La pluie se mit à tomber dès que Juliette sortit de la bibliothèque, vers 20 h 30, et la jeune femme se mit à courir pour se mettre à l’abri, son sac battant contre sa hanche. Du regard, elle avisa une agence bancaire, poussa la porte et entra dans le sas qui renfermait les distributeurs de billet. Cela tombait bien, elle voulait acheter quelque chose à manger pour le soir même mais n’avait plus de monnaie sur elle. Elle tira son portefeuille de son sac et attrapa sa carte bancaire. Elle l’inséra dans le lecteur, attendant patiemment que l’écran lui demande son code. Mais lorsqu’elle porta son index sur le clavier, l’écran s’éteignit soudainement… comme tout le reste. Les lumières de l’agence, ainsi que celles de l’avenue faisaient maintenant défaut. Quand Juliette jeta un coup d’œil derrière les vitres de la banque, l’éclairage n’était dû qu’aux phares des voitures. Elle se précipita sur la porte, mais comme elle s’en doutait, elle refusa de s’ouvrir. Elle soupira. Il ne manquait plus que ça.
Les générateurs d’urgence de l’agence se mirent en marche, apportant une faible lueur dans le sas. La jeune femme regarda autour d’elle et vit qu’elle n’était pas seule. Une femme d’environ 25 ans se trouvait là aussi. Juliette lui sourit brièvement et sans plus s’en soucier, elle sortit son smartphone et envoya un message à Lawrence pour qu’il ne s’inquiète pas si elle arrivait en retard. Elle tapota son texto et trente secondes plus tard, son frère l’appelait pour l’informait qu’une panne de secteur avait lieu dans tout le quartier et que l’électricité était coupée partout. Juliette raccrocha peu de temps après. Elle n’avait plus qu’à attendre, maintenant. Heureusement, pensa-t-elle, elle n’était pas dans un ascenseur quand la panne s’était produite. Non pas qu’elle soit claustrophobe, mais l’idée n’était pas séduisante, se retrouver coincée dans un endroit étroit dans le noir ou presque. Au moins, là où elle se trouvait, elle pouvait bouger et se déplacer sans problème. Juliette reporta son attention sur la personne avec elle. Elle était brune, pas très grande et mince. Juliette avait l’impression de la connaître, mais n’arrivait pas à la situer pour le moment. Puisqu’elles allaient passer un moment ensemble (le plus court possible, espérait cependant la jeune femme), autant faire connaissance, non ? Juliette prit une grande inspiration, mit sa timidité de côté et se rapprocha de sa compagne d’infortune. Elle lui adressa un grand sourire. « Bonsoir. Je crois qu’on est dans la même galère, non ? » Oui, plus elle la regardait et plus elle savait qu’elle la connaissait, mais d’où ?
Arabelle remarqua qu'il commençait à pleuvoir à l'extérieur lorsqu'elle sortit, enfin, des locaux où se déroulait les enregistrements de l'émission CBS. Le matin même, elle n'avait pas pensé à apporter un parapluie qui lui aurait évité de se faire mouiller et ainsi terminer toute trempée de la tête aux pieds. Avec un soupir, elle se dirigea un peu plus près du trottoir afin d'appeler un taxi qui allait la ramener chez elle. Belle leva la main et attendit patiemment qu'un taxi daigne s'arrêter devant elle sous la pluie. Après cinq minutes, un taxi décida finalement de s'arrêter et elle put embarquer dans celui-ci, se sécher un peu. Avec un sourire, la demoiselle demanda au chauffeur de se diriger vers une banque et la voiture se mit en marche. C'était l'heure de pointe et il y avait du trafic, ce qui ralentit le taxi dans sa course et c'est seulement une vingtaine de minutes plus tard qu'il se stationna devant une banque, elle donna l'argent et se dirigea vers l'intérieur de la banque. Son téléphone vibra dans sa poche, afficha le prénom de Nadia et elle décrocha, se demandant ce que sa colocataire voulait. « Oui, Nadia ? » Pas de bonjour ni même de salut étant donné que c'était une familiarité qui n'existait plus chez les deux amies qui se connaissaient depuis plusieurs années maintenant et aussi parce que Arabelle était fatiguée. Elle n'avait pas bien dormit la nuit dernière, ne récoltant que quatre heures de sommeil. Certes, elle aurait pu appeler à la chaîne de télévision pour dire qu'elle était malade, mais ce n'était pas son genre. Bref. Celle-ci lui demanda dans combien de temps elle serait à l'appartement et Arabelle répondit rapidement dans environ dix ou quinze minutes. Tirant sur la porte, Belle entra à l'intérieur de la banque où elle se dirigea vers le guichet automatique, mais elle dût attendre. Nadia demanda si elle ne pouvait pas arriver plus tôt et Arabelle répondit par le négatif tout en ajoutant qu'elle se trouvait à la banque pour quelques minutes puisqu'elle devait faire la file. Au bout du fil, elle entendit presque sa colocataire hululer, mais elle n'était pas certaine et celle-ci répondit un simple ok avant que les deux demoiselles raccrochent. C'était enfin au tour d'Arabelle de se rendre au guichet où elle retira quelques billets qui lui seraient utiles si elle sortait au restaurant. Au moment où elle retire sa carte, un écran noir s'affiche sur l'écran du guichet et les lumières s'éteindre tour à tour. Un moment, elle fronce les sourcils, voit du coin de l’œil une demoiselle se diriger vers les portes, mais être incapable de l'ouvrir.
