LEROY & SULLY

What's your price dude ?

Il faudrait vraiment qu’on lui explique. Sullivan avait pourtant vingt-six ans, se démerdait très bien de son côté sans jamais avoir besoin de demander à ce qu’on ne lui mouche le nez, mais c’était manifestement trop demander qu’on ne le laisse simplement peinard, dans son coin, sans se préoccuper de son sort. Sa mère foutait toujours son nez partout et de cette manière, elle lui avait arrangé une visite médicale à domicile, à son appartement. Prévenu le jour même pour qu’il n’ait pas le temps de décommander ou même d’organiser le plus petit rendez-vous à la place. Sullivan ne savait pas ce qu’il avait fait pour mériter ça, mais autant dire qu’il ne prit pas le temps d’enfiler un pantalon, partant du principe que ce n’était pas la peine puisque le doc qu’elle avait « embauché » en belle négociatrice qu’elle savait si bien être aurait tôt fait de le lui faire enlever. Sully se contenta de rester en mode caleçon/t-shirt, soit son habillage favori lorsqu’il n’avait pas prévu de sortir. En l’occurrence, sa mère était censée aller chercher son petit bout à l’école, il n’avait donc pas à se préoccuper de ce à quoi il ressemblait avant plusieurs heures. Il avait juste à jouer à la tête à claques en espérant que le doc déguerpisse rapidement et qu’il puisse retourner à ses méditations transcendantales. Manque de bol, ce saligaud fut pire à l’heure et Sully vit donc la formidable excuse du retard s’effacer dans sa mémoire… il n’allait pas réussir à le coincer sur ça, il fallait donc qu’il soit plus malin que ça.

« Combien il faut que je vous paye pour que vous me foutiez la paix et que je n’ai pas à subir votre charabia insupportable ? » Sully avait simplement ouvert la porte, débité son petit discours préparé en cinq secondes chrono et reposé ses mains contre le roues de son fidèle fauteuil en attendant le verdict de ce chirurgien qui devait avoir sûrement d’autres chats à fouetter. Du moins c’était la corde sensible sur laquelle le jeune homme comptait tirer jusqu’à ce qu’il ne se décider à céder enfin. Risqué… mais ça ne voulait pas dire que cela ne se révèlerait pas efficace. « Allez, je suis sûr que ma mère vous a payé une blinde pour l’aller-retour. J’abrège votre souffrance… et la mienne, par la même occasion. »

LEROY & SULLY

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Et damn. Il était tombé sur quelqu’un d’aussi habile avec les arguments qu’il ne savait l’être. Sullivan ne savait pas s’il devait davantage être amusé ou agacé par la présence de ce foutu médecin dont il n’avait que foutre. Le jeune homme n’était pas réellement décidé à lui laisser le champ libre, après tout, il s’agissait de l’entrée à SON appartement, il n’avait pas à suivre les conseils de sa mère alors qu’il était majeur depuis un lustre. Mais d’un autre côté, sa mère savait être une véritable chieuse insistante quand elle s’y mettait et il était certain de l’avoir sur le dos pour des siècles si jamais il ne laissait pas ce presque parfait inconnu pénétrer à l’intérieur de son antre. Combien devait-il payer pour avoir le choix ou encore la paix ? Une fortune, manifestement, à ceci près que Leroy Windsor n’avait pas l’air d’être quelqu’un que l’on achète. Normal, en même temps, il faisait partie de la famille de sa très gracieuse majesté Elisabeth II ! « Seulement je n’ai pas demandé à ce que vous ne veniez faire votre travail ici… vous n’êtes pas censé ne vous préoccuper que des besoins de vos patients avant de donner raison à leurs mères insupportables et collantes ? » Sully céda uniquement parce qu’il n’avait pas envie d’être impoli envers un toubib, mais le cœur n’y était décidément pas. Tout ce qu’il fit, c’est s’écarter de la porte pour ne reculer que de quelques centimètres à peine, n’ayant pas l’intention d’aller plus loin et encore moins de laisser cet inconnu pénétrer au-delà du hall de son appartement. Têtu ? A peine ! Mais il tenait bien ce trait de caractère de sa mère, ça ne faisait pas l’ombre d’un doute.

« Qui vous dit que je n’ai pas les moyens ? » lança-t-il, le ton emprunt d’amertume. « Franchement, la menace avec l’appel à la maternelle… vous pensez que j’ai quel âge, cinq ans ? » Sully n’avait aucune envie que Leroy en arrive là, mais l’intimidation suffirait peut-être à obtenir gain de cause au bout du compte. Souvent, cela marchait sur les petits esprits, et bien que le jeune homme soit parfaitement conscient du fait que ce prince Windsor ne soit pas un petit esprit, il fallait bien qu’il tente sa chance. « J’ai déjà passé un checkup récemment, vous donnez dans le harcèlement maintenant ? Première nouvelle. Franchement, vous pourriez mieux utiliser votre temps, doc. »

LEROY & SULLY

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Sullivan n’allait pas s’en débarrasser facilement. Il semblait aussi têtu que lui, et pire, ne pas vouloir perdre l’ouïe à nouveau ne pouvait pas être pris à la légère. Il grogna donc et lui laissa le champ libre pour entrer, tout en sachant qu’il pouvait très bien écourter la séance en lui balançant tout ce qu’il voulait entendre. Médecin ou pas, il ne gagnerait pas totalement cette manche car l’ancien soldat comptait bien obtenir le point final ! « J’ai un grand salon au fond du couloir, doc. » Sullivan avait pleinement conscience qu’il s’adressait à un prince de la famille Windsor, mais qu’importe. Pour lui, il se rendait aux toilettes comme tout le monde et n’avait donc pas de traitement de faveur à recevoir de sa part. Il l’accompagna donc audit salon après avoir soigneusement fermé la porte derrière lui –il ne s’agissait pas d’avoir en prime des visiteurs pour que la boucle soit bouclée, avant de soupirer et de se planter devant lui sans même esquisser le moindre geste supplémentaire. Pas de coup à boire, pas de politesse particulière, rien. Un gigantesque froid qui n’avait rien de cruel et qui lui laissait simplement l’opportunité d’analyser au mieux son interlocuteur. Qui n’en n’aurait pas fait autant à sa place ?

« Vous êtes censé faire quoi, au juste ? Pour info : une kiné insupportable a déjà eu raison de mon pantalon alors espérez pas faire la même chose. Au moins elle était sexy. » Il parlait de Victoria, bien évidemment. Mais puisque Leroy avait certainement eu son dossier médical entre les mains, il savait sûrement de qui il voulait bien parler… qui d’autre qu’elle avait pu mettre tant de commentaires dans une si petite case ? Du jamais vu, du grand art même ! « Oh et pour info à nouveau… si vous avez des soucis d’oreilles, vous êtes bien placé pour emmerder un collègue en la matière, non ? Vous enverrez la facture d’hosto à ma mère, je suis sûr qu’elle n’appréciera pas du tout l’humour… elle saura que c’est moi. Elle me connait comme si elle m’avait fait. »