INDIANA & ARIZONA ❝ don't cry ❞

Soupire. Les insomnies devenaient de plus en plus courantes et son humeur de plus en plus exécrable. Elle avait besoin de sommeil, besoin de se reposer en dehors des salles de repos du Lenox Hill, mais elle en était incapable. Se retrouver ici et faire face à la triste vérité était insupportable. Elle ne se souvenait toujours pas et plus le temps passait et plus ça la rendait folle. Pourquoi elle ? Pourquoi fallait-il que ce genre de chose lui tombe sur le coin du nez ? Après tout elle avait toujours tout fait pour sa famille, pour ses proches. Certes, elle n’était pas irréprochable, mais elle avait toujours fait de son mieux pour l’être un tant soit peu et pourtant elle enchaînait les problèmes tel un aimant attirant le fer. Cette situation la fatiguait bien plus que n’importe quel autre évènement de sa vie. Elle aurait tout donné pour se souvenir d’une toute petite chose juste afin de dire qu’elle se souvenait et pouvoir faire disparaitre l’ambiance qui régnait dans l’appartement de sa jumelle. Seulement, rien n’y faisait. Elle parvenait à se souvenir de petites choses, du fait qu’elle avait enchaîné deux travails pour réussir à joindre les deux bouts à chaque fin de semaine. Elle se souvenait également de sa fausse couche qui l’avait pas mal secoué, mais elle était incapable de situer sa propre sœur dans tous ces évènements.

C’était frustrant et perturbant à la fois. Elle savait qu’elle était passée par toutes ces épreuves en compagnie de sa demi-sœur, mais elle le savait parce qu’on le lui avait dit dans l’espoir que sa mémoire se réveil, mais rien. London avait tout de même cessé de s’inquiéter pour elle. La voir en pleine forme – hormis les désagréments de sa grossesse – le rassurait comme le fait qu’elle avait toujours son sale caractère lorsqu’on se préoccupait un peu trop de sa personne, mais pour Arizona ce n’était pas suffisant. Elle voulait plus, toujours plus. Elle voulait que sa relation avec Indiana cesse d’être aussi tendue. Elle voulait soulager sa petite sœur et lui demander pardon pour avoir osé l’oublier même si c’était son inconscient et le choc qui avait créé ce souci, mais elle n’y parvenait pas. La seule chose que la jeune résidente était capable de faire était de la fuir pour ne pas avoir à lire sa détresse dans son regard à chaque fois qu’elles se croisaient, seulement elles vivaient sous le même toit et trouver une excuse qui tenait un tant soit peu debout devenait de plus en plus difficile. Arizona laissa échapper un nouveau soupire tandis que son regard se posait sur le cadran de son réveil. Il était tard et il était probable qu’à cette heure-ci tout le monde dorme … enfin à part elle.

Par moment elle venait à regretter le fait de ne pas être de garde de nuit, mais le chef en avait décidé ainsi et la jeune femme n’avait pas d’autre choix que de se plier à ses ordres. C’était soit disant mieux pour elle, mieux pour sa santé et celle du bébé et même si Arizona ne supportait pas le fait qu’on la considère comme une petite chose fragile et en sucre, elle ne disait rien sachant pertinemment que sa période d’essai n’était pas encore achevée. Ses yeux se posèrent en direction du plafond sombre de sa chambre. Elle mourrait de chaud, comme bien souvent en ce mois d’août. Les températures étaient à la limite du supportable, surtout dans une aussi grande ville que New York et la chaleur l’empêchait également de dormir. Doucement, la jeune femme se redressa dans son lit et fixa un point non précis droit devant elle en passant une main de ses cheveux bruns. De toute manière à quoi bon rester au lit sachant qu’elle ne parviendrait pas à fermer les yeux ? Malgré tout, il fallut encore quelques minutes à Arizona pour parvenir à se sortir de son lit. Elle se traîna aussi discrètement que possible dans le couloir en massant son ventre qui prenait un peu plus de forme tous les jours.

