Inès & Nahla

Le verre avait volé à travers la pièce. Exprimer sa colère ainsi ne lui ressemblait pas … s’exprimer tout court ne lui ressemblait pas. Depuis qu’elle avait quitté Los Angeles, c’était à croire qu’elle avait laissé toutes émotions derrière elle avec Jayden. Elle était devenue froide avec les personnes qu’elle ne connaissait pas, mais elle savait s’ouvrir avec ceux qui faisaient partie de son quotidien. Toutefois, les choses lui échappaient beaucoup trop depuis le retour de Jayden dans sa vie. Elle qui avait pour habitude tout contrôler sans le moindre effort, c’était bien la première fois qu’elle ne savait pas comment réagir. La jeune femme avait la sensation de tout faire de travers ce qui était nouveau pour une personne ayant toujours eu pour habitude de réfléchir tellement vite que les choses se faisaient bien et naturellement. Sa situation lui semblait être catastrophique et elle se retrouvait au milieu de deux hommes qu’elle aimait et autant dire que ça aussi c’était une première. Effacée au cours de son adolescence, la sud-africaine n’avait jamais cherché à plaire aux autres, elle se contentait de vivre sa vie et de se focaliser sur ses études tout en s’efforçant de cacher le fait qu’elle avait depuis des années une année d’avance sur les autres. Sa rencontre avec Jayden était due au hasard, mais elle était également la plus belle chose qui lui soit arrivée depuis qu’elle avait quitté l’Afrique du Sud pour s’installer à Los Angeles.

Avec lui, Nahla avait eu la sensation d’avoir de l‘intérêt pour une personne autre que sa mère ou son frère. Avec lui, elle avait compris le véritable sens du mot « aimer », mais avec lui elle avait également dû faire face à la douleur de se séparer d’un être cher. Pourtant, elle avait tenu bon, du moins jusqu’à rencontrer Roméo. Il avait été une bouffée d’oxygène dans cette nouvelle ville où elle vivait avec un manque perpétuel. Il avait été son soutien pour tout, y compris pour Lucas et le jeune homme lui avait appris une nouvelle façon d’aimer. Malheureusement, elle se retrouvait entre eux deux avec l’incapacité de choisir tant elle pouvait les aimer l’un comme l’autre. Cette sensation affreuse l’empêchait même de dormir correctement la nuit et la fatigue s’accumulant, la moindre petite chose contrariante se transformait en apocalypse. « T’as essayé de me tuer là ? ». Son regard se posa sur son frère, mais elle détourna bien vite les yeux et croisa les bras contre sa poitrine. La seule chose qu’elle avait essayé de faire était de canaliser sa colère ce qui avait plutôt raté d’ailleurs. Apprendre par la bouche de son jumeau que Roméo se rapprochait de l’une des employées de la clinique vétérinaire l’avait fait tomber de haut … mais peut-être l’avait-elle cherché après tout ? Cependant, sa colère ne faisait que s’accroitre et lorsqu’elle posa de nouveau les yeux sur son frère, ce dernier su immédiatement ce qu’elle avait derrière la tête. « Charlie … fais pas ça … ». Mais elle se moquait du ton suppliant qu’il venait d’employer.

La mâchoire crispée, la sud-africaine attrapa son sac et quitta l’appartement de son aîné en prenant bien soin de claquer la porte pour faire comprendre qu’elle restait en colère et que ça n’était pas prêt de changer. Durant tout le trajet la menant à la clinique où travaillait Roméo elle ne put s’empêcher de s’énerver contre la moindre petite chose, mais principalement contre elle-même. S’il devait y avoir une fautive dans cette histoire, c’était bien elle. A ne pas savoir où elle en était elle risquait de perdre les deux et cette simple idée lui était insupportable. Bien qu’elle ait couché avec Jayden, ça ne changeait pas le fait que pour l’instant elle était toujours la petite amie de Roméo et savoir qu’une autre lui tournait à présent ouvertement autour la faisait sortir de ses gongs. Même une fois arrivée sur le parking de la clinique, elle ne parvenait pas à se calmer. Elle qui avait appris à être maîtresse d’elle-même, elle en était bien loin et Nahla s’en moquait éperdument. La sud-africaine ne chercha même pas à paraître neutre, elle laissait sa colère visible sur son visage et à travers son regard … tant pis si elle effrayait les passants. Toutefois, lorsqu’elle arriva devant la porte elle usa de son don à se faire particulièrement discrète comme elle l’avait si bien appris avec son second métier. Douée dès qu’il s’agissait de n’être qu’une ombre, Nahla entra dans le cabinet en coup de vent et ne laissa que très peu de temps à la porte de rester ouverte.

