Il était dix huit heures lorsque je poussa la porte de l'appartement et jeta mon sac à mains dans l'entrée. Qu'est-ce que je pouvais détester la température qu'il faisait à New York. Une fois par jour, je travaillais dans un bar et entre la chaleur, les clients et la cigarette, je devenais totalement folle, folle à lier et prête à tuer quelqu'un. Sentant mon t-shirt, je grimaça en reconnaissant l'odeur de bière que ce grand père m'avait renversé dessus dans les alentours de midi. Je ne supportais plus ce travail, entouré d'alcoolique, d'âmes en peine et de pleurnichard. Je ne comptais même plus le nombre de personne qui se plaignaient de leur minable de vie, de leur femme ou de leurs enfants. Toute la journée, j'écoutais les misères du monde, les misères de New York alors que j'avais déjà pas mal à faire avec mes problèmes. Seulement c'est ça aussi, le métier de barmaid : écouter les gens ou plutôt faire semblant de le faire. April m'avait prévenu de ce côté négatif du métier – surtout quand nous même sommes en pleine réflexion – et je comprenais aisément pourquoi elle aimait bien se reposer et faire ce qu'elle aimait après son travail. C'était de la folie et j'étais pressée de donner ma démission à la fin du mois. À la rentrée, j'entrais en faculté de droit et il était hors de question que je loupe des cours par ci par là, pour servir de la bière et des picons à toutes les heures de la journée. J'avais vu un café près de l'université qui recherchait exclusivement des étudiants pour la rentrée et j'étais persuadée que ce genre de métier me conviendrait bien mieux. Servir du café et des menthes à l'eau me correspondait tellement mieux. Ôtant mes habits, je me dirigea vers la salle de bain et pris une bonne douche. Edwin n'allait pas rentrer tout de suite puisqu'il était parti chercher un lieu pour jouer avec son groupe et je comptais bien user de ce temps 'seule' pour me reposer mais aussi faire quelques recherches. Cela faisait quinze jours que je vivais chez mon frère et j'avais vécu pas mal de choses en deux semaines. J'avais retrouvé Zoé et Olivia, mes soeurs, Mattie, mon meilleur ami anglais et bien des gens seulement, il manquait toujours une personne à mon 'compte' et cette personne était celle pour laquelle j'avais débarqué sur le sol américain, sur la terre promise. Je n'avais pas encore trouvé Elisa et cela me peinait quelque peu. Bien entendu, j'aurai très bien pu entrer en contact avec elle des dizaines de fois mais j'hésitais et repoussais les retrouvailles chaque jours un peu plus. Et si elle ne voulait pas de moi dans sa vie ? Et si elle voulait me renvoyer à Londres chez nos parents ? Après tout, j'étais mineure ici et Edwin ne réussirait pas à me supporter indéfiniment. Nous nous disputions assez souvent et nos deux caractères de feu n'arrangeaient rien mais alors absolument rien. J'essayais d'être le plus respectable possible mais c'était dur et pas qu'un peu. Avoir vécu dans la rue pendant un mois et demi m'avait fait beaucoup de mal, énormément de mal et maintenant, j'étais toujours sur la défensive, prête à partir au moindre problème. Je fuyais les obstacles et cela n'était pas forcément très bon pour moi ni pour mon frère qui devait se faire du soucis pour moi. Sortant de mon bain, je m'enroula dans ma serviette et me dirigea vers le salon pour allumer l'ordinateur. Toute cette technologie était nouvelle pour moi. Je n'avais jamais eu droit à aller plus d'une heure sur l'ordinateur et autant dire que skype, msn ou je ne sais quoi n'était pas mes amis. L'éducation religieuse que j'avais eu avait été plutôt stricte. Église le