« Engins de torture de meeeeerde !! » s’exclama Sullivan alors qu’il avait pourtant réussi à parvenir jusqu’au Lenox Hill sans trop de peine. Depuis son opération d’il y a près de deux mois, il s’était presque coupé de tout le monde, à commencer par sa sœur mais aussi de sa Blodwyn préférée. Cette brunette allait probablement lui refaire le nez avec le premier stéthoscope qu’elle allait trouver mais tant pis, il prenait le risque ! Ces deux mois lui avaient tout de même permis non seulement de se faire opérer, mais d’avancer suffisamment sa rééducation pour qu’il ne soit plus contraint d’être toujours dans ce maudit fauteuil de malheur. Désormais, il pouvait marcher avec deux béquilles – à condition de ne pas vouloir faire le marathon de New York non plus – et se déplacer nettement plus librement qu’auparavant. Ses progrès avaient même été notés par la juge responsable du dossier de sa fille, et c’était le détail le plus encourageant qui soit. Maintenant, restait à savoir si sa vie allait s’arrêter parce que Blodwyn risquait de lui faire la peau… ou pas. Le néo-zélandais s’avançait prudemment dans l’un des innombrables couloirs de l’hôpital lorsqu’il aperçut la brunette de dos, brunette qu’il aurait pu reconnaître entre mille au même titre qu’il aurait pu repêcher sa sœur dans une foule de millions de gens. « J’félicite pas l’abruti qui a inventé ces couloirs à la con qui se ressemblent tous ! Et la signalisation… putain quelle bitch ! » Sullivan était resté à bonne distance – pas folle la guêpe – arborant son habituel sourire insolent dès lors qu’il la vit se retourner. « Un « tadaaaa » est de circonstance j’crois ! »

« Une clochette ? Tu m’as pris pour un chihuahua de mémère ou quoi ? » Sullivan ne manqua pas d’esquisser une moue désapprobatrice avant de n’être particulièrement satisfait de voir l’étonnement peupler les traits de Blodwyn. C’était exactement la réaction qu’il attendait, à vrai dire. Il n’avait pas envie qu’elle pleure dans les chaumières en le considérant comme un pauvre petit bichon paumé, mais plutôt comme un homme ayant pris ses responsabilités et n’ayant pas hésité à faire cette foutue opération à la noix, qu’importent les risques. « Hey, doucement, stabilité pourrie ! » s’exclama-t-il néanmoins lorsqu’elle lui sauta au cou, éclatant de rire tout en évitant au maximum de ne se manger le carrelage qui devait avoir vu des litres et des litres d’eau de javel depuis sa pose. « J’ai fais tout ça en catimini et tu es pour ainsi dire la seule à être au courant puisque même ma propre mère a été soigneusement écartée. Je ne voulais pas qu’elle m’éponge le front à chaque pas de fait. » Le sourire insolent du néo-zélandais ne quittait pas ses traits alors qu’il évitait le sujet de sa sœur sciemment. Az lui manquait atrocement et pourtant, il s’était décidé à ne plus être un poids pour elle. Tant qu’il ne se sentirait pas plus fort sur ses jambes, il allait éviter ses coups de fil. Mais ce n’était que temporaire… il savait que le manque finirait par le rendre marteau. « Allez, on est tellement synchro toi et moi que tu as forcément un scoop à me balancer à la face ! »

Combien de fois Sullivan venait-il se s’étrangler avec sa salive ? Bah… cinq fois ! Et d’à filée ! Il faut dire que Blodwyn était en train de le tuer avec toutes ses révélations à la con et le simple fait qu’elle ose lui dire en mode bisounours qu’elle s’était taillé les veines… rhaa ça le rendait malade ! Il ne pouvait pas râler trop fort puisque effectivement, il s’était rendu indisponible pour la terre entière mais il n’empêche que sa pote était la fille la plus timbrée qu’il connaissait. « Tu te tailles les veines et genre c’est normal… putain si t’existait pas suis pas sûr qu’il faudrait t’inventer toi ! » s’exclama-t-il, en bon salaud se respectant. Cela ne l’empêcha pas d’ôter non sans mal son sac en bandoulière de son épaule et de dévoiler un immense pot de crème glacée qu’il avait apportée en signe de hache de guerre. Après tout, il n’y a aucun mal à se faire du bien ! « J’crois que j’avais déjà cauchemardé de tes envies de femme enceinte… alors arrête de m’taper ou j’te fais un masque avec ! » Afin de conserver son équilibre, Sullivan lui tendit ledit sac contenant surtout de la crème glacée avant de ne reprendre presque imperturbablement : « Pour info je veux traîner ma mère en justice et lui faire payer tout ce qu’elle a osé me faire subir quant à Az… elle doit avoir envie de me dézinguer la tronche alors si on pouvait éviter le sujet, ça m’arrangerait. Après tout, elle m’a bien fait comprendre ne pas avoir b’soin de moi, non ? » Ah, qu’ils étaient bornés dans la famille Novak…

