Suite à l’accident qui avait failli lui couter la vie, Peter était contraint de se rendre à l’hôpital assez régulièrement. Ces nombreux mois qu’il avait passé dans le coma ne lui avait heureusement laissé aucune séquelle visible, mais le personnel médical avait préféré pouvoir garder un œil sur lui, par simple mesure de précaution. En effet, le cas de l’irlandais était assez particulier pour qu’il nourrisse les cours des nouveaux étudiants en médecine. Pete pouvait clairement se considérer comme un miraculé, et c’est d’ailleurs pour cette raison que ses rendez-vous réguliers à l’hôpital ne lui apparaissaient pas comme une corvée. Même s’il avait été victime d‘un terrible malentendu qui avait finalement plus touché ses proches que lui-même, le jeune restait extrêmement reconnaissant envers ceux qui s’étaient occupés de lui, et lui avaient évité le pire. Et à force d’avoir affaire à eux, Peter avait pour ainsi dire sympathisé avec la plupart des médecins et infirmières fréquentant les différents services par lesquels il était passé. Mais parmi eux, une personne avait tout particulièrement attiré son attention. Et cette personne n’était autre que Lola. En même temps, comment passer à côté de quelqu’un comme elle sans la remarquer ? Dès le premier jour qui avait suivi son « réveil », l’irlandais s’était prit d’affection pour cette fille qui avait su le faire sourire, rire, et oublier les épreuves qu’il avait du surmonter.

Chaque nouveau rendez-vous à l’hôpital était l’occasion pour Pete de rendre visite à celle qui était désormais devenue son amie. Mais lors de la dernière apparition de l’irlandais dans le service où elle travaillait, il lui avait été impossible de mettre la main sur elle. Alors il s’était résigné, et avait quitté l’hôpital en se promettant qu’il irait lui rendre visite directement chez elle. Et à peine quelques heures plus tard, Peter était là, sonnant à plusieurs reprises avant d’enfin entendre du bruit à l’intérieur de l’appartement. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’une Lola en sous-vêtement daigna lui ouvrir la porte ! « Pete ! Ca pour une surbrise ! J't'embrasse pas, hein... Tu veux entrer ? » s’exclama-t-elle en le reconnaissant. Elle avait l’air rudement malade mais… mais elle était surtout en sous-vêtements ! Un peu gêné, Pete détourna immédiatement les yeux, préférant les poser sur l’encadrement de la porte histoire de ne pas la mettre mal à l’aise. Du moins, c’est ce qu’il préféra se dire car en réalité, le plus gêné des deux, c’était très certainement lui ! « Euh je… je te dérange je crois ! Je peux repasser dans... un moment si tu préfères… » Était-elle avec un garçon ? Venait-il de lui ruiner son plan ?! Pete préférait ne pas imaginer quelle boulette il venait encore de faire, et se contenta d’attendre la réaction de la jeune femme, sans pour autant oser reposer ses yeux sur elle étant données les circonstances.

A peine avait-elle ouvert la porte, que Peter avait échafaudé tout un tas de scénarios qui auraient pu expliquer sa tenue… pour le moins légère. A coup sûr, il était arrivé au mauvais moment. Elle devait être avec un homme, et les vêtements qui jonchaient le sol en direction de sa chambre ne laissaient transparaitre aucun doute quant aux activités qu’ils avaient prévues tous les deux. Autant dire que Lola n’avait certainement aucune envie de voir Peter débarquer chez elle. Cependant, elle sembla découvrir presque en même temps que lui son corps dénudé et s’empressa d’attraper un manteau de fourrure pendu à proximité afin de s’y enrouler dedans. « Tu peux regarder... » lâcha-t-elle finalement à l’attention de l’irlandais qui s’autorisa enfin à reposer son regard sur elle.