dimanche, pas de sexe avant le mariage et tout ce qui allait avec. J'avais toujours trouvé cela ridicule et insensé mais lorsque j'avais vu Olivia et son ventre rond de huit mois, j'avais bien vite changé d'avis. Un enfant aussi jeune c'était équivalent à des bâtons dans les roues. Les biberons, les couches et tout ce qui allait avec n'était vraiment pas mais alors vraiment pas pour moi. Voir Jade avait été un exploit de ma part et j'avais énormément pris sur moi. J'avais la sale impression qu'Olivia avait refait sa vie sans moi. Elle m'avait laissé à Londres et était partie se construire une vie loin des parents et loin de moi. Je lui en voulais toujours, énormément et cela n'était pas prêt de changer. Toutes les discutions du monde ne pourraient pas changer cela. Enfilant un t-shirt trois fois trop grand pour moi ainsi qu'un short, je profitais de ces quelques minutes de calme pour prendre sur moi. Aujourd'hui, j'allais prendre les devants et chercher le lieu où habitait Elisa. Elle devait bien se trouver sur les pages blanches ou je ne sais quoi. Je savais déjà où elle travaillait mais je n'avais jamais osé entrer dans son bâtiment. Aujourd'hui, il fallait que je me sorte de ce merdier dans lequel je m'étais foutue il y a quelques temps. J'avais besoin de la voir, de voir ce qu'elle pensait de tout cela et ce n'était pas en me cachant encore six mois que je serais fixée. Après tout, si elle ne voulait pas de moi, rien ne nous obligerait à nous voir et à nous fréquenter. Rien qu'à penser à cette possibilité, mon coeur se serra. Tapant le nom de mon aînée, j'entendis sonner à la porte et souffla. Comme par hasard, on venait m'ennuyer à ce moment précis. Je vis une adresse s'afficher mais la sonnette retentit à nouveau. « J'arrive, j'arrive » Je me leva de ma chaise et me dirigea vers la porte d'entrée que j'ouvris assez rapidement. Levant la tête, je reconnus Elisa et mon coeur rata un battement. Elle était venue à moi. Léger sourire aux lèvres, je baissa les yeux et vis une petite fille dans un cosy. Mon sourire disparut légèrement et des tas de questions se posaient dans ma tête. La principale ? Pourquoi est-ce qu'elle aussi avait un bébé ? Personne ne s'était jamais occupée de moi à la maison, trop occupée par Olivia et maintenant, deux de mes soeurs pouponnaient. M'écartant du chemin, je lui dis « Entre... Edwin n'est pas là si c'est lui que tu venais voir » Après tout, peut être que c'était pour lui qu'elle était là et que c'était 'par chance' qu'elle tombait sur moi... On ne sait jamais...

J'avais beau fermer et ouvrir les yeux des dizaines de fois d'affilés, tout ce que je voyais avec Elisa était la petite fille qu'elle portait dans son cosy. Ce n'était pas possible, absolument pas... Je n'avais pas énormément vu Elisa ces dernières années – pour ne pas dire absolument pas – mais quelque chose dans sa vie avait changé pour qu'elle soit mère au jour d'aujourd'hui. J'avais l'impression que le cauchemar que j'avais vécu avec Olivia il y a quelques jours se répétait une fois encore. Comment pouvait-on mettre un enfant au monde si jeune avec tous les moyens de contraception qui existaient ? Si mes parents m'entendaient, ils me tueraient sur le champ seulement je vivais avec mon temps et si je tombais enceinte au jour d'aujourd'hui, j'aurai bien du mal à avaler la nouvelle. J'étais encore un enfant et voir une deuxième de mes sœur pouponner me faisait mal, terriblement mal au coeur. Elle ne semblait pas avoir changé, gravissant les échelons de l'entreprise dans laquelle elle travaillait – j'avais fais mes recherches – et voilà qu'elle avait