Juan avait passé sa journée à tourner en rond. Il était en vacances depuis quarante-huit heures – et oui, les représentations théâtrales s’arrêtaient durant quelques jours, histoire de laisser du temps à l’équipe pour souffler – et il s’ennuyait déjà. Il aurait pu aller boire un coup chez Andrea, mais ce dernier était en Nouvelle-Zélande chez sa famille, Ambre était quand à elle à Londres, et il n’arrivait pas à joindre Devon. A croire que tous avaient décidé de s’éloigner de New-York, du moins de lui pour les fêtes. Il avait donc rangé trois fois le placard dans lequel se trouvaient ses vêtements, joué à plusieurs parties de poker sur son Blackberry, zappé cinquante fois devant la télévision, essayé six fois de commencer un livre que lui avait envoyé un ami vénézuélien. Il avait même songé deux fois à aller s’acheter illico presto un billet pour le Venezuela pour aller voir sa famille. Mais Venezuela rimait avec Olivia, donc il s’était ressaisi. Les heures avaient défilé tout doucement, et le soir était vite arrivé. A ce moment là il était dans la salle de bain, et tout en se regardant droit dans la glace, il décida qu’il n’allait pas passer une soirée ennuyante. « Enfin mince, le grand Juan Alvarez ne va pas rester chez lui alors qu’il pourrait s’amuser dehors. » Il sélectionna rapidement les vêtements qu’il allait mettre, un ensemble très classe, comme à chaque fois qu’il sortait. Après un nouveau passage par la salle de bain pour remettre ses cheveux comme il fallait, il attrapa son portable, éteignit les lumières et sortit de son appartement.

Le froid le surprit. C'était la première fois qu'il vivait un hiver aussi froid depuis son arrivée dans la Grosse Pomme. Il ferma quelques boutons de son manteau et se mit à la recherche d'un taxi. Ils étaient nombreux à cette heure-ci, et il n'eut qu'à lever le bras pour qu'un s'arrête juste devant lui. « Au King Cole Bar and Lounge, s'il vous plait. Dans Midtown, sur la... » Il allait continuer mais le chauffeur lui fit comprendre d'un signe de la tête qu'il connaissait. Durant le trajet il en profita pour faire un petit tour sur internet pour réserver son billet d'avion pour Londres. Il devait rejoindre Ambre là-bas, elle lui avait proposé de venir le rejoindre. Il était heureux à l'idée de passer son réveillon là-bas, en compagnie d'Ambre, une jeune femme qui occupait une place importante dans son cœur. Il arriva trente minutes plus tard à destination, et après avoir payé la course, il alla directement vers le videur du bar. Il le connaissait plutôt bien, et ce dernier le laisser entrer avant ceux qui attendaient.

A l'intérieur, il fut ravis de retrouver un peu de chaleur. Il parcourut la vaste salle du regard, pour voir s'il ne remarquait un visage connu, mais apparemment, aucue de ses connaissances n'étaient encore là. Juan alla vers le bar, et remarqua un tabouret libre proche de l'extrémité. Il se trouvait juste à côté d'un tabouret occupé par une jolie blonde -du moins, elle avait l'air jolie de dos. Un léger sourire naquit sur son visage, et il s'approcha, sauf qu'arrivée juste derrière elle, il la reconnut... Naomie. Non, non, non. Il ne l'avait pas trouvée jolie, absolument pas. Néanmoins, il décida de s'asseoir à côté d'elle, tout en lâchant le premier pic de la soirée. « Et bien, moi qui pensais que ce lieu était bien fréquenté, je suis déçu. » Et c'était partit pour une soirée qui s'annonçait mouvementée.