Immédiatement, son regard balaya l’endroit et se posa sur la jeune femme qu’elle ne mit pas de temps à remarquer et qui elle-même se leva de son bureau pour la rejoindre. Polie malgré tout, elle serra sa main sans prononcer le moindre mot et la jaugea du regard. « Bonjour, je peux vous aider ? Je ne reçois pas maintenant normalement mais si on vous a laissé monter à la réception c’est que votre cas devez être urgent. Je vous laisse vous assoir et m’expliquer. ». Nahla resta debout sans la quitter des yeux, sa mâchoire se crispant au point d’émettre un léger grincement. Évidemment que son cas était urgent et bien sûr que la réceptionniste l’avait laissé monter puisque cette dernière connaissait parfaitement Nahla. « Je ne suis pas là pour un animal. » affirma-t-elle assez sèchement. Nahla ne comprenait pas … elle ne saisissait pas la raison qui l’empêchait de se contrôler comme elle savait pourtant si bien le faire d’habitude. La sud-africaine était juste en colère et à bien y réfléchir ce n’était pas contre Inès. Elle était en colère contre elle, en colère contre sa vie tout entière et malheureusement pour la jeune femme face à elle, son intervention dans sa vie de couple était la goutte d’eau de trop. « Je suis Nahla … mais je pense qu’il est inutile de préciser plus en détails qui je suis. ». Un sourire parfaitement hypocrite prit place sur le visage de la jeune femme qui s’avança vers la demoiselle sans rien ajouter d’autre. Elle souhaitait d’abord analyser sa réaction avant de monter sur ses grands chevaux même si Nahla doutait sincèrement pouvoir faire taire sa colère.

Depuis toujours Nahla était d’un naturel plutôt doux. Si elle devait éviter les ennuis la jeune femme avait l’art et la manière de le faire et ce d’autant plus depuis ses dix-neuf ans. Elle avait toujours vécu dans l’ombre des autres et ce n’était pas une chose qui lui avait déplu. Elle était une jeune femme intelligente – bien trop puisqu’elle avait toujours eu de l’avance – et elle savait que trop bien à quoi la jalousie d’autrui pouvait pousser. La sud-africaine n’avait jamais réellement fait partie de ces personnes jalouses, évidemment elle n’était pas parfaite et savait que pour certains points elle ressentait cette émotion comme n’importe qui d’autre mais ce n’était jamais à un point démesuré. La discrétion était ce qui l’avait toujours le plus caractérisé. Elle détestait le fait que l’on s’intéresse d’un peu trop près à elle comme elle détestait que l’on en sache trop sur sa vie. Comme chacun, la jeune femme possédait un jardin secret qu’elle comptait bien garder pour elle bien que certaines personnes au sein de son entourage la connaissaient par cœur. Elle avait menti sur bien des faits depuis le décès de sa mère et ce n’était pas une chose dont la jeune mère était fière, bien au contraire. Quel modèle était-elle pour son fils si ce dernier venait à apprendre un jour qu’elle avait menti des années durant sur les lieux où elle se rendait ? Bien sûr, ça partait d’une bonne intention, de celle de vouloir protéger Lucas, de vouloir protéger Roméo et Jayden mais plus elle y réfléchissait et moins Nahla trouvait cela comme étant une excuse assez valable.