« Chez les Novak on a la classe enfoiré ou on l’a pas ! Va pas m’emmerder avec ça t’es la pire chieuse de la création et c’est bien pour ça que t’a le droit à… un peu de glace. Mais mange pas tout sinon j’te dézingue avec ma béquille, en cloque ou pas ! » Et il le ferait, sûrement, peut-être, hypothétiquement dans ses cauchemars les plus fous. Chez les Novak, on emmerde, on insulte, on est insupportable mais on ne frappe que rarement. A moins que l’on ne remonte très loin dans le passé du jeune homme et qu’on ne revienne à des réminiscences de guerre, où il avait fait plus que frapper. « Rectification : ma sœur est la pire chieuse de la création » soupira-t-il avant de ne mettre l’équivalent de dix bonnes minutes pour arriver à s’asseoir à peu près confortablement. Mais le calvaire ne serait entier qu’une fois qu’il aurait à se relever pour quitter cette salle de détente qui sentait encore plus le formol que tous les murs de l’hôpital réunis. Sullivan avait subitement pris un air sérieux, car le sujet de sa sœur ne le faisait guère rire à vrai dire. Elle lui manquait, c’était certain… « C’est pas un boulet. On a juste pas réussi à s’accorder sur notre désaccord et au moment où j’ai capté qu’elle se défonçait encore, j’te jure, ça m’a mis dans une rage… j’avais envie de la balancer par la fenêtre ! Ca m’énerve qu’elle veuille toujours se tailler en quatre pour moi alors que j’suis plus un petit garçon. Puis j’ai laissé passer les semaines, j’avais mon opération, mais rééduc… si je lui avais infligé ça, elle se serait sûrement encore plus défoncée et je ne voulais pas être responsable. Je veux être sur mes deux jambes totalement afin de pouvoir lui botter le cul dans les règles de l’art. Ca viendra, crois-moi… un Novak revient toujours sur son crime. File la glace espèce d’égouaste ! »

« Ouais… bah quand tu vas ressembler à sauvez Willy compte pas sur moi pour me la jouer pêcheur sauveteur et risquer de me prendre un pain dans la tronche ! Faut pas blaguer avec les hormones, ça peut tuer d’honnêtes types… » En attendant, il lui chipait gentiment de la glace avant que les aveux de Blod ne lui arrache un grognement. C’est pas possible, sa frangine était pire qu’une emmerdeuse internationale ! « En attendant j’te signale que je me suis fais aider MOI alors me fais pas chier avec ça hein ! » Bon d’accord, il avait grogné un peu plus fort qu’il ne l’aurait voulu mais ça lui foutait les nerfs en pelote de passer sans arrêt pour le méchant de service. Il en avait chié gravement, pendant ces dernières semaines ! Mais il avait la décence de ne surtout pas s’en plaindre justement parce qu’il n’avait demandé aucune aide extérieure. Personne n’aurait pu la lui apporter, pour la simple et bonne raison qu’il avait déjà fallut qu’il accepte tout seul comme un grand de bien vouloir se faire opérer. Dillon et lui avaient essuyé quelques-unes de leurs cuites les plus monumentales avant qu’il n’arrive justement à cette fameuse conclusion. « C’est pas ce qu’elle a pris de mieux comme ressemblance avec moi » avoua-t-il, véreux comme jamais. Sullivan n’avait pas envie d’aller voir sa sœur parce qu’il savait très bien qu’elle l’enverrait chier… et actuellement, il n’avait pas besoin de ça. « Si elle veut se sevrer toute seule, bah qu’elle le fasse, merde ! Si elle m’avait demandé de l’aide je la lui aurais donnée plutôt deux fois qu’une ! Je sais qu’il faudrait que j’fasse le premier pas mais ça me fait chier. Elle va m’envoyer des paroles de merde dans la tronche et je sais que je vais mal réagir… disons plus que d’habitude. »