Tandis qu’il attendait la réaction de Naomie, Juan fit signe au serveur. Il lui demanda la même chose que d’habitude, une boisson plutôt forte que le comédien appréciait. Ensuite, il posa son regard sur la blonde, qui n’avait toujours pas répondu. Elle semblait agacée, et cela le fit sourire. C’était sans doute sadique de prendre un tel plaisir à lui lancer des piques, mais à vrai dire, il ne s’en souciait pas vraiment. La réplique de l’actrice arriva en même temps que le verre de Juan. « J’ai sentie ton arrogance depuis la porte. » Il étouffa un rire, cela paraîtrait un peu trop déplacé. « Au moins, tu remarques ma présence, rapidement. Je n’ai plus besoin de me présenter, tu sais déjà que je suis là. Pratique. » Il but une gorgée de sa boisson, tout en ignorant Naomie qui devait rager suite à cette remarque qui avait fusé. Mais à vrai dire, la jeune femme n’était pas en reste. « Mais dis moi, tu n’es pas avec tes prostituées ce soir. » Il fronça les sourcils. Ceci ne lui plaisait pas. Peut-être qu’il était avec une femme différente chaque soir – et encore, c’était exagéré ça – mais elle ignorait tout de son passé, ne savait pas pourquoi il agissait ainsi. Elle allait regretter ses paroles, après tout, la soirée ne faisait que commencer. « Contrairement à toi, je n’ai pas besoin de payer pour que quelqu’un veuille bien venir dans mon lit. De plus, il me semble que ma petite amie est la seule avec qui je sors ces derniers temps. » Légère allusion à sa fausse petite amie, enfin ça, seul lui et la principale intéressée le savaient. Jaelynn Dietz. Il se doutait bien que Naomie était au courant pour cette relation, et il tenait à connaître sa réaction, quand il en parlerait. Il avala une nouvelle gorgée de son verre, et ne fut pas étonné quand la jeune femme en commanda déjà un deuxième. Après tout, vu les photos qu'il avait vu d'elle lors de différentes sorties, elle devait beaucoup boire. Il ne montra même pas son amusement face au nouveau pique, mais s'adressa tout de même au serveur. « Elles disent toutes ça avant de succomber à mon charme. Tant que vous y êtes, amenez lui son troisième en même temps. »

Le serveur sembla un peu amusé et partit chercher la commande. Juan se tourna vers Naomie, bien décidé à la forcer à parler un peu. « Alors, dis moi, tu es venue seule ce soir ? Ton escort boy était déjà pris ? » Puis il regarda autour d'eux, de nombreux groupes d'amis débutaient la soirée en buvant des boissons explosives. Il eu un léger sourire amusé, cela lui rappelait les rares soirées qu'il passait avec Jonah, et celles - plus nombreuses - qu'il passait avec Théodore. Puis il reposa son regard sur Naomie qui avait déjà attaqué son deuxième verre - du fond du coeur il espérait qu'elle tenait bien l'alcool, car il ne voulait pas avoir à la ramener chez elle, pour avoir la conscience tranquille - et lui demanda : « Ou alors, tu comptais peut-être en trouver un sur place. Il paraît que tu apprécies beaucoup les rencontres que tu fais durant tes nombreuses soirées. » Cela leur faisait un point commun, ils enchaînaient les histoires sans lendemain, mais il évita de le présenter. Il ne voulait surtout pas qu'elle pense qu'il s'amusait à chercher des ressemblances entre eux, ou qu'elle s'imagine qu'il était jaloux de ces hommes qui passaient dans son lit.

