« Merci pour le dîner » lâcha Maureen sans douceur particulière dans le fond de sa voix, juste histoire de dire qu’elle n’était pas passée pour la pire impolie que la terre ait portée. Mais il s’agissait bien là du seul véritable effort qu’elle ait fait durant cette foutue soirée… Shaun avait osé insister lourdement pour qu’elle ne rencontre Azariel, charmant jeune homme au demeurant, lors d’un dîner « romantique » sous le fallacieux prétexte qu’ils étaient tous deux célibataires… foutaises ! Son cousin avait juste eut envie de l’emmerder, elle en était maintenant certaines. Toute une soirée à échanger des banalités alors que l’impitoyable O’Connor avait pas moins de trois contrats sur le feu, c’était criminel ! Comble du comble, d’ailleurs, Azariel avait moult insisté pour la raccompagner, n’ayant évidemment pas conscience du fait qu’elle n’ait strictement aucun besoin d’être protégée et qu’elle aurait pu lui rompre son joli petit cou qu’il n’aurait pas eu le temps de faire ouf. Mais histoire de ne pas paraître rabat-joie, Maureen avait accepté la faveur lui étant faite d’un simple sourire se voulant sincère, alors qu’elle avait hâte de rentrer chez elle, de changer de tenue –puisqu’il n’était pas question qu’elle ne se rende à un rendez-vous accoutrée comme une pauvrette, elle avait bien évidemment mis une jolie robe– pour mieux reprendre ses contrats là où elle les avait laissés. « La nuit n’est pas trop fraîche, hein ? » Autre banalité. Mais la jolie blonde avait une sainte horreur du silence lorsque celui-ci était gêné. Elle aurait préféré que son interlocuteur de ce soir soit en mesure de lui rentrer dans le lard, de lui dire qu’elle était aussi aimable qu’une porte de chiotte de station service, qu’il n’avait aucune intention d’être là à la base et qu’il se foutait éperdument de ce maudit rendez-vous ! Hélas, il s’était conduit à la perfection. C’en était presque trop, d’ailleurs. Maureen avait envie de se jeter littéralement au premier pont qu’elle lui tomberait sous la main au moment où des cris percèrent l’atmosphère silencieuse de la ruelle. Quelqu’un en difficulté ? Manifestement, puisqu’un innocent dont elle ne pouvait discerner que l’ombre à cette distance était malmené par deux armoires à glace. « C’est quoi ce bins ? » Elle ne fut pas émue pour trois ronds de serviette et était même prête à poursuivre sa route mais ce n’était vraisemblablement pas de l’avis de son compagnon de ce soir…

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

On pouvait dire que j’étais particulièrement bien entouré moi. Entre Lexie, ma chère et tendre petite sœur, qui faisait tout son possible pour faire fuir chaque fille que je rencontrais ; et Shaun, mon poto, qui essayait par tous les moyens de me caser, on pouvait dire que j’étais servi ! Qu’est-ce qui m’avait pris d’accepter de me rendre à ce stupide rendez-vous avec sa cousine ? D’ailleurs, quel homme digne de ce nom accepte de confier une personne de sa famille à un ami ? Okay, je n’avais pas de cousines, mais cela ne devait pas être bien différent d’une relation fraternelle non ? Et ce qui était sûr, c’est que jamais au grand jamais je ne laisserai ma petite sœur sortir avec un de mes amis ! Si encore elle était sympathique, à la rigueur, mais elle était encore moins amicale qu’une cellule de prison ! Mais bon, en gentleman que j’étais, je m’étais senti obligé de la raccompagner chez elle. Plus qu’une demie heure environ et je pourrais enfin me reconcentrer sur les Millers, dont le père essayait de me prouver que leur mère était abusive. J’avais déjà été confronté à un cas similaire, sauf que cette fois-là, je soupçonnais le père de maltraiter ses enfants. Et je ne m’attendais pas à ce que ce soit leur mère qui passait ses nerfs sur eux. Bonjour les idées reçues hein ? « Je t’en prie. J'ai heu ... rarement passé une soirée comme celle-ci » lui répondais-je dans un petit sourire lorsqu’elle me remercia pour le dîner. J’avais essayé d’être le plus plaisant possible, et le plus poli aussi, mais il fallait bien avouer que le courant n’était vraiment pas passé. Attention, elle était jolie à regarder hein, mais voilà, ça ne marchait pas à tous les coups. « Oui, il fait plutôt bon en effet. C’est agréable je trouve. » Ou comment remplir des blancs. Il était vrai que je n’étais pas la personne la plus bavarde existant sur Terre, au contraire même, mais il n’empêchait pas que je n’aimais pas les silences gênés. Le silence en lui-même ne me gênait pas, s’il était agréable, comme lorsque je tenais Mary au creux de mes bras près de la cheminée, avant que Lexie ne la fasse fuir bien évidemment. Je sortis de mes pensées en entendant des cris provenant d’une ruelle. Il fallait que j’aille voir ce qu’il se passait. « Ça va ici ? » questionnais-je, inquiet. Un nouveau cri de femme retentit et ni une ni deux, j’essayai temps bien que mal de m’interposer entre une jeune femme ensanglantée et ce qui semblait être un gars bourré – oui, je reconnaîtrai toujours cette odeur épouvantable. Pensant avoir mis ce dernier KO, je me rapprochai de la jeune femme. Je ne vis pas le coup arriver …

Autant dire que Maureen n’avait aucune intention de se salir les mains. Elle demeura en retrait les bras croisés, impassible à la détresse de cette femme qui ne lui faisait ni chaud ni froid. On lui avait appris à entourer son cœur d’une épaisse couche de pierre, afin de rester impassible, inatteignable. Elle paraissait souvent inhumaine mais probablement était-ce tout bonnement parce qu’elle ne savait rien être d’autre. Personne ne lui donnait envie de passer outre son masque, que dis-je, son épaisse armure pour voir plus loin que les apparences. Elle n’avait aucunement besoin d’une épaule sur laquelle se reposer puisqu’elle était plus forte que la plupart des personnes ayant l’honneur de la côtoyer. Shaun ? C’était l’exception, au même titre que l’intégralité de son clan jusqu’à ses deux frères, y compris son jumeau, n’ayant de cesse de lui courir sur le haricot sans qu’elle ne parvienne à le détester. En vérité, elle donnerait jusqu’à son dernier souffle de vie pour sauver un des siens. Azariel n’était aucunement un proche et voilà pourquoi elle ne levait pas le petit doigt… il passait pour le héros, son orgueil de mâle était satisfait et bientôt, elle en serait donc débarrassée. Du moins c’est ce qu’elle croyait. « Fais gaffe ! » hurla-t-elle soudainement avant de ne prendre la stupide décision d’agir par ses propres moyens alors que le type bourré avait attaqué le jeune homme par derrière. Maureen lui avait subitement saisit le poignet, l’avait retourné jusqu’à le lui briser dans un grand « craaaac » on ne peut plus manifeste tandis qu’elle tenait sa gorge grâce à un minuscule poignard qu’elle cachait sous sa robe, juste au cas où. Réflexe de tueuse, bien sûr. « Bouge d’un millimètre et je t’arrache ta jolie p’tite gueule de mamache ! » Maureen n’avait cure de lui avoir brisé le bras, au contraire elle en tirait une très intense satisfaction. « Madame si vos blessures vous permettent de marcher je vous suggère de prendre l’option taxi genre… maintenant. » Cette fois-ci, plus de balivernes échangées, plus de faux semblants, la jolie irlandaise était comme à la maison… son beau regard émeraude laissant entrevoir une flamme aussi consummante que la lave d’un volcan. « Tu vas dégager et marcher à t’en faire saigner les pieds tout en priant pour que je ne t’ai pas à nouveau devant les yeux de toute ta misérable vie… parce que la fois prochaine, crois-moi, ce n’est pas qu’avec un bras cassé que tu vas t’en sortir. » Maureen poussa l’épave avec violence, se décidant à ne plus jamais lui accorder la moindre attention. A la place, elle se pencha vers Azariel pour passer son bras autour de son épaule, au cas où. Pourquoi, vaste question. Elle préférait ne pas s’occuper de ce genre de détails pour l’instant. « Pitié garde la grande phrase comme quoi tu peux te débrouiller. Tu ne vas pas perdre la face parce que je t’aurais donné un coup d’main. On va voir l’étendue des dégâts chez moi. »