une seconde bouche à nourrir et à pouponner. C'était trop, trop pour moi. Dans ses bras, je ne profitais même pas de l'étreinte, totalement choquée et perturbée par la vue de la jolie petite tête blonde de trois mois à tout casser. J'écoutais ma sœur parler, me demander pourquoi je n'avais pas appeler et aucun mot ne sortait de ma bouche. J'avais perdu mes cordes vocales en chemin, je ne savais pas trop ce qui se passait en ce moment même. Me frottant légèrement les yeux, j'espérais que le cosy aurait disparu mais ce n'était pas le cas. Restant debout devant ma nièce, j'écoutais Elisa et je compris rapidement ce qui c'était passé. La petite semblait ne pas être voulue mais elle s'était adaptée au bambin comme elle s'était toujours adaptée à tout dans la famille. Je lui fis un léger sourire et la laissa se poser sur le canapé. « Tu veux boire quelque chose ? » Je n'avais répondu à aucune de ses questions, aucune de ses insinuations et demandais machinalement si elle voulait quelque chose. J'aurai bien besoin d'un bon gros gâteau au chocolat pour surmonter ces émotions. Toutes sortes de sentiments se mêlaient en moi. J'étais excitée, blessée, pressée et choquée, tout cela en même temps bien entendu. Partant vers la cuisine chercher les boissons, je regarda mon reflet dans les plaques de cuissons non loin delà et soufflais légèrement. Calme toi Maëlle, calme toi. Mon cerveau continuait de me souffler ses phrases pendant que je posais tout sur un plateau et me dirigeais à nouveau vers la salle à manger. Elisa avait pris la petite fille dans ses bras. Déglutissant légèrement, je m'assis près de ma sœur et nous servis quelques centilitres de la boisson que j'avais été chercher dans le frigo. Buvant une gorgée, je m'éclaircis rapidement la gorge et dis « Je suis ici depuis mi juin à peu près.. J'ai essayé de te contacter, de te retrouver mais ça n'a jamais porté ses fruits... Et puis, quand j'ai voulu passer à l'acte, je me suis posée des tas de questions. Depuis que j'ai vu Olivia enceinte, je me suis dis que je n'avais peut être pas ma place ici, que vous ne vouliez pas de moi ici » J'avais toujours été très directe et aujourd'hui n'échappait pas à la règle. J'avais eu tellement peur que personne ne m'accepte que j'avais vécu un long mois et demi dans la rue. La petite gazouillait dans les bras de sa mère, ronchonnant de temps en temps parce que la fatigue devait la titiller et moi, j'étais là, totalement perdue, absorbée par ces petites mains, ces petits pieds mais tellement perdue. Une fois encore, toutes mes bases volaient en éclat et j'étais blessée. Bien moins qu'avec Olivia mais tout de même... « Je... Woaw... Olivia et moi mamans ça me fait un choc, je dois l'avouer... Mais si ça te convient, c'est l'important.. Ca ne doit pas être facile tous les jours, je ne sais vraiment pas comment tu fais... » J'avais déjà du mal à m'occuper de moi et de ma vie alors d'un enfant, quelle horreur. Je n'avais jamais vécu avec des bambins et ne savais même pas comment changer une couche. Les enfants n'étaient pas mes amis et cela pouvait se ressentir à la légère distance qu'il y avait entre moi et Ivy-Blue. Buvant une nouvelle gorgée de ma boisson, je regarda Elisa et dis « Je suis désolée, je ne suis pas très à l'aise mais les enfants et moi... Tout le monde a refait sa vie, me laissant à Londres avec papa et maman en fait... » Voilà ce que je leur reprochais après tout... Elisa et Olivia étaient mères, Edwin refaisait sa vie bien loin de tout le monde et il en était de même avec Zoé. Chacun faisait son bout de chemin, me laissant étouffée par les parents.

