Le retour de Tokyo était censé se dérouler dans les meilleures conditions possibles mais Maureen n’avait pas imaginé une seconde qu’elle serait blessée… et qu’il ne s’agirait pas de davantage qu’une égratignure. Au départ, elle avait voulu faire appeler Sheamus, afin qu’il soit auprès d’elle et qu’elle n’ait donc pas à supporter la chose toute seule, mais s’était finalement ravisée en sachant que l’inquiétude potentielle de l’irlandais risquait de le trahir. Ce n’était pas le moment… elle avait donc gardé le silence, ne mettant au secret le plus entier que son assistant, Dante, chargé de dire au « garde du corps » de sa patronne qu’elle ne rentrerait pas avant quelques jours suite à un impondérable sur place. Le jeune homme avait fait des pieds et des mains pour trouver Sheamus et l’avait finalement déniché chez Shaun, le cousin de sa boss. Nerveusement, il avait frappé à la porte du bateau, interrompant ce qui semblait être une « tea party », et ne se sentant que moins à l’aise encore en constatant la chose. « Je suis chargé par Mademoiselle O’Connor d’un message… elle ne rentrera pas avant quelques jours… » commença-t-il, la voix tremblante, de peur de ne se prendre une balle en pleine tête car il restait un colporteur de mauvaise nouvelle. « En vérité non Mademoiselle O’Connor est rentrée avec trois jours d’avance sur son planning car elle a reçu une balle en pleine poitrine, a passé des heures en chirurgie et est à l’hôpital Lennox Hill !! Ils ne sont pas passé loin mais elle et le bébé vont bien aux dernières nouvelles !! J’étais censé vous mentir mais je n’ai pas envie d’être suicidé alors je préfère dire la vérité !! » Dante fit aussitôt demi tour pour éviter de ne se prendre une droite et retourna aux locaux utilisés par Maureen pour éviter de ne voir sa tête fracassée par nulle autre que la tueuse en personne… bien qu’elle ne soit pas en état de grand-chose. « Même maintenant j’peux pas espérer autre chose que cette horreur ? Merde je suis irlandaise pas anglaise, je bouffe pas de la gelée dégueulasse !! Standing toussa toussa ! » hurla-t-elle avant d’ôter son tube à oxygène qui l’emmerdait plus qu’autre chose.

« Même trahi par ses propres hommes bordel… DANTE VA BOUFFER DU PLOMB DANS LE CUL !! » hurla-t-elle après avoir largement sursauté face à l’arrivée impromptue de Sheamus. Maureen avait tout fait pour qu’il ne soit pas au courant, mais c’était raté : il avait trouvé le moyen d’être au courant et de venir l’emmerder sûrement rien que pour le plaisir. « CHERCHE POURQUOI !! » continua-t-elle sur sa lancée, bien qu’hurler lui fasse un mal de chien à la poitrine. « Discrétion, tu connais ?! Je savais que t’allait débouler ici illico presto alors je m’étais dit que je te raconterai tout une fois revenue à l’appart’. » Pour l’irlandaise, cela lui était apparut comme une excellence solution sur le moment : personne pour l’emmerder, pas de risque d’être stressée outre mesure et tout le loisir pour enguirlander les infirmières se trouvant autour d’elle pour le plaisir de la chose. « Comment il est venu te l’annoncer ce crétin de Dante que je vais dépecer dès que je sors d’ici ?! » Maureen avait besoin de savoir et Sheamus allait lui dire ce qu’elle voulait sinon les conséquences n’en seraient que plus bibliques encore. Son assistant n’avait pas à prendre de décision comme ça, surtout pas alors qu’elle lui avait strictement interdit de dire autre chose que ce qu’elle lui avait appris. Sauf qu’impossible de rester en rogne plus de cinq minutes d’à filée car déjà, son rythme cardiaque s’accélérait et faisait biper de fait le monitoring fœtal à côté d’elle. Maureen brandit donc un cliché de l’échographie, espérant que cette ultime carte calmerait les esprits. « Tu veux voir ton haricot d’irlandais ou tu vas continuer à m’exploser les tympans ? »