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

Aïe aïe aïe ! Putain ça fait mal ! Alors que tous les noms d’oiseaux possibles et imaginables me traversaient la tête, j’observai Maureen, bouche bée, se défendre, que dis-je, rétamer plutôt l’ivrogne comme s’il ne faisait pas le double de sa carrure. Je devais bien avouer que j’étais plutôt impressionné par la demoiselle, mêlé à une pincée de frayeur. En effet, je détestai la violence au plus haut point, ce qui pouvait sembler normal au vu de mon passé. Se faire tabasser, de plus par celui qui aurait dû se comporter comme un père de remplacement vu que j’étais dans sa famille d’accueil, de mes treize à mes dix-sept cela faisait cet effet-là. De peur de l’énerver encore plus, je ne lui avais jamais rendu ses coups, jusqu’au jour où il avait voulu lever la main sur Lexie. Là, je devais bien confesser que je m’étais lâché et lui avais rendu tout ce que j’avais dans le ventre depuis ces quatre années. Il était d’ailleurs la raison pour laquelle je n’avais jamais pratiqué de sport de combat – même si avouons-le, ayant tendance à vouloir défendre la veuve et l'orphelin, j’en aurai bien eu besoin – ainsi que bu d’alcool. D’ailleurs, je refusais toujours la moindre goutte de ce liquide lorsque l’on m’en proposait et ne ressentait pas le besoin de me justifier là-dessus. Après tout, ils pouvaient bien penser ce qu’ils voulaient, c’était mon dernier souci. Une de mes ex pensait même que j’aurais pu être alcoolique auparavant – bien que même si on arrête l’alcool, dans le cas de cette maladie, un alcoolique reste un alcoolique, donc on ne pouvait pas être un ancien alcoolique, on en était toujours un – je ne l’avais jamais contredite. De toute façon, je n’ en avais pas vraiment eu le temps puisque Lexie avait de nouveau – et oui encore – réussi à la faire fuir. Elle était assez incroyable, à mon avis elle avait même un don pour ça. Je ne savais pas ce qu’elle leur disait, mais ça marchait à chaque fois. Shaun pensait qu’elle leur mentait carrément sur ma sexualité, leur disant que j’étais gay, et que ce n’était pas possible autrement. Pour le moment, elle avait de la chance, je n’étais encore jamais vraiment tombé amoureux, donc même si, à chaque fois, je ne comprenais pas pourquoi elles partaient presqu’en courant, cela ne me dérangeait pas plus que ça. Je laissai Maureen m’aider à me relever – ouf, je n’avais pas la tête qui tournait, c’était déjà ça. « Merci de m’avoir aidé » lui dis-je. « J’ai tendance à me lancer un peu trop rapidement dès que j’entends des cris, sans penser au fait que je ne sais absolument pas me battre ! » rajoutais-je dans un rire. Elle se trompait sur toute la ligne, je n’étais absolument pas le genre de personne à avoir un gros égo, bien au contraire.

Azariel pouvait s’estimer hautement privilégié. Personne n’avait jamais mis les pieds dans l’appartement de Maureen hormis ses frères, même son bras droit n’avait pas dépassé le seuil de la porte, sa patronne le lui ayant toujours interdit. Elle n’avait cure de passer pour un glaçon sans âme et sans peur, il n’empêche qu’elle venait de faire une bonne action, que dis-je, sa BA de l’année en sauvant la mise du jeune homme. Surtout qu’elle n’attendait aucun retour de sa part, voilà bien le plus étonnant dans l’histoire ! D’ordinaire, les rares fois où elle s’amusait à se salir les mains en aidant son prochain, c’était forcément pour obtenir quelque chose derrière. Shaun et ses frères étant les exceptions confirmant la règle, et ce bien qu’elle n’ait de cesse de leur hurler les rares fois où ils parvenaient à obtenir d’elle une telle bassesse. Oui, bassesse. Pour elle, aider autrui revenait à être faible et vulnérable, deux traits qu’elle ne pouvait se permettre de laisser croître à moins de ne vouloir se prendre une balle en pleine tête le jour suivant. Maureen ne vivait pas dans un monde tout beau tout rose, et l’adage « tué ou être tué » lui allait particulièrement bien au teint. « Ce fut un plaisir » lâcha-t-elle au bout de quelques minutes, surprise de rencontrer quelqu’un ne possédant pas un égo surdimensionné bien qu’il appartienne tout de même à la gent masculine. « Vengeur de la veuve et de l’orphelin je présume ? » reprit-elle sans moquerie, respectant la chose tant qu’on ne cherchait pas à l’endoctriner en la culpabilisant ou à la forcer à faire de même à coups de grandes phrases insupportables et dégoulinantes et mièvrerie. « En l’occurrence, je crois que tu es bon pour apprendre quelques coups bien placés si tu ne veux pas finir la prochaine fois aux urgences ou bien carrément à la morgue… t’es quand même bien taillé il faut le reconnaître, mais tu brasses juste beaucoup d’air, c’est une horreur ! » Parole de femme qui sait absolument ce qu’elle dit. Impossible pour Maureen que d’être une pauvre petite chose fragile, bien qu’elle le paraisse pour tromper son monde. Elle connaissait l’anatomie humaine sur le bout des doigts et savait exactement comment blesser mortellement un homme… mais plutôt que de se jeter dans la gueule du loup en avouant bêtement la chose, elle s’empressa d’ouvrir la porte de son appartement, après l’avoir aidé à monter les marches –l’ascenseur étant une fois encore en panne– pour mieux l’installer sur son canapé ultra confortable et aller chercher une trousse de secours. Disons que son arcade avait pris cher, entre autre. « Je vais m’occuper de ça pour éviter que tu n’aies une tête de zombie demain. Je n’ai aucune envie que Shaun m’emmerde en me disant que je t’ai battu ! Je ne vais pas te faire l’affront de te proposer un truc alcoolisé à boire mais je me paierais bien un soda… partant ? »

AZARIEL & MAUREEN

❝ who needs to be save now ? ❞

La jeune femme semblait vraiment étonnée de ma réaction. N’avait-elle rencontré que des goujats auparavant ? Il était pour moi stupide de se croire plus fort que l’on était, justement parce que cela pouvait amener de gros ennuis. Et une fois hors mon métier, je fuyais les problèmes comme la peste, sauf dans des cas comme cette soirée-là. « Oui, cette expression est probablement celle qui me définit le plus » lui répondais-je dans un sourire ironique. Celle-ci définissait d’ailleurs le principe même de ma profession, sauf que généralement, je n’avais pas à jouer de mon poing – ou essayer tout du moins. C’était étrange comme les traumatismes du passé nous construisaient notre futur. Si mes parents n’étaient pas décédés, si je n’avais pas été tabassé maintes et maintes fois au sein de ma famille d’accueil, si je n’avais pas dû me battre pour obtenir ensuite la garde de Lexie et être ainsi sûr de ne jamais être séparé d’elle, je ne serais probablement nullement devenue la personne que j’étais aujourd’hui. Il m’arrivait souvent d’y penser d’ailleurs. À ce que serait devenue ma vie si mes parents étaient toujours présents. Peut-être que j’aurai eu le courage d’avoir une discussion à cœur ouvert avec mon père, de lui dire que j’étais au courant que j’étais son fils biologique et de le questionner sur ma mère biologique. En tous cas, je n’aurais probablement jamais été assistant social auprès des jeunes, ça c’était sûr ! Je grimaçais en l’entendant me dire qu’il fallait que j’apprenne à me battre. « Ah non, surtout pas ! » m’entendis-je lui répondre vivement. « Je veux dire … je n’en ai pas besoin. Je ne bats pratiquement jamais donc je ne vois pas à quoi cela me servirait. » continuais-je, stupéfié de m’être emporté de cette façon, moi qui essayais toujours de tout garder pour moi. L’adrénaline sans doute. Je sentais celle-ci me quitter en tentant de monter les escaliers nous amenant vers l’appartement de la demoiselle. D’un coup, une grande fatigue commençait à me submerger. « Merci. Et en effet, un soda serait parfait ! » . Même si je devais bien avouer qu’un café serait plutôt le bienvenu, je n’osais pas m’imposer auprès de la cousine de mon ami plus que je ne le faisais déjà. Mais il fallait admettre que j’étais bien content qu’elle ne m’ait pas proposé d’alcool. Même si je me fichais de ce qu’il pouvait bien en penser puisque c’était ainsi et pas autrement, les gens avaient toujours tendance à se comporter bizarrement lorsque je leur disais que je n’en buvais pas, et il était vrai que n’aimant pas particulièrement les moments gênants, ne pas avoir à refuser un verre d’alcool était plus que plaisant.

C’est marrant, mais il ressemblait presque à Shaun en défenseur de la veuve et de l’orphelin. Son cousin était toujours prêt à foncer dans le tas pour aider les autres, Maureen n’avait donc pas été surprise une seconde lorsqu’il s’était engagé comme pompier. De son côté, disons qu’elle se moquait bien des autres et on le lui avait toujours très bien rendu. Pourtant, elle aurait diablement les moyens de défendre autrui de par ses connaissances. Elle avait tué plus souvent qu’à son tour, s’était considérablement enrichie grâce à cet état de fait et dans la Mafia, la jolie irlandaise restait on ne peut plus crainte. Elle pouvait se montrer aussi calme et paisible qu’une rivière un doux matin de printemps, et la seconde d’après, si par malheur quelque chose l’avait contrariée, elle savait se montrer aussi vicieuse qu’un serpent à sonnettes qui est prêt à bondir sur sa proie. Mais Azariel, au milieu de tout ça n’avait rien à craindre… Maureen ne s’attaquerait jamais à quelqu’un de son clan et le fait qu’il soit ami avec Shaun depuis deux ans maintenant le protégeait de cette folie mafieuse dans laquelle elle était plongée depuis sa plus tendre enfance. « Je disais juste ça comme ça ! » se défendit-elle à sa vive réaction, non sans lui servir un soda dans un verre à la contenance plutôt impressionnante. « J’aurais pu t’apprendre, en prime. Ca ne veut pas dire que tu vas te mettre à massacrer des gens, juste que tu peux t’éviter à toi-même de finir à l’hosto mal en point… après moi ce que j’en dis, c’est ta vie pas la mienne. Mais je commence à comprendre pourquoi Shaun t’apprécie tant… alors que lui il fonce dans le tas et désespère sa dulcinée parce qu’il revient toujours dans un état lamentable, toi tu restes en retrait. Je suppose que tu le canalises. » Chose que Maureen n’était absolument pas en mesure de faire et puis, elle aimait bien trop leurs joutes verbales interminables. Ces deux-là désespéraient tout le monde dès qu’ils se mettaient à se défier parce qu’à tous les coups, ils finissaient en mode écorchés et leurs membres prêts à déposer plainte pour coups et blessures. « Relève la tête » lui demanda-t-elle tandis qu’elle avait imbibé un coton de Bétadine, agent désinfectant qu’elle avait toujours trouvé très efficace. « Tu n’as pas besoin de points c’est une chance mais ton arcade a pris cher donc ne t’étonne pas si ça tire pendant quelques jours. Ne t’étonne pas non plus si Shaun applaudit parce que tu as une blessure de guerre ! » Maureen ne put s’empêcher de laisser un rire fin et cristallin peupler quelques secondes l’atmosphère sonore alors qu’elle commençait son soin, n’étant pas gênée le moins du monde par la proximité s’était sournoisement glissée entre eux : elle préférait ce revirement de situation plutôt que l’atroce soirée qu’ils venaient de passer, à se forcer tous les deux… n’étaient-ils pas beaucoup plus naturels ?