A la base, si j'avais posé le pied sur le sol américain c'était pour fuir mes parents mais aussi – voire surtout – retrouver Elisa. Nous ne nous connaissions pas si bien que cela puisque cela faisait neuf ans qu'elle avait quitté Londres et je ne l'avais revu qu'une fois – ou peut être deux à tout casser – pendant ces longues années. Aujourd'hui, l'avoir en face de moi me déstabilisait, ça me déboussolait comme pas possible alors que c'est ce que j'avais voulu pendant des années. Je l'avais voulu si fort que j'avais fuis Londres, que j'avais vécu un mois et demi dans la rue et ça, ce n'était pas rien. Seulement, j'avais l'impression que ce qui c'était passé avec Olivia allait se repasser aujourd'hui. Un nouvel enfant dans la famille, à quelques jours de différence de Jade, j'avais du mal, énormément de mal et n'étais pas prête à m'y faire. Des tas de questions me passaient en tête et je me demandais vraiment comment j'allais réussir à retrouver ma place ici, dans cette grande famille qui ne cessait de s'agrandir de jour en jour... j'espérais fortement que Zoé n'avait pas – elle aussi – un enfant en route parce que là, ce serait vraiment le summum. Je me creusais la cervelle, savoir quoi lui répondre à sa nouvelle question. Lui avouer que j'avais vécu dans la rue n'était peut être pas la chose à faire mais je n'étais pas franchement douée pour les mensonges non plus. Mentir était un péché et même si je haïssais ma religion, j'avais certains principes dû à cette drôle d'éducation. « Je vis chez Edwin depuis début août parce qu'il m'a légèrement forcé... Il est devenu mon tuteur légal il y a quelques semaines. Je n'avais prévenu personne de mon arrivée, même pas les parents. Ils ont du venir voir Olivia alors que leur plus jeune fille était portée disparue. Enfin non, Liv m'a croisé le jour avant on accouchement et elle a du les prévenir, je n'en sais rien en fait, je ne les ai pas eu au téléphone depuis mi juin et je n'en parle pas avec Edwin ou Zoé. » Je lui avais dis la vérité, j'avais juste omis quelques petits détails par ci par là, rien de mal en quelque sorte. Lui dire que j'avais vécu un mois et demi à la rue n'était pas une bonne chose mais je n'avais pas très envie de me faire enguirlander pendant des heures et des heures. J'avais mal agis, je le savais, mais personne ne savait rien à l'époque et ils avaient tous dormi sur leurs deux oreilles alors que j'avais vécu sur le qui vive. « Je ne sais pas c'est juste que vous êtes tous parti et j'ai eu du mal à comprendre jusqu'il y a peu. Mais on va dire que le départ d'Olivia m'a achevé... Je sais qu'elle est partie à cause des parents mais me laisser seule avec eux m'a fait comprendre qu'elle n'avait pas besoin de moi et que tout le monde pouvait faire sa vie sans moi, en quelque sorte. Et maintenant tout le monde a refait sa vie. Liv et toi êtes mères, Edwin sort avec une brune au nom bizarre et Zoé est pas mal occupé... Je ne regrette pas d'être partie mais pour trouver ma place, c'est pas tous les jours faciles. » Comme à Londres en quelque sorte. J'avais toujours été la petite sœur d'Elisa la rebelle, des jumeaux Zoé et Edwin et d'Olivia la malade. Toujours la 'sœur de' et jamais Daphné. J'avais d'ailleurs changé mon prénom à mon arrivée aux Etats-Unis. Enfin, je ne voulais plus que l'on m'appelle Daphné mais Maëlle, mon second prénom. C'était une façon d'opérer une réelle coupure avec ma vie passée. Entendre les mots d'Elisa me rassurait, c'était la seule qui n'essayait pas de me renvoyer à la maison par le premier avion. Tous mes autres frères et sœurs avaient essayé de me faire retourner à la maison, prétextant que j'étais trop jeune et surtout que j'avais fuis l'Angleterre. Souriant à mon aînée, je lui dis « Tu sais, naître après Olivia n'a pas été facile tous les jours. Vous étiez tous à son chevet et j'étais quelque peu de côté. Et niveau instinct maternel ça va mieux ? Tu n'as pas eu le meilleur exemple du monde avec papa et maman alors j'imagine que ce n'est pas facile tous les jours... J'ai vu que tu étais haut placée dans la mode, je suis contente pour toi, tu vas pouvoir m'aider à m'habiller » Je ria légèrement mais c'était tellement sincère, je ressemblais à un sac à patates les trois quarts du temps et ça, j'avais du mal à l'accepter... Être jolie était une chose que j'aimais sans être une obsession.