Maureen eut un mouvement de recul mais pas parce qu’elle était choquée, disons qu’elle était juste surprise. Comment ça bébé pouvait l’entendre ?! L’irlandaise ne mit pas longtemps avant d’additionner a+b : Shaun était forcément derrière ces conneries étant donné qu’il n’était pas le dernier pour la bassiner elle lorsqu’ils ne s’engueulaient pas purement et simplement. « T’AS GUEULÉ EN PREMIER !! » se défendit-elle car cette fois-ci, elle aurait le point final et basta. Certes, Sheamus n’avait pas tort et c’était injuste qu’elle l’ait écarté ainsi de sa personne mais la piquante blonde le connaissait suffisamment pour savoir qu’il se serait fait un sang d’encre et de façon altruiste, oui car il lui arrivait de l’être, elle avait voulu lui ôter toute inquiétude. « Et tu aurais fait quoi trois jours plus tôt si ce n’est de ronger ce qui te sert encore d’ongles dans la salle d’attente ?! Puis merde t’avais qu’à m’accompagner ! » maugréa Maureen car pendant cette semaine, il lui avait manqué bien plus qu’elle ne se plaisait à le laisser entendre. Certes, l’irlandaise ne lâchait pas le morceau et se moquait bien qu’il ne lui passe le savon de sa vie car elle refusait de décamper de ses positions. « Putain tu veux dire que Dante n’a pas de couilles et qu’en prime, Shaun va me casser les noix avec ma grossesse ? Yihoo tu viens de me donner la meilleure des raisons de jamais sortir d’ici ! Putain déjà que c’est un pète burnes intergalactique celui-là… » Maureen détendit cependant les traits de son visage alors que Sheamus lui avait piqué le cliché, lui arrachant de fait un petit rire amusé parce que comme elle, il partait du principe que c’était un garçon. « Bah quoi ?! Il est pas plus gros qu’un haricot ! Et pour le sexe je sais pas encore mais j’ai décrété que ce serait un mec alors ce sera un mec point barre ! Tu sais à quel point je suis une chieuse quand je veux quelque chose… et putain toi tu déboules, tu cries et même pas tu me donnes un beusou !! BOURREAU ! Je t’ai donné le cliché exprès pour que t’arrête de beugler, tu crois quoi… »

« JE ME TAPAIS PAS DES SUSHIS ! Z’ont pas ton cul musclé » rétorqua-t-elle une fois encore pour avoir le dernier mot, et parce qu’il était impossible qu’ils n’aient pas ce foutu rapport de force. Bah, au lieu d’être dominant et dominé, ils étaient deux dominants et ne le vivaient pas plus mal. Aucun des deux n’était réellement blessé par les paroles de l’autre, du moins Maureen ne le prenait plus au premier degré depuis des lustres. « Pas moi qui décide où sont mes contrats crétin ! » reprit-elle avec plus de violence, cherchant à s’asseoir sur le lit sans pour autant y parvenir tant la douleur était violente. Pourtant, dieu sait à quel point elle n’était pas chochotte mais là, il fallait bien admettre qu’elle avait pris cher dans la poitrine. « Ce sera un mec j’te dis ! J’ai toujours raison même que. Et puis si c’est une fille, tu vas sortir le snipo pour dégommer ses prétendants et si c’est un mec, JE sors le snipo pour dégommer les prétendantes. On forme une bonne équipe, CQFD. Rhaaa et puis la ferme et embrasse-moi ! » grogna-t-elle avant de s’emparer de sa chemise pour approfondir le baiser, marquant ainsi tout le manque qu’elle avait eu de lui en une seule semaine alors que quelques temps plus tôt, cela faisait dix ans qu’ils ne s’étaient pas vus… elle se moquait qu’il la menace ou qu’il soit en colère parce que la finalité restait la même : l’irlandaise était en vie. Mais dans quel état ? Apparemment sa fièvre grimpait en flèche et son front devint rapidement trempé, la forçant à se séparer de Sheamus et à le lâcher tandis qu’elle se rallongeait et fermait les yeux, le visage pâle. « Ce serait quand même bien si on allait à la cabane près de Dublin, hein Shea ? Mes parents sont partis pour la semaine on sera tranquilles… » délira-t-elle sans rouvrir les yeux. La mère de Maureen était morte depuis très longtemps maintenant et ils n’étaient plus en Irlande mais bien aux USA… « Et quand on sera tous les deux majeurs on s’mariera, hein ? »

