Je n’avais pas appris beaucoup plus de choses depuis la dernière fois que j’avais vu le détective. Si, j’avais appris qu’elle s’appelait en fait Angie, et non Eleanor. Mais c’était tout, elle n’avait pas voulu m’en dire plus. Comme prévu, j’avais donc transmis au détective le vrai prénom de ma femme, en espérant que cela pourrait l’aider. J’espérais que de son côté, ses recherches avaient données quelque chose. C’était son travail après tout, non ? Et plus le temps passait, plus j’avais besoin de connaître la vérité à propos de la disparition de ma femme. J’avais tout de même organisé une rencontre entre elle et Elisabeth, sans pour autant dire à ma fille qui elle était pour elle. C’était juste pour faire les présentations et qu’Angie puisse voir notre fille. Bon, la communication avait été quelque peu difficile, ma femme ne connaissant pas le langage des signes. Elisabeth étant sourde depuis ses quatre ans, à la suite d’une méningite, nous avions dû nous adapter à cela. Et cela avait commencé par le langage des signes, ma fille étant alors trop jeune pour savoir lire ou écrire. Et petit à petit, les choses étaient redevenues normales et nous pouvions communiquer sans aucun souci. Ma fille pouvait tout de même parler, mais je voyais bien qu’elle n’aimait pas ça et que dès qu’elle le pouvait, elle préférait rester silencieuse. Je la comprenais en même temps, elle devait à peine s’entendre parler et cela devait plus la perturber qu’autre chose. Notre maison était donc majoritairement silencieuse, mais je m’y étais habitué. Je soufflais doucement devant la porte du détective, avant de frapper. Une fois avoir eu son autorisation, je rentrais dans son bureau. « Bonjour monsieur McGregor, comment allez-vous ? » lui demandais-je en lui tendant la main.

J’espérais réellement que mon détective avait trouvé de nouvelles informations à propos de la « mort » de ma femme. Je voulais juste en finir avec cette histoire et passer à autre chose. C’était peut-être un peu idiot, mais depuis que je savais qu’elle était en vie, je ne voulais qu’une chose : repartager ma vie avec elle. Et si cela ne tenait qu’à moi, si je n’étais que le seul concerné dans toute cette histoire, j’aurais fait exactement cela. Je ne me serais pas posé de question sur sa fausse mort et j’aurais simplement vécu le moment présent avec elle, espérant qu’elle ne disparaisse pas de nouveau. Mais je n’étais pas le seul dans cette histoire. Nous avions une fille, Elisabeth. Et ma princesse avait beau être la fille la plus forte que je connaissais – et j’étais directeur d’une école, donc j’en connaissais beaucoup – je ne voulais pas qu’elle s’attache à sa mère pour ensuite devoir lui dire adieu à nouveau. Elisabeth n’avait donc pas rencontrée sa mère depuis que je l’avais revue – ayant feuilleté plusieurs fois des albums photos avec elle et lui ayant montré sa mère, je ne prenais pas le risque. Mais je voulais qu’Elisabeth puisse enfin rencontrer sa mère et l’aimer, et s’attacher à elle, comme une enfant normale. Et pour cela, il fallait que je m’assure que si Eleanor rentrait dans nos vies, elle y resterait, pour de bon. Je me retrouvais donc dans le bureau du détective. Après lui avoir serré la main et l’avoir salué, je m’installais sur la même chaise que la dernière fois, en face de la sienne. « On fait pour le mieux, malgré les circonstances. Vous avez des nouvelles ? » lui demandais-je alors. J’aurais pu continuer les formalités encore un moment, mais j’étais plutôt pressé de connaître ce qu’il avait appris.

Si seulement Eleanor avait bien voulu me dire toute la vérité à propos de la mise en scène de sa mort, peut-être que je n’aurais pas eu à passer derrière son dos pour découvrir la vérité. Mais ce n’était pas comme si j’avais réellement le choix. J’aurais tant aimé reprendre où nous nous étions arrêté, dévoiler au monde entier qu’elle était en vie et qu’elle était toujours ma femme. Et surtout, dire la vérité à Elisabeth, notre fille. Mais tant que je ne savais pas ce qui s’était passé exactement, je ne pouvais pas prendre le risque de faire cela. Pour ma fille, bien sûr. Après tout ce qu’elle avait vécu, il était hors de question qu’elle ait à perdre sa mère de nouveau. Et même pour Eleanor. Après tout, si elle s’était faite passer pour morte, c’était qu’il y avait une raison. Peut-être que quelqu’un voulait sa peau et que lui faire croire qu’il avait réussi avait été la seule façon pour elle de se sauver. Et donc révéler à la terre entière qu’elle était bien en vie risquerait de la remettre dans le radar de cette personne, et donc de la mettre en danger. Pour ces raisons, je me devais de connaître la vérité, et de savoir une bonne fois pour toute ce qui s’était réellement passé ce jour-là. J’acquiesçais d’un hochement de tête, dans un petit sourire, à ce que venait de dire le détective, n’attendant réellement qu’une chose : qu’il me dise ce qu’il avait trouvé. J’étais en même temps impatient et terrifié par ce que l’homme avait bien pu trouver, que j’avais bien du mal à me concentrer sur la conversation. « Oui, heureusement que vous avez retrouvé votre sac. » répondais-je dans un soupir, plus pour faire la conversation qu’autre chose, avant de prendre le dossier en question et de le regarder attentivement. « Angie Eleanor Jensen-Ivanov … » commençais-je en lisant, avant de reprendre. « C’est le nom qu’elle a pris après s’être fait passer pour morte ? Elle s’est créée une nouvelle identité ? » demandais-je alors, sans vraiment m’adresser à l’homme pour autant, plutôt pour moi-même.