La façon dont Lola parlait suffisait à prouver qu’elle était dans un état lamentable, et Peter ne put qu’éprouver de la compassion pour elle. Mais même si elle lui conseillait presque de ne pas rester pour éviter d’être contaminé, le jeune homme secoua la tête et avança à l’intérieur de l’appartement. « T’inquiètes pas pour ça va… je prend le risque ! » D’une part, Peter ne comptait pas s’être déplacé pour rien. Mais surtout, il la voyait dans un état tellement pitoyable qu’il n’avait pas le cœur de la laisser toute seule comme ça. Son état semblait d’ailleurs se dégrader à vue d’œil et la jeune femme n’eut même pas le temps de finir sa phrase suivant qu’elle s’effondra littéralement sur le sol. Peter se précipita sur elle, totalement affolé, pour la forcer à tourner la tête vers lui. « LOLA ?! Hey, tu t‘es fait mal ? Qu’est-ce que… qu’est-ce qu’il s’est passé ?! » Délicatement, l’irlandais tenta de redresser un peu son amie histoire qu’elle reprenne ses esprits. Il ne voulait pas la brusquer, mais refusait de la laisser ainsi étalée par terre. Alors il l’attrapa tant bien que mal, et se redressa pour la porter jusqu’au salon qui se trouvait derrière eux, où il la déposa dans son canapé. « Tu ferais mieux de t’habiller ! Tu vas encore plus attraper froid comme ça ! » lâcha-t-il tout en partant à la recherche de tous ses vêtements qui trainaient par terre, bien conscient qu’il lui serait pénible de se lever pour le faire. Quelques instants plus tard, Peter tendit ses affaires à son amie tout en soupirant en croisant ses yeux gonflés de fatigue. « Est-ce que tu t’es soignée au moins ? »

Si au premier abord, Peter avait sincèrement hésité à rester, il était désormais persuadé qu’il n’allait pas rentrer chez lui de si tôt ! Aux vues de l’état de son amie, il ne pouvait clairement pas la laisser seule. Un peu comme s’il avait aujourd’hui l’occasion de lui rendre la pareille, l’irlandais se devait de s’occuper d’elle, au moins aussi bien que ce qu’elle s’était occupé de lui durant son long séjour à l’hôpital. Malgré (ou grâce à) son côté déjanté, Lola avait toujours été la petite préférée de Peter, celle qui parvenait à le faire rire et sourire alors qu’a priori, il n’avait aucune bonne raison de le faire. Néanmoins, l’inquiétude qu’avait suscité la chute de la jeune femme avait vite prit le dessus, et Pete avait un peu de mal à se détendre et à trouver la marche à suivre pour l’aider au mieux. Dans un premier temps, il s’occupa donc de ses vêtements en les rassemblant pour les lui passer. Mais le simple fait d’enfiler son pull sembla constituer une épreuve quasi-insurmontable pour Lola qui se débattit pendant plusieurs minutes sous le regard à la fois désolé et impuissant du jeune homme.

Encore empêtrée dans son pull qu’elle n’avait pas réussi à enfiler complètement, Lola se laissa tomber dans le canapé en tremblotant. Peter porta alors sa main jusqu’à son front, qu’il trouva littéralement brulant. Elle devait être fiévreuse, et cela expliquait certainement tous les non-sens qu’elle venait de déblatérer et qui l’avaient tout d’abord fait grimacer, avant qu’il ne comprenne qu’il ne devait pas trop y prêter attention. L’irlandais replaça un peu le pull de la jeune femme sur ses bras nus, puis se leva et déclara en quittant le salon : « Bon… reste ici. Tu dois bien avoir quelques médicaments dans ton armoire à pharmacie, non ? » Peter n’attendit même pas sa réponse et se dirigea tout droit vers la salle de bain, pour commencer à fouiller dans l’armoire en question. Mais comme pour ne pas rompre le contact, il continua à lui parler en braillant d’une pièce à l’autre pour qu’elle l’entende : « Tu sais, on ferait mieux d’appeler un médecin ! Tu as vu dans quel état tu es ?! Tu ne devrais pas rester comme ça… » Tombant sur un tube d’aspirine, le jeune homme regagna la cuisine, puis le salon armé d’un verre d’eau dans lequel fondait un cachet effervescent. Ce n’était certainement pas le traitement idéal, mais Peter espérait qu’il l’aide au moins à se sentir un peu mieux, et à retrouver ses esprits. Après avoir posé le verre sur la table, Peter se débarrassa enfin de son blouson, et trouva même judicieux de le déposer sur les pieds glacés de son amie. Lorsque le cachet fut totalement fondu, il s’approcha de Lola pou l’inciter à se redresser un peu. « Tiens… bois ça, ça te fera du bien. » Ce n’est qu’après ça qu’il s’autorisa à sourire un peu en regardant le « spectacle » que la jeune femme lui offrait. « Où est-ce que tu as attrapé ça ? Tu as vraiment une sale tête… » constata-t-il non sans une certaine ironie.

