JAYDEN & NAHLA

❝ i don't leave you alone ❞

La maison de Port Richmond ne possédait qu’une seule pièce allumée. Une seule personne seulement se trouvait encore debout aussi tard dans la soirée. Assise à son bureau, face à tout un tas de papiers éparpillés ici et là et un ordinateur portable non loin, la jeune femme présente ne cessait de chercher quelque chose désespérément. C’était comme une chasse au trésor dont le butin serait sa liberté mais également celle de sa famille, son frère y compris. Elle avait longtemps cherché à trouver un moyen de sauver tout le monde et de se sauver également. Elle aspirait à une vie un tant soit peu normale depuis des années et la jeune femme avait la sensation qu’elle touchait son rêve du bout des doigts sans parvenir à l’atteindre totalement. Cette situation la fatiguait. Sa vie l’épuisait et elle, elle continuait de se battre pour ce qu’elle pensait mériter amplement. La rencontre avec deux personnes les jours précédents avait ravivé en elle le petit espoir qui l’avait gardé en vie jusque-là, cette lueur qui lui avait permis de ne pas s’effondrer du jour au lendemain uniquement parce qu’elle était incapable de tenir plus longtemps.

La première de ses deux rencontres était une jeune femme dont elle ne parvenait plus à retrouver le prénom, mais qui avait été si agréable avec elle qu’une confiance s’était installée sans le moindre mal. Elle lui avait parlé du fait que plusieurs organisations tenaient à faire tomber celle pour laquelle la Sud-africaine travaillait et elle lui avait donné le numéro d’un homme qui était supposé diriger une annexe d’Orchideus à New York même. C’était lui qui avait fourni à la jeune mère tous les dossiers qui se trouvaient sur son bureau et l’accès à ceux qui se trouvaient sur le serveur de l’agence qui « l’employait » depuis ses dix-neuf ans. Il voulait l’aider tout en s’assurant qu’elle serait une alliée lui permettant de mettre fin à cette organisation russe qui agissait dans le dos des gouvernements et touchait autant de pot de vins que possible. Malheureusement, hormis des informations qu’elle connaissait déjà, Nahla ne parvenait pas à trouver la faille qu’elle pourrait utiliser à son avantage. Plus elle consultait les dossiers et plus elle se persuadait qu’Orchideus était indestructible. Toutefois, la jeune femme n’était pas prête à baisser les bras, pas si Jayden et Lucas étaient en danger par sa faute. Elle n’avait pas oublié le choix qu’elle avait fais dans l’entrepôt. Elle n’avait pas oublié qu’elle était allée contre ses ordres et qu’elle avait laissé Jayden vivre par amour pour lui.

Dès lors, elle avait mis la vie de son propre fils en danger et même si elle ne regrettait pas son choix, elle avait tenu à ce que Lucas soit en sécurité avec son père inventant un mensonge de plus à Roméo à son grand damne. Ainsi, passer son temps libre – souvent des heures tardives – à chercher comment abattre ses employeurs était son seul moyen de tenir et de s’assurer que bientôt, elle pourrait enfin vivre la vie qu’elle voulait même en ayant quelques petites choses à régler dans sa vie personnelle. Néanmoins, malgré tous ses efforts pour trouver quelque chose, la fatigue l’emporta sur tout le reste. Nahla sentit ses paupières se faire de plus en plus lourdes et son corps devenir douloureux. Elle ne lutta pas contre le sommeil et s’effondra sur son bureau, laissant tout le temps aux feuilles sur ce dernier de coller à ses joues. La Sud-africaine aurait probablement pu dormir ainsi jusqu’au petit matin sans le moindre problème, de toute manière elle évitait son lit au maximum ces derniers temps, prétextant le fait qu’elle voulait laisser Roméo respirer et prendre le temps de savoir ce qu’il voulait alors qu’elle-même savait avoir fait son choix et que ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle trouve le moyen de lui annoncer.