Un gigantesque pivert gonflé aux stéroïdes semblait avoir élu domicile dans la tête de Maureen, y tonnant un bruit sourd alors qu’elle ne délirait que de plus belle. Sans doute était-ce là ses vrais rêves, aucunement perturbés par quelque tradition pourrie les empêchant d’être ensemble. L’irlandaise avait d’ailleurs un visage extrêmement paisible, chose rare, et souriait face aux réponses de Sheamus. « Oh c’est vrai, toi aussi tu veux te marier ? J’ai dessiné ma robe un an après t’avoir rencontré mais ça tu le sais pas, hein, faut pas que tu le saches… » Maureen continuait de délirer tout en ricanant légèrement, bien loin de s’apercevoir des bombes qu’elle lançait pêle-mêle dans cette conversation qui manquait un tantinet de logique. « On s’en fout de la tradition, on partira loin de l’Irlande toi et moi, n’importe où mais pas ici comme ça mon père nous emmerdera plus jamais… et… » Et l’infirmière rentra justement dans la chambre alors qu’elle allait lancer autre chose, hurlant presque face à la fièvre qu’elle lisait sur le moniteur. Elle ordonna à Sheamus de se pousser pour mieux ordonner à deux autres infirmiers de la soulever. « Il lui faut un bain froid de toute urgence ! » lança-t-elle sans même accorder la plus petite importance à l’irlandais tandis qu’ils embarquaient sa « femme ». Ils ne revinrent qu’une bonne demi-heure plus tard, avec une Maureen grelottante comme jamais mais bien moins délirante ! « J’ai cru que j’allais leur fracasser mon poing sur la gueule, ils m’ont mis dans un bain glacé ces enfoirés !! Aucun respect ! J’entendais O’Malley junior hurler d’ici depuis planète bidon ! »

Maureen n’avait aucunement conscience de ce qu’elle avait bien pu dire, révéler ou bien même d’avoir déliré ne serait-ce qu’une seconde. Elle aurait été bien emmerdée en le sachant, car ce qu’elle avait risqué de révéler ensuite était plus compromettant encore que toutes les autres informations réunies. Mais le plus choquant dans l’histoire, ce fut la réaction de Sheamus à son retour de bain glacé, alors que son corps était encore tout tremblant du corps thermique qu’on lui avait flanqué pour faire baisser la fièvre illico presto. Merde, ils n’étaient pas obligés d’en venir à ce point à la manière forte, pas vrai ?! « C’est quoi ces conneries de frustration ? » demanda aussitôt l’irlandaise avant que son emmerdeur préféré ne la serre tout bonnement dans ses bras, lui offrant à nouveau sa bouillotte personnelle pour la réchauffer. Autant dire qu’elle n’allait pas cracher dans la soupe, loin s’en faut ! « Rhaaa mais j’ai rien dit c’est toi qui m’emmerde à râler ! Tu vas m’expliquer ou faut que j’te torture pour savoir ?! Enfin… après le câlin parce que je me les gèle sévère blague dans le groin » reprit-elle, serrant d’autant plus fortement Sheamus contre elle en poussant un petit gémissement d’aise. Non seulement elle s’apercevait façon uppercut en pleine face qu’il lui avait atrocement manqué, mais en prime il savait faire la bouillotte comme personne et il menaçait de se casser… « Si tu te barres O’Malley, bye bye convention de Genève ! L’autre vieille bique m’a sorti que j’avais déliré, c’est vrai ? Bon en même temps difficile de la croire vu ce qu’elle m’a dit que j’avais sorti… je suis happy que tu n’aies pas été là pour l’entendre, c’était ultra compromettant pour quelqu’un comme moi ! »

Maureen se raidit subitement lorsqu’il lui ordonna de la fermer, avant de n’être tout bonnement ébahie des efforts qu’il faisait désormais pour que sa température remonte. « T’as fumé de la moquette entouré dans du drap sale ma parole !! » s’exclama-t-elle alors qu’il se glissait dans son lit, lui offrant toute sa chaleur corporelle en calant sa peau contre celle de l’irlandaise, encore gelée. Merde, mais il voulait qu’elle devienne fiévreuse ou quoi ? « Tu tournes pas rond O’Malley ! » grogna-t-elle avant de ne se caler quand même contre lui, profitant de la véritable bouillotte personne qu’il représentait non sans fermer les yeux, presque décidée à dormir. Sa température mis un moment avant de ne remonter, à vrai dire. La piquante blonde resta presque une demi-heure sans dire un mot jusqu’à ce que le bip bip du moniteur indiquant elle avait de la fièvre ne s’actionne à nouveau. La tête de Maureen se fit lourde, terriblement lourde alors qu’elle gémissait désagréablement. « J’ai pas envie d’aller au gala de la Mafia à Dublin aujourd’hui… j’ai envie de rester avec toi. Tu seras là hein pour la Saint Valentin ? T’as pas le droit d’y échapper, en plus j’aurais une surprise pour toi ! » Maureen était repartie en mode confession, sans même prendre conscience du boulet de canon qu’elle allait lancer dans pas longtemps. « C’est bientôt le treize novembre, notre anniversaire… » reprit-elle sans même se rendre compte que lors de ce fameux treize novembre, Sheamus n’était pas venu. C’était il y a près de dix ans et Maureen l’avait attendu toute la nuit près du lac, sans même s’en vanter lors de leurs retrouvailles. « J’ai le plus beau des cadeaux… mon paternel a trouvé un remplaçant pour moi à la tête de la Mafia de New York. Il a accepté que j’aime qui je veux… et de t’avoir pour gendre. » Mais Maureen ne lui avait jamais dit pour le coup, et s’était tue puisqu’en désespoir de cause, elle avait tué son remplaçant et accepté sa charge quelques mois après le départ de l’irlandais de leur pays natal commun.