Juan ne cessait de repenser à la remarque que lui avait fait Naomie, à propos de ses soi-disant prostituées. Il se doutait bien qu’elle avait remarqué son changement d’attitude, le ton qu’il avait employé avait été plus froid, moins amusé. Elle allait sans aucun doute l’attaquer une nouvelle fois sur ce sujet, et il devait se préparer à rester calme. Juan Alvarez ne devait pas montrer ses faiblesses. « Comme si j’en avais quelque chose à faire. Je vous donne une semaine, même pas. Et pour ta gouverne, je n’ai nullement besoin de payer quelqu’un pour coucher avec moi, je suis quand même plus sophistiquée que ça. » Léger sourire du comédien. Une semaine, était-ce donc le maximum de temps qu’il pouvait rester avec une fille. Il regretta de ne pas sortir réellement avec Jaelynn ou avec une autre fille, pour pouvoir la contredire. Evidemment, il pouvait lui dire qu’ils étaient ensemble depuis déjà longtemps, mais il savait que ce n’était pas vrai, alors il n’allait pas en tirer une grande satisfaction. « Une semaine ? A ton avis, je ne peux rester avec une fille qu’une semaine ? » Il marqua une légère pause le temps de finir son verre. « Ca fait déjà trois semaines. Je suis désolé de te l’apprendre. Plus sophistiquée ? C'est-à-dire ? Tu n’as pas besoin d’argent pour les attirer ? Comment fais-tu ? » Petit sourire en coin, il se demandait qu’elle allait être la réponse de la blonde. Il fit signe au serveur de lui amener un autre verre, il allait en avoir besoin lui aussi. Juan fut étonné de la première réponse de la comédienne. « Non, pas ce soir. » Un murmure, elle semblait peinée. Bizarrement, il préféra ne pas rebondir sur cette phrase, alors qu’il aurait certainement pu toucher une corde sensible s’il l’avait fait.

« Et puis tu n’es pas bien placé pour dire ça toi ! Remarque, maintenant que tu sors avec l’autre pouffiasse, c’est fini pour toi ça. Pauvre Juan, va-t-il survivre sans ses 4 femmes par jour ? » Il fronça les sourcils. Certes, il ne sortait pas avec Jaelynn, mais elle restait son amie, et Juan avait beau être insupportable parfois, égoïste même quelques fois, mais envers ses amis, il était loyal. Elle n’avait pas à l’insulter devant lui. Cela l’agaçait même plus que la remarque comme quoi il avait parait-il besoin de quatre femmes par jour. « Insulte Jaelynn autant de fois que tu veux, mais jamais devant moi. » C’était clair & net, il avait dit cela d’une voix froide, différente de celle qu’il avait employé précédemment. Il attrapa son verre que le serveur venait juste de poser devant lui, et en avala la moitié du contenu. « Quatre femmes ? Tu as compté ? Je ne savais pas que tu t’intéressais autant à ma vie…sentimentale. » Sentimentale. C’était un bien grand mot pour résumer les actes de Juan. Lui qui n’avait jamais réellement eut de relation sérieuse et qui n’en aurait certainement jamais –c’est ce qu’il pensait.

Juan s’inquiéta légèrement lorsqu’il vit Naomie pâlir. Il ne manquait plus qu’elle s’évanouisse en plein milieu de ce bar, et on allait croire qu’il avait mis un produit dans sa boisson. Mais évidemment, elle reprit vite contenance, et tout en retrouvant des couleurs, elle lui répondit. « Trois semaines tu dis ? Et bien je comprends maintenant pourquoi tu étais encore plus insupportable que d'habitude ! Elle t'exaspère tellement que tu es obligé de rejeter ta colère sur les autres. » Il retint un léger rire. Décidément, elle ne manquait pas de culot celle là. Il avala une gorgée de son verre avant de répliquer à son tour. « Jaelynn est un amour. Je ne suis pas en colère à cause d’elle, loin de là. Mais… c’est gentil de t’inquiéter pour mon couple. » Il lui fit un léger clin d’œil, de quoi l’agacer fortement, il en était certain. Puis, il fut heureux de voir qu’elle voulait bien relever son défi. Alors, il l’observa faire. Il suivit des yeux ses mouvements, son croisement de jambes, sa main qui passait dans ses cheveux. Et il détourna rapidement le regard, pour qu’elle ne remarque pas qu’il l’observait si attentivement. « Deux trois gestes simples suffisent, comme tu peux le voir. Mais dis moi, le grand Juan Alvarez va-t-t-il me faire le plaisir de m’enseigner à son tour sa tactique de drague. » Le comédien haussa les sourcils, plutôt étonné par la demande de Naomie. Soudain, une idée lui vint, et aussitôt un sourire amusé naquit sur son visage. « Et bien, je n’ai pas réellement une tactique, disons, que je préfère, faire ainsi. » Juan se pencha doucement vers elle après avoir prononcé ces quelques mots. Il posa sa main gauche au niveau du genou gauche de la jeune femme, de son autre main, il effleura les cheveux de la blonde, puis il continua à s’approcher dangereusement d’elle, de son cou. Il sentit au passage son odeur, un parfum fruité et légèrement envoutant qui avait du coûter cher. Il hésita un instant, avant de déposer un baiser au creux de son cou, puis un deuxième, et sous ses lèvres, il sentit la jeune femme réprimer un frisson. Néanmoins, Juan recula rapidement, et reprit tout son sérieux. « Évidemment, je pourrais agiter mes cheveux, mais je doute que ma chevelure soit suffisamment longue. »