Épuisée comme jamais, elle ne sentit pas même les vibrations de son portable à quelques centimètres d’elle et se laissa aller sur le chemin d’un énième cauchemar qui agita son sommeil jusqu’à ce qu’elle se réveille d’un bond en entendant des coups donner contre une porte. Loin d’être totalement réveillée, Nahla passa une main sur son visage, ôtant la feuille qui y était collée et après un bref regard vers l’heure affichée sur son ordinateur portable ses sourcils se froncèrent. Les coups à la porte d’entrée elle les avait oublié jusqu’à entendre la sonnette retentir dans toute la maison. En un rien de temps, la jeune femme se précipita hors du bureau et vers l’entrée dans l’espoir que la personne dehors n’allait pas plus insister et réveiller l’homme qui dormait à l’étage. « Nahla ! Ouvre-moi ! » Surprise d’entendre la voix de Jayden, la Sud-africaine s’empressa de lui ouvrir pour lui faire face, visiblement inquiétée par le fait qu’il soit présent chez elle aussi tard et … seul. « Jay qu’est-ce que tu fais ici ? Où est Lucas ? » Elle savait le Néo-zélandais être responsable et pour rien au monde il n’aurait laissé leur fils tout seul. Paranoïaque comme elle pouvait l’être dernièrement, sa première pensée fut la pire puis Nahla tenta de se convaincre qu’il l’avait confié à Chris voire même à Athena bien que son regard posé sur le jeune homme resta tout aussi inquiet que lorsqu’elle avait imaginé le pire.

tu vois j'ai pas fais aussi long que toi

Elle sentait la panique lui retourner l’estomac sans même parvenir à se calmer. Elle laissait la crainte se lire à travers son regard, bien trop fatiguée pour lutter contre cette dernière. La présence de Jayden sur le pas de sa porte, aussi tard et seul n’avait rien de rassurant, elle n’avait pas besoin de son génie pour le comprendre. Quelque chose s’était produit et la jeune femme sentait au fond d’elle que c’était une nouvelle qu’elle n’allait pas aimer, le genre d’annonce qui allait lui faire perdre tout espoir tandis qu’elle se laisserait s’effondrer, enveloppée par un désespoir qu’elle n’avait jamais connu jusqu’alors. Lucas aurait dû être là lui aussi. Leur fils aurait dû se trouver près de son père, face à sa mère mais ce n’était pas le cas et à en croire l’expression peinte sur le visage de l’homme face à elle, il n’avait été confié à personne. La jeune femme sentait son estomac se nouer douloureusement et lui donner la nausée. Dans sa poitrine, son cœur battait bien plus vite qu’il ne l’aurait dû et sa respiration se faisait plus saccadée de seconde en seconde. Nahla était en train de paniquer. La crise d’angoisse était en train de la gagner et elle pouvait déjà sentir ses yeux piquer, signe qu’elle n’allait pas tarder à craquer même si elle s’efforçait à rester forte du moment que Jayden n’avait pas prononcé les mots qu’elle craignait qu’il dise. Pourtant, la Sud-africaine le savait déjà. C’était instinctif.

C’était son instinct maternel qui parlait et qui mettait tous ses sens en alerte. Si son petit garçon n’était pas là, si Jayden était aussi paniqué et aussi mal c’était tout simplement que quelque chose était arrivé à Lucas, mais Nahla refusait de l’accepter tant que le Néo-zélandais ne le lui aurait pas dit clairement. Elle resta donc silencieuse une fois sa question posée. Sa main serrait la poignée de la porte avec force comme pour se donner un peu plus de courage, pour tenir le coup un peu plus longtemps alors qu’elle voulait tout simplement craquer. Elle regardait l’homme qu’elle aimait sans dévier son regard, le suppliant presque silencieusement de ne surtout par prononcer les mots qu’elle craignait alors que de manière contradictoire elle attendait qu’il le dise, qu’il lâche cette bombe qu’ils avaient espéré éviter. « Les Bloods... ils l'ont enlevé... » Sa mâchoire se crispa. Nahla serra si fort les dents qu’elles auraient toutes pu se briser sous la pression. Son regard fut voilé par les larmes qui l’assaillirent dès qu’il lui avoua la triste vérité et la jeune femme due d’autant plus se retenir à la porte pour ne pas tomber. Ses jambes s’étaient mises à trembler et Nahla ignorait par quel miracle elle parvenait encore à tenir debout. Elle était incapable de prononcer le moindre mot et elle peinait à respirer correctement. Pas son petit garçon … Ils n’avaient pas le droit de lui faire du mal, pas le droit de s’en prendre à lui alors que Lucas était innocent. Il ne savait rien de la vie de ses parents … il ne savait rien de la vie de sa mère dont Nahla avait tenté de le protéger jusqu’à faire le choix qui avait mis sa vie en danger.