Après avoir vécu un nouveau bain glacé, c’est dans une chambre déserte que Maureen fut reconduite, à son plus grand désespoir. Pourquoi Sheamus était-il donc parti ? La crainte qu’il ne revienne pas lui secoua le cœur jusqu’à ce qu’elle ne finisse par sombrer dans un sommeil qu’elle crut profond, bien que bercé par d’insupportables cauchemars. Ils ne s’apaisèrent d’ailleurs qu’une fois l’irlandais de retour, le son de sa voix grave et suave la ramenant doucement mais sûrement vers la terre ferme en la forçant à ouvrir les yeux. « Qu’est-ce que tu racontes comme conneries encore… » murmura-t-elle, la voix ensommeillée, son esprit ayant bien du mal à additionner a+b ni à se rendre compte de la portée exacte de ses paroles. « Où t’étais parti en prime ?! Tu peux toujours me dire que je dis pas ce qu’il faut quand il faut mais j’me suis fait un sang d’encre, merde !! » grogna-t-elle néanmoins sans hurler, se redressant péniblement dans la pénombre de sa chambre tandis qu’elle cherchait à découvrir son expression actuelle sans y parvenir. Était-il triste, content, en colère ? Cette question la turlupina un instant avant que sa mémoire ne se remette définitivement en route et qu’elle ne se souvienne effectivement de ce qu’elle avait entendu avant de ne vraiment se réveiller en bonne et due forme. « On est pas dans la merde, va… on l’a toujours été plutôt et on s’en est sortis comme des chefs, pas vrai ? T’as bu ou quoi que t’es défaitiste comme ça ? » Maureen n’avait toujours pas conscience de ce qu’elle avait bien pu confier plus tôt dans la journée et même ce qu’elle comprit en dernier ne lui laissa aucunement entendre. « Une minute… tu m’as appelé Maureen O’Malley ?! »

« Pourquoi t’es revenu si c’est pour être aussi agréable qu’une pomme de pain dans le fion ?! » reprit-elle de son côté avec nettement plus de violence, Maureen détestant qu’on ne la prenne en guise de punching ball alors qu’il n’y avait aucune raison apparente. D’ailleurs, elle soupira à plusieurs reprises et ne dégoisa plus un mot, n’essayant même pas d’être douce ou de faire preuve d’inquiétude alors que manifestement, sa plaie à la jambe s’était rouverte. Ce n’est qu’au bout de quelques minutes qu’elle poussa un grognement hautement significatif avant de ne prendre son sac à main dans la table à côté de son lit pour mieux y dénicher son fameux kit qui ne la quittait jamais. « File ta guibole et fais-moi pas chier l’affreux ! » reprit-elle en maugréant tant il lui tapait sur le système quand il beuglait avant d’avoir mal. Elle sortit la partie de son kit qui concernait la suture, notamment une aiguille ainsi que du fil à peau avant de ne pointer sa propre cuisse en s’asseyant douloureusement sur le lit. De toute façon, elle ne lui filerait pas ses ustensiles et savait les manier comme personne alors qu’il ne l’emmerde surtout pas à refuser. « Deux solutions : soit tu me laisses faire et tu évites de morfler, soit tu te démerdes mais de nous deux, celle qui a fait médecine et chirurgie, c’est moi pas toi » avoua-elle avant de ne l’inciter une nouvelle fois à lui filer sa jambe, car après tout, elle l’avait blessé… elle pouvait bien le soigner. « Je suis la reine des sutures, tu sentiras à peine le truc. »

