« Je m’ennuie comme un rat mort la gueule ouverte sur le bas-côté de la route » soupirais-je pour la énième fois tandis qu’une de mes amies internes, me jetait un coup d’œil amusé. « Pourquoi tu n’irais pas faire les boutiques ou même un peu de sport, toi qui déteste restée en place » me proposa-t-elle et je lui lançais un regard qui devait dire : mais bien sûr pour que je finisse par faire une fausse couche. C’est alors qu’elle me tendit une plaquette d’information sur un cours d’aquagym pour femmes enceintes. Je soupirais en songeant pourquoi pas ! Je ne perdais rien à y aller après tout ! Voilà comment un lundi soir, je me retrouvais à me changer dans le vestiaire d’une piscine, regardant étrangement le maillot de bain au niveau de mon ventre qui affichait clairement la couleur. En même temps, enceinte de quatre mois et demi, cela commençait à se voir et je trouvais ça de plus en plus marrant. Oui, moi Blodwyn Harper commençait à me sentir bien avec cette histoire de grossesse comme quoi, il ne fallait jamais désespérer. « Bonsoir Blodwyn Harper, je suis enceinte de quatre mois et demi et rien à signaler » marmonnais-je en voyant un attroupement de femmes enceintes. Je me sentais moins seule pour le coup, comme faisant partie intégrante d’un nouveau clan. Je me laissais souplement glisser dans l’eau sautillant pour me déplacer jusqu’à une femme que je ne connaissais pas encore. « Blaithin c’est ça ? Je t’ai entendu te présenter tout à l’heure. En tout cas tu as du courage pour faire de l’aquagym enceinte jusqu’aux yeux » plaisantais-je avec un sourire chaleureux. Je ne sais pas si à sa place, j’aurais eu le courage d’en faire de même car ok, c’est pas avec mes quatre mois et demi que j’allais le sentir passer.

Quelle idée j’avais eu de vouloir faire de l’aquagym car je me sentais tout sauf à ma place mais mon caractère battant m’empêchait de prendre la fuite bien au contraire. Une séance n’allait pas me tuer et puis, c’était toujours agréable de rencontrer d’autres mères seulement, je me demandais si j’allais pouvoir établir un contact facilement. Après tout, c’était l’occasion rêvée de prendre la température voire de demander conseil à des mères bien plus expérimentées que moi. En même temps, même une taupe serait plus à l’aise avec moi concernant tout ce qui avait trait à un bébé. Je ne sais pas pourquoi je jetais mon dévolu sur cette Blathin, peut-être une intuition ou tout simplement qu’elle me paraissait la moins froide du groupe –voilà que même en pensée, je perdais pied. « Vous faites un travail physique ? » demandais-je en fronçant les sourcils car je me posais une simple question, ma curiosité aidant à me montrer plus avenante. « Je suis interne en médecine légale pour ma part du coup, sortir de la morgue pour faire du sport me fait le plus grand bien surtout en ce moment ! » ajoutais-je après un petit temps en ayant la désagréable impression de donner dans le 3615 My life. Rien de bien intéressant pour elle, j’en convenais mais quand j’étais stressée, j’avais tendance à parler plus que de raison –déjà qu’à la base, j’étais une grande bavarde devant l’éternel. « Et c’est votre premier enfant ? » demandais-je soudainement. « En fait, c’est mon premier et je suis un peu stressée. Je ne connais personne dans mon entourage mise à part ma sup..euh sœur mais nous ne sommes pas assez proches pour que j’ose lui demander conseil » avouais-je en pensant à Lyanna. Je pourrais toujours lui poser des questions mais je n’osais pas. C’est fou mais la timidité m’étouffait alors qu’en temps normal, je n’étais pas réservée pour un sou. Bien au contraire. « Au fait, je m’appelle Blodwyn Harper ! » me présentais-je enfin à Blaithin.

