Depuis quelques temps, Esther avait décidé de ne plus compter sur le compte de son père, et de gagner elle même son salaire. Sauf que, quand on ne sait ni lire ni écrire; et que par conséquent on a pas le moindre diplôme, eh bien, ça se complique de trouver quelqu'un voulant bien d'elle. En revanche, ce qui pouvait la différencier des autres gens dans son cas, c'est qu'elle parlait la langue de ce pays. Elle parlait anglais, et avait longtemps travaillé dans une usine textile, voilà de quoi pourrait être constituer son curriculum vitae. A force de regarder la télévision, elle avait fini par trouver un possible travail où elle était qualifiée. Elle était tombée sur un reportage sur un styliste, Victor Debussy. Un styliste a toujours besoin de couturière, non ? De toutes façons, elle n'avait rien à perdre, à part de son temps, qu'elle avait grand mal à occuper. Le surlendemain, dans l'après-midi, elle décida de se rendre à son lieu de travail. La veille, elle avait demandé à un voisin de rechercher l'adresse. Elle s'était habillée de façon simple mais à la mode , le minimum tout de même lorsque l'on compte demander à un styliste de nous embaucher. Elle avait de la chance - chose tellement rare pour elle. Elle eu seulement à marcher une dizaine de mètres avant d'arriver devant la porte du bâtiment contrastant avec les immeubles banaux aux alentours. Elle entra et s'avança vers un bureau où était installée une secrétaire qui parlait au téléphone. « Bonjour, je...» Elle leva les yeux vers Esther, et lui fit un geste signifiant qu'elle serait bientôt à elle. « Il vous rappellera. Au revoir Monsieur Williams. » Elle raccrocha le téléphone, et reposa son regard sur l'israélienne. « Puis-je vous aider ? » « Bonjour, je voudrais voir Monsieur Debussy. Je voulais lui poser une question. » La secrétaire la fixa, ayant l'air de ne pas réellement comprendre, avant de lui répondre. « Bien, je vais le chercher. Patientez quelques instants je vous pris. » Esther se dirigea vers les quelques chaises disposées contre un mur, regarda la secrétaire adresser quelques mots à une autre secrétaire puis commencer à monter un escalier. Esther se tenait bien droite comme à son habitude contre le dossier de la chaise, les mains sur ses genoux, le regard sur ces dernières. Une voix la sortit de ses pensées quelques temps plus tard. « Bonjour, vous avez demandé à me voir ? Que puis-je pour vous ? » Elle se leva, et vu un jeune homme brun. Elle le reconnut, c'était ce fameux Victor Debussy. Elle se leva. « Bonjour Monsieur Debussy. Je me demandais si par hasard vous ne cherchiez pas une couturière. »

Victor lui tendit la main tout naturellement, peu après avoir pris la parole. C’était ce geste qu’il faisait lors de ses rencontres professionnels avec tel ou tel associé. L’inconnue ne mit alors à lui répondre, montrant aucune hésitation dans sa voix. «Bonjour Monsieur Debussy. Je me demandais si par hasard vous ne cherchiez pas une couturière. ». Un léger sourire amusé se dessina alors sur les lèvres du jeune homme. C’était bien la première fois qu’une audacieuse venait lui demander un petit job directement. D’habitude, elles passaient par des intermédiaires, puis après validation de leur dossier, elles entraient dans la grande fourmilière Debussy. Audacieuse, fut le premier mot qui vint à l’esprit de Victor. Un peu gêné, il se gratta la nuque. Puis tenta d’avoir de nouveau un peu de prestance. Après tout, c’était un peu lui le boss ici. « Vous savez il y a des organismes pour cela, qui vous aident à cela, à trouver un métier… » dit-il alors. Il marqua une brève pause, lançant un regard à cette jeune femme. C’est alors qu’il put remarquer qu’elle tenait un petit dossier entre ses bras. Sûrement un CV, une lettre de motivation et une bonne dose d’audace pour être venue jusqu’à là. Après quelques secondes de réflexion, il reprit la parole. « Suivez-moi… ». Sorti de la bouche de Victor ça ne sonnait pas du tout comme un ordre, bien au contraire. Même dans ce genre de situation, il semblait gentil, peut-être bien même trop gentil. Il fit alors un signe de la tête à la jeune femme, afin qu’elle le suive. Puis ils se dirigèrent silencieusement dans le bureau de monsieur Debussy, comme on pouvait le lire sur la petite pancarte de la porte d’entrée. Il ouvrit la porte, puis fit entrer, par pure galanterie et politesse, la jeune femme en première. Après quoi, à son tour, il entra et referma la porte. « Avez-vous votre CV sur vous ? » l’interrogea-t-il. Puis, il lui tendit une petite assiette remplie de sucrerie. Vous en voulez, lui demanda-t-il alors en lui tendant l’assiette.


