Avoir un enfant. Le rêve de toute femme, à priori, mais surtout celui de la jolie Dawn qui patientait dans les murs trop pâles de cet hôpital empestant l’eau de javel à des kilomètres. En théorie, elle ne serait jamais venue si elle n’avait pas considéré qu’il s’agisse d’un cas d’extrême urgence. Elijah n’était pas au courant, elle n’avait pas osé lui en parler car elle-même ne savait pas très bien où elle se situait exactement. Sans vouloir l’écarter de son existence, Dawn voulait être savoir. Elle voulait savoir si elle était fertile ou si son rêve de fonder réellement une famille avec son mari pouvait être passé à la moulinette. Dans ce fameux couloir, elle attendait sa meilleure amie Blodwyn dans l’appréhension la plus totale, se souvenant ne plus avoir ressenti un tel stress depuis des années. Elle était encore enfant et c’était juste avant de rentrer sur scène pour le spectacle de l’école… sa mère avait pris un jour de congé exprès pour venir la voir, et plus que Dawn ne voulait pas la décevoir. Cela avait toujours été une question de fierté entre elles deux, et c’est la raison pour laquelle son enfance avait été heureuse sans l’être totalement. La fillette qu’elle était à cette époque avait stressé jusqu’à ce que le rideau ne s’ouvre et que le silence ne se fasse… elle avait récité son texte à la perfection et pourtant, aujourd’hui encore, elle se souvenait de ce stress insupportable qu’elle avait ressenti… ce même qu’elle ressentait actuellement en voyant Blodwyn apparaître au loin, l’air surprise, presque inquiète. Il faut dire que Dawn avait considérablement maigri en peu de temps à force de n’être plus obnubilée que par les tests de grossesse qui revenaient tous négatifs. « Inutile de faire cette tête en théorie tout va bien… c’est juste qu’avec Eli on n’arrive pas. Je veux dire, je n’arrive pas à tomber enceinte et je deviens folle à force de me poser des questions ! J’ai besoin de ton aide Blod… tu sais que je ne te le demanderais pas si ce n’était pas capital. » Une histoire de fierté, toujours…

Aussi incroyable que cela puisse paraître, bien que Dawn ait fermement réfuté l’idée face à Elijah, elle s’était énormément renseignée sur les tests de fertilité pour les femmes. Les examens étaient nombreux et ne passaient pas uniquement par une prise de sang ou ce genre de choseries complètement bateau… les tests gynécologiques arrivaient en premier d’après ce qu’elle avait compris, et rien que les prélèvements afin d’obtenir l’activité ovarienne avait manqué de la rendre nauséeuse. Vraiment, la jeune femme ne savait pas pourquoi elle se lançait dans cette galère et encore moins pourquoi elle demandait l’aide de sa meilleure amie pour se faire mais… elle était là, face à elle et son air étonné n’ayant de cesse de la paniquer plus encore. « Tu as mis le doigt dessus » se contenta-t-elle de répondre avec un air faussement assuré alors qu’en fait, il n’en n’était rien. Dawn paniquait intérieurement et aurait volontiers hurlé s’il y avait eu une pièce vide pour retenir ses cris en toute discrétion. « Je sais que je te demande beaucoup et je crois que la batterie de tests est impressionnante mais est-ce qu’une prise de sang ne peut pas donner une première estimation ? Je voudrais éviter de tituber en sortant d’ici j’ai encore des heures de peinture qui m’attendent… et j’aimerais qu’Elijah ne s’inquiète pas encore une fois à mon sujet. » Il ne s’agissait pas d’un excès de fierté mais plutôt d’une vraie volonté d’être battante pour qu’il ne soit pas paniqué et Zoé non plus. Là aussi, Dawn avait de sérieuse confidence à faire à ce sujet…

« Oui, oui je suis à jeun » commença-t-elle tout en rassemblant sa volonté pour ne pas arrondir les angles mais bien sortir toute la vérité, rien que la vérité. Mais dans un premier temps, elle s’installa sur la table d’examen afin de mieux remonter sa manche. Que Blodwyn ne soit pas une experte en gynécologie lui importait peu… elle pourrait toujours faire interpréter le résultat par un confrère plus à même de lui donner une réponse mais dans un premier temps, peut-être qu’une discussion à cœur ouvert ne pourrait pas lui faire de mal. « Zoé appelle Elijah « papa ». Ca ne devrait pas me faire mal, c’est stupide je suis sa tante pas sa mère et je ne veux pas la remplacer… mais peut-être qu’en plus des dizaines de tests de grossesse qui sont revenus négatifs c’était la goutte d’eau qui fait déborder la potiche. » Dawn était en plein dans ses explications abracadabrantesques lorsque Blodwyn lâcha la véritable bombe, manquant de la faire s’étrangler en avalant sa salive. Pour ne pas emprunter quatre chemins, elle ne les empruntait pas ! « Bah c’est une super nouvelle ! Franchement tu dis les choses de façon tellement sérieuses que des fois, on se demande si on doit se réjouir ou… faire une tête de trois pieds de long aussi. A moins qu’il n’y ait un autre souci ? » Pour un peu, on aurait presque pu croire que Dawn se jetait sur la première occasion pour ne surtout pas continuer à parler d’elle. En un sens, c’était exactement ce qu’elle faisait…