Si quelqu’un devait payer, c’était elle et non pas son fils, mais le « jeu » serait bien moins drôle, elle le savait. « Je suis désolé... j'ai été incapable de le protéger... je... » Mais déjà elle ne l’écoutait plus. Elle s’imaginait les pires scénarios. Elle voyait Lucas être totalement terrorisé dans une pièce sombre, entouré d’hommes armés qui lui feraient bien plus peur que le soit disant monstre sous son lit. La Sud-africaine passa plusieurs minutes à s’imaginer le pire avant de relever les yeux vers Jayden, le visage déformé par la douleur. « T’étais censé le protéger … » Commença-t-elle à voix si basse qu’elle aurait été surprise qu’il l’entende. Elle fit quelques pas en avant, se retrouvant ainsi face à lui malgré sa petite taille et leva la tête pour croiser le regard de Jayden. « T’étais censé le protéger ! » Répéta-t-elle bien plus fort que précédemment avant de le pousser pour l’éloigner d’elle, les larmes ne tardant pas à dévaler ses joues tandis qu’elle était secouée par un sanglot qu’elle ne chercha même pas à contenir. Nahla aurait voulu le frapper ne serait-ce que pour extérioriser sa colère et sa panique, mais elle en était incapable. Elle usait de toutes ses forces pour pleurer, parler et rester debout alors que son corps commençait à trembler à cause de la crise d’angoisse qui la gagnait. C’était son petit garçon, elle l’avait confié à son père persuadée qu’il serait en sécurité avec lui et à présent Jayden lui annonçait que son ancien gang avait leur fils, c’était inacceptable.

oh c'est le plus petit Nayden que j'ai fais je crois

Elle ne pouvait tout simplement pas rester calme. Il s’agissait de son fils et pas de n’importe quelle personne. Lucas était ce qui comptait le plus pour elle. Il était sa plus grande réussite, ce qu’il y avait de plus innocent dans sa vie et surtout sa plus grande fierté. Il était à ses yeux la preuve qu’elle était capable de faire des choses bien dans sa vie. Il était la preuve vivante que son amour pour Jayden avait une raison d’être puisque, après tout, cet enfant était le leur. Il était le fruit d’un amour que la jeune femme avait toujours chéri et ce même en tentant de passer à autre chose, en essayant d’apporter une figure masculine à son enfant autre que l’oncle de ce dernier. Lucas était tout pour elle et s’en prendre à lui était une bien grave erreur. Si la jeune femme pouvait être froide, calculatrice et aussi dénuée de sentiments qu’un robot lorsqu’elle était en mission, dès lors qu’une personne s’en prenait à son fils elle pouvait devenir bien pire, bien plus féroce. Elle était comme ces lionnes qu’elle avait pu observer lorsqu’elle était une enfant, lorsqu’elle vivait encore en Afrique et qu’elle baignait dans un monde plein d’innocence. Comme ces lionnes qui dès que l’on approchait leurs petits montraient les dents, la Sud-africaine savait parfaitement marquer son territoire et retirer tout envie de s’en prendre à nouveau à ses proches. Pourtant, pour le moment elle était juste capable de se lamenter comme s’il lui fallait encore le temps de bien saisir la situation.

Elle avait compris que son garçon était en danger et entre les mains d’hommes qui lui avaient donné froid dans le dos pour l’avoir agressé lorsqu’elle était adolescente, mais son cerveau semblait être bien plus lent que d’habitude. C’était à croire que la jeune mère refusait de voir la vérité en face, qu’elle tentait encore de se convaincre que son fils était en sécurité, qui n’allait rien lui arriver et que tout ceci n’était qu’un cauchemar du quel elle n’allait pas tardé à se réveiller, mais rien. Nahla sentait la panique l’envahir petit à petit et la faire trembler. La colère ne tarda pas à la rejoindre et même si elle l’extériorisa en direction de la seule personne en sa présence, en réalité c’était contre elle que la jeune femme était en colère. C’était elle qui avait mis Lucas en danger et non pas Jayden. C’était elle qui avait refusé d’exécuter les ordres qu’on lui avait donnés par amour pour cet homme face à elle. Si jamais quelque chose devait arriver à son garçon c’était uniquement de sa faute et déjà la jeune femme ne pouvait pas se le pardonner. Elle s’énerva contre le Néo-zélandais uniquement par besoin d’évacuer cette pression qui grandissait en elle, mais jamais elle pourrait lui en vouloir, pas alors qu’il avait tout fait pour faire en sorte que leur fils soit en sécurité. Elle l’avait repoussé alors que la seule chose qu’elle désirait était de se sentir de nouveau en sécurité dans ses bras, comme si une simple étreinte de la part de Jayden parviendrait à faire disparaître toute la peur qui lui retournait désormais l’estomac. C’était son bébé … Les Bloods venaient de s’en prendre à son bébé et si pour l’instant Nahla n’était pas capable de grand-chose, sa fureur allait vite la gagner et autant dire qu’il valait mieux pour ces hommes de ne pas trop chercher la jeune femme.

