l'alcool lui avait fait perdre toute notion du temps. Pourtant, il faisait de plus en plus clair, et le jour n'allait pas tarder à pointer le bout de son nez. Ces derniers temps, il lui arrivait rarement de terminer une soirée si tard. Quand c'était le cas, elle n'allait pas se coucher du tout. Habituellement, depuis qu'elle avait recommencé à travailler, à cette heure ci soit presque six heures du matin, elle se retrouvait en tête à tête avec son bol de céréales. Elle soupira quand Lynch lui entoura à nouveau les épaules avec son bras. Ce n'était pas pour lui déplaire cela dit, étant donné qu'elle commençait à très froid. Cela était dû à la saison et au temps, mais aussi à la fatigue. Elle regrettait de ne pas avoir sorti son manteau en (fausse) fourrure. Là elle gesticulait tel un asticot tellement le froid la gênait dans sa petite veste, magnifique mais pas chaude pour un sou. « On va où comme ça? » lui demanda t-elle à plusieurs reprises, sans pourtant obtenir ne serait ce qu'un semblant de réponse. Ils continuèrent donc de marcher dans le silence et dans le froid, à la lueur des lampadaires qui bordaient les rues. Elle avait beau vivre à New York depuis quelques années maintenant, elle ne pouvait pas dire où ils se trouvaient exactement et depuis combien de temps ils marchaient. Les pieds de Bonnie étaient devenus pareils à de la purée, et elle grimaçait presque à chaque fois qu'elle posait le pied par terre. Elle avait grand besoin de s'asseoir, mais pour le moment, il n'y avait aucun banc à l'horizon, et elle ne pouvait décemment pas s'asseoir sur le sol. Elle se contenta donc de retirer ses escarpins et de les tenir à la main. C'est alors que Lynch s'arrêta, lui demanda de l'attendre et pénétra dans une épicerie.

La jeune femme était donc là, seule au milieu du trottoir, pieds nus et dans le froid. Elle regrettait en plus d'autres choses de ne pas avoir mis une robe un peu plus longue, ou tout simplement des collants. Elle n'aimait pas attendre sans savoir pourquoi, la patience était loin d'être son fort. Elle avait les bras croisés et pestait intérieurement contre son patron; son clown de patron qui n'agissait pas comme s'il était un homme d'affaires respectable et respecté. Cependant, et elle ne savait pas l'expliquer, elle restait là immobile, et l'attendait. De temps à autres, elle baillait ou se frottait les yeux. La fatigue la gagnait et elle avait grand besoin de carburant. La brune savait ce qu'elle ferait le lendemain en tout cas : elle jouerait à l'ermite et ne sortirait de son appartement sous aucun prétexte. Elle avait beau aimer sortir, parfois il n'y avait rien de tel qu'une journée coocooning pour recharger les batteries. Et elle en avait grandement besoin. En général, et elle espérait que ce soit le cas ici, les supérettes du genre de celles où Lynch était entrait vendaient de l'alcool à toute heure du jour ou de la nuit. Elle espérait que le jeune homme ait eu le bon sens de prendre une ou deux bouteilles. Parce qu'à ce stade là, il n'y avait bien que ça qui pouvait la faire tenir le choc.

« C'est combien pour une heure? » Une voix la sortie de sa torpeur. Elle eut du mal à réaliser d'ailleurs, tant elle était sonnée par le froid et la fatigue. Elle tourna donc vivement la tête pour voir un homme d'un certain âge, dans la cinquantaine dirons-nous, au volant d'une jaguar. Elle pouvait voir qu'il portait un vieil anorak tâché et usé, totalement en contraste avec sa voiture. Au volant d'un tel engin, on s'attendait plutôt à voir un homme classe, riche, en costard. Pas en survêtement piteux. Bonnie n'aurait pas été surprise de trouver un joueur des Lakers sur le siège conducteur, par exemple. Elle ne compris pas tout de suite ce qu'il venait de dire, et dût réfléchir quelques secondes avant de réagir. « Vous vous foutez de moi? » Elle venait juste de percuter. En gros il venait de la prendre pour une péripatéticienne. Inutile de dire qu'elle n'apprécia pas l'allusion. Avec une force semblable à celle du pokemon quand il envoyait ses décharges électriques, elle envoya une de ses chaussures sur la voiture, ce qui eut pour effet de faire fuir cet affreux personnage. « Va te faire connard! » dit-elle en regardant dans la direction de la voiture, qui était déjà loin, et en ramassant son escarpin. Ça avait au moins eu le mérite de l'énerver, et donc de la requinquer un tant soit peu. Nerveuse, elle alla s'appuyer contre le mur en granite de l'immeuble voisin à la petite épicerie. Qu'est ce que son patron pouvait être long! Il sortit enfin. Bonnie fonça droit sur lui. « Alors monsieur le mégalomane, ça vous plait de faire attendre les jeunes demoiselles sans défense comme moi dans le froid? Il aurait pu m'arriver quelque chose de grave, d'ailleurs on vient juste de m'agresser et j'ai dû me défendre seule. Vous n'assurez vraiment pas pour le coup. » Mythomane, Mademoiselle Fitzgerald? Juste un peu. C'est alors que son regard se posa sur la bouteille que le jeune homme tenait. Oubliées ses plaintes, elle s'en empara sans prévenir, un grand sourire sur les lèvres. « Vous voilà pardonné. » Le champagne était sa boisson favorite. Elle aimait le luxe. Puis ce n'était pas trop alcoolisé, et elle adorait les bulles. C'était parfait. Son patron n'était pas si mal finalement. [insérer ici éloge de Lynch].