Les escaliers menant au rez-de-chaussée de l’appartement de Cheyenne descendus, elle se dirigea vers la cuisine où elle alla s’emparer de tout le nécessaire pour un bon petit déjeuner – oui, même à trois heures du matin – et rebroussa chemin en direction du salon où elle se laissa lourdement tomber sur le canapé et alluma la télévision. Les programmes de nuit étaient loin d’être passionnants, mais elle allait s’en contenter, de toute manière elle préférait ça plutôt que de rester dans son lit à fixer le plafond de sa chambre jusqu’à ce que le jour se lève, elle priait seulement pour ne réveiller personne si tard … ou de si bonne heure selon le point de vue. Toutefois, tandis qu’elle mangeait ses tranches de brioches tartinées au Nutella, son esprit était parti ailleurs, à la recherche de l’élément qui pourrait réveiller sa mémoire et faire revenir ses souvenirs. Depuis le réveil de son coma, Arizona n’avait que très peu parler avec Indiana de crainte de ne pas supporter ce qu’elle allait entendre. Elle avait préféré fuir sa petite sœur pensant que ça serait bien plus facile pour l’une comme pour l’autre, mais était-ce réellement le cas ? De tous les membres de leur famille – elle comprise – Indiana était bien la seule à connaitre tous les détails qui lui manquaient, tous ceux qu’elle avait oublié ces derniers mois et pourtant il ne lui était pas venu à l’esprit d’en parler avec sa cadette.

INDIANA & ARIZONA ❝ don't cry ❞

Indiana ne put s'empêcher de bailler. A moitié affalée sur son bureau, elle termina sa phrase et envoya balader son crayon. Le réveil indiquait près de trois heures du matin, et elle avait ENFIN terminé. Ceux qui n'étaient pas en études de médecine ne pouvaient pas imaginer le contrôle de soi-même que ça nécessitait. La jeune australienne plongea son regard dans ses mains, frottant ses yeux fatigués. Elle éteint sa lampe de bureau, ne laissant filtrer que la lumière dessous sa porte. Elle avait pris, depuis quelques temps, l'habitude de travailler la nuit. C'était le moment de la journée où elle était le plus efficace, ou ses émotions à fleur de peau lui donnaient le courage de faire les choses, et l'aspiration à être quelqu'un de meilleur. Oui, la nuit, il se passait beaucoup de choses dans la tête d'Indiana Thomson. Malgré la fatigue qu'elle avait accumulé depuis quatre semaines, elle n'avait jamais été si excellente en cours, elle avait même reçu les félicitations de l'un de ses maîtres de conférence pour son travail de la semaine dernière. Ce dernier ne cessait d'ailleurs de clamer à tous les autres professeurs qu'elle était un petit génie de la médecine, qu'il était impossible qu'elle comprenne tout ça sans y passer tout son temps. Indiana avait toujours eu plus ou moins des facilités, mais là, étant donné qu'en plus de cela, elle travaillait, il y avait de quoi décrocher le meilleur des diplômes. Elle en était fière, oh oui très fière.. Mais n'avait personne avec qui le partager. Autrefois, elle en aurait discuté des heures avec sa sœur Arizona, qui elle aussi avait fait médecine, et qui était passée par les mêmes moments de joie, de doute, de pleurs. Mais le temps où elle prenait des sirops à la violette avec sa sœur, tranquillement installée dans son canapé, était révolu. Elle n'avait plus l'occasion de déclarer avec fierté à sa sœur que ses professeurs l'appréciaient. Elle n'avait plus la possibilité de confier à sa sœur qu'elle se sentait terriblement seule, qu'elle commençait à ne plus croire en le fait qu'elle puisse aimer quelqu'un un jour, et que quelqu'un puisse l'aimer en retour. Elle ne pouvait pas lui avouer qu'elle avait l'impression de passer à côté de sa vie. Pourquoi ? Parce que ça sœur ne souvenait même pas de qui elle était. Indiana avait encore du mal à réaliser, et à comprendre. Après tout, c'était étrange : Arizona se souvenait quasiment de tout, et surtout de tout le monde.. sauf d'elle. Qu'avait-elle bien pu faire pour que son subconscient décide de la rayer, comme ça, sans explication valable ? Les psychologues devaient sûrement penser qu'il y avait une raison pour qu'elle ait été la seule à avoir été oubliée, mais ils se gardaient bien d'en parler, surtout à elle. Et pourtant, elle avait cherché à savoir, mais s'était retrouvée face à des murs. Un mur. Lors de l'accident de sa sœur, elle avait rongé tous ses ongles, avait pleuré toutes les larmes de son corps, effrayée à la seule idée de la perdre. En quelque sorte, elle l'avait quand même perdue. Tous leurs souvenirs s'étaient envolés, tous sans exception. Les journées à la piscine, le moment où Arizona avait annoncé sa grossesse à sa sœur.. Le moment où elles s'étaient retrouvées. Tout, absolument tout avait disparu, comme envolé. Et dieu que ça faisait mal. En Arizona, Indiana avait pourtant trouvé une confidente, une sœur digne de ce nom. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour s'attacher définitivement à ce petit bout de femme exceptionnel. Elle qui n'avait pas été habituée à avoir une sœur.. Aujourd'hui, elle en avait une tripotée, de sœurs mais ne les connaissait pas toutes aussi bien qu'elle le voulait, et la seule qui aurait pu faire office d'exception dans ce grand bazar était Arizona. Quand elle avait tout oublié, Indiana s'était retrouvée seule, terriblement seule. Certes, il y avait Ella, mais elles n'étaient pas encore très proche, et le côté très fêtard de la jumelle d'Arizona dénotait littéralement du caractère calme et studieux de la benjamine. Avec le temps, Indiana en était sûr, elles se rapprocheraient.. Mais pour le moment, rien n'était gagné.