« Ça va aller, on va le retrouver... je te le jure ! » La connaissant par cœur, Jayden ne tarda pas à revenir vers elle pour la serrer dans ses bras tandis que Nahla fermait ses yeux tout en laissant les larmes rouler le long de ses joues, trop faible pour les combattre. « On va le retrouver. Je vais découvrir où est-ce qu'ils se planquent et je te ramènerai Lucas. » Son regard ancré dans celui de Jayden, la Sud-africaine pinça ses lèvres tout en tentant de se convaincre qu’il sera capable de tenir cette promesse sans réellement y parvenir. Elle ne doutait pas de lui, ça jamais, elle était juste pessimiste dès lors que quelque chose d’aussi sérieux touchait sa famille. Nahla était persuadée qu’à cause de ce fardeau que Chris et elle portaient sur leurs épaules depuis leurs dix-neuf ans, tout malheur touchant leurs proches finiraient mal. Toutefois, la jeune femme n’eut pas le temps de répliquer quoi que ce soit que l’attention des deux parents se porta sur le portable de Jayden et Nahla assista à la scène sans même pouvoir s’énerver contre celui qui l’appelait pour avoir osé toucher à son fils. « Où est mon fils ? Je vais pas y aller par quatre chemin Leandro. Tu vas me dire où vous vous planquez ou je viens t'arracher la langue pour te l'enfoncer dans la gorge jusqu'à ce que tu t'étouffes. » Au moins, ça méritait d’être clair et Nahla n’aurait probablement pas dit mieux, quoi qu’à bien y réfléchir, même en l’ayant retrouvé elle doutait de prononcer une seule parole, elle se serait juste contenter de l’aider à finir rapidement six pieds sous terre.

Les bras croisés contre sa poitrine, la jeune femme ne quitta pas Jayden du regard un seul instant, se battant pour cesser de pleurer et retrouver un tant soit peu de fierté, usant de sa colère pour y parvenir au bout de quelques minutes. Cette même colère se fit bien plus puissante lorsqu’elle comprit ce à quoi pensait le jeune homme par un simple regard. Jayden la voulait à l’écart de tout ça. Il voulait qu’elle reste bien sagement dans sa maison pendant que lui irait tout droit vers la gueule du loup et qu’il était peu probable que lui et Lucas lui reviennent. « J'y vais. Toi, tu m'attends. Je t'appelle si j'ai besoin d'aide. » La mâchoire de la Sud-africaine se crispa pour tenter de garder son calme, mais déjà Jayden lui tournait le dos, prêt à partir. Il fallait qu’elle réagisse, qu’elle dise quelque chose, n’importe quoi pour l’empêcher de partir sans elle. « We are a team, right ? » Commença-t-elle en faisant un pas en avant. Nahla humecta ses lèvres et serra ses poings pour retrouver toutes ses forces puis elle brisa la distance entre elle et Jayden. « On gagne et on perd ensemble. » Déclara-t-elle enfin en se plantant devant lui, la tête haute et son regard tentant de trouver celui du Néo-zélandais. « Il est hors de question que je te laisse y aller tout seul alors que je sais que je ne reverrais ni Lucas, ni toi. » Sans dévier son regard, Nahla attrapa l’une des mains de Jayden et la serra doucement dans la sienne en se mordillant l’intérieur de la joue pour tenir un peu plus longtemps alors qu’elle sentait sans le moindre problème que si elle devait lui tenir tête encore quelques minutes deplus elle allait s’effondrer.