[ce n'est pas top, je me rattraperai au prochain ]

Elle serra la main que le styliste lui tendit. Un sourire amusé se dessina sur son visage, malgré le fait qu'elle trouvait ça déstabilisant, elle ne le montra pas. Il semblait étonné. « Vous savez il y a des organismes pour cela, qui vous aident à cela, à trouver un métier… » Esther baissa les yeux. Certes ce n'était pas le genre à être gênée pour un rien, mais c'est le genre de situation qui l'embarrassait. Evidemment, il ne pouvait pas savoir.« Suivez-moi… » Esther le suivit donc jusqu'à une porte où était indiqué Monsieur Debussy, mais pour l'israélienne il s'agissait juste des symboles indéchiffrables pour elle. Il ouvrit la porte de son bureau, et laissa entrer Esther. Cette dernière le remercia d'un discret signe de tête, et le regarda aller chercher un petite assiette en porcelaine blanche; qui devait valoir chère. En plus d'être bonne couturière l'israélienne savait également reconnaître les matériaux coûteux. Tout simplement parce que c'est des matériaux auxquelles elle n'a pas été habituée à voir durant son enfance et son adolescence. Enfin, peut être en avait elle déjà vu durant son enfance; mais quand on est amnésique de cette période, s'en souvenir est plus que difficile, totalement impossible. « Avez-vous votre CV sur vous ? » Esther lui tendit la pochette contenant une feuille imprimée à l'ordinateur que son voisin avait accepté d'imprimer. La page était loin d'être remplie. En haut, il y avait d'indiqué les informations nécessaires, et, en dessous, 1990-2005: couturière en usine textile. Une ligne, une seule ligne, qui résumait sa carrière professionnelle, de ses huit ans à ses vingt-trois. Une ligne qui résumait sa carrière professionnelle, mais qui était bien loin de résumer son existence. Il lui tendit ensuite l'assiette. Elle contenait des petits bonbons à la menthe, le genre de bonbon qu'ils donnent dans les cafés avec le café. « Vous en voulez ? » L'israélienne en prit un, puis le remercia. Mint candy, voilà ce qu'il était inscrit sur le papier. Elle comprit que c'était des bonbons à la menthe uniquement lorsqu'elle vue la feuille de menthe dessinée sur le papier argenté.

A peine venait-il demander si elle avait un CV sur elle qu’il lui demandait si elle voulait un bonbon ou non. Assiette blanche éclatante au bout des bras, la jeune femme s’en saisit d’une de ces confiseries sans un mot. Victor avait toujours un faible pour les bonbons et autres sucreries, une vraie âme d’enfant au fond. Il reposa, ensuite, l’assiette sur un coin de son grand bureau et s’assis sur ce grand fauteuil. Grand fauteuil bien trop confortable pour lui. Grand fauteuil en cuir véritable de vachette espagnole, enfin cela… les défendeurs de la nature vont pleurer ce détail. Victor s’approcha de son bureau et se saisit du CV que l’inconnue venait de lui présenter. Aussitôt, il mit ses lunettes afin de mieux voir. Oui, en plus de cela, il avait quelques problèmes de vue. Il lut avec attention l’entête. Esther Avram, israélienne… à l’heure de la mondialisation, un peu d’exotisme dans ses employés ne feraient pas de mal, au contraire, il se mettrait au goût du jour. Il se mettrait à cette grande heure de la mondialisation. Trente ans, pouvait-il lire. Langues parlées, l’hébreu, et l’anglais basique. Il se pinça les lèvres. Gardant tous commentaires pour lui-même. Il faisait attention à chaque ligne de ce papier qu’il tenait entre ses mains. Diplôme ? Aucun… Il grimaça légèrement. Puis aussitôt, il s’attarda sur son expérience personnelle… Couturière en usine textile… Elle avait commencé d’ailleurs jeune, très jeune, trop jeune même au goût du français. Victor leva la tête, avant de s’adosser dans son fauteuil. Puis il retira ses lunettes, il se frotta le menton à l’aide de sa main droite. Il se demandait bien qu’il allait bien pouvoir faire de cette jeune femme. En grand cœur, bien trop naïf, il serait incapable de lui dire qu’elle n’avait pas sa place ici. Incapable, oui… A croire qu’il avait trop la main sur le cœur, sur son cœur. « Vous n’avez aucun diplôme ? » demanda-t-il, fronçant doucement les sourcils. Il se demandait presque si cette jeune femme savait lire et écrire… enfin elle avait réussi à composer ce bout de papier qui lui servait de CV… tant de mystère derrière cette femme, tant d’interrogation. « Vous avez travaillé dans une usine textile, c’est bien cela ? Vous savez ici, c’est tout à fait différent de là où vous avez travaillé. Chacune de nos pièces sont uniques, et aucun défaut de couture n’est toléré… chaque robe, chaque tenue se doit d’être un chef d’œuvre pour nos clients, vous savez. Il s’interrompit quelques instants, avant de se pencher vers son assiette de porcelaine et de chiper un de ces petits bonbons. Vous sentez vous à la hauteur de cela, mademoiselle… Aram ? » dit-il maladroitement.