« Pourquoi c’est moi que tu viendrais faire chier ?? C’est pas moi le paternel de ce gosse merde ! » Mais Sullivan serait le premier à le gâter au-delà des mots quitte à se prendre le poing de Jayden dans la face. Après tout, il s’agit d’un risque de métier tout à fait envisageable aux yeux de l’ancien soldat. Mais hélas, la discussion dévia bientôt sur ce fameux sujet que le néo-zélandais évitait soigneusement depuis de longues semaines et qui désormais le rattrapait : sa dispute avec sa sœur. Il avait été odieux un seul jour et depuis, plus aucune nouvelle. Bah, il n’en n’avait pas pris non plus mais à sa décharge, il avait eu une problématique plutôt corsée récemment. Dieu sait qu’il aurait aimé que sa sœur lui tienne la main, et ce bien qu’il ait la tête dure et n’ait pas pour habitude de se plaindre face à la douleur de son existence. Mais il ne savait que trop bien à quel point Az aurait été démolie de devoir attendre des heures et des heures dans une salle d’attente d’un foutu hôpital, surtout si elle avait tenté de se sevrer toute seule. Quelle crétine celle là aussi quand elle s’y mettait ! « C’est pas la même chose, moi je suis l’aîné, j’ai le droit d’en chier et pas elle ! » beugla-t-il avec force tant il pensait ses propos. Il était fatigué que sa frangine se sente obligée de lui moucher le nez sous le fallacieux prétexte qu’à ce moment précis, elle était au volant. « Faut qu’elle arrête avec ce foutu accident parce que y’a sérieusement prescription là ! Ca va, me regarde pas comme ça j’ai bien compris ce que tu as dis. Son boss, il risque de se prendre ma béquille dans l’fion, c’est moi qui te le dis… rien à foutre que ce soit pas classe. » En un mot comme en cent : il allait y réfléchir plus sérieusement.

« Oh pute vierge » s’exclama-t-il alors que Blodwyn avait effectivement l’air sérieuse et qu’elle comptait bel et bien lui confier le soin d’être le parrain de son rejeton. Une chance qu’il ait la fibre paternelle sans quoi il serait directement tombé à la renverse. « Ca va, me fusille pas du regard tu sais très bien que je serai parfait dans le rôle ! Mais si t’es trop une chieuse j’vais t’étriper, j’te le dis de suite. » C’est marrant, mais Sullivan ne se sentait pas le moins du monde rassuré par le fait que sa sœur soit en train de faire tomber tous les réflexes de son patron niveau volage et compagnie… bah, il avait confiance en Az pour jouer les femmes fatales mais autant dire que le néo-zélandais lui servant de frangin serait le premier à faire feu s’il la savait en souffrance. Voilà tout le fond du problème : encore fallait-il qu’il soit au courant ! « Ca va, j’suis moins borné puisque je viens de te dire que j’allais me pencher sur la question ! » Il n’avait pas dit quand ni comment mais Blodwyn pouvait être assurée qu’il finirait par reprendre les choses en main, d’une manière ou d’une autre, s’il ne s’étranglait pas avant avec une cuillerée de glace comme maintenant puisqu’elle venait de lui poser LA question qu’il redoutait d’entre toutes. « Ca n’a rien donné c’était une chieuse finie qui voulait m’apprendre la vie et comment me démerder pour récupérer ma fille ! Bon j’te cache pas que j’ai fais une rencontre y’a pas longtemps. Une brune. Un cul à se rouler par terre et à causer russe. Truc de malade, quoi ! »

« Tu comptes quand même pas me refiler ton mouflet j’espère ! » maugréa Sullivan car il avait déjà bien assez de ses manœuvres judiciaires pour essayer de récupérer sa fille, il n’avait donc aucun temps pour le gosse de quelqu’un d’autre. Mais il savait aussi que s’il arrivait quelque chose à Blodwyn, il serait le premier à prendre soin du gamin si telle était sa volonté… bien qu’il n’ait aucune espèce d’envie de penser à ce genre de malheur, pas alors qu’il avait déjà perdu bien trop de monde dans son existence. « Je t’en foutrais des étoiles plein les yeux ! » éructa-t-il alors qu’en fait, rien que de parler de Seraphina le comblait d’une espèce de chaleur sur laquelle il ne pouvait mettre ni mot ni intention. Cette brunette avait pour ainsi dire révolutionné sa vie bien plus certainement que Jane elle-même n’avait été en mesure de le faire. Comme quoi, tous les miracles arrivent… « Elle s’appelle Seraphina et pour ta gouverne, j’ai même pas couché avec. Tiens, ça t’embouche un coin Perlinpinpin !! » Pour la peine, Sullivan lui chipa une énorme cuillérée de glace, qu’il engloutit avec classe avant de ne léchouiller longuement la cuillère histoire de reprendre ses esprits. Blodwyn n’avait pas fini de se foutre de sa gueule s’il commençait à passer par la case confidence. « Bah, s’il fallait que je t’en parle, le problème c’est qu’il faudrait la nuit… au bas mot. J’en ai même pas encore causé à Dillon, il va me demander si j’suis pas malade et donc si j’veux pas faire un tour au bar ! »