Il était hors de question qu’elle le laisse partir seul tout droit vers un piège. S’il devait tomber, il tomberait avec elle, ensemble, parce qu’elle se refusait de faire les cents pas chez elle tel un lion en cage. Elle savait que trop bien ce qu’il risquait. Elle se souvenait encore de leur vie à Los Angeles, de cette peur au ventre qu’elle avait toujours eu lorsqu’il quittait leur appartement et qu’elle craignait de ne plus le revoir. C’était comme être mariée à un policier – hormis qu’ils n’étaient pas mariés et qu’il n’était pas policier – mais en pire et le fait que cette crainte les ait suivi jusqu’à New York la poussait d’autant plus à refuser de le voir y aller tout seul. Il s’agissait de son fils et de l’homme qu’elle considérait comme étant son âme sœur, jamais elle n’aurait supporté de perdre l’un et encore moins les deux. Peut-être était-elle les nerfs à vifs et totalement en larmes de savoir son petit garçon entre de si mauvaises mains, toutefois pour la bonne cause elle savait se reprendre tout comme elle savait être discrète lorsqu’il le fallait et être d’une aide à Jayden. Jamais elle ne lâcherait. Elle était prête à utiliser tous les arguments qui lui viendraient en tête pour qu’il cède à sa demande, mais la Sud-africaine savait qu’elle n’aurait pas à aller jusque-là. Elle connaissait Jayden par cœur, tout comme lui la connaissait tout aussi bien. Elle savait utiliser les mots justes pour le toucher et avoir gain de cause. Ce n’était pas de la manipulation, loin de là, il s’agissait juste d’une mère qui voulait sauver son fils en aidant l’homme qu’elle aimait, rien de plus simple.

La jeune femme l’avait eu aux premières paroles qu’elle avait prononcé, elle en avait parfaitement conscience. Voir l’Océanien s’arrêter brusquement était déjà une preuve de son début de victoire. Il n’aimait pas ça. Il n’aimait pas qu’elle insiste pour se mettre elle-même en danger parce qu’il avait toujours cherché à la protéger durant toutes ces années, mais Nahla refusait d’être mise de côté, pas alors que l’enjeu était si important. « Nahla... » La jeune mère ne fit pas attention au fait qu’il prononça son prénom comme une supplication pour qu’elle n’insiste pas. Elle continua et alla même se mettre devant lui pour trouver la force d’aller jusqu’au bout bien qu’elle soit à deux doigts de craquer. Ils étaient la faiblesse de l’un et de l’autre. Elle savait que si vraiment il insistait pour qu’elle reste là, elle serait restée chez elle car elle n’aimait que très peu lui tenir tête, mais il n’en fit rien parce qu’elle avait gagné, elle avait usé des bons mots pour parvenir à ses fins. « D'accord. Promets-moi juste de faire très attention à toi. » Aucun sourire. Il s’agissait peut-être d’une victoire, mais il n’y avait pas de quoi se réjouir, au contraire. La Sud-africaine se contenta donc d’opiner du chef. Faire attention à elle était une chose qu’elle savait parfaitement faire malgré sa frêle apparence. Elle profita des minutes que Jayden lui laissa pour retourner à l’intérieur de sa maison. Là, elle se rendit dans son bureau chercher l’arme qu’elle avait toujours à porté de main, plus un chargeur pour être plus prudente. Sa veste sur le dos et ses ballerines aux pieds, elle ferma la porte derrière elle et suivit Jayden jusqu’à sa voiture, restant silencieuse durant tout le trajet qui les amena à l’endroit où, à priori, devait se trouver leur fils.