Il lui proposa ensuite de se rendre à Central Park. Pourquoi pas après tout. Ils avaient fait tout ce chemin, ils pouvaient bien continuer. De toute façon Bonnie avait tellement froid qu'elle ne sentait plus rien, pas même sa douleur aux pieds. Sur le chemin, elle déchiquetait en petites miettes le papier qui recouvrait le bouchon de la bouteille de champagne, qu'elle laissait tomber sur le bitume. Arrivés à un feu, ils patientèrent tous les deux à côté d'une femme. Une femme visiblement bavarde qui s'appliqua leur raconter sa vie sans comprendre qu'ils ne lui prêtaient même pas attention. C'était à propos de chat et de pommes. Allez savoir. Bonnie, juste avant de se mettre avancer quand le feu piéton passa au vert se retourna et lui lança : « Hey la pie on n'en a rien à faire de ta vie, va trouver un autre pigeon à qui la raconter. » Et en plus elle faisait de la poésie. C'était merveilleux de constater qu'elle pouvait encore faire preuve de finesse littéraire dans son état (ou pas.) Ils arrivèrent ensuite enfin dans Central Park. Bonnie se précipita vers le premier banc qu'elle trouva et entraina Lynch dans sa course. Au passage, elle accrocha sa robe dans un arbuste qui trainait par là. Elle n'y prêta pas attention. Elle s'assit sur le banc, forçant Lynch à faire de même. Une fois 'installés' elle tendit la bouteille à Lynch. « Ouvrez la. » Après quoi, elle posa la tête sur l'épaule de son patron et regarda le ciel. Il faisait clair à présent. On pouvait même déjà entendre le gazouillis des oiseaux. Bonnie soupira, encore. « Finalement c'était pas mal comme soirée. Par contre je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit pour le moment, enfin au moins tant que je n'aurais pas bu quelques gouttes de champagne. On fête quoi? » Parce que oui, champagne signifiait forcément quelque chose à fêter.

Ils arrivèrent enfin à Central Park. Durant tout le trajet, Lynch avait été silencieux, laissant échapper un rire ici et là, alors que Bonnie était plutôt... excitée ? Énervée ? Elle semblait avoir la pêche en tout cas. L'alcool et ses effets... magique. Alors qu'il était sur le chemin goudronné, Bonnie décidée, le traina avec rapidité sur un des bancs libres. Il était rare de voir à Central Park un banc libre d'ailleurs. Du moins en pleine après midi. Tôt le matin, ce n'était pas le cas. Il n'y avait jamais personne, sauf des toxicomans, des dealers ou bien des SDF. Triste réalité. Mais là, ils semblaient bel et bien seuls. Assis sur le banc, sous les ordres gestuels de sa secrétaire, il la regardait se battre avec la bouteille de champagne quelques secondes pour ensuite la lui passer. A enfin il allait pouvoir tenir la bouteille qu'il avait payé, mais surtout montrer sa virilité. Ouvrir une bouteille de champagne était un vrai challenge, et Lynch adorait le faire. Le pop qui provenait à l'extrémité était toujours bon signe. Non seulement ça signifiait que c'était réussi, mais aussi que la soirée pouvait continuer car ils allaient pouvoir boire du champagne. Pour la petite anecdote, il était déjà arrivé à Lynch ne se louper dans la manœuvre. Oui, une fois pour un mariage auquel il avait été invité, au moment du pop, le bouchon s'est envolé pour s'écraser violemment sur le visage d'une des demoiselles d'honneur. Autant vous dire que son plan du soir s'était volatilisé. Ahah, pauvre Lynch. Lui qui voulait faire plaisir aux personnes qui l'entouraient à ce moment là. Il prit la bouteille en serrant dans sa main le bouchon de liège. Il priait pour que son incident ne se reproduise pas une nouvelle fois. Ça serait con que Bonnie parte et qu'il se retrouve seul dans le parc. Avec la pression de son pouce droit, l'embout se retira pour atterrir plus loin, et un gros 'pop' retentit. Oui, le jeune PDG avait réussi sa mission. « Je gère. » dit il en levant le poing de la victoire. Bonnie reposa sa tête sur son épaule, ce qui ne le fit pas réagir. Il était bien trop saoule pour remarquer quoi que ce soit. Cependant il trouvait l'ambiance bien trop calme. Non, lui il voulait continuer à faire la fête. Après tout si il l'avait entrainé jusqu'ici, ce n'était pas pour rien. Il n'y avait peut être pas de musique pour l'aider, mais il allait bien trouver quelque chose, et ce même si elle se plaignait de ne plus pouvoir rien faire. « Mmh … je sais pas... attendez. » Il marqua une pause. « Happy birthday to me, happy birthday to me, happy birthday to meeee ♫... » continua t-il en chantonnant la célèbre chanson que l'on chantait lors des anniversaire. Non, ce n'était pas son anniversaire. Mais il s'en foutait. « C'est en avance, mais je nous donne juste une raison de boire cette bouteille. » Puis il mit le goulot sur ses lèvres pour boire quelques gorgées et ensuite filer la bouteille à sa collègue.