Sans doute Zoé était-elle beaucoup moins effrayée que ne l’était Dawn à l’idée d’être une mère pour elle. La jeune femme n’ayant jamais eu d’enfant ni même l’opportunité de réellement s’occuper d’un bambin, il était logique qu’elle soit perdue, hésitante, voire même effrayée par cet état de fait. Mais d’un autre côté, Blodwyn avait sûrement raison, comme toujours lorsque la jolie chef avait un doute sur quelque chose. La brune semblait nettement moins se poser de questions et au final, ne pas en vivre plus mal ! « Je crois que je l’ai toujours souhaité mais sans vraiment le revendiquer parce que je ne voulais pas la perturber davantage… c’est de la jalousie mal placée tu crois ? » Elijah n’était pourtant aucunement responsable de ses désirs farfelus et faisait absolument tout pour qu’elle se sente à l’aise, qu’elle soit heureuse. Il méritait amplement le bon dieu sans confession à vrai dire… « Tu as l’air d’avoir aimé ce stage ! Qu’est-ce qui t’empêche d’en demander un second pour être sûre que ça te plaise ? Ce n’est pas comme si tu étais un vieux croûton moisi… tu as le droit de changer d’avis, de désirer opter pour une autre voie ! Surtout si celle dans laquelle tu es ne te satisfait pas… Blod, on passe la majeure partie de notre temps au boulot alors je crois que tu as bien mérité de pouvoir te poser les bonnes questions ! Les docs’ sont sympa là bas ou ce sont juste des morticoles… chelous ? »

« Je vais essayer d’amener le sujet sur le tapis. Et je ne suis pas une maman poule ! » maugréa-t-elle alors que toutes deux se dirigeaient vers la fameuse cafétéria de l’hôpital, où Dawn était sûre de prendre la cuisine de ce lieu comme une insulte mais elle voulait bien faire une toute petite exception pour sa meilleure amie si celle-ci ne l’obligeait qu’à prendre un simple café. La jolie chef verrait sûrement ses extraordinaires papilles insultées dans le cas contraire. Mais de toute évidence, ce n’était pas le sujet le plus important et ce fut la raison pour laquelle Dawn ne manqua pas de froncer les sourcils face aux précisions de Blodwyn : elle n’était pas sans connaître sa situation, de même qu’elle n’était pas sans savoir que la jeune femme n’accepterait jamais de l’aide de quelqu’un d’autre, pas même de ses deux meilleures amies. Ce n’était pas faute d’avoir déjà essayé… « Je te connais je sais que tu regretteras amèrement si tu ne changes pas de voie. Et si l’on essayait de voir les choses autrement ? Je cherche des peintres pas trop manchots pour m’aider au restaurant. Je paye plutôt grassement et je manque cruellement de main d’œuvre… ça peut peut-être peser dans la balance ? » Dawn préférait mille fois rendre service à Blodwyn plutôt qu’à un parfait inconnu, cela allait sans dire. Si elle pouvait en prime l’aider à poursuivre cette idée… elle ne pourrait qu’en être plus heureuse et avoir l’impression de ne pas être immédiatement bonne pour la casse. « Que Jay ne t’entende pas où ça va être la guerre ! Alors qui est-ce ? Décris-le-moi un peu puisqu’il est si sexy ! Qu’Elijah ne m’entende pas où il va m’étriper… c’est quoi son nom, je le connais ? »