Le regard toujours fixé sur l'inconnue, elle lui sourit brièvement à son tour et sort son téléphone portable pour téléphoner à Nadia afin de lui expliquer qu'elle rentrera probablement plus tard. Nadia lui demande, en panique, si tout va bien et Arabelle répond simplement que ça pourrait aller mieux puisqu'elle rêvait du moment où elle mangerait du chinois confortablement installé sur son canapé sous une couverture en laine à regarder un film. Les lumières d'urgences étaient allumés, mais étaient faibles. Après un moment, elle dit à Nadia qu'elle rentrerait plus tard et qu'elle l'a verrait demain matin pour ensuite raccrocher et remettre son portable dans sa poche de manteau. Dans ses pensées, elle ne remarqua pas que la jeune adolescente qui était présente s'approchait d'elle. Au dernier moment, elle vit un mouvement et pivota le visage vers la jeune adulte qui approchait probablement la vingtaine, mais qui n'était pas dedans, encore. Celle-ci lui adressa un grand sourire et Arabelle lui répondit avec un sourire. Ce qui était plutôt rare cette journée-là alors qu'habituellement Belle était toujours de bonne humeur et souriante. « Bonsoir. Je crois qu’on est dans la même galère, non ? » Arabelle laissa échapper quelques gloussements. « Oui, je crois bien. En espérant qu'il arrange cette situation le plus rapidement possible ! » répondit-elle avec un sourire adressé à la jeune femme. « Ce n'est pas que vous êtes de mauvaise compagnie. Au contraire, je suis certaine que vous l'êtes, mais je suis tellement fatiguée et je n'ai qu'une envie et c'est d'être chez moi. Bref, quel est votre prénom ? » demanda-t-elle en détaillant la jeune femme. « Arabelle, pour ma part ! » ajouta-t-elle en tendant la main vers l'inconnue.
C’était bien sa veine, pensa Juliette en pestant intérieurement. Pour une fois qu’elle avait prévu autre chose qu’une soirée à travailler. Une soirée bien tranquille avec Lawrence, voilà ce qu’elle aurait souhaité. Et voilà maintenant qu’elle se retrouvait coincée à plusieurs blocs de chez elle, pour une durée indéterminée. Bon, au moins, Juliette n’était pas tombée sur une personne trop désagréable à en constater par le sourire de la femme qui partageait sa galère ; celle-ci rit même doucement lorsque la jeune mauricienne lui adressa la parole. « Oui, je crois bien. En espérant qu'il arrange cette situation le plus rapidement possible ! » Juliette hocha la tête ; elle pensait la même chose. « Ce n'est pas que vous êtes de mauvaise compagnie. » Oh, Juliette ne s’était pas sentie visée une seule seconde, ce n’était pas son genre. « Au contraire, je suis certaine que vous l'êtes, mais je suis tellement fatiguée et je n'ai qu'une envie et c'est d'être chez moi. » La jeune fille comprenait ça : elle-même aurait voulu une chose. Être chez elle, affalée sur le canapé, un bon plat dans une main, la télécommande dans l’autre. « Bref, quel est votre prénom ? » L’inconnue lui tendit une main que Juliette lui serra amicalement. « Arabelle, pour ma part ! » « Juliette », répondit-elle avec tout sourire. Tandis qu’elle retirait sa main, une pensée lui vint à l’esprit. « Arabelle… Ce n’est pas courant comme prénom, ça… D’ailleurs, avant vous, je ne l’avais entendu qu’une seule fois et… » Elle s’arrêta soudain, affreusement gênée. Mais bien sûr, quelle idiote ! Voilà d’où elle l’avait reconnue. Arabelle… comment s’appelle-t-elle, déjà ? Quelque chose d’origine grecque, si elle s’en rappelait bien. Ah voilà : Arabelle Ioannis. Elle présentait les nouvelles sur CBS et Juliette aimait bien la regarder quand elle n’était pas plongée dans ses bouquins. Non seulement elle était très belle, ce qui, il fallait l’avouer, était toujours un atout de plus, surtout pour une présentatrice, mais la jeune femme dégageait aussi une grande douceur et une immense gentillesse. Juliette, qui n’avait jamais côtoyé de célébrités dans sa simple vie jusque-là, se mit à rougir comme une pivoine. Comment était-elle censée se comporter ? Arabelle Ioannis devait avoir l’habitude d’être entourée de beau monde et pas d’une petite étudiante en psychologie qui sortait à peine de son pauvre pays natal…
Depuis qu’elle était arrivée à New York, Juliette s’émerveillait du métissage et de la multitude de personnes qu’on pouvait rencontrer dans les rues de la métropole américaine. Mais jamais elle n’aurait pensé se trouver nez à nez avec une personne connue. C’était plutôt à son frère, journaliste au New York Times, que ce genre de choses pouvait arriver. Se retrouver bloquer dans une agence bancaire, ça n’arrivait pas tous les jours. Se retrouver bloquée dans une agence bancaire avec une sympathique présentatrice TV, encore moins… Juliette tenta de retrouver son calme. Après tout, Arabelle Ioannis était une personne comme une autre, pas de raison de se sentir impressionnée. La jeune fille se passa la main dans les cheveux et tenta de prendre un ton nonchalant. « Est-ce que vous ne seriez pas présentatrice des infos sur CBS, par hasard ? » Comme si elle en rencontrait tous les jours, somme toute…
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