Zakarariel – episod one : sanstitre

Il a suffit d’un appel pour attiser la curiosité d’Ariel. A vrai dire, ce n’était pas ce qu’on pouvait appeler plus communément un « appel anodin ». Appelons celui-ci d’attentionnel, oui. Puis, ce n’était pas comme si celui qu’elle venait d’avoir au bout du fil était un inconnu ou un « ami ». En fait, si c’est un ami, son meilleur ami même. Zakaël Huyana. Pouvons-nous encore lui donner le statut de ‘meilleur ami’ à l’heure actuelle ? C’était assez délicat pour le dire et répondre à cette question. Ni l’un ni l’autre ne pouvait expliquer leur situation. Ouais, ni Zakaël et encore moins Ariel. Au cours de cette conversation, un mot, des mots, un terme, une expression –oh et puis appelez cela comme vous le souhaitez– avait subtilement attisée la curiosité de la jeune espagnole ou plutôt intriguée. Ce dernier terme s’avérait sûrement plus juste. « Jouer avec le feu ». Reprenons alors mots pour mots ceux utilisés par le joli blond. Non pas qu’Ariel était si sotte que cela pour comprendre ce dont il parlait, mais elle anticipait déjà les conséquences de ce ‘jeu’ dangereux.
Sûrement pour la première fois, Ariel s’était projeté dans un futur. Certes, un futur proche, mais c’était déjà cela. Installée devant la baie vitrée de son appartement donnant vue sur un petit panorama de la ville, la jeune femme regarda… le vide. Intriguée, pensive, anxieuse, toutes ces caractéristiques que l’on ne collait pas à Ariel auparavant lui étaient alors à présent collées.
Le silence lourd et pesant qui dominait en maître l’appartement fut brisé par un bruit assommant provenant de la porte d’entrée. La sonnette, puis des coups, puis plus rien le temps de quelques secondes avant que la mélodie peu mélodieuse avouons-le de la sonnette repris de plus belle. Malgré le vacarme que tout ceci pouvait faire, Ariel resta là, calme, debout face à la vitre avant enfin de se décider d’aller d’ouvrir. Elle balaya une dernière fois son appartement avant d’ouvrir la porte. Elle se doutait bien de la personne qui était derrière sa porte, il n’y avait donc pas de surprise à la venue de Zak. La porte s’ouvrit doucement. Ariel observa alors longuement le jeune homme qui s’y trouvait derrière, restant là muette avant de prendre la parole. « C’est bon, c’est pas la peine de s’exciter comme ça sur une pauvre sonnette, tu sais ! »

Ne rien laisser transparaitre. C’était sûrement la règle d’or –si celle-ci était vraiment une règle d’or– qui caractérisait Ariel. Voilà comment elle arrivait à monter sûre d’elle. Pourtant depuis un certain temps, l’exercice semblait plus délicat, et la jeune femme laissait transparaitre des failles. Après tout, personne n’est invincible. Les sentiments, voilà donc ceux qui venaient jouer les trouble-fête et perturbaient légèrement notre Alvarez. Perturber ? Agacer devrais-je dire. Jamais jusqu’à présent elle ne s’était posée des questions sur ce sujet, jamais auparavant elle aurait pu avouer s’être prise la tête avec tout ça. Tout ça, oui. Refermant la porte derrière Zakaël, Ariel resta un bref instant devant avant de faire demi-tour sur elle-même. Expirant fortement, elle se trouva face à… l’obstacle ? Non, pas vraiment un obstacle, face au joli blond.
« Je suis content de te voir. » Un sourire léger se dessina sur ses lèvres à cet instant. Un visage quasi-neutre de tout sentiment ou état d’âme. Juste ce sourire qui pouvait laisser transparaitre une certaine émotion. C’était après de longues secondes minutes de silence qu’elle répondit d’un calme : « Moi aussi, je suis contente de te voir. ». On était loin des états d’euphorie, d’hystérique ou autre que l’on pouvait rapidement comparer à des réactions de groupies.
Il était installé sur le canapé, elle était debout. Le silence était redevenu le maître de l’appartement. Ce silence lourd qui devenait de plus en plus angoissant pour Ariel. Alors elle cherchait un moyen, un prétexte, un truc à faire ou à dire pour le briser. « Hum… tu… veux boire quelque chose ? » Okay. Ce n’était sûrement pas la phrase la plus intelligente et profonde qu’il puisse exister. Au moins, elle avait eu le mérite de briser ce silence. En fait, elle parlait presque pour ne rien dire à cet instant. C’était sûrement dans ces moments qu’on pouvait se sentir bien con. A vrai dire, ce genre de ressentiment qu’on pouvait alors avoir, elle s’en foutait. Oui, elle s’en foutait. Elle s’en foutait un peu de tout, de tout ce qui constituait alors cette palette de sentiments. Je m’appelle Ariel et il y a rien de plus inutile que de se tracasser de ces choses-là. Voilà comment elle pourrait se présenter. Une présentation qui s’avère à présent fausse. Aujourd’hui ce n’était plus pareil et cela en était presque déroutant pour Ariel. Elle-même n’en revenait pas… Comment une personne pouvait ainsi pour faire méditer sur toutes ces choses intérieures qui se trouvaient en elle blotties dans cet endroit qui lui était encore inconnu. Après tout, c’était normal qu’elle veuille le voir et qu’il lui manquait pensa-t-elle. C’était normal, non ? Tout ça juste pour se rassurer et ne pas chercher ailleurs…

