Avoir des clients compliqué, il en avait déjà eu. Mais des comme Sullivan, jamais. Il se souvenait encore du jour où il était venu pour un chien. Le militaire n'était clairement pas d'humeur à vouloir un chien. Il était en fauteuil roulant, pourquoi en aurait-il voulu ? Kellen pouvait comprendre cela, mais la façon dont il lui avait parlé ne lui avait pas fait très plaisir. Du coup, il avait essayé d'être agréable, mais ça n'avait pas plus aidé. Alors, il avait laissé coulé et aujourd'hui, il revoyait le jeune homme. Ce dernier était encore en fauteuil roulant, mais quelque chose semblait avoir changé. Il ne savait pas quoi, mais sa curiosité prit le dessus et il se retrouva à aller vers lui.

Bonsoir.

Il ne savait pas s'il se souviendrait de lui, mais après tout, pourquoi pas le coup.

Vous semblez aller mieux que la dernière fois.

Il pouvait clairement dire que ça allait mieux, mais il ne voyait pas encore en quoi exactement.

Je vous paye un verre ?

Il avait vu que celui du militaire était presque vide, donc autant lui proposer un verre et peut-être qu'il verrait s'il pourrait parler.

Nom d’un chien que la rééducation avec Victoria était épuisante ! Celle-ci allait le tuer littéralement sur place et pourtant, il en redemandait à chaque fois, se montrant plus assidu et déterminé à chaque nouvelle séance à vrai dire. Son comportement avait en somme totalement changé contrairement aux fois précédentes où ils s’étaient à moitié écorchés vifs. En fait, pour la première fois depuis un lustre, c’était totalement serein qu’il s’était rendu dans le bar où il avait ses petites habitudes, et non plus pour cuver et oublier les affres de sa misérable existence. « Tiens, un visage connu ! » énonça-t-il non sans accompagner son petit sourire insolent à ses paroles même s’il ne se payait aucunement la tête de ce cher Kellen, et ce bien que leurs débuts aient été aussi divers qu’enrichissants. Puisque son opération était une réussite et que sa rééducation se révélait de plus en plus efficace, il n’avait plus de raison objective pour en vouloir à la terre entière. « Une opération ça vous requinque un homme ! Mais si c’est vous qui payez, comment dire non ! Quoi de neuf chez radio wawa ? » lui demanda-t-il en faisant référence à son métier. « Je suis surpris que vous me payiez un verre et que vous n’ayez pas plutôt envie de me foutre votre poing dans la gueule… en général je fais cet effet à pas mal de monde vous savez ! »

Avoir un animal, c'est souvent les enfants qui le demande. Les adultes eux évitent d'avoir un chien, sauf s'ils sont sûrs de pouvoir s'en occuper. Pour les aveugles ou autre, c'était d'une importance capitale. Mais, pour Sullivan, ça n'était pas vraiment nécessaire. Seulement sa mère avait grandement insisté. Elle voulait qu'il ait un chien, chose que le militaire refusait et que Kellen pouvait comprendre. Cependant, il fut surprit par les propos du jeune homme. Une opération.

Vous avez été opérée ? Félicitations.

Vu la façon dont il en parlait, c'est que c'était positif. Donc, il devait pouvoir remarcher. Kellen se doutait que ça ne se faisait pas en un jour.

Vous frappez serait m'amener des problèmes et je n'en ai pas besoin. Mais en plus, ça serait abimer ma main et je tiens à la garder intacte.

Faisant signe au barman de les servir, il regarda à nouveau le jeune homme.

Vous savez, quelque part, vous m'avez manqué. Quand vous étiez là, c'était amusant. Je sais que votre mère voulez que vous ayez un chien, mais ça n'était pas mon cas. Un chien, c'est du travail et visiblement, vous n'étiez pas prêt pour ça.

Haussant les épaules, il pouvait comprendre son poing de vue.

Et puis, vous mettiez de l'ambiance. Mais si l'opération à fonctionné, je suis content pour vous.

C'est vrai que si le jeune homme avait été sur la table d'opération et que ça avait fonctionné, c'était une très bonne chose.

Votre mère doit être contente de la chose d'ailleurs, non ?