Bien que l’attitude de Lola le fasse sourire, Pete n’en était pas moins inquiet pour elle. Lui qui la connaissait si enjouée et agitée en temps normal, se retrouvait aujourd’hui en face d’une véritable loque qui n’avait plus grand-chose à voir avec son amie. Et puis, elle était tout de même tombée dans les pommes juste devant lui quelques instants plus tôt ! Alors, même s’il ne connaissait pas grand-chose à la médecine, et même si la situation paraissait un peu paradoxale, l’irlandais décida de prendre les choses en main. Après avoir fouillé quelques instants dans l’armoire à pharmacie, il prépara un cachet, tout comme il aurait pu le faire s’il avait lui-même été malade. Et même si Lola parut un peu réticente au début, elle avala finalement le breuvage en grimaçant. Alors que Peter tentait de la pousser à faire appel à un vrai médecin, la jeune femme refusa catégoriquement, prétextant qu’il serait honteux pour elle d’en arriver là. En l’entendant, il secoua la tête et protesta, même s’il savait pertinemment que la faire changer d’avis était peine perdue. « Ca n’a rien à voir Lola ! Et puis je ne vois pas ce qu’il y a de honteux là-dedans… tu n’as pas fait exprès de tomber malade hein ! Il n’y a pas de raisons que ça ne t’arrive jamais ! Je ne vais pas te forcer mais… tu devrais vraiment appeler quelqu’un si ça ne va pas mieux… » tenta-t-il quand même, au cas où contre toute attente, elle finirait par se résigner.

« Et toi, t'étais venu pour quelque chose ? Si c'est pour une consultation, Docteur Lola est fermée aujourd'hui... » murmura Lola en refermant les yeux, tout en s’enfonçant un peu plus dans le canapé. Pendant quelques instants, Peter la regarda avec un léger sourire aux lèvres avant de se relever de la table basse sur laquelle il s’était installé. « Bin… je passai simplement te dire bonjour… Je suis passé à l’hôpital l’autre fois, pour mon rendez-vous comme d’habitude. Mais impossible de te trouver là-bas ! Tu devais avoir du boulot… Alors j’ai abandonné, et je me suis dis que j’allai venir directement chez toi pour être sûr de te voir ! » raconta-t-il tout en s’asseyant dans le canapé, à l’endroit où les jambes de Lola étaient censées être, mais où elle n’avait visiblement pas eu le courage de les hisser. « Du coup… je crois qu’on va faire l’inverse cette fois… Docteur Peter prend le relai ! » annonça-t-il presque fièrement, sans pour autant se prendre au sérieux. « Dis-moi si tu as besoin de quoi que ce soit ok ? Je vais rester un peu avec toi, je m’en voudrai de te laisser agoniser toute seule… » Bien sûr, Peter prenait le risque d’être contaminé mais il n’en avait clairement rien à faire. Lola avait tellement fait pour lui quand il en avait eu besoin qu’il trouvait tout à fait normal de rester avec elle, et de lui apporter à sa manière un petit peu d’aide. « Tu n’es pas censée travailler demain j’espère ? Parce que là par contre, je ne pourrai pas prendre le relai ! »