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

« Merci » lui dis-je en prenant le verre qu’elle me tendait. Tout en buvant quelques gorgées, je me demandais encore ce que j’aurais bien pu devenir sans le triste parcours que ma vie avait parcouru. Déjà, j’aurai sûrement pu faire une vraie crise d’adolescence ! Avant la mort de mes parents, je commençais déjà à m’agacer d’eux, surtout lorsque ma mère insistait pour me déposer juste à l’entrée de l’école. Qu’est-ce que j’avais pu la détester pour ça. Et puis je n’arrêtais pas de me chamailler avec Lexie – quoique bien que devenu paternaliste avec elle, cela n’avait jamais vraiment changé – pour un tout ou pour un rien. Surtout pour un tout en fait, mais il fallait dire que déjà à l’époque, elle pouvait être une vraie petite peste.  J’ai cru que je ne lui parlerai plus jamais lorsqu’elle avait lu mon journal – oui, à cette époque, l’écriture était ma passion et j’écrivais alors sur à peu près tout.  J’étais aussi très populaire auprès des filles à cet âge et passais la plupart de mon temps à batifoler avec elles. Qu’est-ce que cela aurait pu devenir si mes parents ne nous avaient pas quittés ? Peut-être aurais-je été un dragueur invétéré, un briseur de cœur et m’en fichant totalement ? Le type de gars que je détestais en fait … Mais j’aurais voulu avoir le choix. Même si ce type de personne avait tendance à me révulser quelque peu, j’aurais voulu choisir l’âge auquel perdre ma virginité, plutôt que de n’avoir tout simplement pas eu le temps de m’en préoccuper avant mes vingt ans. « C’est juste que je n’aime vraiment pas la violence. Mon métier me permet d’aider à ma façon les gens violentés, donc normalement, je n’ai pas à savoir me défendre. Mais merci quand même. » Et d’ailleurs oui, on se complémentait bien avec Shaun, lui qui était toujours pour faire les quatre cents coups. L’écoutant, je repris une gorgée de soda avant de lever ma tête. Je n’avais pas vraiment pas le choix de toute façon. Je n’étais pas vraiment une personne obsédée par son physique, ayant manqué à plusieurs reprises de multiples fractures au visage, je devais bien avouer que j’y tenais. Entendant sa remarque, j’éclatai d’un rire franc. « Oh oui, Shaun sera probablement fier de moi demain ! Lui qui se plaint toujours du fait que je reste, à toute occasion, propre sur moi ! » Je décidai de me laisser faire et de ne plus bouger le temps de ses soins. Même si mon arcade me lançait quelque peu, je devais admettre que cette soirée finissait mieux qu’elle n’avait commencé. Bien sûr, j’aurais préféré que mon visage n’ait pas à en pâtir, mais au moins, la gêne avait maintenant complètement disparu.

Qu’on se le dise, Maureen n’avait jamais particulièrement aimé la violence. Mais d’un autre côté, il valait bien mieux blesser en premier que de finir six pieds sous terre sans aucune défense. L’irlandaise avait pris le parti de défense son clan, qu’il s’agisse de Shaun ou de ses deux frères, à commencer par son aîné qui avait perdu la vue. Dieu sait qu’il était la cible de bon nombre d’ennemis de Maureen et de leur père, mais il avait toujours été protégé par sa cadette et son jumeau, s’étant enrôlé dans la police exprès pour s’endurcir. La jolie blonde n’avait aucun regret vis-à-vis de son passé, elle était devenue cette femme froide et rationnelle mais pour le bien de tous. On ne la comprenait pas ? Qu’importe. Elle avait passé l’âge de recevoir des leçons et ce bien que son interlocuteur ne soit pas en train de lui en donner. Comment le pourrait-il ? Il ne la connaissait pas. « Mais d’un autre côté, qui va aider tes miséreux si un jour c’est toi qu’on moleste ? T’aurais pu prendre vraiment cher dans la tronche si je puis je permettre. » Maureen ou l’art et la manière de mettre les points sur les virgules. Mais elle n’avait pas à prendre de gants, pas alors qu’elle énonçait une vérité tout à fait objective. Aujourd’hui il était toujours debout, grâce à elle d’ailleurs et ce bien qu’elle n’en fasse aucunement mention, mais demain ? Il n’y aurait pas toujours quelqu’un pour prendre une raclée à sa place, même si elle imaginait Azariel en avoir pleinement conscience… « Shaun va t’applaudir en te disant que tu es presque aussi fier qu’un irlandais ! Je te parie des dollars contre des biscuits ! » Maureen enchaîna sur sa lancée en laissant éclater un rire plus franc rien qu’à imaginer son pompier de cousin sautiller comme un gamin parce qu’un jour dans sa vie, son pote avait pris un poing dans la tronche. Très glorieux, n’est-ce pas ? « En fait tu es l’exact opposé de Shaun : lui il a toujours la gueule cassée et toi tu fais « propret ». Ce n’est pas moi qui le dit ne va surtout pas croire que je critique. Il t’a frappé ailleurs qu’au visage d’ailleurs ? Que je sache l’étendue du travail… » L’irlandaise n’aurait pas eu le moindre scrupule à lui ôter sa chemise mais il valait mieux rester dans le politiquement correct. Sinon il risquait de partir à grandes enjambées et si ses blessures s’infectaient, c’est son cousin qui allait l’emmerder… il valait mieux qu’elle évite ce genre de désagrément pour sa santé mentale !

AZARIEL & MAUREEN

❝ who needs to be save now ? ❞

« Oui, c’est vrai. Bon, peut-être un cours ou deux alors. Juste les bases quoi … » lui avais-je répondu, bien que pas très convaincu. En fait, même si je ne me l’avouais pas vraiment, j’avais un peu peur de finir comme lui et c’était probablement la raison qui faisait que je ne voulais pas apprendre à me battre. Lorsqu’il avait voulu s’en prendre à Lexie, j’avais vraiment cru que j’allais le tuer. Je n’avais jamais ressenti ça auparavant. Cette haine qui avait englouti mes organes tout entiers. Je pense que si Lexie n’avait pas été présente, je l’aurais tué. Est-ce que ça ne me rendait pas comme lui ? Après tout, il avait voulu passer ses nerfs sur moi et l’avait fait. Vouloir en faire de même sur lui ne faisait-il pas de moi une aussi horrible personne que lui ? Je ressentais toujours cette haine envers lui, cachée au plus profond de moi. Que se passerait-il si je le revoyais, et que cette fois-ci je savais me battre ? Est-ce que je ne risquerais pas de commettre l’irréparable ? Et surtout de me perdre à jamais ? Parce que oui, je ne pleurerai pas sur son sort et au contraire, je serais bien capable de danser sur sa tombe, et c’était cela qui me faisait peur. Quand je pensais à lui, je ne me reconnaissais tout simplement pas. « Shaun va être plus que fier que si j’étais son fils et que j’entrai à Harvard ! » rigolais-je. Et c’était bien vrai ! Il réagissait parfois comme un gamin, mais c’était tout de même bien drôle. Et puis, cela me faisait du bien. Il arrivait à me décoincer un peu et j’en avais bien besoin. « Oui, mais bon comme on dit : les opposés s’attirent non ? Bah c’est pareil, on se complète quoi. J’arrive à le calmer, enfin je tente en tout cas et il me fait me lâcher un peu plus on va dire … » lui répondais-je. « Non, ne t’inquiète pas, il ne m’a frappé qu’au visage. » ajoutais-je. Ce n’était pas totalement vrai. En effet, maintenant que l’adrénaline était passée, je ressentais une petite douleur à l’omoplate. Mais j’avais l’habitude de toute façon, et si me faire tabasser pendant mon adolescence m’avait bien rapporté quelque chose, c’était d’être beaucoup moins sensible à la douleur. Le fait est que je ne voulais pas enlever mon tee-shirt et surtout qu’elle remarque d’anciennes cicatrices que j’avais. Pas d’énorme, j’avais de la chance et surtout cela se camouflait quelque peu entre mes poils, mais bon, les traces de brûlures de cigarettes n’étaient pas la meilleure façon de faire connaissance avec une personne. J’irai simplement voir un médecin si je voyais que ça s’aggravait.

