Abigail essayait désespérément d’entrainer Trevor vers une conversation plus banale et même s’il sembla dans un premier temps la suivre, l’italien ne résista pas bien longtemps. A croire qu’en sa présence, il ne pouvait pas faire autrement. Il DEVAIT jouer le jeu de la séduction, et la provoquer dès qu’il en avait l’occasion pour la faire craquer. Même si à vrai dire, Trevor doutait que leur relation amicale puisse continuer si la jeune femme venait à craquer un jour. Après tout, leur amitié s’était tissée tout entière autour de ce jeu perpétuel, autour de cette tension terriblement agréable qui les animait à chaque fois qu’ils se croisaient. Alors si finalement Trevor parvenait à mettre Abi dans son lit, que leur resterait-il ? Seraient-ils encore capables de se revoir et de partager des moments comme celui qu’ils étaient en train de s’octroyer ? Rien n’était moins sûr, et lorsqu’il y pensait, l’italien en venait à craindre le moment où cela arriverait.

Mais, ne souhaitant pas s’apitoyer de la sorte sur leur sort, Trevor renversa une nouvelle fois le fil de la conversation en la tournant à son avantage… ou presque. « Mais attends... Ça veut dire que ce n'est pas à toi que j'ai envoyé quelques photos de moi, dénudée et prenant des poses suggestives?! » s’écria Abigail lorsque le jeune homme évoqua le faux numéro de téléphone qu’il lui avait potentiellement donné. Feignant une immense déception, Trevor s’affaissa sur sa chaise en se replongeant dans on cocktail, comme s’il boudait à la manière d’un gamin que l’on venait de priver de son jouet préféré. Bien sûr, il ne doutait pas une seule seconde qu’Abigail soit en train de jouer avec lui, et qu’aucune photo de ce type n’avait jamais circulé. Mais il entrait bien volontiers dans son jeu, et se redressa d’un coup en lui dégainant un énième regard évocateur. « Ca fait rien, moi je te vois en vrai ! Ca vaut bien toutes les photos que tu aurais pu m’envoyer hein… » Une fois de plus, Trevor restait on ne peut plus sérieux, sans cesser de caresser la main de la jeune femme qu’il tenait toujours prisonnière dans la sienne. Plus le temps passait et plus son regard s’emplissait de sous-entendus. Et le fait de voir que cela avait effectivement un certain effet sur Abigail n’arrangeait rien, et ne l’encourageait absolument pas à arrêter. Sans la lâcher des yeux, Trevor remonta lentement sa main libre vers le visage de la jeune femme et caressa le coin de ses lèvres du bout du doigt. Après l’avoir débarrassée des quelques grains de sucre qui ornaient le verre et qui s’étaient égarés sur ses lèvres, il esquissa un sourire en coin.  « J’ai bien choisi hm ? C’est mon cocktail préféré… » murmura-t-il en léchant le sucre récupéré au but de son doigt d’un air faussement innocent.

De plus en plus provocateur, Trevor reprenait peu à peu ses marques et ses habitudes de séducteur qu’il réservait principalement à Abigail. Car, aussi étrange que cela puisse paraître, elle était la seule pour qui il se donnait autant de mal, la seule avec qui il insistait autant. Pour d’autres filles, il aurait certainement abandonné bien plus tôt, ou au contraire trouvé un moyen d’arriver à ses fins dans les plus brefs délais. Mais Abi était bien différente de toutes les autres en ce sens-là… Il aimait faire durer le plaisir avec elle, et prolonger ces premiers instants partagés durant lesquels on cherche à se séduire, à attirer l’attention de l’autre. Si bien qu’au final, l’italien n’était même plus certain de vouloir la voir dans son lit. Ne trouverait-il pas plus de plaisir en continuant ce petit jeu qu’en couchant avec elle, signant du même coup la fin de leur relation si particulière ? Rien n’était moins sûr et pour l’heure, Trevor préférait reculer l’échéance même si la jeune femme était clairement désirable, et leur petit jeu de plus en plus insupportable. Car il n’en restait pas moins un homme, et résister de la sorte face à une jolie fille n’était pas spécialement simple pour lui. C’était bien là tout le paradoxe de leur relation et de cette complicité qui s’était créée entre eux. Elle était agréable, mais probablement vouée à s’éteindre le jour où l’un d’entre eux craquerait.