Si elle n’avait pas eu l’air aussi abattue, Peter aurait bien volontiers ri de la situation. D’ailleurs, il ne doutait pas que cet épisode resterait gravé dans sa mémoire, et lui servirait à taquiner Lola pendant encore longtemps. Lorsqu’elle était malade (encore plus que lorsqu’elle ne l’était pas), la jeune femme agissait comme un véritable enfant, allant de caprices en ronchonnements, avec une mine de petit chiot abandonné à laquelle personne ou presque ne saurait résister. Cela étant, Peter s’estimait heureux que la maladie la rende plus adorable qu’insupportable, comme l’étaient certaines personnes dans ces cas-là. Alors, c’est sans rechigner qu’il se proposa de rester auprès d’elle une bonne partie de la journée, histoire de répondre à ses moindres désirs et ses moindres besoins. En réalité il ne lui laissa pas vraiment le choix, mais fut ravi qu’elle ne lui oppose aucune sorte de résistance. Au contraire, la jeune femme manifesta son enthousiasme en levant le pouce, et en lâchant un : « Peter le meilleur ! You da best ! » d’une voix qui à elle seule suffisait à appréhender l’état dans lequel elle se trouvait.

S’installant à ses côtés dans le canapé, l’irlandais entreprit alors de lui faire la conversation, en commençant par un sujet dont il savait qu’il lui tenait particulièrement à cœur : l’hôpital. Et la réaction de Lola ne se fit pas attendre bien longtemps. Elle rouvrit brusquement les yeux en tentant de se redresser, initiative qu’elle abandonna bien vite en sanglotant. « Mon portable est dans ma chaaaaaambre... » Peter mis un petit temps avant de comprendre où elle voulait en venir, mais la jeune femme daigna finalement lui expliquer qu’elle comptait appeler sa collègue pour lui demander de la remplacer. Au moment où il se leva pour aller chercher le téléphone en question, Lola se laissa retomber dans le canapé et se cogna au passage la tête contre l’accoudoir, ce qui eut pour effet de faire grimacer, puis sourire l’irlandais. Après avoir fouillé la pièce des yeux pendant quelques instants, Pete localisa le téléphone sur la table de nuit et s’en empara pour l’apporter à sa propriétaire. Tout en se dirigeant vers le salon, il fit défiler les noms de son répertoire avant d’arriver sur une certaine Hazel, qui était probablement celle dont Lola lui parlait. L’irlandais s’installa de nouveau sur le canapé, et attrapa même les jambes de la jeune femme pour l’allonger correctement, en les posant sur ses propres cuisses. Il pianota encore quelques instants sur le téléphone, puis tourna la tête vers sa voisine : « Alors ? Dis-moi ce que je lui écris… J’ai le droit de lui dire que tu es malade ? Ou je prétends que je t’ai kidnappée, et que je ne compte te libérer que dans deux jours, parce que tu seras de toute façon trop insupportable pour que je te garde plus longtemps ? » Son regard espiègle se reporta ensuite sur le téléphone, dans l’attente de plus amples instructions, non sans afficher un petit sourire en coin.

Si Peter était aux petits soins avec Lola, c’est qu’il avait d’excellentes raisons de le faire. A vrai dire, il avait quasiment une dette à vie envers elle tant elle avait contribué à le remettre sur pieds à la suite de son accident et de ses longs mois de coma. Elle s’était d’abord occupé de lui du point de vue médical mais ce qui avait le plus marqué l’irlandais, c’était sans conteste sa bonne humeur et son sourire permanent. Ce fut d’ailleurs ce sourire-là qui éclaira la plupart des journées que Pete passa sur son lit d’hôpital. A cette époque-là, il aurait très bien pu se lamenter sur son propre sort, devenir un patient insupportable et infect avec ses infirmières pour se venger de choses dans lesquelles elles n’avaient rien à voir. Mais au lieu de ça, Peter avait vite sympathisé avec Lola, et avait langui les moments où elle passait le voir. Tous les jours sans exception, la jeune femme avait une nouvelle histoire à lui raconter, une nouvelle anecdote, quelque chose qui lui était arrivé dans la journée… Bref, elle trouvait toujours le moyen de le faire sourire et oublier l’histoire qu’il était en train de traverser. Depuis cette époque-là, l’irlandais restait persuadé qu’il ne pourrait jamais en faire assez pour elle pour rattraper tout ce qu’elle avait pu lui apporter. Et aujourd’hui, Peter voyait dans sa détresse une occasion d’alléger un peu sa dette. Car même si elle ne demandait rien, l’irlandais était bien trop reconnaissant pour ne pas chercher à se racheter.