« Si tu n’as pas envie d’être aux mains de n’importe qui, je pourrais t’apprendre deux ou trois choses, juste histoire que tu puisses au moins avoir le temps de te carapater ! » Maureen qui aide son prochain ? Elle était tombée sur la tête, ce n’était pas dieu possible. Cet Azariel n’était pas un O’Connor, il n’avait donc rien à voir avec elle et puis il ne faisait certes pas partie de son staff, car Maureen n’aurait jamais accepté quelqu’un ne sachant pas au minimum se défendre sans avoir besoin d’une nounou. C’était une façon extrêmement ardue de voir les choses mais elle ne vivait pas dans le monde des bisounours, plutôt dans une jungle sans merci où chacun ne pense qu’à sa pomme. Mais d’un autre côté, si Shaun l’appréciait tant, c’est qu’il ne devait pas manquer d’intérêt. Sous ses dehors extrêmement revêches, la jolie blonde avait pleinement confiance dans le jugement de son cousin, voilà pourquoi, si elle avait été choquée par le fait qu’il ne veuille se marier avec une duchesse, elle n’avait pu qu’approuver son choix –bien que du bout des lèvres, faut pas déconner– surtout après avoir rencontré Anaé. « Fais gaffe !! Il n’y à qu’un pas d’ici à ce qu’il te mette une couche et une tutute pour s’entraîner avant que son môme ne naisse !! » Maureen dû cesser un instant le soin de l’arcade d’Azariel parce que cette fois-ci, elle venait de se payer un fou rire des plus évidents. Cela faisait des années qu’elle ne s’était pas permis tel relâchement et bigre, cela lui faisait un bien fou. Elle mit un certain temps avant de ne reprendre son masque d’impassibilité et continuer son ouvrage jusqu’à mettre un pansement exprès pour les blessures d’arcade. C’est que la miss était équipée en prime ! « Alors sincèrement, Anaé arrive à le tempérer et encore… moi j’attise souvent la chose parce que j’adore par-dessus tout l’emmerder et ça m’étonne beaucoup que tu y arrives. Ca doit être un truc de mec ça encore. Il arrive à te dévergonder comment, dis-moi ? Vends-moi un peu du rêve, pour le coup je suis plus que curieuse… ne le prends pas mal mais tu as l’air assez sérieux. » Maureen l’était tout autant. Elle ne se lâchait pas devant n’importe qui et se surprenait à le faire devant ce presque parfait inconnu. A croire qu’il soit fait pour s’entendre avec le clan O’Connor dans son intégralité ! « Tu es presque refait à neuf, en tout cas. Possible que tu aies un cocard demain cela dit… tu veux un glaçon pour éviter le pire ou tu vas trimballer ça genre blessure de guerre à Shaun ? Je ne veux blesser l’orgueil de personne, je propose ! »

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

« Dis-moi quand tu es disponible et on essayera de voir ça » Je n’étais toujours pas motivé et surtout interminablement inquiet, mais bon, au final elle était plus sympathique qu’elle n’en donnait l’impression et cela ne me dérangerait pas de la revoir. Qui aurait pu imaginer ça lorsque cette soirée avait commencé ? Je ne lui avais pas menti lorsque je lui avais dit que je n’avais que rarement passé une soirée comme celle-ci et ce n’était pas en bien. Cela avait probablement été l’un des pires dîners auxquels j’avais été invités – bien que c’était moi qui avais payé, gentleman un jour, gentleman toujours. Si je n’avais pas eu Lexie, je ne l’aurai peut-être pas été autant. Mais comme je voulais qu’elle soit traitée de cette façon, je m’étais rendu compte que c’était probablement le cas de tous les frères, ou cousins ou autres, des filles avec qui je sortais et que ce serait donc hypocrite de me comporter autrement. Après tout, il y a bien un proverbe qui dit « ne pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse » non ? À nouveau, j’éclatai de rire en imaginant Shaun me traitant comme un enfant. C’est qu’il en était bien capable en plus ! « Oh, je ne le laisserai pas faire, crois-moi. Je l’aime bien, mais faut pas exagérer non plus ! » lui dis-je dans un éclat, tout en tentant de reprendre mon calme. Regardant mon soda, je me demandais ce qu’elle avait bien pu mettre dedans pour que je me lâche autant devant une inconnue. « Olala, je n’ai jamais dit que j’y arrivais ! Je ne suis pas superman non plus ! J’ai dit que j’essayais et que des fois, par je ne sais quel miracle, j’arrivais à le tempérer ! » répondais-je d’un grand sourire. Je ne pensais pas qu’elle avait un esprit mal placé, mais c’était apparemment le cas, pensais-je amusé. « Je risque de briser tes rêves jolie demoiselle, mais tout ce qu’il arrive à me faire faire restera un secret que j’emmènerai dans ma tombe … » J’essayais de prendre un air mystérieux, mais je n’étais pas sûr que cela marchât vraiment. Un nouveau rire m’échappa tandis que j’essayais d’imaginer ce à quoi elle pouvait bien penser. Mais on disait bien « ce qui se passe à Vegas reste à Vegas » non ? Et bien c’était à peu près la même chose ici. « Oh j’hésite … c’est que je l’aime quand même assez mon visage moi. Et puis je risque de me faire engueuler en rentrant si elle me voit avec une tête pareille … Mais en même temps Shaun serait fier de moi … Je suis tiraillé là … » Un sourire en coin se formait autour de ma bouche, tandis que je savais pertinemment que je racontais n’importe quoi. Peu importait Shaun, je ne pourrais décidément pas aller au travail avec un coquart gigantesque.

« Attends, puisque tu connais mon adresse, je vais te griffonner mon numéro » déclara-t-elle tout en sachant qu’elle risquait plus souvent d’être injoignable que l’inverse. Azariel avait peut-être un emploi du temps chargé, mais ce n’était rien en comparaison de celui de la jolie blonde… lorsque Maureen n’était pas réclamée auprès de la Mafia, elle exécutait ses contrats, quitte à devoir aller à l’autre bout de la planète. En somme, son appartement était plus souvent « habité » par sa femme de ménage que par elle. Pas étonnant non plus qu’elle ne ramène que quelques conquêtes triées sur le volet et non pas un vrai compagnon en bonne et due forme, avec la fidélité et les sentiments dégoulinants de guimauve qui vont avec. Maureen était bien incapable de faire preuve de sentimentalité ou de douceur, même si elle se surprenait à en avoir fait preuve en soignant l’ami de Shaun… à qui elle venait de tendre une carte portant son numéro qu’elle venait de griffonner à la va vite. Curieux comportement qu’elle adoptait, à croire qu’ils soient aussi étranges l’un que l’autre une fois ensemble. Vraiment encore plus curieux ! « Ton secret dans la tombe ? » s’amusa-t-elle soudainement en se plaisant à laisser planer un sourire on ne peut plus malicieux contre ses lèvres maquillées. « Navrée de briser tes rêves charmant jeune homme mais je peux être spécialiste en torture si je n’obtiens pas satisfaction » murmura-t-elle sur le même ton provocateur, bien qu’il n’y ait aucunement à craindre le pire quant à ses paroles. Maureen n’avait pas l’intention de le torturer vraiment, juste de tester ses points faibles. Elle connaissait trop l’anatomie humaine pour savoir quand s’arrêter avant de blesser. Ici, elle le prenait comme jeu, chose extrêmement rare, et qui se devait d’être notée d’une croix rouge ! « D’autant que tu es blessé et moi pas, ça fait de toi une proie extrêmement facile ! » Mais la jolie blonde ne manqua pas de se lever pour aller chercher tout un bac à glaçons, lui laissant le loisir d’en mettre dans son soda pour le rafraîchir d’autant mais aussi d’en passer un contre son œil blessé si tel était son désir. « Je n’ai pas besoin de te le faire, pas vrai ? » s’amusa-t-elle avant d’être surprise qu’un pronom féminin n’ait été utilisé dans sa phrase. « Je vais supposer que tu es célibataire vu combien Shaun m’a bassinée avec ça je vais donc tenter ma chance : cette fille fait partie de ta famille et tu ne veux pas l’effrayer ? Au pire, mon canapé est confortable, on peut voir ce que ça donne demain et tu peux dormir ici… à condition que tu ne ronfles pas sinon je risque fort d’être possédée par l’envie de t’assommer. » Après tout, il était tard, sa réaction était donc logique.