Elle aurait voulu tout leur déballer quitte à les perdre, mais elle savait que c’était impossible et la jeune femme connaissait que trop bien les risques si jamais ils étaient mêlés de trop près à ce qui faisait d’elle la jeune femme douée en manipulation et en mensonge qu’elle pouvait être aujourd’hui. Néanmoins, cette fois Nahla n’avait pas la moindre envie d’être discrète, pas la moindre envie d’être douce et elle laissait volontiers la jalousie lui dévorer les entrailles pour la rendre plus colérique qu’elle ne pouvait l’être. Sans doute l’avait-elle mérité pour avoir trompé Roméo, à vrai dire la sud-africaine n’en avait pas le moindre doute, cependant ce n’était pas une excuse suffisante pour supporter le fait de savoir que son petit ami se rapprochait dangereusement de cette jeune femme qui travaillait avec lui et qu’elle avait pu apercevoir quelques rares fois. Elle était probablement venue poussée par son mécontentement mais quand bien même était-ce stupide de réagir de la sorte, Nahla ne se démonta et atteignit les bureaux qu’elle connaissait si bien sans le moindre mal tandis que sa colère continuait de la consumer. Le petit sourire qui prit place sur les lèvres d’Inès manqua de la rendre d’autant plus énervée qu’elle ne l’était déjà, toutefois la jeune femme usa de son habilité à rester impassible pour garder son calme et être la plus sereine possible bien que sa colère continuait de se lire dans son regard. Si cette demoiselle avait fait partie des nombreux contrats qu’elle devait exécuter, Nahla savait qu’elle l’aurait éliminé sans le moindre remord, à la fois parce qu’elle n’avait jamais pu se permettre d’en avoir mais aussi parce que plus elle la regardait et plus l’envie de lui en coller une la démangeait.

« Inutile d’en dire plus en effet, ton prénom me dit bien quelque chose. Enfin si après réflexion il faudrait m’en dire plus sur une chose : pourquoi es-tu là ? ». Sa mâchoire se crispa en l’entendant la tutoyer comme si elles se connaissaient depuis toujours alors que c’était loin d’être le cas. Visiblement, la politesse et le respect ne risquaient pas de les rejoindre au sein de cette conversation et quelque part ça arrangeait la jeune femme qui pourtant resta toujours aussi neutre, son sourire hypocrite étirant encore ses lèvres. « Tu vas directement au vif du sujet, c’est bien. » dit-elle sans la quitter des yeux. Ses sourcils se froncèrent légèrement tandis qu’elle la jaugeait du regard. En temps normal elle aurait pu apprécier Inès. En temps normal elle n’aurait rien eu contre elle et aurait même aimé l’impression de n’avoir peur de rien qu’elle dégageait mais ce n’était pas le cas. « Tu vas calmer tes ardeurs avec Roméo, tu m’entends ? ». Ton toujours parfaitement calme, Nahla croisa ses bras contre sa poitrine et dégagea ses cheveux derrière ses épaules d’un bref mouvement de la tête. « Je te déconseille de jouer à ce petit jeu avec moi, tu es loin de me connaitre. ». Et c’était peu dire. En réalité la seule personne à la connaitre était son frère. Chris partageait tout avec elle et il en allait de même avec Nahla. Ils portaient le même fardeau sur leurs épaules. Ils se devaient de suivre des ordres qu’ils haïssaient et mentaient à leurs proches pour leur protection. Inès n’en avait peut-être pas la moindre idée – et peut-être allait-elle s’amuser de ses paroles – mais Nahla était bien plus dangereuse que ce qu’elle pouvait laisser paraitre.

