Nicholas & Jude

L’Upper East Side. Voila où j’étais en ce moment. Pourquoi ? Je ne le savais pas vraiment. Dison que depuis que j’étais arrivée ici, je n’avais encore pas mis les pieds dans l’Upper East Side. Pour la bonne et simple raison que je n’avais rien à y faire. Mais aujourd’hui, j’avais rendez-vous dans une agence, pour une pub dans un magazine. Une autre que moi aurait été stressée. Mais je me surpris à ne pas l’être particulièrement.
Bien sur il y avait en moi l’angoisse de ne pas être prise et de me retrouver sans un sou, mais j’avais des économies d’avances, et j’avais bon espoir de décrocher cette pub. Autant dire que j’arrivais à gérer la pression, ce dont je me félicitais.
Je me rendais donc à mon rendez-vous, avec entrain, j’avais laissé un mot à Lily disant que je partais à la conquête des magazines new-yorkais. C’était aussi pour elle que je voulais décrocher ce contrat. Je ne voulais pas qu’elle pense que je me contentais de faire de la présence à l’appartement. Bien sur, j’avais assez d’argent pour ne pas travailler pendant quelques temps et payer tout de même ma part du loyer. Mais je ne voulais pas passer pour la fille qui ne faisait rien de ses journées à attendre que tout lui tombe tout chaud au creux de la main.
Arrivée à l’agence, tout ce passa comme d’habitude : j’attendis d’abord avec une vingtaine d’autres filles dans une grande pièce blanche, puis quand ce fut mon tour, je donnais mon book, rempli un questionnaire (âge, taille, poids, couleur cheveux/yeux…) la routine. Puis on me mit face à un objectif, me demanda de faire quelques poses, et me congédia. J’avais passé trois minutes dans le studio, décroché cinq mots maximum avec les personnes présentes, puis j’étais repartie comme j’étais venue.
J’avais l’habitude de tout ça, ça se passait toujours comme ça. Le mannequinat n’était pas réputé pour sa franche camaraderie. Mais je m’en fichais, pour ce qui était de tout ça, j’avais ce qu’il me fallait en dehors du boulot. Je ne faisais pas du mannequinat pour me faire des amies.
Certaines pouvait prendre cette froideur comme un échec, moi je savais que rien n’étais joué, et que même s’ils décidaient de m’engager, ils ne me l’auraient pas dit immédiatement.
Après tout ça, je décidais donc de me rendre au café du coin pour me prendre un chocolat chaud, comme pour me récompenser. C’est comme ça que j’avais atterris, ici, dans ce café de l’Upper East Side. A faire la queue pour un café.
Il y avait encore quatre personnes devant moi, je commençais à perdre patience, je savais pertinemment que la patience n’était pas une de mes qualités. Mais sans doute que le client de derrière moi, qui n’arrêtais pas de me mettre des coups dans le dos, y était pour quelques chose.
Depuis tout à l’heure, il n’arrêtait pas et ça m’exaspérais au plus haut point. Je commençais par rouler les yeux. Puis je soupirais assez fort, en espérant qu’il l’entende, et comprenne qu’il me gênait.
En sentant un nouveau coup dans mon dos, je compris que c’était peine perdue. J’essayais de fixer mes pensées sur autre chose, je regardais donc un grand panneau au dessus de la caisse, qui indiquait ce que l’on pouvait commander. Mais comme je savais déjà ce que je voulais, ça ne m’étais d’aucune utilité.
Je tournais alors la tête vers la baie vitrée et regardais les gens passer ; ils étaient tous pressés, renfrognés. Ça me rappelait mes séjours à Paris, il y avait dans les new-yorkais ce même coté ‘pressés & qui ne regardaient pas autour d’eux’. Moi qui venais d’une petite ville anglaise, j’aimais prendre mon temps, autant dire que j’étais dépaysée.
Un nouveau coup dans le dos. Cette fois, c’était trop. Je me retournais et fis face à un garçon blond, plus grand que moi, mais je ne me dégonflais pas ; il m’avait assez énervée comme ça.
« Ça va aller maintenant ?! Ça fait dix minutes que vous me foutez des coups. Si vous n’êtes pas conscient du monde qui vous entoure, reculez d’un pas, d’accord ?! »

Je n’étais pas d’un naturel très patient, en fait. Je devais bien reconnaitre ça. Et déjà, le fait d’entrer dans ce café et de voir tout le monde qui était devant moi, m’avait un peu énervée. Du genre, je n’avais vraiment pas envie d’attendre pour un café, sérieusement.
Je me maudissais intérieurement de ne pas renoncer et faire demi tour, jusqu’à chez moi. Et je pourrais boire un café tranquillement sur le canapé.
Mais non. J’étais restée, et maintenant je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même si je faisais la queue pendant mille ans, et si je me faisais broyer la colonne vertébrale par le blond derrière moi.
Alors oui, je reconnaissais que j’avais réagis violemment, quitte à carrément agresser ce garçon, mais il subissait malheureusement pour lui les retombés de ma mauvaise humeur et de ma longue attente pour un minable café.
Je suppose qu’il était dans le même état que moi. Qu’il avait eu une mauvaise journée, que cette attente le faisait autant suer que moi. Si bien qu’il rétorqua, et je devais bien avouer que même si j’étais en colère, je dus me retenir de rire. Je pinçais les lèvres pour ne pas perdre en crédibilité. Je savais que ce n’était pas le moment de céder.
Discrètement j’inspirais, pour reprendre contenance.
« Je respire comme je veux d’accord ?! Et je n’ai pas besoin de médocs pour gérer mes humeurs ! »
Je ne pouvais rien ajouter d’autre, puisqu’objectivement, j’aurais dit les mêmes choses que lui. Peut-être pas de la même façon, mais l’intention était là et elle était la même.
Je me demandais si les autres clients qui comme nous faisait la queue, nous regardait. Au moins on faisait le spectacle. Même si ça ne me plaisait pas plus que ça…
Je n’eus pas le temps de rétorquer lorsqu’il me suggéra de prendre sur moi. je restais la bouche ouverte prête à répliquer lorsqu’il se retourna et lança un regard noir à une bande d’adolescents, qui prenaient un malin plaisir à faire plus de bruit qu’un troupeau d’éléphant.
C’était trop : j’étais à deux doigts d’exploser de rire devant cette scène. Mon voisin de derrière, son beau costume à deux milles, son regard noir ; face à un nombre indéterminé d’adolescents rebelles et pitoyablement surs d’eux (alors qu’il n’y avait vraiment pas de quoi), avec leurs looks improbables, que même à New York, je n’aurais jamais pensé voir un jour.
Je mis ma main sur ma bouche pour cacher le sourire qui s’y était installé malgré moi.
Mon voisin me refit face.
« Ohla, quelle prestance ! »
Ce n’était pas de la moquerie (enfin si, mais gentille). Je voulais juste détendre l’atmosphère. Mais la façon dont il me regardait me fit céder. J’explosais de rire.