Il finit son verre d’un trait, mais n’en commanda pas un nouveau. Il tenait à avoir toute sa tête, déjà qu’il ne comprenait pas pourquoi il avait agit ainsi. A présent, il préférait ne pas prendre de risques. « Ta vie sentimentale ne m'intéresse absolument pas. D'ailleurs, tu peux t'envoyer en l'air avec qui tu veux ! Ce n'est pas moi qui voudrait m'approcher d'un nid de MST d'aussi près .... » Un nid de MST ? Il leva les yeux au ciel, il ne manquait plus que ça. Mais il ne pouvait pas le nier, elle avait de la répartie, bien plus qu'il ne se l'était imaginé, et à vrai dire, il aimait ça. Il n'aimait pas les femmes qui se laissaient marcher sur les pieds. Enfin, il chassa cette remarque de son esprit. Il devait tout d'abord, défendre sa santé. « Un nid de MST ? Charmant. Et bien, prends vite un rendez-vous chez ton médecin. Il me semble que tu as une légère plaque rouge, là où je t'ai embrassé. » Il tendit le bras, pour toucher du bout du doigt la zone à laquelle il pensait. « Juste ici. » Aussitôt, il replia son bras. Il ne fallait quand même pas qu'il la touche trop, c'était un peu trop risqué.

« Il n'empêche que si les producteurs savaient réellement avec qui ils traitaient, tu obtiendrais beaucoup moins de rôle puisqu'ils ne prendraient pas la chance de se voir humiliés par une de tes conneries. » Elle n’avait pas tort, il ne pouvait pas le nier, mais il ne lui dirait certainement pas de vive voix. Serait-il là où il en est si tout le monde savait qu’il avait grandit dans un camp naturiste ? Bonne question. Seuls ses amis proches le savaient, soit, peu de personnes. Il n’en avait pas honte, mais à vrai dire, il ne tenait pas à voir la réaction des américains, des journalistes, des gens du milieu s’ils l’apprenaient. De plus, cela appartenait à une partie de sa vie qui était à présent terminée, il ne vivait pas , et ne vivrait jamais, comme ses parents le faisaient. Serait-il aussi respecté si ses frasques de soirées étaient relatées tous les jours dans les journaux ? Nouvelle question à laquelle il n’espérait obtenir aucune réponse. Mais il avait quelques exemples en poche qui montraient que l’on pouvait être un acteur respecté. « J’obtiendrai peut-être moins de rôles, ou plus, qui sait ? Après tout, parfois, il est plus vendeur d’avoir en tête d’affiche un acteur qui passe ses nuits à sortir, qu’un autre qui est casé depuis ses vingt ans et qui a une vie bien rangée. » Il marqua une brève pause, réfléchissant à ce qu’il venait dire. Certes il avait un peu raison, mais on pouvait le contredire facilement. « Et puis, avoir une vie décousue ne veut pas dire que l’on est pas apprécié par le public. Après tout, regarde James Dean. Avant et même après sa mort, les journalistes ont relaté sa vie privée : il avait de nombreuses relations aussi bien avec des hommes, qu’avec des femmes. Mais est-il moins apprécié ? » Il ne se comparait pas à cet acteur légendaire, il essayait juste de montrer qu’il y avait sans doute pire que lui. C’était plus un moyen pour se rassurer, se convaincre que tout irait bien, que sa carrière n’était pas en danger, que d’essayer de convaincre Naomie. A vrai dire, à cet instant, ce qu’elle pensait de lui, lui importait peu, après tout, elle aussi passait la plupart de ses nuits dans des boîtes, donc bon, elle n'avait rien à lui dire sur ce sujet là.