Sullivan manqua de s’étrangler en avalant de travers une gorgée de son scotch douze ans d’âge. Il manquait à ce bon Kellen ? Première nouvelle, il ne s’était clairement pas attendu à celle-là ! En général, on ne disait pas au néo-zélandais « tu m’as manqué » mais plutôt « putain t’es encore vivant toi ? », alors forcément, il était non seulement flatté mais avant toute chose, il était surpris. Dieu sait que leurs débuts avaient été aussi divers qu’enrichissants et c’est pourquoi le sourire qu’il affichait cette fois n’était pas empreint d’insolence mais plutôt d’intérêt. Comme quoi, ce dresseur gagnait à être connu ! « C’est plutôt que je m’en battais les reins ! Sans vouloir vous offenser, bien sûr. Ma mère avait cette lubie en tête mais elle ne m’a pas du tout demandé mon avis et vous a harcelé pour au final abandonner le truc du jour au lendemain. Super inconstante dans son genre, ma mère ! » Sullivan leva les yeux au ciel, tout aussi désolé que Kellen qu’elle l’ait harcelé pendant des semaines et des semaines. Mais le dresseur avait eu pleinement raison de ne pas céder : ce n’était pas d’un animal dont avait besoin, mais plutôt d’un bon coup de pied au cul. « Happy d’avoir été votre bête de foire, l’ami ! » déclara-t-il tout en levant son verre à la santé de Kellen et de trinquer en sa compagnie. « Contente n’est pas vraiment le terme. Nous allons bientôt nous retrouver devant le juge pour que je récupère la garde de ma fille, à vrai dire. Dès que j’ai fini cette vacherie de rééducation, à vrai dire. » L’alcool le poussait à être aussi bavard, c’était impossible autrement.

Le jeune homme fut amusé par le fait que son interlocuteur sembla surprit par ses paroles. Il est vrai qu'avec le caractère de Sullivan, il ne devait pas toujours être apprécié de tout le monde. Mais Kellen, lui, avait apprécié d'avoir le jeune homme faisant des siennes, ça changeait de d'habitude. En l'écoutant parler, il se mit à sourire.

Les femmes sont comme ça. Mais, votre mère semble particulièrement protectrice. Ca ne doit pas être tous les jours facile.

De son côté, avec ses parents ça n'avait pas été tous les jours faciles. Il avait vécu dans un cirque, donc il avait ses parents tous les jours avec lui. Cependant, il était libre d'être dans le cirque comme il voulait. Il pouvait aller voir les animaux, ou ses amis. Par contre, pour voir le monde extérieur, c'était le principal sujet de dispute, jusqu'à ce que Kellen parvienne à avoir une bourse pour l'école et qu'il finisse par s'installer à New-York. Riant à sa remarque sur la bête de foire, il trinqua avec lui et avala de son whisky.

Vous êtes le premier qui ose dire qu'il ne veut pas d'un chien. Tous les jours c'est le même refrain. Des enfants veulent un animal et les parents ne savent pas dire non. C'est toujours pareil, alors vous étiez la bouffée d'air frais.

Il sourit amusé par la comparaison de l'air frais qu'était Sullivan sur le moment. Kellen lui, fut content d'apprendre que le militaire avait été opéré et qu'apparemment ça avait été un franc succès. Malheureusement, les choses n'étaient pas aussi rose qu'il le pensait dans son entourage.

Oh désolé pour votre fille et vous. J'espère que ça ira et que vous pourrez avoir sa garde.

Il était sincère. Il ne pouvait pas imaginer avoir des enfants et être séparés d'eux. Ca n'était pas quelque chose qui existait dans le monde du jeune homme.

En tout cas, si votre fille veut un chien, vous saurez qui venir voir.

Un sourire amusé aux lèvres, il but à nouveau de son verre et regarda à nouveau le jeune homme.

Vous avez encore beaucoup de séances de kiné à faire ? Ca ne doit pas être une partie de plaisir, surtout si votre kiné ne vous laisse pas vous reposer.

Il voyait le kiné du jeune homme, comme un grand baraqué qui pousserait Sullivan à se dépasser, encore et encore, sans lui laisser la moindre seconde de repos.

