Presque quatre mois s’étaient déroulés depuis le « dérapage » qu’il y avait eu entre Laïsha et moi. Je savais que cela n’était dû qu’à l’alcool et pourtant, nous nous étions éloignés depuis cette soirée-là. Nous avions commencé par nous éviter et puis j’étais parti en mer, comme prévu, pendant deux mois. Au début, je devais bien avouer que je ne pensais qu’à cela et ne faisait que me remémoré ce qui avait bien pu se passer. Ce comportement n’était définitivement pas dans mes habitudes, c’était certain. Et puis j’avais fini par arrêter d’y penser. Bien sûr, l’amitié que je partageais avec Laïsha me manquait, mais moi-même pensais que mettre un peu de distance entre nous ne pouvait qu’être une bonne idée. Et puis, ce n’était pas comme si je n’avais rien à faire pour m’occuper l’esprit. Lorsque je voulais réfléchir, comme cela avait été le cas, j’allais toujours dans l’association de défense pour animaux dans laquelle j’étais militant depuis plusieurs années. Et cela avait d’ailleurs été une très bonne idée, puisque mon chemin avait recroisé celui d’Ozalee. Nous avions un peu perdu contact, et j’avais toujours trouvé cela dommage, Ozalee étant probablement l’une des personnes les plus gentilles et optimistes habitant cette planète. C’était d’ailleurs pour cette raison que nous nous étions promis de garder contact cette fois-ci et que nous devions nous voir après mon retour. Et nous avions tenu parole.

Aller au restaurant était toujours une bonne idée. J’avais beau aimer ma solitude, je savais à peine faire quelques plats, et ne parlons pas de ma sœur, qui n’était pas la parfaite femme de maison, c’était certain. Et après deux mois en mer à ne manger que des boîtes, je ne pouvais décidément pas refuser une invitation au restaurant. Nous en profitâmes donc pour nous tenir au courant sur les nouveautés de ces deux derniers mois. Mon roman photo était presque terminé – il ne restait plus qu’à l’imprimer – je devais probablement ressembler à un véritable enfant la veille de Noël lorsque j’en parlais. Et de son côté, la jeune femme avait un nouveau poste au refuge. Autant dire que ce n’était pas les nouvelles qui manquaient. Nous décidâmes ensuite de nous promener le long du port, qui était toujours magnifique à cette heure-ci – ou alors, c’était simplement que je ne pouvais trouver que beau tout ce qui touchait à la mer, au choix – et la température de ce début de mois de mai avait beau être un peu fraiche, c’était le temps idéal. « C'était vraiment une très bonne soirée, je suis contente qu'on réussisse à se faire ça plutôt régulièrement. » affirma la jeune femme, alors que nous flânions près des quais. « Oui, cette soirée m’a fait beaucoup de bien. Et je suis également content que nous réussissions à nous voir plus souvent. » lui répondais-je dans un petit sourire, tout en continuant de marcher. « T'as prévu de repartir bientôt ? »me demanda-t-elle alors. « Je ne sais pas encore. Il faut que je vois mon éditeur pour mon « roman photo » et que nous en discutions. Puis j’imagine que j’irais refaire un tour en mer. Je n’arrive jamais à en rester éloigné bien longtemps de toute façon. »

Je n’étais pas la personne la plus sociale existant sur cette planète, c’était certain. Après tout, je passais la moitié de mon temps en mer, seul. Et même si cette fois-ci je n’avais pas été seul, mais accompagné d’un photographe – chacun son métier, et j’étais personnellement incapable de faire des photos potables – cela ne changeait rien au fait que lorsque je remettais les pieds sur terre, j’étais toujours autant solitaire, aimant ma solitude. Mais des fois, voir des proches me faisait du bien. Cette soirée m’avait fait du bien en tout cas. Ozalee et moi nous n’étions pas revus depuis un long moment. La dernière fois, c’était juste avant que je parte en mer. Nous nous étions croisés, un peu par hasard, et nous nous étions promis de nous revoir une fois mon voyage en mer terminé. Promesse que nous avions tenu, donc, puisque nous avions passé la soirée au restaurant, et que nous nous promenions actuellement sur les docks. Parler pouvait faire du bien des fois. Et même si je devais probablement l’assommer à force de parler de mon projet, elle n’avait pas l’air de dire de s’en plaindre, peut-être par politesse, ou parce que cela l’intéressait vraiment.

Apparemment, c’était plutôt la deuxième solution, ce qui me fit sourire à l’entente de sa phrase. « J'ai vraiment hâte de voir ce roman photo, en tout cas, tu as très bien su me le vendre ! » me répondit-elle. L’information mit un moment avant de me monter au cerveau – probablement les quelques verres de vins partagés – et j’entrepris de lui répondre. « Oh, tu en auras un gratuitement … Enfin voilà, je ne cherche pas à te le vendre … Juste … Je parle beaucoup hein ? » lui répondais-je, un peu gêné. Je savais que quand je m’y mettais, on ne pouvait plus vraiment m’arrêter, surtout lorsque le sujet me passionnait. Et j’espérais qu’elle ne croyait pas que je cherchais à vendre mon futur livre. « En tout cas, en attendant, je compte sur toi pour me tenir au courant des avancées, peut-être même me laisser avoir quelques exclus ! » me lança-t-elle dans un sourire, que je lui rendis. « Promis, tu seras parmi les premières à le lire. » reprenais-je dans un sourire, le pensant. Bon, elle était plutôt convaincue par le sujet, mais cela ne pouvait qu’être bon d’avoir un avis extérieur, autre que celui de ma sœur, qui n’était pas vraiment objective, avouons-le. « Et en attendant, le refuge a ouvert son aquarium pendant que t'étais en mer, si t'as le mal du pays... »Sans m’arrêter de marcher, je mis mes mains dans les poches de ma veste, regardant l’océan au loin. Puis je tournais ma tête vers elle pour la regarder, et lui lançais dans un rire. « Si tu me fais une visite guidée, pourquoi pas ? »