En revenant fièrement dans le salon, Peter s’installa sur le canapé (et sous les jambes de Lola) pour écouter ses instructions concernant le message qu’il était censé envoyer à cette dénommée Hazel. Alors qu’il provoquait la jeune femme, l’irlandais fut ravi de voir qu’elle avait encore assez d’énergie pour protester et lui flanquer une tape dans le bras, même si ce geste sembla l’anéantir pour de bon. « Bon, d'accord, tu peux lui dire que je suis malade... Mais dis lui bien de pas le répéter ! Et dis lui aussi que je pourrais pas, les consultations, demain... avec des verbes... » balbutia finalement Lola en rendant les armes, devant un Peter amusé mais satisfait. Le jeune homme se mit à alors à tapoter sur le clavier de ce téléphone qu’il ne connaissait pas et qu’il devait par conséquent dompter. A côté de lui, Lola le sommait de demander pardon à Hazel et alors que sa voix faiblissait mot après mot, Peter pu la voir s’endormir sur le canapé. Il garda un regard attendri sur elle pendant quelques instants, puis se replongea dans la rédaction de son message… jusqu’au moment où un éternuement le fit sursauter. Il manqua de lâcher le téléphone mais le rattrapa juste à temps, alors que Lola continua presque comme si de rien n’était : « Et sinon, toi, ça va ? » Après avoir laissé échapper un petit rire aussi consterné qu’amusé, Peter termina d’écrire son message tout en répondant : « Oh oui moi ça va… Bien mieux que toi en tous cas… » Pete avait parlé un peu machinalement, trop absorbé qu’il était par ce maudit téléphone qui ne répondait à ses manipulations qu’une fois sur deux. L’irlandais fronça les sourcils en tapotant quelques lettres de plus, puis se mit à sourire en trouvant enfin le moyen d’expédier le message. « Et voilà ! Hazel est prévenue ! D’ailleurs… qui est Hazel ? Je ne crois pas l’avoir déjà vue à l’hôpital ? Vous bossez dans le même service ? »

Même si Peter n’avait jamais été particulièrement doué avec les nouvelles technologies, il réussit finalement à envoyer le message que Lola lui avait dicté à cette Hazel qu’il ne connaissait que de nom. En réalisant cela, Peter émit d’ailleurs le souhait d’en savoir un peu plus au sujet de cette collègue, histoire de maintenir un semblant de conversation avec une Lola de plus en plus amorphe. Néanmoins, elle trouva la force de sourire à l’irlandais qui prit ce geste comme un remerciement, et lui adressa à son tour un petit sourire entendu. « Oh, non ! Hazel, c'est ma copine. Ma pote. » expliqua alors Lola non sans se priver de quelques simagrées histoire que Pete n’oublie pas l’état lamentable dans lequel elle se trouvait. Au fil des explications, l’irlandais apprit qu’Hazel exerçait le même métier que Lola mais dans un autre établissement. Et comme la jeune était visiblement dans l’incapacité d’opérer ses patients en ce moment, c’était Lola qui assurait le remplacement. Peter hocha la tête d’un air totalement admiratif. Pour tout avouer, il connaissait plutôt son amie sous sa facette drôle et joueuse, et avait un peu de mal à se l’imaginer en pleine opération. Pourtant, il l’avait souvent côtoyée à l’hôpital, et ce fut même à cette occasion-là qu’ils s’étaient rencontrés. Mais lorsqu’elle venait s’occuper de lui, la jeune femme faisait toujours preuve d’humour et d’entrain afin de lui remonter le moral. Alors même en tant que patient, Peter n’avait jamais vraiment eu l’occasion de rencontrer la Lola sérieuse, désormais résidente en chirurgie pédiatrique.