Alors qu’il n’avait définitivement d’yeux que pour elle, Trevor remarqua quelques grains de sucre au coin des lèvres d’Abigail. Prenant cela comme une occasion en or, il s’empressa de les essuyer d’un geste on ne peut plus tendre et de les porter à sa bouche lentement, jouant de tous ses charmes devant une Abi qui ne le quittait plus des yeux. Il put d’ailleurs clairement entrevoir son regard s’arrêter un long moment sur ses lèvres, qui s’étirèrent immédiatement d’un petit sourire satisfait. Mais bien vite, la jeune femme sembla se reprendre… du moins en apparence. L’air de rien elle répondit à sa question concernant le cocktail et se faisant, glissa son pied contre la jambe de l’italien qui sursauta presque, surpris de cette initiative des plus agréables. Il arqua alors un sourcil et la fixa d’un regard interrogateur, alors qu’il profitait de chaque mouvement qu’elle exerçait sur sa jambe. « Pour quelqu’un qui dit ne pas vouloir de moi… tu es un peu trop impatiente il me semble… et entreprenante ! » constata-t-il d’un air rieur. « Je sais bien que je suis irrésistible mais… tout de même ! Un peu de tenue, on est en public là ! » continua l’italien en prenant cette fois un air faussement offusqué. Son regard parcourut ensuite la salle et la vision des quelques clients ivres morts qui restaient encore accoudés au comptoir le fit grimacer. Décidément, à une telle heure de la nuit la ville était vraiment peuplée de gens étranges. Et savoir Abi habillée comme elle l’était au milieu de tous ces énergumènes ne lui inspira absolument rien de rassurant. Prenant alors les devant, il déclara en reprenant un peu son sérieux : « Il vaudrait peut-être mieux ne pas trop tarder ici tu sais… » Et, comme s’il n’était définitivement bon qu’à ça en la présence d’Abi, Trevor réalisa trop tard le double sens de sa suggestion qui lui fit afficher une nouvelle moue des plus sceptiques.

Il commençait réellement à se faire tard et même si Trevor passait un agréable moment, il était bien forcé de penser que le lendemain s’annonçait difficile. Fort heureusement, il ne commençait pas à huit heures du matin et pouvait donc s’autoriser une micro grasse mat’ mais tout de même ! Il se devait aussi d’être frais et dispo pour répondre aux ordres qu’il recevait en cuisine dans les plus brefs délais. Et puis tous ces individus de plus en plus louches autour de lui ne lui inspiraient aucune confiance. Non pas qu’il craigne pour sa propre sécurité (quoi que…) mais cette fois il s’agissait surtout de celle d’Abigail. La rencontre malencontreuse qu’ils avaient faite un peu plus tôt dans la soirée était là pour le lui prouver, sa tenue attirait les regards, et pas seulement ceux des garçons bien intentionnés. Ne souhaitant pas particulièrement être témoin d’un nouvel épisode houleux entre Abi et un saoulard comme ceux qui semblaient de plus en plus s’intéresser à eux dans ce bar, Trevor se résigna à proposer à la jeune femme de rentrer. Bien sûr, cela stoppa immédiatement les agréables mouvements qu’elle venait d’entreprendre avec son pied, au plus grand dam de l’italien qui n’avait pas attendu bien longtemps pour y prendre gout. Mais sa proposition était également une technique pour freiner les choses, et retarder de nouveau l’échéance. Car partis comme ils étaient partis, Trevor ignorait s’il pouvait résister encore longtemps aux provocations de la jeune femme.