Lynch mit donc en œuvre l'ouverture de la bouteille. Si Bonnie ne l'avait pas fait elle-même, parce qu'elle aurait pu après tout, c'était elle qui tenait la bouteille jusqu'à lors, c'était tout simplement parce qu'elle n'avait plus assez de forces pour et parce qu'elle avait peur de blesser quelqu'un. En temps normal elle se débrouillait comme une déesse, mais là, elle n'était pas dans un état correct. Elle retira sa tête de l'épaule du jeune homme et s'écarta le temps qu'il n’exécute la dangereuse opération. On ne sait jamais, le bouchon pouvait très bien attristé malencontreusement dans son oeil ou sur toute autre partie de son corps, et donc lui faire mal. Il n'y aurait rien de tel pour gâcher la bonne soirée qu'ils passaient jusqu'à présent. Bonnie appréciait particulièrement tous ces instants partagés avec le jeune Greenwalt. Ils n'avaient pas prévu de se rencontrer ce soir, encore moins de finir la nuit tous les deux, à Central Park. Tout s'était déroulé dans la spontanéité, et c'était en général ce qui créait les meilleurs souvenirs. Quand Lynch réussit enfin à ôter le bouchon en liège du goulot sans causer quelconques dégâts, il prit un air victorieux et fit le beau, comme à son habitude. Bonnie ne répliqua pas et leva les yeux au ciel, avant de reposer sa tête sur son épaule.

Ils étaient bien tous les deux, dans un silence presque total, assis sur ce banc. Il avait beau faire froid, Bonnie ne le ressentait presque plus. Elle était dans un état second, dû à la fatigue et à l'alcool mélangés. Elle n'avait plus la forcé de se plaindre, juste celle de bailler. Le chemin que prenait la soirée lui plaisait assez. Ils allaient la terminer dans le calme, chastement si on pouvait dire. Ce qui bien entendu n'était pas du genre de son partenaire d'un soir. Lui était du genre à finir au lit avec une fille différente chaque soir. Or avec notre brune, il savait bien que ce ne serait pas le cas, elle s'était appliquée à bien le lui faire comprendre dès le départ. Il y avait certes eu un petit dérapage dans les toilettes plus tôt, mais ce n'était rien en fin de compte, ça ne comptait pas.