Plus les minutes et plus je me demandais pourquoi je n'avais pas plus cherché à retrouver ma sœur. J'avais longtemps hésité, peur d'être rejetée mais depuis que j'étais là, c'était la première qui était si heureuse de me retrouver. Olivia était restée bouche bée, Edwin m'avait plus ou moins forcé à le suivre et Zoé avait été plutôt réticente les premières minutes de notre rencontre, comme si – comme l'avait fait Olivia plus jeune – j'allais prendre tout le temps d'Edwin et ne plus lui laisser du temps avec sa jumelle. Aujourd'hui, une bonne partie de la famille était recomposée et même si j'avais toujours beaucoup de mal à accepter Olivia, sa fille et surtout son départ, je commençais à faire des efforts. J'étais la plus jeune mais ce n'était pas pour autant que je devais me comporter comme une petite fille de huit ans. J'étais majeure – du moins en Angleterre – et je devais agir comme une fan et non une enfant. Grimaçant légèrement, je la regarda et dis « Ne crie pas, c'est tout ce que je demande... Sinon ta fille va pleurer et je ne suis pas sûre de supporter les pleurs d'un bébé... » au moins, elle savait plus ou moins que ce que j'allais lui dire allait être grave, très grave pour tout dire. Déglutissant difficilement, je dis « De mi juin à début août j'ai... vécu dans la rue, dormis sur des cartons fort peu confortables avec des sacs poubelles en guise d'oreillers et quelques jours chez un jeune homme qui m'a accueilli chez lui mais je ne suis pas restée bien longtemps... Enfin, quand Olivia a accouché, elle a dit à Edwin qu'elle m'avait vu et il m'a trouvé un mois et demi après. Il m'a offert un toit, des vêtements, un repas et une douche. Je ne voulais pas rester chez lui mais c'était ça ou je retournais à Londres et ça, il faudrait m'attacher au siège de l'avion pour me renvoyer là bas. Du coup, j'habite ici... Il a beau être gentil comme tout, j'ai l'impression d'être un poids pour lui, toujours dans ses pattes comme un chien dont on ne veut pas.. C'est gentil ta proposition mais je ne me vois pas le quitter alors qu'il m'a recueilli ici et je commence à peine à avoir mes repères dans ce quartier donc bon... » Je commençais enfin à me sentir chez moi alors ce n'était vraiment pas le moment de me déboussoler. Je savais que mon aînée se sentait mal, très mal que personne ne l'ait prévenu de mon errance dans les rues de la ville. J'avais traîné et zoné pendant près d'un mois et demi et personne n'avait pensé à lui dire. Peut être pour lui éviter de stresser plus qu'il ne le fallait. Elle avait accouché d'une petite fille, n'était préparée à rien et je n'étais qu'un poids en plus, un boulet à sa jambe. Les mots d'Elisa me touchait et même si j'avais entendu ce discours trois fois depuis mon arrivée ici, j'avais l'impression que le sien était le seul sincère, le plus sincère en tout cas. Elle était la seule à réussir à me faire croire qu'ils voulaient de moi ici alors que mes autres frères et sœurs semblaient un peu réticents, comme si j'allais les freiner dans le cheminement de leur vie. « Tu sais, quand papa et maman sont venus à New York voir Olivia et sa fille, ils savaient que j'habitais dans la rue et ils n'ont même pas essayé de me chercher.. » Cela n'avait peut être rien à faire dans la conversation mais il fallait que ça sorte et c'était sorti, comme ça, tout comme la larme qui coula le long de ma joue et que j'essuyais rapidement. Nous avions de drôles de parents, qui ne voyaient qu'Olivia et même si je l'avais accepté