Qu’un ami vous manque, c’était normal. Que votre meilleur-ami vous manque, ça aussi ça l’est. En fait, cette sensation de vide, de manque, elle était normal… jusqu’à un certain degré. Au stade dans lequel Ariel se trouvait, on était loin de la normalité. Pourtant bien que Zakaël soit présent, aucune trace ne montrait chez Ariel un semblant de joie. Peut-être que ce sourire discret qui se dessinait sur ses lèvres était une marque qui montrait qu’elle était « contente de le voir » comme elle lui avait dit quelques minutes auparavant. Peut-être, oui. Peut-être, mais on ne le saura jamais réellement. Ariel ou tout un concept mystérieux derrière tout cela. On ne savait pas ce qu’elle pensait, on ne savait même pas ce qu’elle ressentait à cet instant. Si, qu’elle était contente, mais c’est tout. Tout semblait être en retenue. Ses gestes, ses pensées, ses états d’âme comme si tout ce qui pouvait lui traverser l’esprit était censuré à un moment donné. Comme si… elle se l’interdisait elle-même.

Se lâcher. Voilà ce qu’il lui avait conseillé. Il, Zakaël. Le gars ici présent dans son appartement installé dans son canapé à qui elle venait d’adresser la parole. En l’observant, on pouvait remarquer le sourire quasi-omniprésent sur le visage du jeune homme. Lui, il était sûrement plus expressif qu’Ariel. « Avec plaisir, je me suis déshydraté en venant ici. Je crois que je n'ai jamais été aussi vite de toute ma vie. » On pouvait noter l’effort de Zak pour détendre l’atmosphère et surtout briser officiellement ce silence lourd. C’était une tâche lourde et surtout délicate. Tout était devenu différent entre eux depuis… cette fameuse soirée. Il a suffit d’un soir pour changer tout une relation. A croire qu’à présent, plus rien n’allait être comme avant. « Oh, un soda, ça m'ira très bien ! Mais pas ce truc dégeux que tu achètes, tu sais, aux fruits exotiques. C'est écœurant. » Un sourire s’esquissa sur le visage de l’espagnole à l’écoute de son ‘amie’, on pourrait presque dire que ce petit sourire illuminé son visage. Puis un petit hochement de la tête et elle lança doucement un « Je vais te chercher ça alors. » Elle s’éclipsa le temps de plusieurs longues minutes à la quête de boisson. Elle ramena alors ensuite deux sodas et alla s’installer à côté de Zakaël. « Hum, tiens. » dit-elle tout en lui tendant la boisson. La bouteille dans ses mains, les yeux d’Ariel balayèrent la pièce loin d’être rangée. On pouvait trouver là parsemer à droite, à gauche, des partitions, des débuts de compositions inachevées, sa guitare acoustique qui trainait là. Puis on trouvait eux : Zak et Ariel dans cette pièce. Assis là l’un à côté de l’autre.

Comme une évidence. Ariel le savait, ça n'allait plus être comme avant entre eux. Malgré leurs efforts qu’ils faisaient chacun de leur côté, c’était devenu quasi-impossible d’essayer de faire machine arrière et de revenir aux bons vieux temps. Celui des potes de déconnades, celui des deux meilleurs amis où deux faisaient presqu’un entre eux. De l’amitié. Une amitié très forte, voilà ce qu’il y avait entre eux. A présent, leur histoire, leur relation était entachée par cette chose qu’ils ignoraient tous les deux. Ils étaient incapable de l’expliquer, incapable de dire, ni de trouver un nom à cette chose. Compliqué, ça l’était en effet. Une chose était sûre, à ses côtés, Ariel se sentait bien. Très bien, même. Elle était bien avec lui, oui ; malgré cette chose qui brûlait en elle, cette petite chose qui faisait battre son cœur un peu plus fort. Impossible pour elle de comprendre, et après pourquoi chercher à comprendre. Une certaine tension pouvait se faire sentir dans la pièce. On sentait bien un certain mal aise qui était déjà présent entre Zakaël et Ariel. Si seulement c’était comme cela entre eux pour la première fois, en fait, c’est depuis plusieurs jours que c’est ainsi. Une situation délicate. Leur relation tenait à un fil, un ‘faux pas’ et ils remettaient en doute leur relation.
Assise à côté de lui, Ariel resta longuement silencieusement. A vrai dire, pour la énième fois depuis l’arrivée de Zakaël, le silence meublait lourdement la pièce. On ne pouvait plus le nier : ce n’était plus comme avant entre eux. Le regard de la jeune femme se déposa discrètement sur celui qui était à côté d’elle. En fait, c’était tout simplement : Zak. Elle l’examina un long moment, se mordillant intérieurement la lèvre. Comment pouvait-elle réagir comme ça ? Ce n’était pas un comportement de ‘meilleure amie’ ça. Non, ça l’était pas, et essayant de se ressaisir, elle chassa toutes ces pensées. Tant bien que mal, en fait, c’était impossible… pourtant il le fallait bien pensa-t-elle.
Les lèvres du joli blond se mirent à bouger, et comme vidée de toutes pensées, elle les regarda. Ne prêtant plus attention aux mots qui atteignirent alors ses oreilles. Le son et l’image en décalés. Après plusieurs longues secondes, Ariel eut enfin un temps de réaction. « Je… Tu… euh… » et sans comprendre pourquoi, elle se mit à bégayer, à chercher ses mots. Que dire, que répondre, que faire, voilà toutes ces questions qui défilèrent sans arrêt dans sa tête. Alors, elle essaya tant bien que mal de rattraper le coup. « Non, tu ne m’as pas réveillé… t’inquiètes pas… » . Un sourire qui se voulait rassurant se dessina sur ses lèvres. Son regard se déposa sur le sien, le plongeant alors petit à petit. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, elle ne comprenait plus, oui.