Si Indiana avait décidé de travailler la nuit, c'était aussi parce qu'elle était sûre de ne pas croiser sa sœur amnésique. A chaque fois que cela se produisait, Indiana ne pouvait s'empêcher de ruminer encore et toujours le problème, le visage seul de la Ioannis suffisait à la torturer pendant des heures. Il lui était impossible de travailler dans ces conditions. Finalement, la jeune femme réussit à se lever de son bureau, et prit quelques minutes pour ranger ses affaires. Elle se levait dans quelques heures, et ce n'était sûrement pas de bon matin qu'elle allait s'occuper de faire son sac. Mais elle sursauta lorsqu'elle entendit du bruit au rez-de-chaussée. Certes, elles étaient trois dans cette maison mais.. Ella n'était pas de sortie ce soir, et les deux jumelles dormaient à poings fermés depuis quelques heures déjà.. Indiana sentit son cœur s'affoler. Doucement, elle attrapa la batte de base-ball qu'elle gardait précieusement dans sa chambre (un souvenir d'un match avec sa mère), et commença à descendre les escaliers dans le plus grand silence. Il y avait bien de la lumière en bas. D'accord, il y avait de grandes chances que ça ne soit pas alarmant, mais la tendance paranoïaque de la jeune femme prit le dessus. Lorsqu'elle arriva en bas des marches, elle baissa les épaules et soupira. Sa sœur Arizona était devant la télévision, et devant elle étaient étalés des cochonneries plus alléchantes les unes que les autres. Indiana sentit son ventre crier famine, et se pinça les lèvres. Arizona était bien la dernière personne qui allait l'aider à dormir mais.. La nuit parfois, réveille les souvenirs les plus enfouis.. Qui savait ? Traînant sa batte de base-ball derrière elle, elle se dirigea vers le canapé. « j'aurais pu t'assommer, je t'ai prise pour un délinquant. » lâcha-t-elle avec un sourire. Inutile de commencer la conversation de manière tendue, elle finirait tendue de toute manière. Puis, Indiana s'affala sur le canapé et demanda en levant les sourcils « tu es au courant qu'il est trois heures du matin ? » Elle ne put s'empêcher de ricaner, gentiment cela dit. « je peux avoir le nutella ? » finit-elle par demander, incapable de résister.

Perdue dans ses pensées … c’était l’état dans lequel elle se trouvait les trois quarts du temps depuis un petit moment. Elle réfléchissait beaucoup et ce sans doute bien plus que par le passé. Elle essayait de se souvenir, elle tentait de forcer sa mémoire dans l’espoir de se rappeler tous ces petits détails qu’elle avait pu oublier à cause de l’accident et à cause du choc. La jeune femme avait beau tout retourner dans sa tête, aucune explication valable ne semblait lui venir. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle ait oublié Indiana, aucune raison pour que son subconscient ait décidé de rayer sa petite sœur de sa mémoire. L’australienne était attentive à ce qui se disait autour d’elle puisque tout était bon pour tâcher de rafraichir sa mémoire. Elle avait entendu son frère lui affirmer que sa petite sœur et elle avaient été proches. Elles avaient vécu ensemble à Townsville. Elles avaient appris à se connaitre et à s’apprécier. De ce qu’on lui avait dit, elle avait même été d’un grand soutien pour Indiana suite au décès de leur mère et elle aurait tout donné pour sa cadette. Arizona acceptait ces faits sans problème, mais ce n’était pas pour autant qu’elle se souvenait et surtout ils la perturbaient plus qu’autre chose. Si les deux jeunes femmes étaient aussi proches que sa famille semblait le lui dire, pourquoi l’avoir oublié elle et pas quelqu’un d’autre ?

