Au moment de fermer les yeux, je me suis endormi avec son prénom sur les lèvres. Azylis. Azylis. Juste son prénom, rien d'autre, juste le nécessaire. Elle. La soirée de la veille a été plus que mouvementée. Nous sommes vraiment très doués pour se gueuler et ensuite ... ensuite faire tout le contraire. A croire qu’on adore faire ça alors que non, les meilleurs moments restent ceux comme cette nuit, quand la tempête se calme. Quand le reste du monde n’existe plus ... Oh ta gueule Alec, juste ta gueule. Bientôt tu vas te mettre à rêver d'hirondelles, de papillons bleus et d'eau fraîche. Et pourtant c'est presque ça. Les derniers mois ont été tellement difficiles avec tous les trucs qui sont arrivés et là, j'ai juste l'impression d'avoir mon premier moment de calme depuis des siècles. Soupir d'aise. Puis soudain, un tremblement. Une sensation étrange qui vous enlève peu à peu de ce calme et de cette tranquillité dans lesquels vous étiez plongé. Gémissement de protestation. Je n'ai pas envie de ... Mais c'est déjà trop tard. On me tire vers la réalité. Le réveil plutôt. Peu à peu tout reprend sa place. Aussitôt, un long frisson parcourt mon corps dans son entièreté et je sens quelque chose le frôler. Je bouge la tête mais mes yeux refusent toujours de s'ouvrir. « Mmmmm ... » me suis-je entendu gémir. Comme si je refusais de me réveiller complètement malgré ... Malgré sa présence juste à côté de moi. Mes doigts sont juste à côté de son ventre. Mon esprit émerge peu à peu. Je n'ai jamais été du matin. Vague sourire sur mes lèvres alors que le bout de son doigt continue de repartir à la découverte du haut de mon corps.

Je finis par ouvrir les yeux. Ils se plissent automatiquement dans un premier temps, agressé par les rayons de soleil matinaux avant de distinguer une fine silhouette dans la lumière. Tout est calme. Pourquoi je ne fais que de me dire ça ? Calme. Peu importe. C'est juste que sur le coup, je me suis dit que c'était trop beau. « Je suis pas contre un réveil comme ça tous les jours tu sais. » ai-je murmuré d'une voix encore ensommeillée. Toute notre nuit est passée en accélérée dans mon esprit. Oui c'est vrai, y a pire comme façon de se réveiller. Toujours étendu dans mon lit, je ne bouge pas d'un millimètre. Ma tête est tournée vers elle. Léger sourire en coin et si d'habitude, il est synonyme d'ironie ... ce n'est pas le cas maintenant. Ca faisait longtemps que ... que ... tout ne m'a pas semblé aussi ... parfait. Moment de silence. Juste quelques secondes où sans m'en rendre réellement compte, ma tête me dit de profiter de ce moment où rien ne semble poser problème par rapport à d'habitude. Pas de Nora, pas de père psychopathe ... Juste le soleil qui brille, mon appart' et Azylis avec moi dans le lit après une nuit qu'on pourrait appeler, de réconciliation. Même s'il y a des chances que tout ça soit momentané. Je veux pas y penser. C'est le genre de moment qui fout la trouille putain, quand on se rend compte qu'une personne ... une seule personne a cette effet là sur vous alors que vous prétendez que ... Laissez-tomber. Pour couper le silence, je me suis contorsionné dans le lit pour apercevoir mon réveil. Dix heures du matin passées. Je suis supposé avoir cours. Supposé ... Sourire aux lèvres quand je me retourne vers elle et me rapproche. Mes lèvres vont se balader sur le bas de sa mâchoire puis dans son cou pour y déposer de multiples baisers, lentement, tandis que mes mains caressent son dos. « Mon idée de programme pour le reste de la journée c'est de rester au lit ... A moins que tu n'aies mieux à faire bien sûr. » ai-je soufflé en haussant un sourcil et en mettant mon visage tout près du sien. Non elle ne peut pas avoir autre chose de mieux à faire. De toute façon si c'est le cas je la retiens de force, je m'en fous.