Ses yeux se fixèrent sur son verre qui était emprisonné entre ses mains. Le silence s’installa entre les deux jeunes gens, un silence pesant que Juan ne voulait pas briser. Il profitait de cette petite trêve pour penser un peu à cette soirée qui était déjà bien avancée. Il ignorait ce qui allait se passer la suite, et il se demandait s’ils allaient rester ici tous les deux, accoudés à ce bar, ou s’ils allaient partir chacun de leur côté, ou encore s’ils allaient aller autre part, toujours tous les deux. Soudain, la blonde parla, pour approuver sa théorie sur ‘pourquoi ces filles voulaient bien coucher avec lui ?’ . « Tu as sans doute raison. » Il arqua un sourcil, c'était sans doute la première fois qu'elle ne le contredisait pas, ou qu'elle ne profitait pas d'une occasion pour lui lancer des piques. « Je crois que je vais commander une bouteille de champagne. » Il rit légèrement après avoir déclaré ceci, et devant l'air étonné de la blonde, il pensa que des explications étaient nécessaires & obligatoires. « Il me semble que c'est la première fois que nous sommes d'accord sur un point. Ça se fête. » Il rit une nouvelle fois. Il était persuadé qu'il allait avoir droit à une réplique cinglante et cassante de Naomie, ça ne serait pas étonnant.

Il fut plutôt content de la voir rire, il s’attendait à ce qu’elle lui lance une phrase coupante et froide, mais heureusement, elle rit. Et il remarqua qu’elle avait un très joli rire, très communicatif. Il se mordit les lèvres pour se retenir de la complimenter là-dessus, enfin, ce n’était pas le moment de baisser les armes devant elle. « Tu sais quoi ? T’as bien raison ! Fais sauter le champagne ! » Juan fit alors signe au serveur avec un grand sourire, et commanda donc une bouteille de champagne, et précisa qu’il fallait le mettre sur sa note. Après tout, il était un parfait gentleman quand il voulait, il n’allait pas laisser Naomie payer pour lui. Puis il ajouta « Il ne faudrait tout de même pas que ça devienne une habitude. » Devant l’air étonné de la blonde, il ne put s’empêcher d’ajouter avec un sourire malicieux « Que tu sois d’accord avec moi. » Le serveur déposa le seau à champagne devant eux, et leur versa à chacun une coupe. Juan en tendit une à Naomie qui l'attrapa puis il prit la sienne. « Et bien, tchin ! » Juan rit une nouvelle fois - décidément ça faisait beaucoup en peu de temps, l'effet de l'alcool ? bonne question - et répondit à sa concurrente « Tchin ! » Leurs verres se rencontrèrent pour laisser entendre un léger tintement, puis se séparèrent. Le comédien observa Naomie boire une gorgée de son verre, à cet instant précis, il ne parvenait pas à la quitter des yeux. Il priait intérieurement pour qu'elle ne remarque pas ce léger détail, mais manque de chance, elle tourna la tête et croisa donc le regard du Vénézuélien qui était posé sur elle depuis un peu trop longtemps. Aussitôt, il tourna la tête vers son propre verre et l'air de rien, il en avala une partie du contenu.