« Je vais passer par l'entrée principale. Toi, fais le tour et essaye de voir si tu peux accéder à la pièce par un autre chemin. » Nahla leva les yeux vers lui sans prononcer le moindre mot. Elle écoutait chacune de ses paroles en bonne élève et se contenta d’acquiescer lorsqu’il eut terminé. « Fais attention à toi, s'il te plait. » Se laissant aller contre lui, lorsqu’elle sentit ses lèvres toucher son front, Nahla ferma les yeux l’espace de quelques instants et en profita pour rassembler toute la force nécessaire pour ne pas craquer une fois de plus. Ce moment entre eux passé, Jayden et elle se séparèrent, prenant un chemin différent comme il l’avait suggéré quelques minutes plus tôt. Nahla laissa son arme à l’arrière de son jean n’ayant pas l’envie de s’encombrer pour rien. Elle fit le tour du bâtiment à la cherche d’une autre porte, mais se retrouva face à une condamnée, maudissant tout le monde et surtout l’univers d’être contre elle. Finalement, elle recula de quelques pas en arrière et regarda la façade de l’entrepôt devant lequel elle se trouvait … il ne lui restait plus qu’à escalader. Son regard s’arrêta vers une gouttière non loin dont elle se rapprocha et vérifia la solidité avant de l’utiliser pour grimper plus facilement et gagner une fenêtre sur sa gauche au travers de laquelle elle se glissa. « Où est mon fils ? » Ce furent les premières paroles qui lui vinrent lorsqu’elle fut à son tour à l’intérieur. Accroupi sur le sol du niveau supérieur, elle attrapa enfin son arme et avança à pas de loup en direction des voix.

« Relax, on a tout le temps... au fait, j'espère que tu es venu seul. Ce serait bête que ta fiancée ou un de tes collègues de la CIA se retrouve pris au piège comme Lucas. » Instinctivement sa mâchoire se crispa, mais Nahla ne laissa pas aller, continuant d’avancer aussi silencieusement que possible jusqu’à gagner un escalier qu’elle emprunta et arriva non loin d’une pièce gardée. Parvenant à trouver un autre chemin pour faire le tour, lorsqu’elle arriva au niveau du garde des Bloods, elle cogna ce dernier à la tête à l’aide de la crosse de son arme et parvint à le récupérer à temps pour évider qu’il ne tombe lourdement et bruyamment sur le sol. Ceci fait, elle ouvrit la porte en douceur et fut soulagée de n’y découvrir que Lucas attaché à une chaise et totalement apeuré. « Maman ? » Lui faisant signe de ne pas faire le moindre bruit, elle s’empressa d’essayer de le dégager mais fut bien rapidement dépassée par les évènements. Trop heureuse de retrouver son fils, elle avait lâché son arme et n’avait pas remarqué que des pas venaient en sa direction. Si elle parvint à neutraliser le premier homme, le second lui donna un coup si violent au visage qu’elle en perdit l’équilibre et n’eut guère le temps de récupérer son arme qu’elle était déjà sous le menace d’une autre. « Boss, regarde ce qu’on a trouvé ! » Menacée par une arme, blessée au visage, Nahla avança sans la moindre envie vers le groupe qui se trouvait dans la pièce principale de l’entrepôt, Lucas près d’elle. Une fois arrêtée, Leandro ne tarda pas à venir en sa direction, un sourire mauvais aux lèvres qui lui donna presque l’envie de lui cracher dessus bien qu’elle n’en fit rien. Non, celle qui l’emporta fut l’envie de le frapper lorsqu’il toucha son fils. La main de Nahla était partie si vite qu’elle-même fut surprise par son geste mais pas par le coup qu’elle prit ensuite bien qu’elle garda la tête haute et le regard mauvais.

j'ai le don pour pas faire parler mes personnages en ce moment, mais j'espère que ça te va quand même

Pourquoi fallait-il que tout finisse par mal se terminer ? Pourquoi fallait-il qu’à chaque fois rien ne se passe comme prévu, comme ils l’avaient prévu ? Tout ce qu’ils souhaitaient était de sauver leur fils, de l’éloigner le plus possible de ces hommes et de cette histoire. C’était ce qu’ils avaient toujours voulu avant même sa naissance. Dès qu’elle avait appris être enceinte il avait été convenu qu’ils feraient tout pour s’en sortir, tout pour s’éloigner de la violence et de la peur qui régissaient leur vie depuis trop longtemps déjà. Ils voulaient être de bons parents, ils souhaitaient le meilleur pour le fils et le meilleur se trouvait bien loin de Los Angeles, bien loin de cette vie qu’ils avaient pu avoir jusque-là. Pourtant, elle avait toujours su au fond d’elle qu’elle ne serait jamais capable de donner une vie saine et calme à son fils, pas si elle continuait de mentir sur ce qu’elle faisait réellement, ce qu’elle avait continué de faire une fois loin de Los Angeles, une fois loin de Jayden et lorsqu’elle avait tenté de se « reconstruire » pour leur fils. Jamais ils ne seraient tranquilles parce qu’elle était maudite et que malgré elle, elle propageait cette malédiction sur le reste de sa famille. Elle avait commencé dix-neuf ans plus tôt lorsqu’elle avait entraîné son frère bien malgré elle. Même si elle savait qu’il aurait été traîné de force de ce travail, elle n’avait jamais été capable de faire taire la culpabilité qui l’avait rongé dès lors. Peut-être que si, comme lui, elle n’avait pas voulu croire aux paroles de cet homme qui était venu le jour de l’enterrement de leur mère jamais ils n’auraient eu à faire ce qu’ils faisaient aujourd’hui ? Comment savoir ? C’était tout bonnement impossible et pourtant elle continuait de s’en vouloir.