pendant dix huit ans, maintenant c'était trop pour moi. J'étais la dernière, le petit bébé de la famille et me laisser errer dans les rues de New York faisait preuve de leur inconscience totale. Ils ne voyaient qu'Olivia et ne juraient que par elle. Bien entendu, c'était la plus fragile de nous tous mais un bus pouvait nous écraser à chaque coin de rue et aucun de nous n'avait autant d'attention qu'elle. Je l'avais longtemps envié, j'avais développé un sacré caractère pour attirer l'attention de mes parents, en vain. Aujourd'hui, je voulais avancer et réussir ma vie comme Elisa semblait avoir réussi la sienne. « J'ai bien fait de partir même si ce n'est pas tous les jours faciles. J'ai un boulot de merde, pas d'argent pour m'habiller correctement ni pour aider Edwin et avec les cours qui commencent, ça va être un sacré challenge d'aller à l'école la journée et bosser le soir... Enfin bon, une chose est sûre, je suis bien heureuse de ne plus vivre avec eux.. Je pense qu'ils m'auraient envoyé au couvent pour continuer mes études. La rébellion, ils n'aiment pas vraiment ça » Tout comme Elisa, j'avais commencé à trouver des tas de manières pour ne plus aller à l'élise, pour être privée des repas en 'communauté' et tout ce qui allait. Je ne regrettais rien de cela, absolument rien et cela n'était absolument pas prêt de changer ! Souriant à Elisa, je bus une gorgée de ma boisson et dis, « En tout cas, ça me fait plaisir de te retrouver, je suis venue pour ça à la base » J'avais quitté l'Angleterre pour la retrouver et rien d'autre mais cela avait mis pas mal de temps avant d'arriver... tout vient à point à qui sait attendre.

Un bébé de trois mois qui ne pleure pas trop fort ? Elle devait se moquer de moi. Chaque son qui sortait de ces poupées vivantes était insupportable. J'aimais le calme et avec un enfant c'était plus ou moins mission impossible. Plus les minutes avançaient et plus je me rendais compte que les enfants et moi, ça faisait deux, voire trois. Je n'avais rien contre eux mais je n'avais absolument pas l'instinct maternel et je ne savais même pas comment porter un bébé, c'est pour dire ! Petite dernière, je n'avais jamais pouponné et n'avais jamais vraiment vu un bébé de si près. Aucune de mes amies n'avaient de petites sœurs ou de petits frères et je ne connaissais pas grand monde à Londres. Les seuls bébés que j'avais vu étaient de l'autre côté d'un écran télé, c'était pour dire. Lui raconter mon mois et demi de détresse était plutôt intense et j'avais l'impression qu'Elisa allait me sauter à la gorge ou m'étriper sur le champ. C'était difficile à raconter mais je lui devais ça. Elle n'avait rien demander, j'étais arrivée comme cela et elle ne devait pas se sentir coupable. J'avais la tête légèrement baissée en l'entendant parler et je la releva petit à petit. Elle n'allait pas me gifler mais je l'aurai tout bonnement mérité. Enfin, ce séjour dans la rue m'avait permis de me forger un caractère de feu et de voir que ma vie n'était pas si pitoyable que je l'avais longtemps cru. « Mais les parents auraient compris mon intention de partir si j'avais prévenu quelqu'un... Je voulais venir ici et te retrouver mais je n'ai pas réussi et voilà. Ne t'en veux pas, tu n'y es pour rien et rien ni personne n'aurait pu me faire changer d'avis. Je voulais partir à tout prix et je suis partie » Et jamais, ô grand jamais je n'allais remettre les pieds là haut. J'avais galéré ici et je ne comptais pas retrousser chemin après avoir vécu tant