Voilà bien le cœur du problème : Dawn avait du mal à prendre des compliments gratuitement, comme ça. Bien qu’elle ait le plus grand respect pour sa mère lui ayant tout appris, celle-ci était parfois avare de compliments et ne laissait guère entendre le fond de sa pensée à autrui, pas même aux oreilles de ses deux filles. Ce fut la raison pour laquelle la jolie chef émit une légère moue avant de pousser un soupir en disant long : diable, Blodwyn était aussi têtue que Dawn savait l’être ! « Tu veux pas arrêter d’être butée comme une mule trente secondes ? Tu es pire que moi ! Je te propose justement cette option pour que tu n’aies pas à t’épuiser à prendre un troisième boulot… et après qui sait, je peux aussi te faire passer un entretien pour devenir serveuse. Ce sera un restaurant cinq étoiles, ma belle… et sans vouloir passer pour une sale prétentieuse, j’ai déjà ma clientèle qui n’attend que mon ouverture. Je ne dis pas que je serais la patronne la plus cool du monde, tu connais ma maniaquerie légendaire… mais penses-y au lieu de te buter ! Ca peut être ta solution pour faire le métier que tu aimes, aussi. L’avantage, c’est que tu pourras aménager tes horaires en en discutant avec moi. » Dawn n’avait jamais été aussi sérieuse. Pour une fois qu’elle pourrait donner un vrai boulot à une amie, dont elle connaissait l’imposante conscience professionnelle… elle n’allait pas se gêner pour insister. « Je vois ! Et il a quel nom cet Apollon ? Ne te méprends pas je veux savoir si c’est bien qui je pense. Quant à Eli… pour s’être décoincé, il s’est décoincé c’est le moins que l’on puisse dire. » Dawn ne s’en plaignait pas, d’ailleurs… bien au contraire, et son petit sourire malicieux le laissait clairement entendre !

« Mon ancienne patronne était une horreur ambulante, moi-même je ne sais pas comment j’ai fais pour tenir aussi longtemps dans ses rangs… le pire, c’est qu’elle n’y connaissait strictement rien en cuisine et s’indignait dès que je maltraitais des clients insultant ma cuisine. Je ne suis pas tyrannique, pourtant. Je ne supporte simplement pas les gens qui confondent McDo et cuisine ! » En embauchant Blodwyn, au moins, Dawn était certaine de savoir où elle mettait les pieds et à quel point celle-ci savait être bosseuse dans son genre. Il n’y avait aucune raison qu’elle ne s’entende pas sur le lieu de travail également, après tout ! Sans compter que pour l’ouverture de son bébé, la jolie chef voulait vraiment mettre l’accent sur des gens de confiance, afin de ne surtout pas être déçue derrière… « Vieux ? Tu entends quoi par vieux ! Dis-moi, je n’ai pas la berlue, tu as bien dit Swarovski… nom d’un chihuahua c’est le demi-frère d’Elijah ! Je crois que tu ne veux pas savoir quelle est l’intrigue autour de cette famille, vraiment… c’est à devenir insomniaque ou cardiaque avant l’âge ! » Ou alors, pour devenir insomniaque ou cardiaque avant l’âge, il fallait laisser Blodwyn s’intéresser à la vie sexuelle de Dawn. Diable, mais pourquoi avait-elle acquiescé ! « Tout ? Ne rêve pas même si je t’adore tu n’auras pas les détails !! Mais disons que c’est le premier à réussir à me mettre en pétard dix minutes et me faire enfiler une tenue de pompom girl juste après dirons-nous ! »

Dawn esquissa un petit sourire. « Une équipe est faite pour ça, juguler les horaires de chacun ! » Elle n’avait pas l’intention de se la jouer petit chefaillon tortionnaire, bien au contraire. Exigeante, strict mais jamais injuste, voilà quels étaient ses philosophies de travail lorsqu’elle travaillait déjà chez son ancienne patronne… autant dire qu’avec son propre restaurant, la donne serait sensiblement la même ! Mais quelque chose lui disait qu’elles n’allaient pas parler beaucoup de son restaurant par la suite, surtout pas alors que des détails on ne peut plus croustillants avaient été lancés par nulle autre que Dawn en personne. Hélas, la jeune femme avait une fâcheuse tendance à être affreusement pudique en la matière. S’étendre sur ce genre de chose, c’était comme trahir son intimité avec Elijah. Mais d’un autre côté, ce n’était pas n’importe qui en face d’elle, mais sa meilleure amie. Blodwyn et Dawn avaient un peu tout traversé sans jamais rien se cacher, ce n’était donc pas le moment de jouer les greluches effarouchées ! « D’accord, d’accord, je me rends ! Mais on va la jouer à ma façon aussi : tu vas me donner un peu de détails si tu veux que je m’étende sur mon après-midi coquine en tant que pompom girl ! Et ne fais pas ta mijaurée, je te propose de faire donnant donnant, c’est pas mal comme plan ! » Au moins, Dawn n’aurait pas l’impression d’être la seule à confier quelque chose de personnel. A ceci près que pour Blod, la chose était légèrement différente : il s’agissait de sa première fois !

