Et voilà pourquoi je passais la majeure partie de mon temps à l’hôpital. Pourquoi est-ce qu’on s’enguelait autant ? J’en avais assez, réellement. J’aimerais tellement que tout revienne comme avant entre nous, quand tout était simple. Mais plus rien n’était simple à présent. Joshua avait retrouvé sa sœur et peu de temps après, celle-ci était morte. Si nous commencions déjà à nous disputer, cet événement avait gravement aggravé la situation. Je connaissais Selina, je l’avais même rencontrée avant que Joshua ne la retrouve. Et ce dernier m’en voulait pour sa mort. Je savais bien qu’il devait blâmer quelqu’un, que c’était plus facile ainsi, mais je n’aimais pas être cette personne. Pour lui, j’aurais dû me rendre compte que son état s’était aggravé. Pour lui, si je passais autant de temps à l’hôpital, c’était pour devenir chirurgienne, donc médecin, et mon rôle aurait dû être de me rendre compte de son état de santé. Pour lui, un point positif aurait dû sortir de tout ce travail que je faisais, le passant avant mon petit ami. Pour lui, cela aurait dû me permettre de me rendre compte de la dégradation de la santé de Selina. Pour lui, j’aurais dû la sauver. Et c’était probablement pour cela que je restais avec lui, malgré tout. Que je restais avec lui alors qu’il devenait alcoolique – n’ayant pas peur d’appeler un chat, un chat – et devenait de plus en plus violent. Parce qu’il avait besoin de moi, et que je ne pouvais pas le laisser au moment où il avait le plus besoin d’aide. Comme d’habitude, il fit voler son verre qui alla s’écraser sur le mur, tandis que je soupirais lentement. « Mais putain tu m’écoutes oui ! » s’écria-t-il en hurlant. Oh oui, je l’écoutais. Mais j’en avais juste assez, tout simplement. « Etant donné que c’est la millième fois que tu dis la même chose, je ne sais même pas pourquoi je t’écoute encore. La première fois aurait suffit, et je m’en serais rappelé. » répondais-je calmement, avant de lever les yeux au ciel. Je ne sentis pas la gifle venir. Je ne la sentis qu’une fois qu’elle claqua sur ma joue. Je reculais, choquée. Il en faisait de même, apparemment tout autant choqué. « Je … Je suis désolé. Je … Je ne … voulais pas faire ça. Je suis désolé. » s’excusa-t-il à plusieurs reprise avant de me prendre dans ses bras et de se mettre pleurer tout doucement.

Je ne comprenais plus rien à ce qui se passait. Alors que Joshua sanglotait dans mes bras, je me rendais compte qu’il avait levé la main sur moi. Depuis qu’il s’était mis à boire et à casser de la vaissellerie, je m’étais toujours dit que s’il levait un jour la main sur moi, que s’il remplaçait un verre par ma joue, je le quitterais, sans regarder derrière mois. Car oui, qu’il soit un jour violent avec moi m’avait traversé l’esprit. Normal en même temps, vu comment il buvait depuis des mois. Mais alors qu’il s’excusait dans mes bras, je me demandais comment je le pourrais. Il traversait la pire passe de sa vie. Et qui ne réagirait pas comme lui, en perdant sa sœur jumelle peut de temps après l’avoir rencontrée ? « Je t’aime. Tu le sais hein ? » me murmura-t-il de nouveau, avant de recommencer à s’excuser. Je lui caressais doucement les cheveux. Au final, il n’y pouvait rien. Et c’était mon rôle de l’aider, non ? Après tout, cela faisait des années que mes études de médecine – et maintenant mon internat – s’immisçaient entre nous, et il était peut-être temps qu’elles nous aident. Je sursautais en entendant une voix. « Si t’es vraiment désolé, tu devrais faire autre chose qu’un pauvre câlin pour te faire pardonner. » fit-elle annoncer sa présence. Elisa. Je l’avais complètement oubliée. C’était vrai qu’elle sortait Nemo aujourd’hui. Je ne savais même pas comment j’avais pu l’oublier. Joshua se détacha de moi, avant de la regarder de lui jeter un regard noir. Mais il ne dit rien. Que pouvait-il dire en même temps ? A peine ouvrais-je la bouche pour répondre, que Nemo se jeta littéralement sur moi pour me faire pleins de bisous baveux. Pas très hygiénique tout ça. Mais si je n’avais déjà pas l’habitude de le repousser avant, ce n’était surtout pas maintenant que je le ferais, surtout pas avec ce qu’il venait de se passer. La jeune femme se rapprocha de mon petit ami, avant de reprendre. « Il faut que je le sorte, celui là aussi ? » me demanda-t-elle, en faisant une référence un Nemo. Dans un petit rire, je lui répondais.« Non ne t’inquiète pas. Tout va bien. » tentais-je de la rassurer, même si je ne savais pas si je voulais la rassurer elle, ou bien moi. « Tout va bien. »