Elle avait pensé qu’en cachant la vérité à Jayden elle lui éviterait d’être également touché par ce fardeau qu’elle partageait avec son frère, mais elle avait tord puisque aujourd’hui plus que jamais ça le touchait et que l’océanien aurait parfaitement été capable de l’aider à s’en sortir, elle le savait à présent. Mais le pire était que cette malédiction – après tout il n’y avait pas d’autre mot pour qualifier ce qui tombait sur sa famille depuis plusieurs générations – touchait à présent son fils, qu’elle le mettait en danger et Nahla ne pouvait le supporter. Personne n’était autorisé à toucher son enfant, personne ! Elle pouvait passer l’éponge sur bien des choses mais pas sur le fait que l’on s’en prenne à son fils, l’être le plus précieux à ses yeux, le petit garçon qu’elle s’évertuait de protéger depuis sa naissance, même avant sa naissance. La sud-africaine avait la sensation d’avoir échoué, comment voir autrement ce qui était désormais en train de se passer ? Trop heureuse d’avoir retrouvé Lucas elle n’avait pas fait attention à ses arrières et elle s’était faite avoir comme une bleue, comme une débutante alors que, clairement, elle était loin de l’être. Elle avait suivi un entraînement par Orchideus et en peu de temps elle était devenue leur meilleur élément, le petit soldat qui opinait du chef à chaque ordre qu’on lui donnait, mais qui n’en pensait pas moins. Elle faisait tout du moment qu’elle s’assurait de la sécurité des siens, mais désobéir à leur ordre en sauvant Jayden avait changé bien des choses à commencer par la sécurité de leur garçon. Elle n’avait pas assez été sur ses gardes et au lieu de délivrer son fils elle avait, en quelque sorte, foncée droit vers la gueule du loup. Nahla sentait sa colère gronder en elle et la jeune femme faisait de son mieux pour la canaliser et ainsi éviter d’empirer la situation.

S’il n’y avait eu qu’elle, être blessée ou non n’aurait que très peu importé du moins qu’elle se débarrassait de ses ennemis et s’en sortait, cependant elle n’était pas toute seule, il y avait Jayden et Lucas et la sud-africaine refusait que quoi que ce soit leur arrive par sa faute, c’était déjà bien trop le cas pour le moment. Alors, la jeune femme se laissa diriger vers le reste des Bloods en silence non sans laisser une expression colérique prendre place sur son visage et qui ne fit que s’amplifier lorsque Leandro toucha à son fils et qu’il lui rendit le coup qu’elle lui avait porté par réflexe. « Si tu la touches encore une fois, je te jure que... » Mâchoire crispée pour continuer de canaliser sa colère, elle sentait qu’elle n’allait pas tarder à exploser et ce d’autant plus en se voyant éloigner de son fils. Son premier réflexe fut de se débattre pour tenter de rejoindre Lucas qui était plus terrorisé que jamais, mais l’homme qui la maintenait resserra si fermement son emprise qu’un grognement de douleur lui échappa et Nahla cessa immédiatement de bouger. Son regard posé sur son petit garçon, la sud-africaine s’efforça de lui adresser un sourire qu’elle voulait rassurant afin de lui faire comprendre qu’elle ne laisserait personne lui faire le moindre mal, elle préférait encore mourir. « Que quoi ? » Détournant doucement son attention en direction de Leandro et Jayden, elle continuait d’être aussi immobile que possible même si elle sentait ses réflexes reprendre doucement le dessus sur elle. Elle ne supportait pas le fait d’être menacée d’une arme et, si elle avait été seule sur le terrain, le Bloods derrière elle aurait très vite perdu toute envie de la menacer ou de faire quoi que ce soit pour tout dire. Cependant, elle ne pouvait pas risquer de créer une fusillade où les seules victimes seraient l’homme qu’elle aimait et son fils.