Il devait se ressaisir. C'était un signe ça, quand il commençait à trop regarder une fille en particulier, une fille qui l'attirait - non, non, Naomie ne l'attirait pas, non pas du tout - c'est qu'il ne devait plus boire, sauf s'il tenait à faire n'importe quoi. Il décida de briser le silence, au moins, cela occuperait son esprit de parler avec Naomie. Il fronça légèrement les sourcils quand il lui demanda « Mais dis moi, quelque chose m'échappe. Que faisais-tu ici seule ? Ne me dis pas qu'une aussi jolie fille que toi passe la majorité de ses soirées sans...amis. » C'était trop tard pour se reprendre. Il l'avait dit. Il avait dit qu'elle était "jolie", oh la galère. A cet instant précis, il se trouvait plutôt ridicule. Lui, Juan Alvarez, il ne parvenait pas à se maitriser devant Naomie Shaun. Il sourit en coin en songeant que de nombreux tabloïds payeraient cher pour assister à cette scène.

Évidemment, comme lui, elle pensait que cette trêve n'était que temporaire, dès le lendemain, ils feraient comme s'ils n'avaient pas passé une soirée à peu près agréable ensemble, comme s'ils n'avaient pas rit ensemble. « Ne t'en fais pas, je pense que demain, quand l'alcool se sera complètement dissipé, je reviendrai à mon état normal et je te re percevrai comme arrogant et détestables. » Le clin d'œil qui suivit le perturba un peu, et il évita de la regarder. Il se sentait bien trop faible à cet instant précis, et tout en regardant sa coupe qui malheureusement était encore bien pleine, il se maudit lui-même d'avoir commandé cette bouteille. Qu'est ce qu'il pouvait avoir des idées ridicules parfois. « Profitons de cette soirée alors. Enfin, personnellement, je vais en profiter, car qui sait, peut-être que demain, tu me haïras encore plus. » Il lui sourit légèrement d'un air entendu. Et puis, il sentit dans ses yeux qu'elle avait remarqué son regard trop insistant. Il espérait qu'elle ne ferait pas de remarques à propos de ce moment de faiblesse de sa part, car si elle en faisait une, il ne serait quoi répondre. Déjà que le compliment qu'il n'avait pas sut retenir n'était pas passé inapperçu, ça suffisait. « Jolie tu dis ? Je croyais que tu ne trouvais mon physique qu'acceptable pour les "escort boys" ? » Il se mordit les lèvres, hésitant entre ignorer cette question et répondre. Mais il décida que s'il ne répondait pas, elle insisterait surement et ça serait pire. « Hum. On va dire qu'il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis. Ou alors, on peut dire que ton physique est acceptable pour moi... Mais cela ne fait pas de moi un escort boy. » Il s'embrouillait, et plus il parlait, plus il s'enfonçait. Elle rebondirait sur sa remarque c'était sûr. Elle lui ferait dire ce qu'il n'avait pas dit.

Tandis qu'il attendait sa réponse, il remplit la coupe de la jeune femme. Elle n'était pas complètement vide, mais bon, suffisamment pour qu'il la remplisse à nouveau. Il remplit également la sienne, mais moins que celle de Naomie. Ce n'est qu'en reposant la bouteille dans le seau à champagne qu'il remarqua le malaise de la blonde. Elle avait baissé les yeux, et jouait avec la bague qu'elle avait posée sur le bar. Il arqua un sourcil, cette question l'avait tant déstabilisée que ça ? « Personne n'était libre ce soir. » Elle semblait presque triste, ce qui mit un peu mal à l'aise le comédien. Que pouvait-il donc faire pour relancer leur conversation sur un ton plus enjoué ? Il s'approcha de nouveau sa main d'elle, pour la troisième fois de la soirée, il la passa sous le menton de l'actrice, pour qu'elle relève la tête et qu'il puisse la regarder dans les yeux. « Sincèrement... J'espère que tu es meilleure comédienne dans tes films... Et puis, ne pense pas à ces gens qui n'ont pas voulu passer la soirée avec toi. J'aurai été à leur place, j'aurai annulé mes projets. » Était-il réellement sincère en disant ces quelques mots ? Ou disait-il cela juste pour qu'elle retrouve le sourire ? Hum. Même lui ne le savait pas réellement. Ce qu'il savait c'est que ce nouveau contact avec la jeune femme lui avait donné des frissons.