Je mets un certain temps à revenir à moi, comme si j'avais peur que la réalité soit moins bien que le rêve. La réalité est toujours moins bien de toute façon. Sauf que là, la réalité et le rêve sont la même chose. C'est en douceur que j'émerge, en proie à la plus grande et la plus douce des tortures. Peu à peu, tout se remet en place dans mon esprit encore embrumé. Le visage d'Azylis apparaît peu à peu à mes côtés. Son visage ... Hier a failli être la continuation de ce bordel sans nom qu'est notre relation. Oui mais failli, juste failli. Pour une fois les choses se sont bien terminées. A croire qu'on en pouvait plus. A croire que même à nous, il nous faut une pause, un moment tout simple pour reprendre notre souffle. Mais je ne veux plus que ce moment s'arrête. Elle sourit en me voyant avoir du mal à émerger puis, quand je lui avoue avoir envie de ce genre de réveil à chaque fois, elle se laisse retomber sur l'oreiller. « Et moi donc. » Un large sourire est imprimé sur mes lèvres. Ce moment est inespéré en vu des dernières fois où nous nous sommes vus, même hier soir. Les cris, les mauvaises nouvelles et les regards meurtris. Je dois avouer que là tout de suite, j'ai peine à m'en souvenir, ou plutôt je n'en ai pas envie. Là tout de suite, le monde n'existe plus. Le monde s'arrête à ma chambre et à ce lit qui ne m'a jamais paru aussi confortable que maintenant. Je sens la chaleur de son corps contre le mien. Ce dernier refuse de bouger et respire la paresse. Rien à foutre des cours, vous n'imaginez pas à quel point. Je sais ce genre de moment trop rare pour ne pas savoir qu'il faut en profiter. L'éventualité que si ça se trouve, demain sera un nouveau jour de disputes entre Azylis et moi me traverse l'esprit un instant avant de disparaître. Pas envie de penser à ça, pas envie de penser aux mauvaises choses pour une fois. On passe tous les deux trop de temps à penser aux mauvaises choses. Mais là je me sens juste ... bien. Parfaitement bien.

Ça doit être pour ça que j'ai tant de mal à me réveiller d'ailleurs, c'est étrange comme sentiment. Le silence de ma chambre fait contraste avec la scène de la boîte de nuit hier soir où on s'est hurlés dessus. Apaisement. Je regarde quand même l'heure, histoire de voir mais ne bronche pas d'un millimètre quand j'ai la confirmation qu'il est trop tard pour aller à mon premier cours de la journée. Mais comme je l'ai dit, rien à faire parce que je ne compte pas bouger d'ici avant très longtemps. L'éternité peut-être même. Les rayons de soleil me donnent l'impression de fabriquer un halo de lumière à Azylis. Soudain elle s'approche doucement et sa bouche entreprend de parcourir mon cou puis mon torse, le tout avec une lenteur calculé. Je souris, me laisse faire. Douce torture qui achève mon réveil ... Je la soupçonne de le faire exprès d'ailleurs. Je la soupçonne d'ignorer l'effet qu'elle me fait en fait, tout simplement parce que ... Elle me plante un baiser dans le cou. Je frissonne, c'est plus fort que moi. Je me dis que je me sens trop bien pour que ce soit réel. J'ai peur que ça s'arrête. Et j'ai tout aussi peur de me dire ça. « Alec Carter, t’es à moi. Donc que tu le veuilles ou non, tu ne quitteras pas cet appartement aujourd’hui » dit-elle quand je lui expose mon idée de programme. Sur ce coup là, on est sur la même longueur d'ondes. Malgré tout, je hausse un sourcil. « Et sinon quoi mademoiselle Sadovski ? Qu'allez vous me faire ? » ai-je fait pour la taquiner d'un ton très intéressé. Mon visage est venu à son tour trouver son cou pour essayer d'embrasser le moindre centimètre, très lentement. Très lentement. L'odeur de sa peau. Je n'ai pas l'intention de bouger d'ici, ô ça non. Un rayon de soleil vient réchauffer une partie de mon dos. « Et puis… A quoi bon aller en cours alors que tu es déjà censé y être ? » poursuit-elle. Mmmm j'avoue, sa logique est implacable. Je lève le nez de son cou et fait mine de réfléchir. Pense-t-elle vraiment que j'ai envie d'aller en cours à un moment pareil ? « Crois-moi, entre rester ici et voir la vieille peau qui me sert de professeur référente ... le choix est rapide. Je suis un très mauvais élève ... sécher les cours est une seconde nature. » ai-je dit en levant les yeux au ciel puis avec un sourire. Surtout quand elle est avec moi aurait dû être la suite. Bref, ça c'est sûr. Bon j'exagère peut-être un peu en disant que sécher les cours est une seconde nature mais disons que ça reflète mon état d'esprit actuel. C'est étrange ... vous décrire ce que je ressens à ce moment c'est ... étrange quand on a toujours été persuadé être immunisé ou ne pas avoir besoin de ... ça. Ne pas chercher d'explications, ne pas chercher d'explications. Être juste là, avec elle. Toute la journée au lit. Les images de notre nuit défilent en continu de ma tête. J'en brûle encore d'envie et j'ai l'impression que ça sera toujours le cas. Mes doigts viennent frôler son flanc jusqu'à la courbe de sa hanche. Ils vont même jusqu'à repousser de quelques centimètres le drap qui recouvre le reste de son corps dénudé. « Prisonnier dans mon propre appartement ... le comble. » ai-je murmuré heureux de ma situation.