Elle continua donc son combat intérieur pour rester calme tout en ne déviant pas son regard des deux hommes un peu plus loin. « Pose ce flingue Jay... tu ne voudrais pas les perdre les deux à la fois tout de même. » Nahla le supplia du regard de ne pas le faire, de ne pas se débarrasser du seul moyen de défense qu’ils avaient, mais elle savait qu’il allait le faire pour la simple raison que, à sa place, la jeune mère aurait agit de la même manière si elle pouvait s’assurer un tant soit peu de sauver les personnes qui lui étaient si précieuses. Ses pinçant les lèvres, elle sentait des larmes de peur et d’agacement la gagner tandis qu’elle suivait les mouvements de Jayden qui se séparait de son arme. « Laisse-les partir. Ils n'ont rien à voir avec ça... » Lucas peut-être … mais elle si ! Elle était celle qui avait été choisie pour remplir le contrat que les Bloods avait mis sur la tête du néo-zélandais, elle était tout autant concernée que lui par cette situation, à un degré différent cependant. « Mmmh pas directement en effet. Mais est-ce que ta chère fiancée est au courant du pourquoi nous sommes là ? Tu lui as dit que tout était de ta faute ? » Les sourcils de la sud-africaine se froncèrent bien malgré elle. De quoi parlait-il ? Elle n’en avait pas le moindre idée mais elle pouvait déjà ressentir une nouvelle colère gronder en elle, une colère partagée avec le fait qu’elle n’avait aucun le droit de lui en vouloir. Pourtant, Nahla fut incapable de cacher sa surprise lorsque son regard croisa celui de Jayden et, silencieusement, elle le supplia presque de lui expliquer ce dont il parlait, mais bien vite l’image de Leandro réapparu dans son champ de vision, sourire mauvais aux lèvres et une certaine fierté dans le regard. « Il ne t’a rien dit, pas vrai ? » L’ossature de sa mâchoire ressortie d’autant plus tandis que l’homme se rapprochait d’elle si bien qu’elle pouvait sentir l’air chaud de son haleine sur son visage.

« Quoi qu’il ait fait, je suis certaine que cette pourriture comme toi le méritait ! » Son regard était plus mauvais que jamais et Nahla était bien tentée de lui en mettre une mais elle savait qu’elle n’était pas en position de risquer une telle chose. Leandro serra à son tour les dents, sans doute pour retenir l’envie de la frapper une nouvelle fois et tandis qu’il s’éloignait à nouveau d’elle, la sud-africaine posa un regard sur son fils qui n’avait toujours pas la moindre idée de ce qui pouvait bien se passer. « Laisse-le partir ! Ce n’est qu’un enfant … et s’il lui arrive quoi que ce soit, vous allez tous les regretter ! » Leandro lui fit à nouveau face, visiblement amusé qu’elle puisse croire pouvoir exiger quoi que ce soit, mais Nahla ne se laissa pas démonter et continua. « Vous n’avez pas la moindre idée de ce que mes employeurs sont capables de faire … Tu penses sincèrement que je suis la seule dans ma famille à travailler pour eux ? Pour garder leurs petits soldats dans leur rang, ils sont capables de leur permettre de mettre leur vengeance à exécution et que crois-tu qu’il t’arrivera si son oncle apprend que des petits crétins comme vous l’avez touché ? Vous ne ferez pas long feu ! » Son regard resta posé quelques instants de plus sur Leandro avant de faire le tour des autres hommes présents. Ce qu’elle disait n’était que du vent, Orchideus se moquait complètement de la colère de leurs employés, ils avaient d’autres moyens de les faire rentrer dans les rangs et surtout ils tenaient sans doute à faire de Lucas un exemple pour empêcher quiconque d’aller contre leurs ordres, mais ça Leandro et ses hommes ne pouvaient pas le savoir. Nahla ne pouvait que compter sur son habilité à mentir et sur la peur qu’elle avait créer chez certains hommes pour faire jouer le tout en sa faveur.