de choses, c'était tout simplement hors de question. Retourner chez papa et maman, c'était pour les faibles et j'avais toute ma famille ici maintenant. Elisa m'avait proposé de venir vivre avec elle et j'avais décliné comme je le pouvais mais cela ne semblait guère lui plaire. Certes, Ivy-Blue prenait part dans mon choix mais je ne voulais pas m'imposer dans la famille qu'elle construisait avec sa fille. Edwin, Zoé et Olivia pouvait accepter le bébé comme il le voulait, je n'étais pas comme eux et ce, depuis quelques temps maintenant. Ils avaient accepté leur rôle d'oncles et tantes, tant mieux pour moi mais c'était un peu plus difficile pour moi et je tentais de l'expliquer à mon aînée « Certes, Ivy-Blue fait parti de l'équation, je ne peux pas le nier mais si Edwin avait un enfant, je ne serai jamais restée chez lui. Avant de m'occuper de quelqu'un, il faut que je m'occupe de moi et puis, je n'arrive pas à m'occuper d'une plante alors un bébé... Ne me dis pas que je n'aurai pas à m'occuper de la petite parce que si je vis avec toi un jour ou l'autre, je voudrais m'en occuper, lui donner le bain et ne rien faire me démoralisera encore plus.. » Lorsque je commençais quelque chose, j'aimais le finir, bien le finir et je savais parfaitement que changer de logis maintenant et emménager avec ma sœur et son bébé serait la pire des choses qui puisse arriver sur terre à ce moment même. J'avais du mal à me prendre en charge alors aider à élever un bébé, non merci ! Peut être qu'un jour je changerais de discours et trouverais enfin le courage de tenter l'inconnu, d'ouvrir mes horizons mais pour le moment, ce n'était pas possible ni souhaitable. Sourire sur les lèvres, je dis « Je te promets que j'y réfléchirais. Après tout, je suis venue pour te retrouver » J'accentuais quelque peu sur le 'te' et lui fis un léger clin d'oeil. Je savais très bien que je la décevais quelque peu mais je voulais avoir un univers stable et surtout apprendre à faire confiance à autrui mais aussi avoir confiance en moi même. J'avais besoin de temps pour moi pour trouver mes repères dans cette ville et me sentir 'comme à la maison'. J'avais tellement de choses à faire et déménager maintenant n'était pas dans mes plans. J'avais besoin d'affection et je n'étais pas encore prête à partager la vedette avec quelqu'un d'autre. C'était pour cela que l'on s'entendait si bien avec Edwin après tout. Personne n'allait déborder sur le terrain de l'autre et il était là lorsque j'avais besoin de lui, que demander de plus ? Souriant à ma sœur, je dis « Ils nous ont fait chier avec leur Dieu pendant des années mais je crois qu'ils n'ont pas compris qu'on doit aimer tous ses enfants de la même manière et surtout les aider. » J'étais réellement en colère contre eux et une chose était claire et nette, je ne voulais plus avoir de contacts avec ces deux là. « La communication n'est pas le point fort des Hanwell, ce n'est un secret pour personne. Tu n'étais peut être pas la chouchoute de la maison mais ne t'inquiète pas, personne ne l'était à part Olivia. J'ai eu du mal à comprendre pourquoi tu allais contre papa et maman plus jeune mais franchement, je me demande pourquoi je n'ai pas compris plus tôt ! » Je laissa échapper un petit rire et lui souris. Oui maintenant je comprenais sa façon d'agir à l'époque et je ne pouvais pas la blâmer pour cela, j'avais fais pareil. Lors de mes dernières années à Londres, faire tourniquer les parents en bourrique était l'une de mes occupation favorite.