Nahla faisait preuve d’un calme olympien qui ne la surprenait pas tant que ça finalement. Elle n’avait jamais été une personne véritablement violente, tout du moins au cours des dix-neuf premières années de sa vie. Elle aurait probablement souhaité qu’il en soit ainsi toute sa vie … ou plus exactement elle continuait de le vouloir mais elle savait que ce n’était qu’un rêve, une vie utopique qu’elle n’était pas prête d’avoir, pas temps qu’elle n’aurait pas réussi à se débarrasser de son fardeau. C’était ce dernier qui l’avait changé. C’était lui qui avait fait d’elle la femme qu’elle était aujourd’hui et même si la sud-africaine était fière d’être devenue plus forte et moins effrayée par la violence, elle aurait tant aimé ne pas être celle qu’elle était aujourd’hui. Elle aspirait à une vie simple et sans mensonge comme elle avait su l’aimer par le passé. Souvent elle rêvait d’être encore à Los Angeles – sans la violence et la peur au ventre ceci dit – loin de tous les problèmes qui pouvaient s’incruster dans sa vie ces dernières années. La sud-africaine était pourtant une personne discrète ou du moins elle essayait de l’être. Elle faisait parler d’elle le moins possible, à la fois pour ne pas éveiller de soupçons sur sa personne mais aussi parce qu’elle n’avait jamais aimé ça et voilà qu’en ce jour elle venait briser tout ses principes et ce par pure jalousie. Nahla avait parfaitement conscience du fait qu’elle donnait l’impression de ne pas savoir ce qu’elle voulait mais la vérité était tout autre.

Elle ne savait plus où se mettre ni même ce qu’elle devait faire ou ne devait pas faire. Faire souffrir les personnes auxquelles elle tenait n’était pas dans ses habitudes et il était clair qu’elle aurait sincèrement préféré s’en passer dans toute cette histoire. Pourtant, la jeune femme savait que son choix allait forcément impliquer de faire souffrir quelqu’un et que ce soit Roméo ou Jayden cette simple pensée lui donnait la nausée. Peut-être aurait-elle pu venir sur le lieu de travail de son petit ami voir Inès de manière plus calme et diplomatique, toutefois elle avait laissé parler sa colère et sa jalousie empêchant ainsi toute conversation civilisée entre les deux jeunes femmes. Au fond, Nahla n’avait aucune raison d’haïr Inès comme elle pouvait le faire à cet instant précis, après tout ne se contentait-elle pas de vivre sa vie comme elle venait en profitant des opportunités qui s’offrait à elle ? Qui ne l’aurait pas fait à sa place ? Cependant, elle avait beau essayé de lui trouver toutes les excuses du monde pour faire redescendre sa colère ça ne fonctionnait pas et le petit géni qu’elle était parvenait à sentir sans le moindre mal que ça n’allait pas aller en s’arrangeant. « Pourquoi passer par quatre chemins hein ? Toi comme moi on sait pourquoi tu es là, enfin pour me parler de quelle personne tu es là ! ». Les propos de la jeune femme face à elle ne furent que la confirmation de ce qu’elle pensait déjà.

Sa mâchoire se crispa afin de se contenir encore un peu plus longtemps alors qu’elle sentait sa rage faire bouillir le sang qui coulait dans ses veines. « Calmer mes ardeurs! Hum hum ! Pour dire ça, encore faudrait il qu’il y ait quelque chose entre nous pour qu’il y ait ses fameuses ardeurs ! ». Nahla arqua un sourcil. Elle se moquait d’elle ou était-elle en train de la prendre pour quelqu’un de stupide ? Loin de se vanter du fait qu’elle avait un QI au-dessus de la moyenne, elle était bien assez maligne pour comprendre les signes lorsqu’elle les voyait et si la jeune femme jouait les innocentes, la sud-africaine était loin d’être naïve au point de la croire. « Je ne te connais pas mais moi je me connais très bien et je sais que ce n’est pas une femme qui veut simplement prendre le temps de choisir entre son petit ami actuel et son amant qui va me faire peur ! Je trouve ça dégueulasse de le faire souffrir comme cela ! Je ne vais pas te le piquer ne t’inquiètes pas pour ça je ne suis pas comme toi mais si il apprécie ma compagnie il fera son choix tout seul et que tu me menaces ou pas je ne le repousserais pas ! ». Et ce tutoiement qui commençait sincèrement à la rendre folle de minute en minute … Nahla avait de plus en plus l’envie de frapper quelque chose, peut-être le mur sur sa droite mais elle parvint une fois de plus à se contenir sans dévier son regard de la jeune femme qu’elle avait sincèrement envie d’assommer ne serait-ce que par besoin de se défouler, de faire disparaître cet air innocent de son visage et pour la faire taire.