Si elles avaient vécu tellement d’épreuves toutes les deux, pourquoi ne pas se souvenir des moments qu’elle avait passé avec sa petite sœur ? Il s’agissait de questions auxquelles elle ne parvenait pas à trouver de réponse et Arizona s’en sentait un peu plus frustrée chaque jour. Elle aurait tant aimé se souvenir et faire disparaître cette tension qui existait dans l’appartement, mais surtout entre elle et sa sœur. Elle voulait se souvenir et lui demander pardon même si elle devait le faire à genoux et pleurer toutes les larmes de son corps. L’australienne voulait se rappeler de tout et renouer avec sa cadette. Elle voulait retrouver une vie un tant soit peu stable et vivre normalement, mais de ce qu’elle pouvait remarquer ce n’était pas prêt d’arriver. Comment pouvait-elle ne pas se sentir frustrée dans une telle situation ? Comment pouvait-elle tenter de passer à autre chose si chaque détail de sa vie continuait de lui échapper et qu’elle n’était pas capable de se souvenir de son passée ? Certes, à avoir oublié elle pouvait probablement aller de l’avant plus vite, mais ce n’était pas le cas justement parce qu’elle avait besoin de connaitre tous les détails de sa vie passée pour être capable de penser correctement au futur qui l’attendait.

Arizona pensait beaucoup ces derniers temps, peut-être même un peu trop toutefois c’était bien là la seule chose qu’elle pouvait faire pour occuper ses journées lorsqu’elle n’était pas de garde – ces dernières étant plus rares que par le passé. L’australienne trouvait une occupation un peu partout ne serait-ce que pour faire passer le temps plus vite. Malheureusement, les trois quarts de ses pensées tournaient autour de sa situation avec sa petite sœur et la jeune femme sentait l’agacement la gagner de plus en plus vite dans ces moments. Manger était devenue un moyen de canaliser ce dernier. Arizona devait bien avouer que contrairement à avant elle mangeait bien plus et surtout elle avalait tout ce qui lui tombait sous la main, caloriques ou non. Elle n’avait plus d’heures, elle était totalement déréglée vis-à-vis de ses repas mais l’australienne s’en moquait éperdument et mangeait lorsqu’elle avait faim, comme cette nuit. La seule chose qu’elle espérait était de n’avoir réveillé personne avec les bruits qu’elle avait pu faire dans la cuisine et puis après avoir préparé sa première tartine de Nutella, son esprit était reparti et la jeune femme n’avait même pas pris conscience du fait que quelqu’un descendait les escaliers. Son regard était posé sur l’écran de la télévision dans lequel défilait plusieurs images, mais Arizona ne regardait pas, elle pensait. « J’aurais pu t'assommer, je t'ai prise pour un délinquant. ». Brusquement ramenée sur terre, elle sursauta légèrement et tourna la tête en direction de sa jeune sœur.

Son regard dévia aussitôt vers la batte de baseball qu’elle traînait derrière elle et une grimace déforma son visage. Elle était plutôt heureuse qu’Indiana ne l’ait pas pris pour une délinquante ou une voleuse car elle doutait qu’un coup sur la tête soit ce dont elle avait besoin dernièrement … quoi que. Silencieuse, Arizona regarda sa cadette se poser à côté d’elle sur le canapé et ne prononça pas le moindre mot. Elle pouvait déjà sentir la gêne la gagner et elle n’aimait pas du tout ça. « Tu es au courant qu'il est trois heures du matin ? ». L’australienne opina du chef en soupirant. Oui, elle était au courant et elle aurait sincèrement préféré être en train de dormir plutôt que de manger tout et n’importe quoi devant la télévision à trois heures du matin. « Moui … je n’arrivais pas à dormir. » se contenta-t-elle de répondre en haussant les épaules. « Je peux avoir le Nutella ? ». Son attention quitta Indiana pour aller se poser sur le Nutella qu’elle fixa pendant un long instant. Elle n’avait rien contre le lui donner, mais elle pensait déjà au fait de se trouver en sa présence. Peut-être était-il bon d’essayer de briser la glace pour une fois et non pas de fuir ? Parvenue à se convaincre qu’elle allait prendre la bonne décision, Arizona se pencha en avant, attrapa le pot de Nutella qui se trouvait sur la table basse et le tendit à sa cadette avec un sourire aux lèvres. « Et toi ? Pourquoi tu es debout à trois heures du matin ? Je pensais que tu avais cours demain … ». Il n’y avait aucun reproche dans sa phrase ni même dans sa voix, c’était simplement de la curiosité et un besoin de trouver n’importe quel moyen pour tenter de lancer enfin une conversation avec sa petite sœur.