Ainsi donc, elle travaillait pour l’armée ? Une profession que j’aurais sans doute aimé exercer si je ne m’étais pas tant passionnée pour la médecine puis récemment pour la médecine légale. J’aimais soigner les gens mais j’avais besoin aussi d’autre chose et au moins, on ne pouvait pas s’attacher à un cadavre –bien que certaines autopsies étaient très difficiles à gérer mais qu’importe ; « C’est sûr que côté horaire, va falloir les adapter mais je vous envie. Vous faites une carrière que j’aurais bien embrassé si la médecine n’avait pas été mon dada et vous savez, c’est comme partout pareil : au départ, ce n’est pas évident et puis au fur et à mesure, vous vous habituez surtout que pour moi, les autopsies, c’est comme lire un livre –bon ok l’image n’est pas bonne ; mais nous passons outre le corps pour chercher ce qu’il s’est passé et cette investigation permet de nous dépasser même si je sais que j’ai encore beaucoup de mal avec les corps d’enfants. Je présume que ça ira mieux avec l’expérience » haussais-je les épaules. « Je ne suis qu’assistante pour le moment alors c’est surtout avec ma supérieure que vous échangerez » lui souriais-je tandis que le maitre-nageur commençait à nous faire faire des étirements dans l’eau afin de préparer nos muscles à l’effort. Ma curiosité aidant, je continuais de converser avec Blaithin, lui demandant entre autre si c’était son premier enfant. « J’espère aussi que tout se passera bien mais vous savez, je me demande si j’ai vraiment la fibre maternelle et ça m’inquiète énormément » soupirais-je espérant qu’elle puisse me comprendre sans me juger. « Enchantée aussi ! » lui souriais-je « Au fait, vous êtes originaire de New York ? » lui posais-je cette question plus pour faire la conversation qu’autre chose. Elle avait un léger accent que je ne parvenais pas à identifier.

Pour beaucoup de mes proches, autopsier un cadavre était quelque chose de puissamment bizarre. Pour ma part, je me sentais pas plus morbide qu’une autre ni même dérangée mentalement. Oh bien sûr, avec l’explosion du nombre de série mettant en lumière cette partie du métier, nous avions une image un peu plus glamour mais les préjugés étaient toujours aussi tenaces. Je m’en plaignais pas car lorsqu’on me draguait dans un bar, le simple fait de dire : je suis médecin légiste –bien que je n’étais encore qu’une simple assistante ; calmait les ardeurs et lorsque cela ne suffisait pas, mon copain se chargeait du reste. « Oui, je crois qu’on risque de se faire punir si on continue à discuter. C’est pire qu’à l’école ma parole » rigolais-je doucement tout en effectuant les mouvements de notre professeur d’aquagym. Décidément, même un bête cours dans une piscine se révélait être un parcours du commando même si je tenais le rythme étant une sportive devant l’éternel. Toutefois, je me serais bien fait quelques footings histoire de décompresser mais je ne pouvais décemment pas mettre la vie de mon bébé en jeu comme à la roulette russe. C’est que je commençais à réellement apprécier cette grossesse bien que cela ne me faisait qu’angoisser pour l’avenir. « Vous avez raison, je m’inquiète pour pas grand-chose mais j’ai tellement envie de bien faire les choses que je me stress toute seule à me monter le bourrichon de la sorte » grimaçais-je mais je crois que mon problème venait du fait que j’avais été abandonnée à la naissance. Oh désormais je savais qui était mon père bien que je ne l’avais pas encore rencontré personnellement mais le fait que ma mère ait pu m’abandonner de la sorte… Je craignais d’être capable de faire de même avec mon enfant. « Ah je savais bien que j’avais perçu un petit accent chez vous ! Je suis Sud-Africaine… Je suis née à Johannesburg » lui répondis-je fière de mes origines africaines avant de soupirer. « En fait, je ne m’entends pas trop bien avec ma famille, enfin ma famille adoptive. J’ai cinq sœurs avec qui je suis en froid et avec mes parents c’est assez compliqué. Je les adore, ils m’ont beaucoup apporté mais le climat est assez tendu à cause de ma vieille tante Mary. Les histoires de famille, vous devez sûrement connaitre » lui demandais-je. « Mais dernièrement je me suis découverte une demi-sœur biologique sans savoir comment le lui annoncer. Je ne sais, je me dis qu’elle a peut-être pas envie de savoir que son père a trompé sa mère et que je suis le fruit de cet adultère » soupirais-je.

« Oui c’est sûr qu’il faut aimer la chaleur mais c’est une ville magnifique » répondis-je avec un énorme sourire comme à chaque fois que j’évoquais ma patrie. Je me fichais bien d’être née d’un père américain et d’une mère de je ne sais quelle nationalité. J’avais été élevée à Johannesburg, j’avais grandis dans cette ville, c’était ma terre, ma patrie, mon univers. Depuis six ans que je vivais à New York, il ne se passait pas un seul jour sans que je ne pense à y retourner mais j’aimais également la grosse pomme. C’était ma ville d’adoption en quelque sorte, là où j’avais rencontré l’amour, l’amitié, bref tout ce qui composait ma vie. Seulement, je m’étais promis qu’un jour, mon enfant connaitre ses racines africaines. C’était impensable pour moi qu’il ne les connaisse pas au même titre que je comptais bien qu’il connaisse celle provenant de son père : l’Irlande. « Mon compagnon est irlandais mais j’avoue que je n’ai jamais visité l’Irlande mais il parait que c’est magnifique aussi » répondis-je avec sincérité. Jayden était l’homme le plus sexy de la planète alors peut-être que les irlandais l’étaient tous pensais-je avec amusement même si je savais que je ne verrais à jamais que lui. Je n’avais de tout de manière aimait qu’un seul homme alors je ne vois pas pourquoi cela changerait du jour au lendemain. « Je préférais le lui dire de vive-voix mais je ne sais pas quelle saura sa réaction. Le docteur Benedict est quelqu’un d’assez spécial et d’assez imprévisible mais je l’estime beaucoup et cela m’ennuierait de devoir couper les ponts avec elle car elle m’a beaucoup apporté professionnellement parlant et je suis certaine qu’au niveau personnel, elle en a tout autant à m’apprendre. Vous avez de la famille vous ? Des frères et sœurs ? » lui demandais-je avec politesse tout en m’approchant du bord pour continuer la conversation.

