LUKA * MANUELA_ long time no see.

Trois semaines, trois interminables semaines passées dans cet endroit sinistre et on se décidait enfin à me laisser sortir. C'est pas trop tôt avais-je pesté lorsque le médecin en charge de mon dossier m'avait annoncé la "bonne" nouvelle; une journée de plus à contempler ces murs d'un blanc immaculé et il aurait fallu m'interner. Quand on y repense, il est vrai que je n'avais pas nécessairement de quoi me plaindre; non seulement les infirmières s'étaient montrées particulièrement gentilles et serviables avec moi; je n'avais manqué de rien, mon père et Soraya étaient venus me rendre visite chaque jour; et même la nourriture n'y était pas si mauvaise que j'avais pu l'imaginer ! Mais cet établissement n'en demeurait pas moins un hôpital et je détestai ces endroits. Lieu tant redouté qui sentait la maladie, la pourriture, la tristesse et les personnes en fin de vie. Des quatre coins du couloir s'échappaient des cris de douleur, des sanglots, parfois même des crises d'hystérie et toute cette souffrance, tous ces maux m'étaient devenus insupportable. Sans vouloir passer pour l'égoïste de service mon état de santé actuel me préoccupait déjà bien asse sans que je n'ai à penser à celui des autres patients. Tout ça pour dire que je n'avais qu'une hâte, sortir d'ici. Plus qu'une envie, c'était devenu une nécessité. Seul problème demeurant pourtant, personne n'était là pour venir me récupérer. Enfin je voulais dire personne qui ait déjà pri connaissance de mon "piteux" état de santé. Mon père accompagnait en effet Soraya à une sortie scolaire et Lloyd travaillait. Quant à Lou, Mathis, Merwan, Caly' ou n'importe lequel de mes autres amis, je refusais par-dessus tout qu'ils ne soient mis au courant, pour certains d'entre eux le sachant déjà qu'ils ne me voient dans cet état; si c'était pour qu'ils aient pitié de moi ensuite, non merci ! Je n'avais vu que trop de fausse compassion et de pitié ces derniers jours, je pense que j'avais eu ma dose. Dans un sens, j'aurai pourtant aimé que chacun à leur manière ils soient avec moi; si seulement je n'avais pas été si orgueilleuse, si seulement je n'avais pas honte de toute cette histoire et de ces quatre roues, alors peut-être demanderai-je le soutien dont j'avais tant besoin. D'autant plus qu'après ce long séjour à l'hôpital ma vie quotidienne, mes petites habitudes et plus encore mes amis commençaient sérieusement à me manquer; particulièrement Luka que je considérai comme une sœur et que je n'avais pas vu depuis plusieurs semaines maintenant. Encore une fois, si je n'avais pas été si butée, la brunette aurait eu vent de mon accident et serait venue m'épauler durant ma convalescence, à n'en pas douter. J'étais trop bête; bornée et insupportable selon mon paternel qui, avait quand bien même choisi d'appeler à la rescousse la demoiselle, poussé par un élan d'exaspération à mon égard. Non sans une certaine appréhension, j'attendais donc patiemment que Luka ne se décide à venir me chercher. Attente qui fut, à mon grand désarroi, de courte durée.

« Manu... » déclara mon amie, hébétée face à l'ignoble chaise roulante dans laquelle on m'avait déposée « Qu'est-ce que c'est que ça ? ». En énonçant ces mots, Luka m'avait déposé un baiser sur la joue, tentant de reprendre contenance dans le même temps; sa réaction n'avait pourtant trompé personne et j'avais pertinemment vu que le regard qu'elle m'avait adressé différait de d'habitude. Ce que je pouvais comprendre. Ce que je méprisais dans le même temps. « Ceci est un fauteuil roulant dernier cri, très chère ! Idéal pour se déplacer à toute vitesse et slalomer entre les voitures les jours de grand trafic ! De même et attention ceci est révolutionnaire; il nous permet également de ne pas se fatiguer inutilement et nous préserve des quelconques ampoules et échauffements qui auraient la mauvaise idée de venir nous abîmer les pieds ! A moi les talons de quinze centimètres de long et ce en toute sécurité ! » avais-je débité à la vitesse de la lumière, dissimulant pourtant mal l'ironie et l'amertume qui teintaient présentement chacun de mes mots. « Quitte à rester clouée là-dedans des décennies, autant en rire ! » concluais-je nerveusement. « Ceci étant dit, je suis ravie de te voir et enchantée d'enfin te rencontrer Ivy. Si je ne me trompe pas c'est bien toi, non ? Cette adorable petite fille, qui ne cesse de la faire rire ? ». Si je pensais que porter mon attention sur la petite fille allait faire basculer la conversation ? Pas une seconde. Je savais pertinemment qu'après un tel électrochoc Luka n'allait pas lâcher le morceau aussi facilement. A défaut d'arriver à mes fins, j'essayais tant bien que mal de la distraire.