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

Je pris sa carte et la rangeai rapidement dans portefeuille, avant de lui laisser ma carte de visite professionnelle. Seule mon adresse mail changeait, j’utilisai le même numéro pour les deux, elle pourrait donc s’en servir, si elle le souhaitait. Je crois que je ne pourrais pas couper aux cours de combats, malheureusement. J’essayerai de la convaincre de ne m’apprendre que de la défense, je n’avais pas spécialement envie de savoir attaquer. J’essayais de me raisonner. Au fond de moi, je savais que je n’étais pas comme lui – mais pourquoi est-ce que je n’en étais pas convaincu et que je doutais dans ce cas-là ? Entendant sa menace, je ne pus réprimer un frisson, que j’essayai de faire passer pour de la provocation et de la taquinerie, et non pour ce que c’était. Et il était vrai que j’étais plus qu’une proie facile, je l’avais toujours été d’ailleurs. Qu’est-ce qui n’allait pas avec moi ? Je savais pourtant bien qu’elle plaisantait ! Mais bon, entre les sports de combats et ça, il fallait bien avouer que cela ne faisait pas remonter de bons souvenirs. J’essayais de chasser l’image de lui éteignant sa cigarette sur mon torse, rigolant de son rire gras et me disant que j’étais son petit bétail et qu’il aimer me ferrer. Ou quand Lexie était en colonie de vacances et qu’il m’enfermait dans sa cave et ne revenait me nourrir que s’il y pensait, voir seulement lorsque ma sœur rentrait. Je savais que la seule raison pour laquelle il l’inscrivait dans ces colos était qu’il pourrait me faire ce qu’il voudrait et que personne ne le saurait jamais. Allez, il fallait que je me raisonne et que je rentre dans le jeu de Maureen. C’est donc avec un sourire que j’espérai narquois – il fallait avouer que ce n’était pas vraiment ma spécialité – que je lui répondais « Que tu crois, que tu crois. Je suis plus fort que tu ne le crois ! Je ne sais peut-être pas me battre, mais je sais résister à la torture ! » C’était malheureusement bien vrai, mais ça elle ne le savait pas. J’acquiesçais – après tout, j’avais déjà assez abusé de sa gentillesse –  et pris les glaçons pour les poser sur mon œil amoché. « Oui, c’est ma petite sœur : Lexie. Elle a tendance à s’inquiéter assez rapidement lorsque cela me concerne ! » Mais qui pourrait le lui reprocher ? J’avais tout fait pour qu’il ne s’en prenne pas à elle physiquement et pour la protéger, mais jusqu’à notre dispute de la semaine dernière, je n’avais jamais pensé à quel point il avait pu lui faire du mal à elle aussi, psychologiquement parlant. J’étais tellement concentré sur le fait que je ne voulais pas qu’il la touche que j’avais complètement occulté le fait qu’elle avait vu son frère, sa seule famille, se faire molester. J’avais occulté la peur qu’elle ressentait lorsqu’elle m’écoutait et allait s’enfermer dans sa chambre, me laissant seul avec lui. Occulté la peur qu’elle avait eu de perdre sa seule famille restante, son roc. « Oh, je ne veux pas te déranger plus que je ne l’ai déjà fait. » lui dis-je. Et c’était bien vrai. Elle m’avait probablement sauvé la vie, c’était déjà plus que bien pour un premier rencard non ?

Autant dire que Maureen vit son sourire s’agrandit d’autant alors que son interlocuteur se disait extrêmement doué en torture. Bien sûr, il ne fallait pas prendre cela au pied de la lettre mais plutôt d’un point de vue mélioratif : quand la jolie blonde disait torture, peut-être parlait-elle de séduction. Elle ne voyait pas Azariel dans le rôle d’un grand séducteur, il devait également être l’opposé de Shaun là-dessus. L’irlandaise n’y voyait pas un défaut, car après tout son cousin avait mis longtemps avant de trouver LA personne avec qui fonder une famille. Il arrivait presque à Maureen, lorsque la solitude se faire trop mordante, de l’envier sur ce point précis. Elle n’avait jamais personne qui l’attendait à la maison le soir, on ne s’attachait pas à elle et même on la craignait la plupart du temps. Par la force des choses, Maureen s’était faite plus inaccessible qu’elle ne l’avait jamais été jusqu’à lors… et côtoyer ce jeune homme, cet inconnu venant de vivre sans doute une bagarre qu’il n’avait aucunement souhaitée au départ, ne faisait que la mettre face à sa propre vérité. Les aléas de sa vie n’en n’étaient pas moins cruels ou moins désagréables… « Tout dépend ce que tu comprends par torture parce que j’ai peur que tu ne l’aies pris au premier degré ! Tu as eu des femmes dans ta vie, rassure-moi ? » Lorsqu’un doute persistait dans l’esprit de la jolie blonde, elle devenait diablement terre à terre. Le charme était rompu pour quelques minutes et elle arqua un sourcil en craignant avoir commis un impair. Dans le pire des cas il allait peut-être avoué n’avoir connu personne de sérieux… dans le meilleur des cas il l’avait tout à fait comprise et cachait juste très bien son jeu. « Bah, tu es peut-être juste dur à cerner ! » se consola-t-elle avant de n’être satisfaite d’avoir mis dans le mille au sujet de sa petite sœur. La pauvre, elle devait s’inquiéter pour lui et l’espace d’un instant, une lueur d’humanité fit briller le regard émeraude de l’irlandaise, comme si elle partageait l’inquiétude de cette demoiselle. « Je peux comprendre. Non, sincèrement, je peux ! Je suis peut-être un glaçon mais j’ai tendance à devenir… hargneuse quand on en veut après mon frère, et pourtant il a sept ans de plus que moi. Mais il est aveugle, alors… c’est une « proie » encore plus facile que toi. » Maureen se mordit aussitôt la lèvre inférieure, s’insultant intérieurement pour cet excès de franchise ne lui ressemblant pas mais alors pas du tout. Elle se racla la gorge sous la gêne, sentiment qu’elle détestait car elle ne maîtrisait plus rien, avant de n’éclater de rire face à sa réplique : « Je te fais peur ? Si je te le propose ce n’est pas par politesse ça ne me dérange pas. Soyons objectifs vu le coup d’adrénaline que tu as eu, c’est rentrer chez toi seul qui est dangereux. Moi ce que j’en dis… je ne vais pas t’attacher tu es un grand garçon. »

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

« Oh j’avais bien compris le second degré, ne t’inquiète pas. » lui répondais-je. « C’est juste que je m’occupe des jeunes en difficultés et donc pendant un moment, ça m’a rappelé quelques mauvais souvenirs, c’est tout. » tentais-je de lui expliquer. Après tout, je ne lui mentais pas vraiment. J’occultais juste que c’était de mes souvenirs à moi dont je parlais. « Et oui, tu peux être rassurée, j’ai eu des femmes dans ma vie. Ça n’a jamais tenu assez longtemps pour que cela ne devienne sérieux, mais ça c’est la faute à ma sœur, je n’y suis pour rien. » lui dis-je en rigolant, levant mon bras gauche en l'air en signe de paix. J’avais essayé d’avoir une discussion avec celle-ci la semaine dernière, mais cela s’était terminé en dispute et c’était à ce moment-là qu’elle m’avait dit tout ce qu’elle avait pu ressentir. Je devais avouer que j’étais un peu ému par son histoire. En fin de compte, nous avions plus en commun que ce que je ne le pensais. J’avais l’impression que, comme moi, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour pouvoir le protéger. Je ne lui avais d’ailleurs rendu ses coups que lorsqu’il avait voulu s’en prendre à elle. Lorsqu’il ne s’en prenait qu’à moi, j’encaissais justement parce que je voulais qu’il passe ses nerfs sur moi, et non sur elle. Je me laissais faire, j’étais même un peu son complice, vu que je n’en parlais pas. Mais Lexie était la lueur de ma vie, et elle était bien plus importante que moi. C’était pour ça que mon comportement avait alors changé. J’avais envie de lui dire quelque chose à elle aussi. Après tout, ça n’avait pas l’air d’être son style de se confier – comme je le disais, on avait l’air d’avoir finalement pas mal de choses en commun – mais je ne savais pas trop quoi lui dire. « Oui, c’est pareil pour moi. Si on s’en prend à ma sœur, je ne suis plus le même. » Ce n’était pas vraiment personnel, par rapport à sa confession, mais je ne trouvais pas mieux. J’étouffais un bâillement. Je devais bien admettre qu’elle avait raison : j’étais épuisé. « Je pense que je vais accepter ton offre et rester ici. Laisse-moi juste envoyer un sms à ma sœur. » déclarais-je. En tentant d’accéder à mon téléphone situé dans la poche arrière de mon pantalon, je ressentis une vive douleur à mon omoplate, ce qui me fit pousser un petit gémissement. Je l’avais oubliée celle-ci ! Je décidai de prétendre que rien ne s’était passé, et prévenais Lexie de la situation dans un texto.