« Il est vrai que faut aimer les températures assez élevées ! Même après six ans passés à New York, j’en viens toujours à attendre avec impatience la canicule comme celle que nous avons eu cet été. Tout le monde crevait de chaud mais moi, je me sentais comme à la maison. Autant vous dire à quel point, je hais l’hiver, je me suis tout ce qu’il y a de plus frileuse » plaisantais-je sur les températures avant que nous continuâmes à parler de tout et de rien notamment des pays. Elle était irlandaise toute comme Jayden et sa réaction à ma réponse me fit éclater de rire. « Je dois avouer que je peux pas vous contredire, mon Jayden, c’est le meilleur des hommes ! »  répondis-je avec un grand sourire tout en vénérant cette fameuse soirée où il m’avait demandé en mariage. God comme il m’avait surprise avec cette demande car je m’y attendais surtout pas. Après tout, j’avais du galérer comme pas deux pour lui faire entendre raison quant à notre logement respectif alors un mariage ?! Pourtant, je ne pensais pas du tout être du genre à  vouloir bébé, mariage et petite maison dans la prairie mais je voulais qu’on construise une famille. En parlant de ça… « Vous ne vous entendez pas avec votre famille ? » lui demandais-je par curiosité tandis que nous continuâmes les exercices assez soutenus, je devais bien le reconnaitre. « Si c’est le cas, je dois dire bienvenue au club ! Je ne me suis jamais sentie super à l’aise avec le moule dans lequel se sont construites mes sœurs du coup, j’ai toujours été considérée comme le vilain petit canard. Au moins, ma demi-sœur est de la même trempe que moi. Lyanna est comment dire : spéciale dans le bon sens du terme. Vous avez raison, je vais essayer de le lui dire doucement, ça fonctionnera peut-être» répondis-je avant d’enchaîner sur ces paroles« A qui le dites-vous… Vous pensez qu’elles veulent qu’on accouche dans l’eau ? Je ne pensais pas que les cours d’aquagym seraient aussi intenses ! » marmonnais-je et encore, contrairement à Blaithin, je n’en étais pas à un stade aussi avancé de grossesse.


Ps : désolée pour le temps d'attente mais j'ai été malade :'(

« Ah bon ? » fis-je étonnée lorsqu’elle me confia que Lyanna partageait le même prénom que sa cousine. C’était assez marrant tout de même car je m’étais imaginé que c’était tout de même un prénom peu commun, un peu comme le miens. « A tout hasard, elle ne s’appellerait pas Lyanna Benedict ? » tentais-je le coup mais juste pour la frime car je ne m’attendait évidemment pas que ma demi-sœur et sa cousine soit une seule et même personne. Pour le coup, ce serait vraiment marrant. Je rigolais toutefois –mais sans méchanceté aucune ; lorsque Blaithin m’annonça qu’elle allait savourer son lit cette nuit. Je voulais bien la croire car elle était dans un état bien plus avancé que moi au niveau de sa grossesse et on ne ménageait pas le moins du monde nos efforts dans ce cours d’aquagym. « Vous allez partir ? » lui demandais-je essayant de bien comprendre le sens de ses paroles avant de rajouter. « Bien sûr, nous pourrions échanger nos numéros de téléphone et se revoir pour prendre un café. J’en serais ravie » Et je disais la stricte vérité car cela me ferait sincèrement plaisir que de la revoir sans avoir l’air d’une baleine échouée en train de gesticuler dans une piscine. Jayden allait être content que je me lie d’amitié avec une femme enceinte lui qui peinait toujours à me croire quand je lui disais m’intéresser beaucoup plus à ma grossesse. Ce n’était pas de ma faute si je ne sautais pas de joie mais peut-être étais-je tout simplement comme bon nombre de femmes pour qui la grossesse était une corvée mais que le bébé était leur huitième merveille du monde. Je l’espérais du fond du cœur.