« Oui, tu as sans doute raison... Et puis, il commence à se faire vraiment tard alors, il vaudrait mieux que je songe à rentrer chez moi... » déclara la jeune femme après avoir elle aussi sondé la salle du regard. Ravi qu’ils partagent tous les deux le même avis, Trevor termina son cocktail et extirpa de sa poche la somme nécessaire pour payer sa note. Il se redressa ensuite et invita Abigail à le suivre. « On va chercher un taxi, je te raccompagne ! » lança-t-il alors sans vraiment lui laisser l’occasion de protester. Après quelques minutes d’attente dans la nuit de plus en plus glaciale, le jeune homme parvint à haranguer un taxi et laissa Abi s’y engouffrer avant lui, et donner au chauffeur l’adresse à laquelle il devait les déposer. Ou plutôt la déposer. Et alors que le véhicule commençait son chemin vers cette destination, le chauffeur lança plusieurs regards visiblement attendris à travers son rétroviseur central. Puis, voyant que Trevor n’attendait que ça, il se lança : « Dîner romantique, hm ? » Surpris, et pas certain de tout comprendre, Trevor lança un regard rempli d’incompréhension à Abigail avant de réaliser que sa tenue parlait une nouvelle fois pour elle. « Vous allez drôlement bien ensemble tous les deux ! J’espère que vous l’avez demandée en mariage ! » déclara le chauffeur en réorientant son rétroviseur pour mieux y voir Trevor. Laissant échapper un bref éclat de rire, le jeune homme se rapprocha vite d’Abi et l’entoura de ses bras en lançant un regard entendu au chauffeur. Avant que la jeune femme n’ait le temps d’articuler quoi que ce soit, Trevor la coupa : « Bien sûr ! C’est prévu ! Comment pourrai-je ne pas le faire ? Elle est parfaite… » conclut-il en lançant un regard faussement amoureux en direction d’Abi, se mordant l’intérieur de la joue pour ne pas éclater de rire et ainsi tout gâcher.

Alors que Trevor était sur le point d’abandonner les « hostilités » pour ce soir, une occasion inespérée se présenta à lui. Le chauffeur de taxi un peu trop curieux, le coup classique, celui qui le mettait d’ordinaire hors de lui venait de lui sauver la mise et de relancer sans le vouloir le petit jeu auquel Abi et Trevor se prêtaient. En les prenant pour un véritable couple, le chauffeur leur offrait une nouvelle occasion de s’amuser et même si la jeune femme n’avait pas l’air spécialement partante, Trevor n’hésita pas une seule seconde. La devançant lorsqu’il sentit qu’elle allait avouer la vérité, il ne contredit pas leur chauffeur et alla même plus loin en la prenant dans ses bras pour lui démontrer qu’ils formaient bel et bien le couple parfait. L’opportunité était trop belle et aux yeux de l’italien, il était tout bonnement impossible de passer à côté de ça. Visiblement ravi de les voir si proches, le chauffeur leur offrit un large sourire. « Tu dis ça maintenant, parce qu'on est pas encore mariés, chéri... Mais je suis sûre que dans quelques années, tu changeras de disque ! » déclara alors Abigail en entrant finalement une nouvelle fois dan le jeu. Elle posa même sa tête sur l’épaule de Trevor, et ce pour son plus grand bonheur. Le jeune homme était on ne peut plus d’accord avec ce qu’elle venait d’avancer, et dut se faire violence pour ne pas se trahir en abandonnant son rôle d’amoureux transi pour se moquer d’elle. Ne lui laissant de toute façon pas le temps de réagir, le chauffeur enchaina en riant : « Elles disent toutes ça… et elles ont raison !! Mais vous êtes trop jeune pour les prendre au sérieux, vous verrez ça plus tard ! » annonça-t-il fièrement en parlant visiblement de sa propre expérience. Pour toute réponse, Trevor se lova un peu plus contre Abigail et attendit ainsi la fin du trajet sans la lâcher.