« Tu… Non rien ! ». La sud-africaine inspira une grande bouffée d’air et expira bien plus vite en fermant les yeux une fraction de seconde. Bien qu’elle eut l’envie de faire quelques pas de plus en avant dans la direction d’Inès, Nahla jugea néanmoins plus intelligent de garder une distance de sécurité pour éviter toute effusion de sang. « J’aimerais tellement vivre dans ta petite bulle … » Commença-t-elle sur le ton de l’ironie, le visage parfaitement neutre, la voix calme et posée. « Tu as raison sur un point : tu ne me connais pas, tu n’as pas la moindre idée de ce qui peut se passer dans ma vie et rien que pour ça je ne te permets pas de juger mes actes. Si ça te plait de croire que je le fais volontairement souffrir pour mieux dormir la nuit, fais-toi plaisir ! Je l’aime contrairement à ce que tu peux croire et si tu échangeais ta petite vie de princesse avec la mienne ne serait-ce une journée crois-moi que tu ferais bien moins la fière. ». Oh ce qu’elle aurait aimé lui donner un avant-goût de ce qu’était sa vie pour la calmer, mais elle savait que ce n’était ni l’endroit ni le moment pour une démonstration de force ou de quoi que ce soit qui pourrait la mettre sur la piste. En réalité, elle n’avait pas la moindre envie de l’effrayer mais simplement de faire en sorte qu’elle reste à sa place au lieu de venir se mettre au beau milieu d’affaire qui ne la concernait pas.

Elle qui avait toujours été d’un calme olympien dans n’importe quelle situation, elle se surprenait à se voir monter sur ses grands chevaux aussi vite. Ça lui ressemblait si peu que la jeune femme avait la sensation qu’elle n’était plus elle-même, que ce n’était plus elle qui contrôlait son corps, ses pensées et ses paroles alors que pourtant, aux dernières nouvelles, elle n’était pas touchée de schizophrénie. Toutefois, il fallait bien avouer que la jeune femme face à elle la mettait hors d’elle rien que par sa simple présence mais aussi par le fait que ses paroles étaient totalement justes … C’était probablement ces dernières qui énervaient Nahla. Inès était en train de la mettre face à la vérité, elle la forçait à ouvrir les yeux sur un mensonge qu’elle passait sous silence depuis quelques temps. Elle jouait avec le feu et plus que tout, elle blessait les personnes qui importaient pour elle par égoïsme. Elle ne voulait pas laisser Roméo partir parce qu’elle tenait à lui et qu’elle l’aimait malgré ce que la jeune femme devant elle pouvait penser. Elle l’aimait et elle avait peur de le perdre alors qu’elle savait que le véritable amour elle ne le ressentirait qu’en présence de Jayden et uniquement avec lui. Oui, Nahla était égoïste elle n’avait pas voulu se l’avouer jusqu’alors, alors entendre une autre personne le lui faire comprendre était quelque chose que la jeune femme avait bien du mal à encaisser.