Maureen inséra aussitôt le fil dans le chat de l’aiguille non sans écouter Sheamus se mettre à s’excuser, chose qui la fit à nouveau froncer les sourcils. L’irlandaise n’était décidément pas habituée à ce qu’il ne s’excuse et quelque part, ça ne lui disait rien qui vaille… une chance qu’elle soit capable de dominer ses émotions et qu’elle ne soit pas subitement possédée par l’irrépressible envie de le torturer avec l’aiguille qu’elle avait en main. « T’es au courant que tu mériterais que je te plante l’aiguille dans ta blessure pour te charcuter ? Putain tu peux pas dire les choses normalement au lieu de m’envoyer péter comme le connard que tu es ! » Mais il y avait pire. Non seulement Maureen se rendait compte qu’elle avait déliré mais elle redressa aussitôt un regard marqué d’émotion et de peur face à ce qu’il lui apprenait. Ainsi, elle lui avait lâché ce secret qu’elle gardait jalousement pour elle et qui aurait dû rester caché. « Voilà spécifiquement pourquoi je ne voulais pas que tu sois au courant : ça ne va rien faire de mieux que de foutre la merde, je le savais ! Foutue fièvre à la con ! » grogna-t-elle avant de ne se reconcentrer à nouveau sur ses points de suture, qu’elle faisait avec une douceur qui la surprenait, surtout étant donné les circonstances. Elle aurait rêvé de pouvoir fuir loin, très loin, de dégommer la tête du premier venu afin de ne pas avoir à supporter cette discussion. Mais on n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie… « Ce qui me déglingue le plus c’est que tu me considères toujours comme un petit oisillon tombé du nid. Je sais me défendre O’Malley et j’ai même plus d’expérience que n’importe qui surtout depuis que je dois fermer le caquet de ces machos de clans mafieux à New York ! Tu es au courant que j’ai été entraînée par mon père, et que même à l’époque je pouvais déjà dégommer quiconque m’emmerdait un peu trop ? Je ne sais pas si je dois considérer que tu n’as jamais eu confiance en moi ou… éviter de répondre à ce que tu me dis parce que de toute façon, le passé c’est le passé. » continua-t-elle sans le regarder, les yeux rivés sur la plaie.

La vérité c’est que Maureen ne voulait pas avoir cette conversation justement pour ce qu’elle impliquait. L’irlandaise risquait de finir par avoir des paroles mauvaises qu’elle regretterait à coup sûr une fois prononcées, et pourtant, Sheamus semblait vouloir la pousser jusqu’à ce qu’elle n’explose. Il lui fallut tout son contrôle pour ne pas accéder à sa requête car justement, dix ans avaient passé et qu’ils n’étaient plus réellement les mêmes qu’autre fois. Maureen maudissait sa faiblesse sentimentale d’antan car elle ne lui avait apporté que des désillusions et encore, c’était presque trop doux à dire en comparaison de ce qu’elle avait réellement vécu et ressenti. « Qu’est-ce que tu veux que je te dises ? Que ça me fait une beautiful leg que je sois ton plus grand regret ?! Les regrets ne nourrissent pas, ils ne tiennent pas chaud l’hiver et pire, ils ne consolent pas ! » grogna-t-elle sans pouvoir s’en empêcher alors qu’elle avait exceptionnellement relevé son regard émeraude vers Sheamus afin qu’il sente la force de sa colère si ce n’était pas déjà fait. « J’ai pas envie de hurler ou de t’insulter, d’une parce que je risque de me décoller la plèvre si j’explose vraiment, et de deux parce que tu serais foutu d’en redemander ! Merde O’Malley ça va, c’est du passé !! Tu sais ce que tu veux alors très bien, tu as la possibilité d’arrêter d’agir comme un con, mes félicitations ! Je ne vois pas en quoi le fait que tu sois au courant change quoi que ce soit. J’assume le fait que j’ai explosé la cervelle de celui qui aurait pu être mon remplaçant et que je sois aujourd’hui la femme la plus redoutée de New York. J’ai accepté mon rôle, ça va, pas la peine de pleurer dans les chaumières ! » Maureen termina son dernier point de suture avant de ne passer à un bandage solide et ayant suffisamment de gueule pour qu’il ne se déchire pas immédiatement. « Retourne te faire un jogging et je t’enfonce une des aiguilles à tricoter de Shaun dans la jambe, vu ? »