Alors que le véhicule s’immobilisait dans la rue où vivait Abigail, Trevor indiqua au chauffeur de l’attendre quelques instants. Suivant la jeune femme à l’extérieur du taxi, il contourna avec elle la voiture puis l’attrapa par la main et l‘attira violemment contre lui. L’italien la fit ensuite basculer, comme dans les plus grands films romantiques, et approcha son visage du sien comme pour l’embrasser. Se cachant néanmoins du regard du chauffeur, le jeune homme se mit alors à rire tout en plongeant ses yeux dans ceux d’Abigail. Tout en la maintenant toujours penchée, il murmura : « Cette fois, j’ai pas le choix. Si il voit qu’on l’a embobiné il ne me ramènera jamais chez moi ! » Puis, s’approchant encore un peu plus près, il déposa innocemment un baiser au coin des lèvres de la jeune femme, sans pour autant aller plus loin histoire de ne pas dépasser les limites de leur petit jeu.

L’occasion était trop belle, et Trevor n’avait donc pas résisté bien longtemps avant de donner raison au chauffeur, prétextant ainsi qu’il était sur le point de se marier avec Abigail. Et contrairement au  petit jeu qu’il menait avec elle depuis leur rencontre, cette plaisanterie-là ne comportait pour lui aucun sous-entendu. Il ne voyait pas cela comme une énième manière de la mettre dans son lit. Non, cette fois, Trevor s’amusait juste de la situation sans aucune arrière pensée. Et le fait de voir la jeune femme se prendre elle aussi au jeu ne fit que le ravir, l’incitant à continuer jusqu’à ce que le chauffeur ne les dépose devant chez elle. Cependant, il assura ses arrières en lui demandant de l’attendre, et sortit finalement le grand jeu, juste sous le regard du chauffeur. Néanmoins, il prit soin de dissimuler leurs deux visages, histoire de ne pas se trahir en ne dévoilant que le timide baiser au coin des lèvres qu’il daigna offrir à Abi. L’italien s’était retenu et après toute la tension qui l’avait animé au cours de cette soirée, il aurait voulu bien plus. Mais ce bref baiser était finalement le seul moyen qu’il avait trouvé pour se séparer de la jeune femme, un baiser plus appuyé lui paraissant bien trop risqué et susceptible de le faire craquer pour de bon. Abigail sembla d’ailleurs rester un peu interdite devant cette initiative ou plutôt : ce manque d’initiative. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, la jeune femme murmura tout de même : « Bon ben voilà, t'es content ? Tu l'as eu ton fameux baiser... » Affichant alors une petite moue sceptique, Trevor haussa les épaules en grognant- : « Moui… si on peut dire… » Non pas qu’il soit insatisfait de ce premier contact, mais l’italien espérait résolument quelque chose de mieux. Il fut d’ailleurs surpris qu’elle ne tente pas de prolonger cet instant, mais ne se formalisa pas et redressa Abigail avant de la lâcher et de s’en éloigner légèrement.

Captant du coin de l’œil le regard attendri du chauffeur, Trevor afficha un large sourire. Visiblement, il jouait plutôt bien la comédie… c’était toujours bon à savoir. « Ce n’est pas mon dernier mot… » déclara-t-il à mi-voix, signalant ainsi que ce pseudo-baiser ne marquait en aucun cas la fin de ce petit jeu qu’ils affectionnaient tant. « Mais il est temps de rentrer maintenant… Il faut que j’y aille. Passe une bonne nuit… » Certes, elle était déjà bien avancée et ils ne pourraient pas dormir plus de quelques heures, mais Trevor voulait simplement être poli. Il retourna ensuite vers le taxi et juste avant de s’y engouffrer, alpagua une dernière fois Abigail en déclarant : « Et… sois prudente. » L’italien lui lança ensuite un regard entendu, et entra dans le taxi qui redémarra aussitôt pour disparaître quelques instants plus tard à l’angle de la rue.