« Protectrice ? Vous rigolez, ma mère est une emmerdeuse finie ! » maugréa Sullivan tout en étant absolument persuadé d’être dans son bon droit. Après tout, sa mère lui avait complètement volé sa fille, il n’y avait pas d’autre mot. Quel genre de génitrice digne de ce nom intenterait une action en justice contre son propre fils afin de le faire juger incapable de s’occuper de la chair de sa chair ? Une folle. Il n’y avait pas d’autre mot. En tout cas, Sullivan ne le jugeait pas d’une autre manière. « Ca veut dire que y’a beaucoup d’enfants qui fracassent les oreilles de leurs parents devant vous pour avoir un chien ? Putain j’admire doublement votre patience ! Personnellement, ce n’est pas que Lou n’ait jamais voulu d’un chien, mais elle m’a dit elle-même qu’elle ne m’en demanderait un qu’une fois suffisamment mature pour s’en occuper. J’ai bien élevé ma fille, pas vrai ? » L’ancien soldat éclata de rire car s’il y avait bien une personne pour laquelle il ne pensait pas être une bouffée d’air frais, c’était bien Kellen. Ils s’étaient souvent opposés par le passé et bien que Sullivan n’en n’ait pas retiré que du négatif, on ne pouvait pas dire qu’ils aient planté de bonnes bases pour devenir les meilleurs amis du monde. C’était même le contraire qui s’était souvent passé. « J’vais pas dire que ma kiné est une tortionnaire ! Je veux vite me débarrasser de cette saloperie de fauteuil. Et après bah… vous me conseilleriez un chien pour compagnon qui me supporterait, vous ? Allez, étalez votre savoir, vous pouvez frimer ! »

Au moins c’était clair. Sullivan disait ce qu’il pensait de sa mère. En même temps, il avait le droit, c’était sa mère. Kellen ne l’avait pas assez cotoyé, pour ce permettre ce genre de propos. A ce que lui disait le jeune homme, il hocha la tête.

En effet, dis donc. Elle sait ce qu’elle veut au moins. Ca n’est pas tous les jours que l’on entend ça de la bouche d’un enfant.

Avoir un enfant dire de telles choses étaient assez exceptionnelles pour le dresseur.

Pour le reste oui, à peu près tous les jours j’ai le droit à des cris et autres gémissements d’enfants qui veulent un chien.

Il avait entendu de tout et il savait que les enfants avaient de sacrés arguments.

Mais je crois que certains parents laissent tout passer à leurs enfants et ne refusent rien, ce qui n’est clairement pas la chose à faire. Surtout quand un animal est concerné dans l’équation.

C’est vrai qu’un parent élève son enfant comme il le souhaite, mais y mêler un animal qui n’a rien avoir avec tout ça n’est pas une bonne chose. L’animal sera plus heureux dans l’enclos des chiens du centre de dressage que dans une famille où l’enfant est roi. En tout cas, Kellen voyait les choses ainsi. Amusé par les paroles du jeune homme, il haussa les épaules avant de boire un peu de sa boisson.

Je ne sais pas si j’ai ce genre de chiens au chenil.

Il eut un sourire amusé.

Ca dépend après des races que vous préférez et de celles que votre fille aime. Il y a de tout là où je travail. Vous aurez donc un large choix, mais un chien à la peau dure et au caractère sans faille vous irez mieux. Je dirai qu’il vous fait un chien de la race des lupoïdes. Un berger allemand par exemple. Mais si c’est pour votre fille principalement, il faudrait plutôt un chien de la race des molossoïdes, comme le Saint Bernard. C’est un chien de garde, mais c’est une grosse boule de poil pour un enfant. Après, vous avez les déclinaisons, mais je sais que les enfants aiment les petits comme les gros chiens. En gros, ils aiment beaucoup le Bouvier Bernois qui est très câlin. En petit, il y a le Jack Russel.

C’était les deux chiens qui avaient beaucoup de succès là où il travaillait, mais il y en avait plein d’autres évidemment.

Elle préfère les petits ou les gros chiens ? Parce que de tête je peux vous dire ce que j’ai au chenil. En plus de cela, il y a des chiots comme des chiens adultes déjà.

Il savait qu’en général les gens préféraient dresser leurs chiens eux-mêmes, donc préférait avoir un chiot. Mais, d’autres préféraient des adultes, ça dépendait vraiment des personnes.