« Ouais bah si tu lâches le boulet de canon, en mode habitée par un alien ou pas, je te dépèce ! » Sullivan retardait le moment où il en parlerait de lui-même à son meilleur pote depuis déjà un petit temps. Il valait mieux… dans le cas contraire, Dillon serait capable de le harceler de textos et de coups de fil à longueur de journée pour savoir s’il s’était enfin décidé à revenir à la raison ! Ou bien s’il voulait se remettre une murge le soir pour se consoler de n’avoir pas franchi le pas… de quoi être blasé avant même que d’avoir tenté quoi que ce soit ! « Ouais, enfin… combien tu me payes pour que je lâche de telles informations ? Non parce que je te connais, t’es la reine ès potins alors ne croit pas que tu vas m’amadouer si facilement, femme ! » Marrant, dès que le mot « amour » était lâché, surtout par Blodwyn, le néo-zélandais se fermait tout de suite en mode huître et redevenait le pire macho de la création. Là-dessus, Dillon finissait diablement par déteindre sur lui, c’en était un bonheur. « Bah la famille Novak elle te zut, t’es pas mieux que nous harpie va ! » Le jeune homme haussa les épaules avant qu’ils n’en viennent à un sujet nettement moins dangereux pour sa santé mentale : sa fille. « Elle a été la première au courant. C’est grâce à mes progrès physiques que j’ai pu réclamer une garde partielle. Bon un soir par semaine mais c’est un début. Au moins elle sait que je ne l’ai pas abandonnée ma princesse ! »

« C’est toi qui va devenir un thon rouge et c’est moi qui donne pas envie ?! » Elle piquait sa virilité, il piquait son orgueil, parce qu’ils avaient toujours fonctionné comme ça et que ce n’était pas demain la veille que cela risquait de changer. Pourtant, bien que l’envie de vider complètement son sac soit forte, Sullivan Novak avait la tête plus dure que Blodwyn ne l’aurait jamais et ce n’était pas peu dire, bien au contraire. « J’ai une tronche à continuer à m’emmerder à faire mes courses ? Pas le temps ! Puis j’te connais comme si je t’avais fait, tu rends service mais tu vas être blindée d’envie et tu vas me ruiner en m’obligeant à t’acheter des kilos de chouquettes ! AVOUE ! » Sullivan haussa les épaules, connaissant les envies débiles de femme enceinte sur le bout des doigts pour en avoir fait les frais à plus d’un titre. Et encore, il espérait pour Jayden que Blodwyn n’était pas le genre de femme à vouloir se taper du chocolat avec de la mayo à quatre plombes du mat… sinon bonjour le gerborama. « Naaan je ne pense pas qu’un témoin supplémentaire soit utile, je crois que c’est juste entre ma mère et moi. Qui sait, peut-être que j’irai voir ma frangine en lui disant que je remarche et qu’en prime j’ai mis KO la vieille, histoire qu’on sabre le champ’ ! Et déconne pas avec l’histoire de la belle doche, Sera aurait pu tomber sur pire, elle est super jeune… elle a vingt-neuf piges je crois. C’est qu’il se tape pas un thon beau papa ! »

Sullivan éclata de rire, particulièrement fiérot d’avoir réussi à vexer Blodwyn même si c’était juste pour la charrier trente secondes. « Ca va, relax Max, il va te désirer, j’suis sûr que c’est écrit dans la Bible ! Genre au verset bidule du chapitre machin chouette : tu aimeras fougueusement ta Blod et la faire grimper au douzième ciel tu feras ! » Le pire, c’est qu’il haussa les épaules comme s’il était d’un sérieux à couper le souffle, alors qu’il venait tout de même de sortir LA connerie du siècle. Tout l’art d’être un Novak et en plus avec une classe indescriptible, ça n’a pas de prix. « Pouah, l’amour c’est pour la bleusaille, tu m’as bien regardé ? Avec Wolf, on est peut-être des gamins mais on l’est avec panache ! On révolutionne le monde avec une seule pinte de binouze, attend c’est la classe ultime ! Mais en même temps, si t’aime la paternel, t’aime forcément Lou… ma princesse c’est la plus belle du monde, et le premier qui est pas d’accord je lui défonce le cul avec un tisonnier chauffé à blanc ! Mais en même temps je suis pas en mode hâte de devoir m’acheter un fusil à pompe quand des sales types vont commencer à la reluquer, fais-moi confiance… »