« Mais si t'es intéressé, je t'arrête tout de suite, elle est bien trop vieille pour toi. » lâcha-t-elle sans prévenir après quelques instants de silence. Surpris, Peter écarquilla les yeux avant de rire en secouant la tête. Qu’était-elle encore allée chercher ?! « Oh t’en fais pas pour ça ! Je ne suis pas intéressé ! Pas du tout… » déclara, d’un air plutôt évasif sur la fin de sa phrase. Et en effet, Pete n’était intéressé que par une seule et même personne et ce depuis un petit bout de temps maintenant. Et cette personne n’était autre que Mia. Le simple fait de penser à elle fit d’ailleurs se dessiner un maigre sourire au coin de ses lèvres. Cette fille occupait ses pensées depuis des mois, il avait même franchi pour elle les barrières de sa timidité, et avait espéré pourvoir enfin vivre une belle histoire à ses côtés. Mais en un clin d’œil, tout était parti en fumée et tous ses espoirs s’étaient envolés, le laissant plus déçu que jamais. Cela faisait désormais plusieurs semaines qu’il n’avait pas croisé Mia, qu’ils ne s’étaient même pas parlé ni échangé aucun coup de téléphone, et elle lui manquait… terriblement. Plusieurs fois il avait songé à aller la voir pour mettre les choses au clair, mais il n’était jamais parvenu à se décider. Un long soupir s’échappa de ses lèvres entrouvertes alors qu’il avait détourné son regard de Lola toujours allongée sur le canapé. Soudain, Peter semblait bien loin de la réalité, emporté par ses remords et les images qu’il gardait des moments qu’il avait passé avec Mia au cours de ces derniers mois…

Sans qu’il ne s’en aperçoive vraiment, ni même qu’il la sente arriver, un sorte de mélancolie envahissait peu à peu Peter. Comme à chaque fois qu’il se mettait à penser à Mia, l’irlandais sentait clairement son cœur s’alourdir, et une foule de remords venait l’assaillir. Même sans être là avec lui, la jeune femme avait toujours un certain pouvoir sur lui, dont il se serait bien volontiers passé. Et pourtant quoi qu’il fasse, malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à l’oublier. La scène qui lui revenait en tête était d’ailleurs souvent la même : Mia traversant la rue en riant, au bras de son colocataire Casey. Ce jour-là, Peter s’était prit cette complicité qui semblait les lier en pleine face et sans chercher à comprendre, il avait rebroussé chemin, persuadé que la jeune femme lui préférait la compagnie de ce Casey. Puis, quelques jours plus tard, il avait scellé sa déception en se laissant entrainer dans une soirée qu’il savait dangereuse, et au terme de laquelle il avait atterri dans le lit d’une de ses collègues. Autant dire qu’aujourd’hui, plus aucun espoir ne lui était permis en ce qui concernait Mia et pourtant, il ne pouvait se résoudre à tirer un trait sur les courts moments hors du temps qu’ils avaient passés ensemble. Seulement voilà, il y avait Casey, et le fait que la jeune femme n’ait pas cherché à le joindre depuis des lustres ne faisait que confirmer qu’elle était bien mieux loin de lui.