Parfois je me me demande comment on ne s'est pas encore entretués depuis le temps. Pourquoi on revient toujours l'un vers l'autre. Qu'est-ce qui fait que c'est impossible pour moi de renoncer définitivement à elle. Pourquoi elle n'est pas comme toutes ces filles qui se sont retrouvées dans mon lit et dont pour certaines, je ne me rappelle même plus de leurs visages. Pourquoi, en la voyant,e je me mets à me poser ce genre de question. Pourquoi là, maintenant, tout de suite, je me sens aussi bien. J'ai beau me demander tout ça, je n'ai jamais obtenu de réponses. J'ignore si j'y tiens vraiment en fait. Et puis à quoi bon ? Je préfère me concentrer sur ce qu'il se passe, sur nos moments ensemble au lieu d'essayer de trouver des réponses à des questions abstraites. Ça s'appelle profiter de l'instant présent. Ne pas se prendre la tête avec le reste. Se laisser aller pour voir où ça mène. Même si ça fait peur. Même si le tunnel que l'on doit traverser pour ça semble sombre et étroit. On n'en voit jamais la fin mais on sait qu'elle existe, qu'elle est là, quelque part, ce qui est encore pire. « J’sais pas trop… Mais tu ne devrais pas trop me chercher. Tu sais que j’ai des moyens de torture vraiment efficace… » a-t-elle répondu quand je lui demande ce qu'elle compte faire si jamais je refuse de rester. Ce qui n'est pas le cas et elle le sait très bien. Pourquoi je voudrais partir ? S'il faut même, je ne pourrais ne plus jamais bouger de mon lit tant qu'elle occupe l'autre partie. Elle se mord la lèvre inférieure. Je sais très bien de quoi elle parle. D'ailleurs sa main entre prend une balade le long de mon torse. Ma peau s'enflamme aux endroits où ses doigts sont passés. Elle descend. Mon bas-ventre ... et puis la zone sensible. Vague de chaleur et de plaisir mêlés. Battement de coeur un peu plus fort. Je me mords l'intérieur de la joue, essayant de rester de marbre pour ne pas trop lui donner de satisfaction. Malgré tout ... Torture sans nom. Puis bien sûr, sa main se retire. « Tu vois… T’exciter, te donner envie… Et juste… arrêter. » La fin est brutale mais attendue connaissant ce diable blond. Mais honnêtement j'aurais été partant pour un deuxième round, si vous voyez ce que je veux dire. On a le temps, me suis-je dit soudain, aucun de nous ne veut bouger ... On va pouvoir faire tout ce qu'on veut. Profiter, ce qui n'arrive parfois pas souvent. Ca fait longtemps que je n'ai pas eu la sensation d'avoir le temps avec elle. « Ce genre là quoi » finit-elle visiblement très amusée de ce petit jeu. Sourire en coin. « Mmmm je vois tout à fait ... enfin je crois, j'aurais peut-être besoin que tu me remontres. » Plusieurs fois même, autant de fois qu'elle veut. « Je me vengerai d'ailleurs. » ai-je dit d'un air très sérieux. Prêt à la torturer de la même façon qu'elle vient de le faire. D'ailleurs, mes baisers ont plongé dans son cou pour y déposer de multiples baisers dans une lenteur calculée. Commencer doucement. Puis elle évoque les cours, cours qui sont à des kilomètres d'être ma priorité. Les cours ... Même si j'ai appris à me faire à l'idée d'être en commerce, ça veut pas dire que j'y cours tous les matins. Non là je ne peux et ne veux pas bouger de ce lit. C'est comme si au-delà de mon lit et de mon appartement, il n'y avait plus rien. « Comme si t’allais t’en plaindre. » sourit-elle quand je feins de me plaindre d'être retenu captif dans mon propre chez moi. Nouveau sourire de ma part. Sourire innocent. oui bon c'est vrai que je ne suis pas très crédible. Aussitôt, je sens son corps se rapprocher du mien, comme s'ils étaient faits l'un pour l'autre. Sa chaleur m'enveloppe tout entier et me fait soupirer d'aise alors que j'ai le droit à un baiser. « Et si on restait là, comme ça… pour toujours ? » propose-t-elle en posant sa tête contre mon torse. J'ai les yeux tournés vers le plafond. Rester pour toujours ici, loin de toutes les merdes qui sont juste derrière la porte d'entrée. Rester rien que tous les deux, enfermés ici pour toujours ... « C'est bon pour moi. » ai-je murmuré. Sincèrement. Je l'ai vraiment dit sincèrement sur le coup. Je peux pas dire que ça m'ait surpris mais ... On a morflé tous les deux. Dans nos vies respectives et dans notre relation. C'est en partie de notre faute d'ailleurs en ce qui concerne nos disputes. Trop fiers, trop craintifs pour s'avouer quoique ce soit. La souffrance fait qu'on a peur de s'attacher aux gens. De dépendre d'eux. Et quand malgré tout on s'approche de ce point culminant ... c'est trop tard. Soudain, j'y ai pensé. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai réalisé une chose qui pendant un instant m'a rendu incapable de respirer. « Ça fait un an que mon frère est mort. » ai-je lâché soudainement d'une façon neutre. Je n'ai pas réfléchi. Je l'ai dit sans vraiment m'en rendre compte, comme si je constatais cette vérité à voix haute au moment où elle passe dans ma tête. La constatation que Julian m'a laissé depuis un an déjà.