Maureen se mordit par la suite la lèvre inférieure, mais ce n’était pas vraiment pour faire comprendre qu’elle éprouvait le moindre regret, mais plutôt pour étouffer un petit rire : elle essayait d’imaginer sa sœur se transformer en Godzilla pour faire fuir la moindre fille qui oserait ne serait-ce que toucher son frère du petit doigt. « Elle a l’air d’être sacrée, ta frangine ! Tu me diras… la fille qui approchera mon frère n’est pas née, elle sera morte avant » dit-elle sur le ton de la plaisanterie bien qu’elle ait déjà tué pour sauver son frère et qu’elle n’en n’éprouvait pas le plus petit regret. Comment le pourrait-elle ? Anton était le centre même de sa vie. Il avait toujours cru en elle et avant son accident, il tentait par tous les moyens de l’extirper de cette foutue Mafia en lui apprenant les choses simples de la vie. Maureen avait l’impression de ne plus rien vivre de normal depuis qu’il avait justement eu ce foutu accident. Elle aurait massacré la femme justement responsable de ce gâchis mais elle était morte sur le coup. Le pire dans l’histoire, c’est que les trois quart du temps, Maureen était obligée de garder ses deux nièces… alors qu’elle n’avait strictement aucun don avec les enfants, du moins qu’elle croyait. Mais elle évita de se concentrer sur ça et grimaça face au gémissement de douleur d’Azariel. Celui-là, elle aurait pu le reconnaître par cœur : l’orgueil masculin ! La jolie irlandaise attendit patiemment qu’il n’ait terminé son message à sa sœur pour mieux se lever à son tour et toucher son omoplate manifestement douloureuse. « Juste sur le visage, hein ? Ce n’était pas la peine de faire le fiérot parce qu’elle est démise et ça ne risque pas de s’arranger juste parce que tu fais comme si ce n’était pas douloureux ! » Certes, le ton de Maureen avait été un peu plus sec que précédemment mais parce qu’elle avait la fâcheuse impression d’être entourée du même type d’homme : fiérot et prêt à souffrir plus que de raison alors que justement… elle pouvait le soulager. A ceci près que si elle lui remettait son omoplate et qu’il s’y attendait, il allait déguster. Voilà pourquoi qu’elle se plaça devant lui pour détourner son attention… en capturant ses lèvres. Un baiser surprenant, certes, mais qui laissait sûrement mieux entrevoir qu’un long discours que l’impitoyable Maureen possédait tout de même une âme. Et de cette façon, elle tira d’un coup sec pour remettre le tout comme si elle avait fait ça toute sa vie. Elle ne s’écarta qu’ensuite, arquant un sourcil presque insolent : ma foi, ce n’est pas comme si ça avait été désagréable ! « Pas mal. Le fait que ta sœur fasse fuir les femmes de ta vie ne t’a pas empêché d’apprendre deux ou trois trucs. T’inquiètes, je sais me défendre, je laisserais ta sœur hurler si elle veut hurler parce que je me suis trop approchée. » Pour impressionner Maureen, il en fallait beaucoup. Mais le plus amusant dans l’histoire, c’est qu’elle ne se rendait même pas compte de la portée de ses paroles : venait-elle de faire comme si elle allait rencontrer sa sœur ? Elle perdait définitivement la boule !

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

« Ça c’est clair ! J’essaye de connaître son secret, mais elle ne veut rien lâche la petite peste en plus ! » répondais-je tant bien que mal, secoué par des rires. « Moi aussi je ferais tout pour la protéger, mais j’essaye de lui laisser sa liberté de fréquentation quoi ! » continuais-je toujours en riant. Et pour le moment, j’avais plutôt bien fait. Elle n’avait encore jamais emmené de nigaux à la maison, et j’en étais bien heureux. Parce que je ne saurais ce qu’il se passerait si un homme osait briser le cœur de ma princesse ! Enfin bon, c’était plutôt elle, la briseuse de cœurs en fait. Je me rappellerai toujours de Lucas, avec qui elle était sortie. Elle l’avait largué sans aucune raison, juste parce qu’elle s’ennuyait avec lui. Et il m’avait alors vraiment fait pitié. Il était ensuite venu à la maison, en pleurs, la suppliant pour qu’elle le reprenne. Elle n’était pas présente, et c’était préférable. Lexie était bien différente de moi, et n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait, peu importe si cela était difficile à entendre ou non. Et ce n’était pas la peine de préciser que si elle l’avait surpris, l’implorant de cette façon, elle en aurait probablement rajouté une couche. Oula, Maureen avait bien remarqué mon gémissement douloureux et semblait très en colère. Qu’étais-je supposé lui dire ? « Je ne voulais juste pas que tu me vois torse nu, c’est tout okay ? Donc j’ai préféré arrondir les angles et faire comme si de rien n’était ! » C’était moi où je venais de penser à voix haute ? Je n’en revenais pas, je devais vraiment être épuisé pour en arriver là, moi qui gardait tout profondément dans ce que Lexie appelait « mon jardin secret » – c’était bien un jeune fille pour parler ainsi, mais personnellement je ne la trouvais que plus adorable. Des lèvres se posant sur les miennes me firent perdre mes pensées. Qu’est-ce qu’il se passait ? Bon, je ne pouvais pas dire qu’elle ne m’attirait pas, mais est-ce que ce n’était pas trop tôt pour ça ?  On n’avait eu qu’un seul rendez-vous – et raté en plus. C’est alors que je la sentis. La douleur. Putain ! Bon, au moins, ça expliquait le baiser, c’était juste une diversion en fait. Je ne savais pas si j’étais soulagé ou déçu … «  Crois-moi, elle a un véritable don … » lui dis-je la gorge sèche et la voix un peu rauque à cause de notre baiser – enfin, faux baiser puisque tout avait apparemment été une supercherie. Je repris une gorgée de soda, tentant de me réhydraté quelque peu.

« Tu aurais mille fois plus douillé si je ne t’avais pas embrassé ! J’ai pensé que ce n’était pas désagréable, comme diversion. » D’accord, Maureen savait être aussi sentimentale qu’un bout de bois quand elle s’y mettait mais le fait est qu’elle ne voulait pas s’avouer avoir apprécié ce contact plus que de raison. C’était une diversion, rien de plus. Pourtant, elle restait encore bouche bée de la réaction d’Azariel à propos de le voir torse nu, autant dire que cela lui mettait autant la puce à l’oreille que ses propres sensations par rapport à cet échange purement physique qu’ils venaient d’avoir. Elle le regarda reprendre sa place initiale et boire comme un mort de soif qui sort tout juste du désert. L’avait-elle troublé ou était-il juste en colère parce qu’il s’était fait avoir ? Difficile à dire et c’est bien dans ce genre de moment que Maureen était extrêmement peu doué en psychologie humaine. Autant elle savait faire souffrir autrui comme personne, mais faire du bien… c’était trop complexe, trop aléatoire, bien trop peu logique ! « Mais tu es pourtant sexy je comprends pas ! Tu avais peur de montrer ton torse ? » répéta-t-elle, incrédule. Maureen ne put retenir un rire mais c’était davantage d’elle qu’elle se moquait car s’il y avait bien une chose qu’elle n’aurait jamais fait, c’était lui arracher sa chemise, même juste pour le soigner. « J’ai plus de classe que ça ! Enfin j’espère… je n’avais pas forcément besoin de voir pour sentir que quelque chose clochait. » Mais l’irlandaise fut la première à se racler la gorge à son tour. Elle mit quelques secondes avant de ne reprendre place contre son propre fauteuil, le dévisageant soudainement pour savoir ce qu’il pouvait bien penser, sans même réussir à le savoir vraiment. C’était frustrant, sincèrement… « Tu fais cette tête de trois pieds de long parce que tu vas mieux ou parce que tu es déçu ? » Et dire qu’en plus, elle n’avait même pas voulu le froisser ou le plonger dans une telle incompréhension ! Elle avait vraiment des siècles de retard en matière de relations humaines, et ça ne pouvait pas devenir plus évident en cette seconde à vrai dire. « Dans le doute… » Maureen se plaça à côté de lui sur le canapé et se jeta dans la gueule du loup, tant pis s’il la repoussait. Elle n’était plus à une connerie près, pas vrai ? Elle l’incita donc à la regarder en appuyant deux doigts contre son menton et, sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, elle avait déjà lié ses lèvres aux siennes, en un baiser cette fois nettement plus fougueux, comme si elle partait à la découverte d’un terrain inconquis et y mettait une passion presque dévorante. Maureen n’était pas du genre à tergiverser des semaines. Lorsqu’elle voulait quelque chose, elle se débrouillait pour l’obtenir, fois d’irlandaise ! Aussi, cette fois-ci, le baiser ne fut ni fugace ni teinté de douleur, c’était simplement un partage véritable, sincère. Afin de ne pas être repoussée, elle s’écarta en premier, demeurant à quelques millimètres comme pour laisser perdurer la proximité étant la leur. Diable, elle avait encore diablement aimé, c’était bien ça le pire. Elle était en train de se perdre…