C’était la raison principale de sa colère et l’explication du fait qu’elle partait au quart de tour aussi rapidement. La Sud-africaine n’appréciait que très peu cette situation et elle tentait de trouver n’importe quelles excuses pour tenter de justifier quelque chose qui n’était pas justifiable. Elle avait été infidèle, voilà tout et il était probable qu’elle le soit encore parce qu’au final sa vie devait se faire auprès de Jayden. Elle avait à présent la sensation de jouer avec Roméo et ses agissements la rendaient malade bien que Nahla n’en laissa rien voir, hors de question qu’Inès remarque qu’elle gagnait, qu’elle avait raison sur toute la ligne. La seule raison pour laquelle la jeune femme avait débarqué dans ce cabinet vétérinaire était sa jalousie qui s’était réveillée lorsque son frère lui avait fait part du rapprochement entre Roméo et la jeune femme et même lui avait tenté de faire en sorte qu’elle ne parte pas parce qu’il savait qu’elle n’avait aucun le droit de s’y opposer et que c’était sans doute même un bon moyen pour que Roméo s’éloigne d’elle sans qu’il ne souffre trop. « Tu veux que je pleure ? Je suis vétérinaire, pas psychologue, si ta vie est dure, qu’elle ne te convient pas, qu’elle te plait pas, que tu souffres ou tout le reste c’est chez un psy que tu dois aller pas venir ici car désolée de te décevoir mais je ne peux rien faire pour toi ! »

Son regard se posa sur le mouchoir que la jeune femme avait pris avant que ses yeux se lèvent à nouveau vers le visage d’Inès. Même si elle devait avouer que cette jeune femme avait parfaitement raison, ça ne changeait néanmoins pas le fait qu’elle la mettait hors d’elle et qu’elle avait une sérieuse envie de la claquer à chaque fois qu’elle s’adressait à elle. Pourtant, Nahla resta silencieuse, sa mâchoire se crispant pour la énième fois afin de se rester un tant soit peu calme et ne pas se jeter sur elle pour lui faire passer tout envie d’être cynique avec elle. « Ta vie est ce qu’elle est… Elle ne devait pas être encore assez compliquée pour que tu en rajoutes avec tes infidélités ! Mais je ne te connais pas et tout le blabla très juste, et il en est de même pour toi alors la petite vie de princesse tu peux l’oublier à moins qu’il y ait une troisième personne dans cette salle et que tu parles d’elle ! Chacun sa vie, chacun ses soucis ! Maintenant j’ai du boulot, entendre les jérémiades de la pauvre malheureuse femme qui se tape deux hommes et se dit malheureuse ça ne m’intéresse pas ! » Nom de Dieu … Qu’est-ce qu’elle pouvait avoir envie de faire en sorte qu’elle cesse de se croire supérieure une bonne fois pour toute. Certes, chaque personne avait une vie différente de celle d’un autre, mais la sienne … jamais elle ne l’avait demandé et elle ne pouvait pas même lui faire comprendre sans se vendre.

Nahla n’avait jamais demandé à devenir tueuse à gage. Elle n’avait jamais demandé à ce que sa vie soit aussi compliquée et qu’elle soit obligée de quitter Los Angeles pour sa sécurité et celle de l’enfant qu’elle portait à l’époque, mais ça Inès ne pouvait pas le savoir et la Sud-africaine se força à se murer dans son mutisme. « La porte est derrière toi si c’est ça que tu cherches … Et si tu ne la trouves vraiment pas je pourrais toujours demander à Roméo de venir t’aider à sortir de la clinique je suis sûre qu’il sera enchanté de constater que tu es assez timbrée pour venir m’enquiquiner ici ! » Nahla resta quelques instants de plus à fixer Inès sans rien dire puis les dernières paroles de la jeune femme parvinrent à la convaincre qu’il était temps pour elle de partir de là. Elle aurait aimé ajouter une phrase théâtrale pour lui faire comprendre qu’elle allait payer cette impudence, mais à quoi bon ? Inès avait raison et Nahla se devait d’agir comme la personne qu’elle avait toujours été, elle devait reconnaître ses tords et ne pas être aussi fière qu’elle pouvait l’être à cause des épreuves qu’elle avait pu traverser. Un soupire lui échappa puis elle tourna les talons et s’éloigna du cabinet de vétérinaire pour rejoindre sa voiture en gardant la tête haute jusqu’à se trouver à l’intérieur du véhicule. Là, elle dû se faire violence pour ne pas craquer et elle s’éloigna aussi vite de cet endroit comme si la distance allait lui permettre d’oublier tout ce qui lui avait été dit.