« Aaaah ! Qu'est-ce que je perçois, là ?! » s’exclama soudain Lola, faisant une nouvelle fois sursauter l’irlandais sur son canapé. En posant son regard sur elle, il remarqua qu’elle cherchait à se redresser et non sans afficher un léger sourire, il l’aida en attrapant ses mains pour la hisser vers lui. « Allez, pas de petits secrets ! Je veux tout savoir ! Son nom, comment vous vous êtes rencontrés, et le petit quelque chose qui fait que tout n'est pas parfait dans le meilleur des mondes... » Lola paraissait étrangement enthousiaste, et tous les symptômes qu’elle avait présenté un peu plus tôt semblaient s’être évaporés en un clin d’œil. D’un ton ironique, Peter ne se priva d’ailleurs pas de le lui faire remarquer. « Hé ! Ca y est t’es guérie ? Déjà ? » Mais bien vite, le jeune homme retrouva son sérieux et tout la mélancolie qui l’habitait depuis qu’il avait abordé sans vraiment le faire le sujet « Mia ». Désormais au pied du mur, il n’avait plus d’autre choix que de raconter son histoire à Lola. Pete commença par la regarder du coin de l’œil, avant de baisser une nouvelle fois les yeux en soupirant. « Elle s’appelle Mia. Et on s’est rencontrés à la sortie d’une boîte de nuit. Ne ris pas, c’est justement parce qu’on n’aime pas ça qu’on s’est retrouvés tous les deux dehors ! » prévint-il en pointant son index vers sa voisine. « Et ça peut te paraitre bizarre mais, elle est la sœur jumelle d’une de mes amies, Sutton. Bref. J’ai… » L’irlandais marqua soudain une pause, et sembla chercher ses mots qui n’était pourtant pas si compliqués à trouver que ça… Après quelques secondes de silence, il grimaça mais continua : « Je crois que j’ai craqué pour elle. On a passé pas mal de temps ensemble et, c’était super… sauf que… sauf qu’elle a quelqu’un d’autre. Quelqu'un de mieux. » conclut-il finalement, laissant son visage se fermer et sa mâchoire se serrer en revoyant cette image qui le hantait depuis des semaines.

Peter s’autorisa à plaisanter de l’attitude qu’adoptait subitement Lola, mais il retrouva bien vite son sérieux en parlant de Mia. Comme il le faisait à chaque fois qu’il pensait à elle son visage se referma, montrant tous les remords qu’il pouvait éprouver en se remémorant les derniers moments qu’ils avaient passés ensemble. Sans que Lola n’ait besoin de l’y forcer, Peter se lança donc dans le récit de sa rencontre avec Mia, exposant tour à tour les moments à part qu’ils avaient partagé puis le fait qu’elle soit aujourd’hui auprès d’un autre. La réaction de Lola fut aussi brutale qu’inattendue et, retrouvant un large sourire, la jeune femme s’exclama : « Aaaaaah ! T'es amoureux ! » Aussitôt, Peter baissa les yeux d’un air gêné, en sentant ses joues rosir sans qu’il ne puisse lutter contre cela. Effectivement, il éprouvait certainement quelque chose pour Mia, mais quand bien même… il était une fois de plus tombé sur la mauvaise personne. Pourtant, il y avait cru cette fois, plus que jamais. Les quelques entrevues qu’il avait eues avec la jeune femme semblaient lui avoir suffi à comprendre qu’elle était faite pour lui. En un clin d’œil, elle avait su lui faire oublier toutes les histoires malheureuses qu’il avait pu traverser jusque là, et elle lui avait rendu un certain espoir qu’il avait perdu depuis longtemps. Mais depuis qu’il l’avait croisée avec Casey, tout semblait revenir à la normale. La malchance de Peter, ses histoires d’amour impossibles et toute la souffrance qu’elles sous-entendaient. A la longue, l’irlandais commençait d’ailleurs à penser que son destin en avait décidé ainsi : il n’était pas fait pour être heureux avec une femme, et devait se contenter d’histoires sans lendemains pour ne prendre aucun risque de s’attacher à qui que ce soit.