AZARIEL & MAUREEN

❝  who needs to be save now ? ❞

« Non, en effet, ya pire » lui dis-je dans un sourire. Je n’arrivais pas à croire que j’avais pu dire ça à voix haute. Qu’est-ce qu’il m’avait pris ? Sérieusement, je commençais de plus en plus à croire qu’elle avait mis quelque chose dans mon soda, ce n’était pas possible autrement. Ok, la soirée avait été mouvementée, mais ce n’était pas une raison pour que je me transforme d’un coup en un gars qui raconte sa vie en parfaite étrangère. Il allait falloir que je m’explique maintenant. Bon, ce qui était sûr, c’est que je n’allais pas préparer de phrases dans ma tête, au cas où que l’incident se reproduise de nouveau. Mais quel idiot ! Qu’est-ce que je pouvais bien dire maintenant ?! Allez, j’allai tenter la semi-vérité, on verra bien ce qu’il se passera ensuite : « C’est juste que je ne l’aime pas, c’est tout … » plus évasif, tu meurs. « Juste, ça m’avait donné cette impression c’est tout. Désolé si j’ai mal compris. » J’espérai qu’elle n’insisterait pas, mais à mon avis, elle n’était pas du genre à lâcher le morceau. Un petit rire m’échappa, à nouveau – quand je disais que son soda était louche ! – tandis qu’elle me demandait si j’allais mieux ou si j’étais déçu. Le savais-je vraiment ? « Je ne sais pas, un peu des deux j’imagine … » Elle avait quand même utilisé un subterfuge plutôt mesquin, alors qu’elle aurait tout simplement pu me prévenir. Oui, j’aurai peut-être eu plus mal, mais je pouvais largement supporter la douleur, si je me concentrais bien. Mais en même temps, elle n’était pas au courant de ça, puisqu’à chaque fois que j’avais eu l’occasion d’en parler, je ne l’avais pas fait – la drogue masquée par le goût du soda n’était pas si forte que ça, faut pas exagérer ! Okay, elle se rapprochait … Que faire ? Je n’eus pas vraiment le temps d’y penser que nos lèvres se rejoignaient à nouveau, dansant une folle farandole. Ce baiser était beaucoup plus appuyé, et ne ressemblait aucunement au précédent – bien que très bon également. Sans m’en rendre compte, mon bras non meurtri alla se poser sur sa hanche, tentant de la ramener encore plus près de moi et d’approfondir ce divin baiser. Bon, cette fois-ci finie la plaisanterie, elle avait vraiment déposé quelque chose dans mon verre, je ne voyais pas d’autre explication ! Quand elle s’éloigna, je me rendis compte à quel point ma respiration était saccadée. Heureusement que je ne faisais pas d’asthme, ou elle aurait dû m’amener directement à l’hôpital ! Je la regardai, puis regardai ses lèvres, tout en mordant les miennes. Je ne savais que faire. Elle avait l’air d’en vouloir plus et vraiment, même si une partie – très grande partie – en avait également envie, je savais que ce n’était absolument pas une bonne idée. Je décidai de voir ce qu’elle souhaitait faire ensuite, priant pour que les effets de la drogue – celle de mon soda … – disparaissent entre temps.

Un peu des deux… donc, il y avait un brin de déception tout de même, à sa plus grande surprise ! Ce qui au début n’était qu’une idée en passant pour éviter qu’il n’ait un mal de chien à l’omoplate avait pris une proportion qui justement dépassait totalement Maureen. Dieu sait qu’elle n’était pas du genre à s’attacher, pas même le temps d’une nuit. Elle ne connaissait que trop bien ce que pouvaient faire les histoires d’une nuit, cela pouvait hélas donner lieu à davantage et malheureusement, la jolie blonde ne pouvait pas se permettre pareille faiblesse. Pas seulement à son niveau, mais avant tout parce qu’elle ne pourrait sûrement pas protéger la personne suffisamment folle pour la côtoyer au jour le jour. Maureen était dangereuse, pas douce. Pourtant, elle avait sentit autant d’intention chez Azariel que de son côté au niveau de ce baiser inattendu, tant et si bien qu’elle en fut passablement retournée, au point d’être muette l’espace de quelques secondes. En soit, c’était une chose extrêmement rare, car pour couper la chique qu’une irlandaise aussi fière que Maureen, encore fallait-il se lever tôt. « Tu avais mal compris je ne suis pas comme ça » murmura-t-elle soudainement à voix extrêmement basse, comme si quelqu’un pouvait les écouter et qu’elle souhaitait absolument qu’il soit le seul à entendre à quel point son humanité battait au rythme des battements effrénés de son palpitant à la minute actuelle. « Un peu moins déçu cette fois-ci ? » Certes, la piquante irlandaise ne pouvait pas nier cette attirance qui la prenait aux tripes. Mais loin d’elle l’envie d’y céder si facilement alors que cela risquait d’une de le braquer, et de deux de le mettre en danger dans tous les cas. Maureen avait beau être égoïste, il n’empêche qu’à l’heure actuelle, ce n’était pas uniquement à elle qu’elle pensait. « Tu ne devrais pas ne pas aimer ta personne. Bon après tu me diras que je ne te connais pas mais c’est dommage… je suis sûre que tu es dur avec toi-même. En tout cas je ne voulais pas te forcer, je suis impulsive c’est tout. Si c’est criminel, désolée alors je suis coupable de crime ! » Maureen tournait la chose en dérision pour cacher son propre trouble alors qu’en fait, peut-être se défendait-elle simplement de recommencer. En l’espace de quelques minutes, Azariel était presque devenu un fruit défendu dont il lui faudrait presque s’éloigner. Pourtant, elle ne bougeait pas d’une semelle, hypnotisée par son regard qu’elle ne quittait que pour regarder subrepticement ses lèvres, sans pour autant s’en approcher. « Je serais curieuse de savoir à quoi tu penses là, maintenant. »

AZARIEL & MAUREEN

❝ who needs to be save now ? ❞

Je ne pouvais expliquer pourquoi, mais sa douce voix me rassura immédiatement. J’avais été idiot de penser ça d’elle, même si bon, il fallait bien avouer qu’elle ne m’avait pas donné la meilleure première impression qui puisse exister. Au final, je n’en voulais plus du tout à Shaun. Il avait peut-être bien fait d’arranger ce rendez-vous. Même si elle me mettait quelque peu mal à l’aise, je commençais vraiment à l’apprécier. Après tout, on ne pouvait être profondément froide et sans cœur – comme elle s’était appelée – tout en prenant soin d’un parfait étranger non ? Ou alors était-ce la drogue qui me faisait penser ainsi ? Peut-être, mais ce n’était pas si mal finalement … « Oh que oui » lui répondais-je d’une voix plus roque qu’à l’habituelle. Peut-être était-ce la fatigue – ou la drogue du soda – mais je n’avais jamais ressenti cela lors d’un simple baiser – quoique simple n’était peut-être pas le terme le plus approprié. Au contraire, il n’y avait rien eu de simple dans ce qui venait de se passer. Ce baiser avait été un somptueux mélange de passions, de fougues mêlées d’une pincée de douceur. C’était incroyable. Mes yeux passaient des siens à ses lèvres et ne cessait de faire des allers-retours entre les deux. Je n’avais qu’une envie : recommencer, encore et encore. Mais était-ce vraiment raisonnable ? La partie droguée pensait que oui, tandis que ma tête me sermonnait d’arrêter et de me calmer. Qui écouter ? « Ce n’est pas que je n’aime pas ma personne, enfin pas moins que quelqu’un d’autre, c’est juste cette partie qui me dérange … » En reparler calma quelque peu mes ardeurs et je crus entendre un « ouf » venant de mon cerveau. Un nouveau frisson me parcourut, et ce n’était pas de désir, malheureusement – quoique d’après mon cerveau, c’était tant mieux, il devait être masochiste. Étrangement, sa phrase me rappelait vraiment à mes mauvais souvenirs, pourtant elle le disait d’une façon qui aurait dû me rassurer. Mais parler de me forcer et bien, même si cela était évidemment faux, me faisait frémir. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi. Je n’avais pas été abusé sexuellement – sauf s’il l’avait fait lorsque ses coups me faisaient sombrer dans l’inconscience, mais je ne préférai pas y penser – pourtant. Oui je l’avais été physiquement et mentalement, mais pas sexuellement. Je ne devrais donc pas réagir de cette façon. « Tu n’es coupable de rien, je ne me serais pas laissé faire, voire même continué, sinon. » J’hésitai à reprendre du soda – après tout, j’avais toujours de gros doutes sur sa composition – ayant envie de reprendre constance et surtout d’occuper ma main pour ne plus pouvoir la poser sur sa personne à nouveau. Elle m’attirait d’une telle façon que cela commençait à m’inquiéter. Je n’avais encore jamais ressenti ça auparavant. Peut-être était-ce ça l’attirance purement charnelle dont parlaient mes collègues dès qu’ils en avaient l’occasion – apparemment, ma vie personnelle les titillait eux aussi et ils voulaient que je pense enfin à moi et que je m’amuse, sans penser au lendemain. Était-ce que l’on ressentait dans ces moments-là ? J’avais toujours été du genre à vouloir connaître la personne avant de passer à l’acte, et malgré mon attirance que je ressentais envers la cousine de mon ami, je n’avais pas envie que cela change. Maureen voulait savoir à quoi je pensais. C’est qu’elle était curieuse en plus … Je ne me rendis pas compte que je venais de reposer mon verre sur la table, ni que ma main désormais libre n’était venue se placer derrière sa nuque, ni que je ne m’étais moi-même déplacé pour me rapprocher d’elle, ni non plus que mes lèvres ne s’étaient posées sur les siennes, faisant ainsi le premier pas. Elle voulait savoir à quoi je pensais et on ne pouvait pas dire que je n’étais pas honnête au moins.