Il se sentait étrange. Vraiment. Ce n’était pas comme s’il était sous l’influence d’une quelconque substance illicite, ou comme s’il était malade et que la fièvre lui faisait faire n’importe quoi, ou encore, comme si la fatigue l’empêchait de réagir comme habituellement. C’était plus comme si une main invisible appuyait sur son dos, pour le forcer à se rapprocher de la jolie blonde. Et que lui, il faisait tout son possible pour résister. Après tout, que se passerait-il si jamais ils s’embrassaient ? Naomie lui mettrait sans doute une gifle et partirait la tête haute sans se retourner. Et puis, ils feraient tout chacun de leur côté pour oublier ce moment où ils avaient tout deux abaissé leurs défenses. Il était encore en train de faire des scénarios lorsqu’elle lui parla. « Je ne croyais pas devoir le redire un jour mais ... Tu as bien raison ! Pour une fois que j'arrive un peu près à te supporter en plus ... » Il rit une nouvelle fois. Décidément, cela en devenait presque troublant. Cela lui faisait penser aux couples d’amoureux que l’on voit dans les séries ou dans les films, ils sont presque toujours sur la même longueur d’ondes… Enfin là c’était différent, ils n’étaient même pas des amis. Alors comment pouvaient-ils être un couple ? Il fut un peu déçu, car sa gêne ne passa pas inaperçue. Elle rit aux éclats. Au moins il la faisait rire, c’était mieux que de la faire pleurer, autant relativiser dans une telle situation. Il se passa la main droite dans les cheveux, il ne savait plus où se mettre, et intérieurement, il faisait tout pour se convaincre qu’il était parfaitement maître de la situation. « Dis donc Juan, je t’intimide tant que ça ? » Naomie se moquait de lui. Il devait réagir. « M’intimider ? Non pas vraiment…je dirais plus que tu…me troubles un peu. » Le comédien sourit en coin, content de lui, car il avait déjà une réponse toute prête si elle lui posait une question à propos de ce trouble.

Et puis, il lui dit ces quelques mots dignes d'un roman qui avait pour but de lui faire plaisir. Depuis quand voulait-il la faire sourire déjà ? Il chassa vite cette question. Les yeux bleus de Naomie se trouvaient juste en face des siens, bien trop près d'ailleurs. Il se perdait dedans, jamais il n'avait remarqué qu'elle avait un si beau regard. Il remarqua la jeune femme se rapprochait à nouveau. Elle était trop près, non, elle ne devait pas avancer, et lui non plus d'ailleurs. Il était attiré par elle. Elle était un aimant, il était la petite bille en fer. Il se faisait violence pour ne pas céder quelques centimètres, car ces quelques centimètres seraient amplement suffisants pour que leurs lèvres se rencontrent. Heureusement pour lui, Naomie semblait avoir encore un certain contrôle d'elle La comédienne recula brusquement, après avoir déposé un bref baiser sur sa joue. Juan frissonna. « Merci. » Voilà qu'elle le remerciait maintenant, normalement, comme si rien ne s'était passé. Il reprit ses esprits quelques instants pour formuler une réponse. « C'est rien. »

Il reprit une gorgée de champagne, la boisson l'aiderait sans doute à mettre ses idées au clair. Puis il regarda l'actrice qui le regardait. Juan posa alors son verre sur le bar doucement, s'approcha de nouveau d'elle. Il posa sa main gauche sur une des joues de Naomie et tout en la regardant droit dans les yeux, il dit ces quelques mots. « Excuse-moi à l'avance pour ce que je vais faire... » Il n'attendit pas qu'elle réponde pour l'embrasser. Leurs lèvres se rencontrèrent et un frisson parcourut tout le corps du Vénézuelien. C'était comme s'il s'était électrocuté, un picotement le parcourait. Que se passerait-il si jamais ils s’embrassaient ? Il allait avoir sa réponse.