Esther le regarda s'assoit dans son fauteuil en cuir avant de songer à s'asseoir. Elle commença à déballer le bonbon à la menthe tandis que le styliste entamait la lecture de son CV. Elle observait ses réactions, inquiète. Elle savait très bien qu'elle avait très peu de chance d'être prise, mais la mode, voilà bien le seule domaine pour lequel elle est qualifiée, et encore. Elle n'a travaillé que dans une usine textile, mais son supérieur la trimbalait de service en service, si bien qu'il faut avouer qu'elle s'y connait très bien en matière de confection de vêtements et de tissu. Il finit par relever les yeux vers l'israélienne, avant de lui demander.

« Vous n’avez aucun diplôme ? »
- Non, comme vous le voyez... je n'ai aucun diplôme.»

Des diplômes. Oh non, Esther n'en avait pas. Pas même un diplôme de fin de collège. Elle s'étonna qu'il ne fasse pas la remarque. Après, il est vrai aussi qu'elle ne savait pas du tout si l'équivalent existait en Amérique ou en France. Elle le supposait. De même pour la fin de lycée. Elle se doutai aussi qu'il devait se douter que quelque chose clochait à cause de cet absence de diplômes plus que basiques, qu'une grande majorité de personnes doivent avoir réussis à obtenir. Et un diplôme de fin d'université, c'était encore moins probable de figurer sur son CV.

« Vous avez travaillé dans une usine textile, c’est bien cela ? Vous savez ici, c’est tout à fait différent de là où vous avez travaillé. Chacune de nos pièces sont uniques, et aucun défaut de couture n’est toléré… chaque robe, chaque tenue se doit d’être un chef d’œuvre pour nos clients, vous savez. Vous sentez vous à la hauteur de cela, mademoiselle… Aram ? »
- Avram. Exact, mais cette usine textile était embauché par une grande marque, je ne saurais dire laquelle. Ils m'ont changés je ne sais combien de fois de service, si bien que je pense être à la hauteur. »

Sûre d'elle, dans sa voix tout comme dans son allure, rien ne pouvait trahir son appréhension. Elle savait très bien combien elle était malchanceuse, et elle redoutai qu'elle vienne encore s'incruster dans sa vie. On aurait pu croire qu'elle avait fini par s'y habituer, mais comment s'habituer à une telle malchance que l'on a peur de ce que chaque journée nous réserve ? Peut être possible, mais sûrement pas facile.

Spoiler:

Aussitôt venait-il de finir de prendre la parole que la jeune femme qui se trouvait assise en face de lui le corriger. Ah, ce n’était pas Aram, mais Avram son nom de famille… à un son consonantique près, il y était presque. Victor se contentant d’un fâcheux signe de la tête, puis il se remit à écouter les paroles de cette jeune Israélienne. Il s’était installé de façon nonchalante dans ce fauteuil dont lequel il s’installait en petit prince de la mode. « Exact, mais cette usine textile était embauché par une grande marque, je ne saurais dire laquelle. Ils m'ont changés je ne sais combien de fois de service, si bien que je pense être à la hauteur. » lui dit-elle alors. Victor se redressa de son siège, lançant un regard significatif. Être à la hauteur, qui était-elle pour oser prôner cela dans les bureaux de Victor ? de prôner cela dans la maison mère de la mondaine marque Debussy ? Le jeune homme se racla la gorge, avant de prendre la parole. « Vous savez… entre penser être à la hauteur et être à la hauteur, il y a un fossé. Un assez large fossé, bien qu’on ne peut penser le contraire. Savez-vous combien de personnes ont entré dans ce bureau en pensant être à la hauteur et après quelques jours, ont montré de réelles compétences médiocres ? Vous le savez ? ». Il posa un regard interrogateur sur la jeune femme. L’incompréhension pouvait se lire sur le visage de cette dernière. Si Victor était un jeune homme agréable en temps normal, lorsqu’il s’agissait de son travail, il voulait être parfait, frôler la perfection avec chacune de ses créations, il ne voulait pas se permettre un seul défaut dans une robe. Et pour cela, il lui fallait une équipe autour de lui compétente, bien plus que compétente. Des personnes ayant de doigts de fée, voyez-vous. Victor se releva, marchant quelques pas et se saisit une nouvelle fois de l’assiette remplis de bonbons. Il la tendit à la dénommée Esther, Esther Avram et non Aram.
Victor souffla fortement, avant de se gratter le menton. « Accepteriez-vous de faire une mise à niveau ? Je nommerai l’un de mes meilleurs couturiers comme tuteur, il vous instruira toutes les pratiques qu’il faudra que vous acquerrez. Pour la théorie, je pourrai vous conseiller quelques manuels… Il marqua une brève pause avant de reprendre. Sachez que je ne fais pas cette proposition à n’importe qui, ne me voyez pas comme le bon samaritain. » finit-il de lui dire en regagnant sa place.

[justify]
A voir le regard qu'il lui lança, Esther devina que, comme à son habitude, elle avait montré qu'elle avait du mal avec le fait d'avoir un supérieur. Elle n'a jamais reçu d'ordres de qui que ce soit, et certes elle aidait sa mère, mais c'était parce qu'elle en avait envie. Et quand elle travaillait, en Israël... elle obéissait car elle savait très bien qu'elle ne pouvait se permettre d'être renvoyée. Son salaire, il permettait à toutes les deux de vivre, et sans ça, peut être qu'elle n'aurait pas réussi à vivre plus longtemps dans la pauvreté. L'israélienne se retint de baisser les yeux.

« Vous savez… entre penser être à la hauteur et être à la hauteur, il y a un fossé. Un assez large fossé, bien qu’on ne peut penser le contraire. Savez-vous combien de personnes ont entré dans ce bureau en pensant être à la hauteur et après quelques jours, ont montré de réelles compétences médiocres ? Vous le savez ? »

Elle eut du mal à se retenir de répondre. Cependant, le fait de savoir que si elle ne disait rien elle avait une chance - apparemment faible mais tout de même existante - de se faire embaucher la convaincu de garder pour elle ce qu'elle pensait: qu'elle le savait très bien, qu'elle se doutait qu'il y en avait déjà eu, mais que eux n'ont pas étés obligés de travailler dès leur huit ans pour pouvoir avoir des conditions de vie pas même correctes, et qu'elle était obligée de faire aussi bien que les autres beaucoup plus âgés qu'elle, et que si ce n'était pas parfait - ce qui risquerait d'être difficile Esther étant plus que perfectionniste, rien ne l'empêchait de lui faire recommencer jusqu'à ce qu'il soit satisfait. Non, ce n'était pas vraiment le genre de choses à dire, mais à garder pour soi.

« Accepteriez-vous de faire une mise à niveau ? Je nommerai l’un de mes meilleurs couturiers comme tuteur, il vous instruira toutes les pratiques qu’il faudra que vous acquerrez. Pour la théorie, je pourrai vous conseiller quelques manuels… Sachez que je ne fais pas cette proposition à n’importe qui, ne me voyez pas comme le bon samaritain.
- Bien sûr, j'accepterais... mais... »

Mais. Dans des manuels théoriques, il y a toujours du texte très important. Et, ça, il ne suffit pas que quelqu'un le lise, non. Il faut le relire pour l'apprendre, et ça, dans le cas d'Esther, ça risque ne de pas être très pratique... Elle pensait que dans le domaine de la couture, savoir lire n'était pas nécessaire. Apparemment si; aujourd'hui, si on ne sait pas lire, travailler c'est mission impossible. Même serveuse: il faut savoir écrire les commandes.

« Pour les manuels, je risque d'avoir un problème... »