Pourtant, dieu sait que Maureen n’était pas lâche au point de droguer quelqu’un que n’importe qui considèrerait comme une « proie facile ». Elle n’irait pas jusqu’à dire que cela ne lui était jamais arrivé, après tout elle avait oublié d’être une oie blanche mais il fallait plutôt entendre par là que si elle avait sauvé Azariel des griffes de ce poivrot à qui elle aurait volontiers tranché la gorge pour son impudence, ce n’était pas ensuite pour en faire un vulgaire pantin sans conscience, sans réaction naturelle, sans rien qui puisse le rendre intéressant par la suite. A vrai dire, à partir du moment où elle l’avait sauvé, amené chez elle puis soigné, Maureen avait été secouée par sa propre curiosité. Qu’est-ce qui faisait que Shaun l’appréciait tant ? Ils étaient l’opposé de l’autre et bien que son cousin ait souvent le cœur sur la main, il lui arrivait aussi d’être diablement cassant quant il s’y mettait. L’irlandaise ne le connaissait que trop bien et d’après les dires d’Anaé… son analyse au sujet du membre de son clan avait toujours été la bonne. « Qui te dérange ? » répéta-t-elle, presque incrédule. Maureen voulait se retenir de poser la moindre question pour ne surtout pas le gêner, mais c’était presque plus fort qu’elle… la curiosité, sans doute. « Pourtant tu as l’air musclé et sexy là-dessous… franchement c’est à n’y rien comprendre ! Tu n’es pas une nénette réincarnée qui a peur de son poids quand même ? » Elle se moquait qu’il lui réponde ou pas, elle n’avait simplement pas pu se retenir de poser la question. De toute façon, son esprit fut ensuite embrumé par bien d’autres pensées et si Maureen n’aurait pas nécessairement pris le risque de recommencer son petit manège par la suite, elle dû reconnaître en son for intérieur que la soudaine présence de la main d’Azariel contre sa nuque lui arracha un frisson de délice. D’ordinaire, on ne la touchait jamais, on était mort avant. Mais là, la proximité qui était la leur devenait plus véridique encore que celle qu’elle avait déjà vécu avec les rares hommes de sa vie. Une foule de sensations nouvelle l’emporte dès lors que leurs lèvres se touchèrent une troisième fois. Son accompagnateur de la soirée n’en n’avait peut-être pas conscience, mais en tout cas, il échangeait actuellement un baiser plus passionné encore que les deux précédents. Si elle s’amusait à lire entre les lignes, sans doute s’aventurait-elle à imaginer que d’une certaine façon, il n’avait pas été insensible à ses charmes naturels jusqu’ici. « Tu es vraiment très mystérieux, Azariel… on ne te pense pas aussi entreprenant et passionné quand on te regarde. J’aime bien ce que j’aperçois à vrai dire. » Maureen lui avait murmuré la chose à l’oreille en toute sincérité, laissant son audace porter une main au cou du jeune homme. Si elle avait mis un terme –délicat, bien évidemment– au baiser, c’était surtout pour reprendre son souffle. Mais ses lèvres étaient incapables d’être rassasiées. « Je n’en veux pas plus, juste ça. » Ce contact. La jeune femme n’aurait jamais été en mesure de lui demander davantage en sachant qu’elle n’avait pas eu d’amant depuis un lustre et demi. Mais cela ne l’empêcha pas d’embrasser délicatement sa mâchoire, puis sa joue pour reprendre délicatement les lèvres d’Azariel dans les siennes. Ce contact… il lui faisait du bien. Et cette fois, elle n’avait pas de masque d’aucune sorte.

AZARIEL & MAUREEN

❝ who needs to be save now ? ❞

Elle ne me laisserait pas m’en sortir sans une réponse. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir lui dire ? Je refusais de penser à des phrases toutes faites, au cas où que la drogue refasse son effet pervers de tout à l’heure. Je ne pouvais pas lui dire la vérité. Ça se passait plutôt bien pour l’instant – peut-être même qu’avec le temps cela pourrait devenir sérieux, je n’en savais rien après tout – ce n’était pas pour tout gâcher avec ce genre de confession. Je ne voulais pas mettre de froid entre nous alors que ça ne faisait que commencer. « Ce n’est pas la première fois que je prends des coups, et j’en ai des traces, c’est tout … » Il était vrai que ma réponse était assez vague, mais j’espérai que cela lui suffirait, mais si, comme Shaun, sa curiosité était importante, je ne m’en sortirai pas aussi facilement. Je savais pourtant qu’il n’y avait que moi qui remarquais ces traces du passé – après tout, j’avais des eu des relations sexuelles et personne ne m’en avait fait la réflexion – mais j’étais obnubilé par celles-ci. Lorsque je me regardais dans le miroir, je ne voyais qu’elles. Il faudrait peut-être que je retourne voir un psy un de ces jours, mais le seul que j’avais vu ne m’avait pas aidé, au contraire, je m’étais senti plus faible en y sortant qu’en y rentrant. J’avais l’impression que notre troisième baiser était meilleur que les deux premiers réunis – c’était donc peu dire. Ce que je ressentais était indécrivable tellement cela me semblait confus. Je ne m’étais jamais lâché de cette façon auparavant, et encore moins lors d’un premier soir. Mais il fallait que je réfléchisse au type de relation que je souhaitais entreprendre avec la jeune femme. Avais-je envie de la revoir ? Oui … Donc dans ce cas-là, je savais qu’il fallait que je calme les choses – et surtout que je me calme moi – pour qu’on puisse mieux en profiter plus tard. Pour moi, il y avait deux types de relations sexuelles : celles qui ne duraient qu’une nuit – et je n’avais jamais voulu en faire l’expérience – et celles qui venaient au fil du temps, après bien connaître la partenaire. C’était ce dernier type de relation que je voulais. Attention, j’aimais le sexe hein, mais pour moi c’était plus l’occasion de partager quelque chose avec une personne qu’on aimait bien – pas un défouloir. Lorsque nos lèvres se séparèrent, je ressentis comme un manque – apparemment, j’étais déjà accro à la drogue du soda et il m’en fallait une autre dose ; peut-être que je pourrais lui demander ce qu’elle avait mis dedans ? « Je ne le suis pas habituellement » lui répondais-je. « Ou du moins, pas lorsque je ne connais pas la personne. » continuais-je, réalisant que ce que je venais de faire ne me ressemblais aucunement – quand je disais que j’avais été drogué … Je frissonnais en sentant sa bouche embrasser ma mâchoire et ma joue, puis répondais à nouveau à son baiser lorsque celle-ci rejoignait à nouveau la mienne. Avais-je bien entendu ? Étions-nous bien sûr la même longueur d’onde ? Elle me mettait dans un tel brouillard que je n’étais plus sûr de rien. Mais il me semblait bien l’avoir ouï qu’elle ne voulait pas plus non plus. Apparemment, je pourrais enfin pleinement profiter du baiser, sans avoir à me questionner autant.

Des traces de coup ? Il était presque étrange que son interlocuteur semble craindre son regard alors qu’elle avait vu cent fois pire dans son existence. Maureen n’était pas, pour ainsi dire, un ange de miséricorde et semait bien plus souvent la mort qu’elle ne récoltait le bien autour d’elle. Shaun lui en avait fait la réflexion à maintes reprises mais la jolie blonde avait été conditionnée ainsi depuis sa plus tendre enfance. Pourquoi changer ? Pour son clan ? La plupart étaient tous plus ou moins mêlés à la Mafia, ce n’était donc pas l’argument du siècle pour l’irlandaise. Ses deux frères auraient pu la faire changer d’avis, mais quand elle voyait qu’elle les protégeait bien mieux en faisant partie de ce monde sans pitié qu’en en étant écartée, elle avait vite ravisé son jugement. Non, vraiment, si cicatrices Azariel avait, ce n’était pas Maureen qui allait en être choquée. « Je t’ai évité une nouvelle cicatrice alors ? » énonça-t-elle avec le même brin d’insolence dont savait faire preuve son cousin à maintes et maintes reprises. « Si tu n’as pas envie de les montrer ne t’inquiètes pas… c’est ton jardin secret. Et puis elle te va bien cette chemise ! » Curieuse façon de lui prouver que sa curiosité n’était pas assez puissante pour creuser la chose quitte à le mettre mal à l’aise. Maureen avait énormément de défauts, mais elle savait parfois respecter la vie privée d’autrui, surtout lorsque cela lui semblait être un vrai cas de conscience. Sans savoir pourquoi, elle sentait Azariel porter plus d’importance à ces fameuses marques physiques que n’importe qui d’autre n’aurait pu l’imaginer. Qu’importe. Maureen elle-même n’était pas vierge de toute cicatrice et elle ne tenait pas nécessairement à les lui montrer… « Ca te gêne d’être plus entreprenant ? Ca ne m’arrive jamais non plus, d’ordinaire je n’ai rien à faire des dîners romantiques, je n’ai pas le temps et puis… je trouve ça risqué. Si on ne fait pas attention, la personne a tôt fait de prendre une importance capitale et je crois que mon cœur est bien en un seul morceau. C’est pour ça que j’étais glaciale ce soir… » La piquante irlandaise n’était pas coutumière du mot « pardon », néanmoins c’était sa façon de lui faire comprendre qu’elle avait pleinement conscience du ridicule de ses agissements. Ca et… le baiser qu’elle échangeait actuellement avec lui. Maureen n’était pas disposée à aller plus loin et quelque chose lui soufflait à l’oreille que c’était justement la bonne décision : rien qu’à partager cette courte intimité avec Azariel, elle se sentait déjà possédée par l’irrépressible envie de le revoir. C’était fou, complètement inattendu –surtout avec la soirée qu’ils avaient partagée au départ– mais difficile de se mentir ou de ne pas voir les choses en face. Ce troisième baiser lui avait apporté plus de frisson que bien d’autres étreintes qu’elle avait pu vivre jusqu’ici et ce fut presque à contre cœur qu’elle se sépara du jeune homme, en vue de reprendre son souffle. « Tu n’as plus mal à l’omoplate ou un bisou magique aiderait ? » plaisanta-t-elle, particulièrement mal à l’aise à vrai dire. Dès qu’ils ne s’embrassaient pas, elle avait l’impression que quelque chose clochait. C’était bien ça le plus étonnant !