Bien jolie phrase peut-être mais qui ne consolait pas Maureen, dont Sheamus avait rouvert sans le savoir les blessures les plus profondes. Bah, elle avait beau s’en cacher, toute cette histoire lui avait retourné le cerveau et la secouait aussi assurément qu’au moment où elle l’avait revu dans cette ruelle, habillé en SDF même si cela avait surtout été fait pour créer un nouveau contact avec elle. L’irlandaise n’avait donc aucunement l’intention de dormir, elle ne le pouvait d’ailleurs pas et maudit particulièrement cette foutue machine de merde car son rythme cardiaque avait subitement accéléré, créant un bip désagréable qui dévoila les quelques larmes s’écoulant contre ses joues. Ses traits étaient peut-être impassibles mais ce n’était pas le cas de son âme ou même de ses yeux, dévoilant sa détresse. « Je n’ai pas envie de pioncer surtout pas après cette saloperie de conversation. Pourquoi t’en as parlé, hein ?! » demanda-t-elle avec mauvaise foi tout en essuyant rageusement ses larmes, faisant en sorte qu’elles n’aient jamais existé sur la surface de cette bonne planète. « Si je ne t’ai jamais dit la vérité c’était pour une raison : pour enfouir tout ça, ne plus y penser et ne surtout pas avoir cet amer goût métallique de merde dans la bouche ! Non je ne veux pas dormir, j’en ai marre de pioncer ou qu’on me dit : « mais t’inquiètes pas Mau’, ça ira… » non ça ira pas ! Pourquoi ça irait d’abord ?! » Maureen ne savait même plus ce qu’elle disait et ce fut pourquoi elle marqua une longue pause de plusieurs minutes histoire de reprendre le contrôle, et de ses battements de cœur, et du rythme chaotique de ses pensées. « De toute façon t’as pas intérêt à filer parce que sinon, je ne donne pas cher de ta peau O’Malley, cul bien gaulé ou pas ! Et puis c’était quoi cette connerie de Maureen O’Malley ? Et me sors pas que ta langue a fourché parce que je suis pas d’humeur pour faire de l’humour. »

La femme la plus dangereuse et la plus heureuse ? La donne fit doucement sourire Maureen mais pas de façon moqueuse, bien au contraire : elle n’attendait que ça à vrai dire. Elle aurait voulu d’ailleurs le lui dire mais à la place, elle se retrouva bientôt avec un anneau entre les mains chose qui la poussa à se tourner complètement vers lui pour regarder simultanément le bijou et Sheamus avec émotion. Foutues hormones ! Mais en attendant, elle n’hésita pas une seconde à l’enfiler à son tour autour de son cou, se rendant compte de la longueur de la chaîne et de l’endroit où celle-ci s’arrêtait. « Avoue que t’as toujours voulu qu’il soit bien au chaud entre mes deux seins ! » ironisa-t-elle comme pour tempérer un brin le feu de ses précédentes paroles. « Je t’aime… » murmura-t-elle avant de ne se lover confortablement contre son irlandais préféré, profitant de cette chaleur qu’il lui offrait mais aussi de la protection qu’elle avait l’impression de goûter à ses côtés. Nul besoin de cavaler ou même de chercher à se défendre : ses bras étaient suffisamment puissants et grands pour lui offrir un abri hautement confortable. D’ailleurs, elle dormit du sommeil du juste pendant de très nombreuses heures, ayant l’impression d’avoir été réincarnée en masse jusqu’à ce que son portable ne se mette à vibrer avec insistance. Maureen mit un sacré temps avant de ne s’extirper et des bras de Sheamus, lui offrant une chaleur qu’elle aurait voulu goûter encore et encore, mais aussi de ce sommeil dont elle semblait avoir cruellement besoin. « Mais je t’avais dis que je t’appellerai quand je serai de retour, P’pa. Comment ça il fout la merde ? Et comment ça il veut créer une alliance avec un mariage, c’est quoi ces conneries de merde ?! Attends mais c’est un vieux chnoque qui a déjà sept mômes ! Ouais mais nan. Attends je tiens à mon cul de compétition ! Mais non je suis pas injurieuse, mais tu t’attendais peut-être que je saute de joie parce que tu veux que j’épouse cet anglais, tu te fous de moi ?! C’est ça. Ouais bah quand ton avion arrive, tu me fais signe. C’est ça. » Et c’était la merde.