« Ouais… c’est ça. » répondit la jeune femme entre ses dents. J’avais beau tenter de rassurer Elisa – et moi-même aussi, par la même occasion – elle ne semblait pas très convaincu. En même temps, qui le serait, en voyant un homme gifler sa petite amie – même s’il n’arrêtait pas de s’excuser depuis. Comment ne pas penser que c’était quelque chose qui arrivait souvent. Mais le fait était, que c’était bien la première fois que cela arrivait. Bien sûr, depuis qu’il enfouissait ses ressentiments dans l’alcool, il était plus violent qu’à l’accoutumé. Mais jamais envers moi. Généralement, c’était notre vaisselle qui en prenait un coup. Mais jamais moi qui m’en prenais un. J’osais espérer que ce n’était qu’une histoire d’une fois, surtout en voyant la réaction de Joshua. Il avait vraiment l’air désolé. Il ne pleurait jamais – ou tout du moins devant moi – et c’était la première fois que je le voyais ainsi. Il savait lui-même qu’il avait dépassé les limites cette fois. « Si jamais je vois une seule marque suspect sur elle ou quoique se soit d’autre, je ferais de ta vie un enfer et crois moi quelque soit les problèmes que tu as maintenant, ca sera du pipi de chat à côté de ce que je te réserve. » rajouta-t-elle alors. J’étais touchée par son inquiétude, il fallait bien l’avouer. « Cela n’arrivera plus. » murmura mon petit ami en me regardant dans les yeux, avant de doucement caresser de sa main ma joue encore brûlante. Ma respiration se bloqua un instant, avant de retrouver son rythme habituel lorsqu’il rompu le contact. Je tentais vaguement un sourire, mais je savais qu’il n’était pas naturel. Enfin, du moins jusqu’à ce que Nemo me sauta dessus pour me faire des bisous. Je m’accroupis pour être à sa hauteur, et lui donner de grandes caresses. « Merci » remerciais-je la jeune femme dans un sourire, alors qu’elle s’occupait de nouveau de mon doberman. Merci pour quoi au juste ? D’être intervenue ? De s’être occupée de Nemo ? Les deux, probablement.

Nemo, ce brave Nemo ! Qu’est-ce que je ferais sans lui ? Il avait tout de suite remarqué l’atmosphère dans laquelle nous nous trouvions, et pour remédier à cela, m’avait tout simplement sauté dessus pour réclamer caresses et bisous. Et je ne m’étais pas faite prier pour m’accroupir pour me mettre à sa hauteur et lui donner tout ce qu’il voulait. Il me manquait vraiment. Fut un temps où nous passions toutes nos journées ensemble. Mais malheureusement, avec mon internat, je passais moins de temps avec lui. Mais bon, l’année prochaine serait bien mieux. Je serais enfin résidente et aurais donc plus de temps pour moi, et donc pour lui. Et enfin, nous ne nous contenterions pas d’un simple jogging par journée. Et puis, j’avais fait des recherches et m’étais rendue compte que plusieurs hôpitaux acceptaient les chiens pour changer les idées des enfants. Et comme je pensais de plus en plus à me spécialiser en pédiatrie, peut-être que je pourrais en parler au docteur Fitzgerald ? « Il est parti ? » entendais-je alors, me faisant sursauté. J’avais tant été prise par mes pensées que j’en étais venu à oublier ce qui venait de se passer. Je regardais autour de moi, dans un soupir. « Apparemment, oui. Il a dû retourner dans son bureau pour travailler je pense. » annonçais-je en haussant doucement les épaules. Je n’avais plus vraiment envie de penser à ce qui c’était passé, c’était certain. « T’as des ennuis ? » me demanda alors ma dogsitter. Je lui lançais un sourire, comme pour la rassurer. Et puis, je devais bien avouer que son inquiétude me touchait. « Non, je pense pas en avoir. Il n’est pas comme ça d’habitude. » répondais-je dans un petit sourire, qui ressemblait plus à une grimace qu’autre chose. Mais c’était la vérité. Joshua n’avait jamais levé la main sur moi auparavant, et j’espérais que ce serait la dernière fois. Et j’aviserais donc le moment voulu j’imagine. « Tu devrais peut être mettre un peu de glace ou d’arnica. » proposa la jeune femme. J’acquiesçais doucement. Je n’avais pas envie d’avoir de bleu, comment est-ce que j’expliquerais ça au travail sinon ? « Je vais faire ça. » répondais-je en me levant doucement pour prendre la direction de la salle de bain. Avant de rejoindre la porte, je me retournais vers la jeune femme et dans un sourire, je m’adressais à elle. « Merci en tout cas. Merci pour tout. »