« Impossible. Qu'elle soit avec quelqu'un de mieux que toi, je veux dire. Je t'ai dit que t'étais le meilleur tout à l'heure, tu m'écoutes vraiment pas... » lâcha finalement Lola en refermant les yeux comme si leur conversation n’avait aucune importance. Peter aurait pu mal le prendre mais au contraire, il afficha un nouveau sourire attendri, bien qu’empreint d’une certaine tristesse cette fois-ci. Haussant les épaules d’un air dépité, l’irlandais afficha une légère grimace avant de répondre : « Il faut croire que vous n’avez pas les mêmes critères de décision… Et puis, tu ne l’as pas rencontré lui, tu ne peux pas savoir ce qu’il vaut ! » déclara Pete d’un ton des plus amers, avant de soupirer lascivement une nouvelle fois et d’ajouter : « De toute façon, c’est foutu… On ne s’est pas revus depuis, on ne s’est même pas reparlé… Enfin… c’est fini quoi. » avoua-t-il même si c’était la première fois qu’il prononçait ces mots à voix haute, ce qui lui fit brusquement prendre conscience que tout cela était bien réel et qu’il ne la retrouverait certainement jamais. Encore moins après le « dérapage » qui avait eu lieu quelques jours plus tard, dans les bras de l’une de ses collègues mannequins avec qui il avait tenté en vain d’oublier Mia.

Alors que Lola était malade, et que Peter était précisément resté à ses côtés pour s’occuper d’elle, il voyait  peu à peu la situation s’inverser. Depuis que le sujet « Mia » était arrivé sur le tapis, Lola avait reprit les rênes et c’était désormais elle qui tentait de réconforter l’irlandais. A vrai dire, il n’avait pas spécialement eu l’occasion de parler de ces évènements récents avec qui que ce soit, et le fait de se dévoiler de la sorte le rendait terriblement mal à l’aise.  Cependant, il s’agissait de Lola, et Peter savait qu’il pouvait lui faire entièrement confiance, quel que soit le sujet qu’ils abordaient tous les deux. D’ordinaire, et même si cela était assez rare, il parlait plutôt de ses états d’âme avec Sutton. Mais son absence, et le fait que Mia soit sa sœur jumelle freinait grandement leurs conversations concernant ce sujet-là.

Assurant à la perfection son rôle de confidente, Lola assura à l’irlandais que Mia ne pouvait pas trouver quelqu’un de mieux que lui. Peter apprécia le compliment et les efforts qu’elle fournissait pour lui, mais il n’était pas dupe pour autant. Il avait vu Casey, et la manière dont il se comportait. Il savait que cet homme avait énormément d’atouts, auxquels Mia n’était visiblement pas restée insensible bien longtemps. Mais malgré tout, Lola persistait en décrétant que Mia était la seule à avoir tort dans toute cette histoire. En y pensant, le jeune homme laissa échapper un long soupir de lassitude avant d’abandonner définitivement. Mais bien vite, son amie continua : « Peter... Est-ce que tu la voulais vraiment ? » fronçant tout d’abord les sourcils, Pete tourna la tête vers Lola, puis la hocha en signe d’acquiescement. « Parce que moi, ce que j'en dis... si tu veux VRAIMENT quelque chose... just go for it. » conclut-elle d’un ton des plus encourageants. Lola avait beau être plutôt  convaincante, l’irlandais avait déjà tellement pensé à toutes les possibilités de retrouver Mia, qu’il avait perdu espoir depuis bien longtemps. Et même les encouragements de son amie ne paraissaient pas suffire à lui redonner l’envie de tenter quoi que ce soit. C’est donc en soupirant qu’il répondit : « Même si je la voulais vraiment, tout ce qui compte c’est qu’ELLE ne me veuille pas… Et ça, j’y peux rien… » Soudain, des images de toutes ses histoires passées lui revenaient en mémoire, et lui rappelaient qu’à chaque fois qu’il s’était attaché à une fille, celle-ci avait fini par le faire souffrir. Alors, le jeune homme haussa les épaules et adressa un petit sourire reconnaissant à sa voisine en déclarant : « C’est gentil à toi de m’écouter, et d’essayer de m’aider… mais je crois qu’il vaut mieux oublier tout ça. C’est plus prudent, j’ai eu assez d’histoires difficiles comme ça. » Puis, comme pour couper court à cette conversation qu’il ne souhaitait pas du tout continuer, Pete se releva du canapé et se dirigea vers la cuisine en lançant : « Je vais préparer un peu de thé, ça te fera du bien. » avant de disparaître dans la pièce voisine pour honorer sa proposition.