Oh dear. Si on lui avait dit un jour qu’elle allait parler aussi librement de sa vie sexuelle, sûrement aurait-elle assommé l’importun avec un rouleau à pâtisserie. Mais il faut croire que Blodwyn savait déteindre sur elle car Dawn n’en n’était pas particulièrement gênée. Au contraire, elle trouvait presque logique de se livrer à sa meilleure amie… si elle ne lui en parlait pas à elle, à qui pourrait-elle bien le faire ? Que le futur médecin se considère heureux car il était évident que la jolie chef n’allait pas compter des détails aussi personnels au premier ou à la première venue ! « Grosso modo, tu as rattrapé un précieux temps perdu, c’est ça ? » ironisa Dawn face à la confidence de Blodwyn. Quelque chose lui disait que pendant toute leur conversation à venir, un véritable ping pong d’informations toutes plus privées les unes que les autres allaient circuler. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’aucune oreille indiscrète ne passe par là… « Oh non cela n’avait rien à voir avec mes habitudes ! Je n’avais jamais enfilé de costumes avant… mais je me suis dit que ça pourrait un peu pimenter notre relation, parce qu’il ne se confiait pas sur ce qu’il voulait en fait. J’avais l’impression qu’il allait m’échapper alors j’ai acheté des tonnes de lingerie et donc un uniforme de pompom girl. Je le remettrais il ne me va pas mal ! Donc un fantasme… qu’il picore son propre chocolat sur mon corps nu ! Il me l’a déjà proposé d’ailleurs mais… à toi de me donner un autre détail ! »

A bien y réfléchir, Elijah avait l’air d’être plus ouvert sur la question du sexe que ne l’était Dawn. Il faut dire que l’éducation qu’elle avait reçue ET sa mauvaise première expérience n’aidait pas nécessairement en la matière. Mais si le chocolatier de son cœur avait été élevé par un homme d’église, il n’empêche qu’il avait de l’imagination, bien que la jolie chef le soupçonne de ne pas encore s’ouvrir totalement à elle sur la question. Dawn creusait légèrement le terrain, mine de rien, lorsque le moment s’y prêtait et qu’ils étaient bien évidemment seuls. Elle était prête à être de plus en plus ouverte d’esprit sur la question mais encore fallait-il qu’il accepte de suivre derrière… « Non je n’ai jamais essayé ! Mais quelque chose me dit que mon Eli ferait probablement une syncope si j’essayais la chose, ou sûrement parviendrait-il à se brûler avec du chocolat… » La jeune femme était morte de rire en imaginant l’effet que cela pourrait avoir sur lui et se promit d’essayer sitôt sortie de l’hôpital. Comme quoi, Blodwyn lui donnait des idées autant qu’elle devait lui en donner. « Ca me fait penser que nous avons tout de même réussi à faire l’amour alors que Zoé était dans sa chambre à préparer une valise pour Disneyworld, où Eli voulait nous emmener. On avait fermé la porte de la chambre à clef bien sûr mais si ma mémoire est bonne, il m’avait caché les yeux avec une cravate. » Dawn ne rougissait pas à énoncer ces vérités. Elle n’en n’avait pas honte, très étonnement.

Oh dear, Blodwyn avait raison. Jamais Elijah ne demanderait le divorce, du fait de son éducation d’une part mais aussi parce qu’il ne pouvait pas se plaindre des devoirs conjugaux de sa femme… Dawn remplissait allègrement le rôle et s’y donnait même à cœur joie, pour ainsi dire. Elle n’était pas fermée aux propositions, essayait même de tout mettre en œuvre pour pimenter leur vie sexuelle… si son chocolatier n’était pas comblé, alors elle avait clairement manqué un épisode. Mais peut-être désirerait-il aller plus loin encore sans même oser aborder le sujet avec elle ? « C’était… bon d’accord c’était bon et j’ai déjà envie de renouveler l’expérience ! Je crois que dès qu’il va rentrer je vais le harceler pour qu’il me dise ce dont il a envie, ou alors je vais sûrement l’accueillir en porte jarretelles… Zoé est chez mon frère pour le weekend, aucun risque que l’on nous dérange ! » Jack kidnappait continuellement la petite mais Dawn savait que cela lui faisait le plus grand bien : elle avait besoin de se sentir aimé par tous ses proches, et d’être voulue. La jolie chef lui donnait autant d’attention que possible, au même titre qu’Elijah, mais parfois, la folie de Jack était bien supérieure à tout l’amour qu’elle pouvait recevoir de sa tante et de son nouveau papa… « Je ne suis pas sûre que l’on fasse la même taille mais c’est à essayer à vrai dire ! Si tu vas dans un sex-shop… je t’accompagne. Je n’ai jamais tenté l’expérience et je n’ai aucune intention de finir vieille coincée ! »