C'est alors que Lynch se mit à chanter, brisant ainsi l'ambiance parfaite de la situation. Bonnie soupira, et s'écarta de lui pour de bon. Il chantait mal, et son haleine sentait vraiment trop l'alcool (parce que mine de rien, positionnée comme elle l'était, elle recevait tout, si on peut dire). « Votre anniversaire?! C'est quand? » Bien sûr, elle connaissait la date exacte. Elle connaissait presque tout de lui. Mais elle n'était pas censée savoir tout ça, et il ne devait pas savoir qu'elle le connaissait autant. Ça mettrait en péril son plan. Elle attendit qu'il finisse sa gorgée avant de s'emparer de la bouteille à son tour, de force. « Puis d'abord, il y'a mon anniversaire avant. C'est le 5 décembre, et vous ne pouvez pas être né avant moi. Vous n'avez pas le droit. » dit-elle en le regardant d'un air assassin. Son discours ne rimait plus vraiment à rien. En fait elle ne contrôlait plus vraiment les mots qui sortaient de sa bouche, ni quand ils sortaient. Parfois, dans ces conditions, ses paroles allaient plus vite que ses pensées et elle regrettait ce qu'elle pouvait dire, bien qu'elle ne s'en souvienne pas toujours. Elle porta ensuite la bouteille à ses lèvres et se mit à boire. Elle avait une descente que personne n'aimerait avoir à remonter en vélo. « C'est vraiment délicieux. » Elle reposa ensuite malgré elle sa tête sur l'épaule de son patron, puis ferma les yeux. « On va boire cette bouteille pour MOI. Pas pour vous. » La jeune femme aimait être le centre de l'attention, avoir tous les regards sur elle, être à l'honneur quoi. Elle ne buvait jamais pour en l'honneur de quelqu'un d'autre, c'était un de ses principes. Elle cala ensuite la bouteille, déjà à moitié vidée, entre son coude et son corps, sous sa veste. Comme si la bouteille ne lui appartenait qu'à elle. D'un air malicieux elle s'adressa à Lynch. « Si vous voulez boire encore, vous devrez me passer sur le corps. » Elle haussa les sourcils rapidement. « Enfin en soi ça ne me dérangerait pas, vous êtes loin d'être désagréable physiquement parlant... »

« Le 23.. décembre. » Oui, sur le coup, Lynch avait eu un doute sur sa date d'anniversaire. Le jeune homme ne comprit pas ce qu'il se passait lorsqu'elle lui dégagea la bouteille des mains. « Eeeh. » Bah oui, il voulait encore boire lui. Même si c'était de la piquette. Plus il buvait, plus il avait envie de boire. C'était comme ça, et oui, généralement, il finissait très mal. Imaginez le lendemain de cette soirée, si il réussit à se réveiller. Mais il s'en fichait complètement. Il aimait s'amuser et c'est ce que Bonnie et lui faisaient. Il la laissa protester et leva le doigt, comme si il avait eu une idée brillante. Mais dans le cas présent, c'était surtout pour lui faire part de son bon sens. « Eh bien, si je peux ! Je vais avoir 26 ans, et sauf erreur de ma part, vous en avez moins. » Enfin, c'est ce qu'il pensait et se rappelait. D'après ses souvenir, son CV indiquait quelque chose comme vingt et un ou vingt deux ans. Elle était plus jeune que lui, en somme. Mais il n'allait pas en faire toute une histoire et laisser la demoiselle plus ou moins gagner. De toute façon, c'était couru d'avance pour lui, elle trouverait surement un autre argument pour avoir le « dessus ». « Bien, bien, à votre santé dans ce cas. » Il pouffa légèrement. Son sourire restait sur son visage. Ils étaient bien là. Elle avait sa tête sur son épaule, et ça, il venait juste de le voir. Il ne fit aucune remarque ne voulant pas la faire fuir. Il connaissait les femmes. Lorsque vous lui faites remarquer ce qu'elles sont en train de faire, comme par exemple se reposer sur l'épaule d'un homme, elles arrêtent dans les secondes qui suivent. Comme si elles étaient … vexées. Ce qui est idiot en soit d'ailleurs. Cependant, elle se mit à cacher la bouteille. Ça, Lynch ne pouvait pas le tolérer. Hors de question qu'il ne se contente que d'une seule gorgée de cette bouteille. « Wowowowow. On se calme brunette. Rendez moi la- » Elle lui coupa rapidement la parole. « Si vous voulez boire encore, vous devrez me passer sur le corps. » Il ne fit d'abord aucun rapprochement avec un sous entendu sexuel jusqu'à ce qu'elle le précise; il est vrai que sous cet angle, sa phrase ressemblait à une invitation. Et elle en rajoutait. Lynch était beau, et ça il le savait. Il jouait beaucoup de sa beauté et de son charme. Il ne put s'empêcher de rougir légèrement. Ou bien alors il avait chaud, très chaud. Ça en plus de l'alcool... « Vous êtes pas mal non plus … » répondit il honnêtement. Il se demandait bien comment cette soirée allait finir. Est ce qu'ils allaient coucher ensemble ? Non, ça serait mal. Il restait son patron avant tout. Mais avant de venir ici, il l'avait embrassé, donc peut être que... Il balada sa main jusqu'à la veste de la jeune fille et passa sa main à l'intérieur. Il se mit dans une position plus confortable, et maintenant ils se retrouvaient proche. Très proche. Il chercha la bouteille et une fois trouvée, il mit sa main sur la main de la demoiselle. Ce qu'il voulait c'était .. la bouteille.