Nora était encore choquée par ce qu’elle venait de vivre. Enfin, elle avait quand même eu beaucoup de chance dans son malheur, elle savait qu’elle aurait pu vivre bien pire que ce qu’elle avait vécu là. Au départ d’ailleurs, elle avait cru ne jamais sortir de cette chambre d’hôtel. Ou en tout cas pas en vie et pas en un seul morceau. Elle n’avait absolument rien vu venir. Bien sûr, elle avait trainé les pieds avant de se rendre jusqu’à l’hôtel « central » de son père où ils étaient censés se retrouver pour ensuite partir dîner mais rien ne lui avait indiqué que quelque chose changerait de toutes les autres fois où ils avaient fait ça. Ça aurait dû être leur premier déjeuner ensemble depuis les fiançailles… Elle avait eu besoin de temps pour se calmer et accepter une entente pacifique entre eux. Principalement pour sa mère mais aussi parce qu’il lui manquait. Au fond elle l’aimait et elle savait qu’elle ne lui avait pas fait ça juste pour lui faire du mal. Il n’avait même pas pensé que cela aurait pu lui faire du mal en fait… Soit. Nora s’était rendue à l’hôtel l’esprit vidé de toutes mauvaises pensée à l’égard de son père. Elle s’était préparée à « faire la paix » avec lui, aller de l’avant, c’était ce dont ils avaient besoin tous les deux. Sauf qu’elle n’avait jamais réussi à arriver jusqu’à lui. On l’avait empêché d’entrer. La jeune femme n’avait pas trop compris pourquoi au départ, mais une fois qu’elle avait commencé à poser trop de questions, elle s’était fait emmener de force dans une chambre d’hôtel vide. C’est là qu’elle avait craint pour sa vie. A juste titre puisque l’homme qui l’avait retenue prisonnière lui avait appris que son père n’était pas aussi honnête qu’il voulait bien le laisser penser et qu’il trempait dans des affaires pas nettes. La jeune femme n’avait pas mis bien longtemps à le croire pourquoi était-on en train de lui régler son compte autrement ? Elle n’avait pas eu besoin de plus pour se mettre à cogiter, sa captivité aidant. Après être enfin sortie de l’hôtel de son père, Nora avait cherché à tout prix à contacter Alec. Il devait absolument être mis au courant de tout ça parce qu’elle avait peut-être trouvé le moyen d’annuler enfin leurs fiançailles. Enfin, ça, elle devrait en parler avec Alec avant. C’est pour ça qu’elle le cherchait, elle devait l’informer de tout ça pour qu’ils réfléchissent ensemble à comment agir. Nora passa tout d’abord chez lui : il ne s’y trouvait pas. Elle passa chez son père et il ne s’y trouvait pas non plus. Le connaissait, et vu l’heure qu’il était, il devait surement être en train de faire la fête quelque part. Seulement il ne devait pas y avoir qu’une seule fête en ce moment à New York… Elle passa donc rapidement quelques coups de fil à leurs amis communs pour finalement apprendre qu’il se trouvait à une fête chez Caleb. Comme ce n’était pas loin, elle n’y arriva pas trop tard. « Est-ce que quelqu’un a vu Alec ? Est-ce qu’il est ici ? » demanda-t-elle à plusieurs personnes, tout en se frayant un chemin parmi les gens qui buvaient et dansaient, avant d’enfin l’apercevoir. Au bar, bien évidemment. Nora accéléra la cadence et se retrouva derrière lui en un rien de temps. « Alec… » commença-t-elle timidement, un peu gênée de le déranger en pleine conversation. Comme il ne la remarqua pas tout de suite, elle se permit de lui taper sur l’épaule. « Alec. » Enfin, il se tourna vers elle. La jeune femme pinça les lèvres et le fixa un instant en silence. « J’ai besoin de te parler… Est-ce qu’on peut aller ailleurs ? »

Après avoir pris le temps de reprendre ses esprits, Nora avait cherché par tous les moyens à joindre Alec. Ce qu’elle avait vécu ne servirait pas à rien, ils pourraient s’en servir pour régler tous leurs problèmes. Finalement, la journée n’était pas autant un désastre que ça. Elle allait finir bien mieux qu’elle avait commencé. Comme elle n’arrivait pas à joindre le jeune homme, Nora chercha ensuite à appeler ses amis pour savoir s’ils n’avaient pas une idée d’où il se trouvait. Elle apprit bien vite qu’il était à la fête d’un de ses amis dont la jeune femme avait déjà entendu parler. Elle n’eut donc aucun mal à se rendre chez Caleb. C’est à partir de là que les difficultés commencèrent. Enfin, façon de parler… C’était juste qu’il y avait beaucoup de monde à cette petite fête. Enormément en fait. Tout le monde s’était donné rendez-vous là apparemment et elle aurait beau appeler Alec il ne l’entendrait jamais. Tout comme elle avait des grandes chances de tourner en rond pendant un long moment avant de le trouver. L’endroit était grand et elle n’arrivait pas à savoir combien de pièces elle avait traversé jusqu’ici. Puis elle avait du mal à se déplacer parmi la « foule » de gens. Tout ceci n’était pas de très bon augure pour la suite.

Finalement, les « prières » de la jeune femme furent entendues : elle repéra Alec à un bar, en train de discuter avec un de ses amis. Elle commença donc à faire de moins en moins attention au fait qu’elle bousculait ou non les personnes qui se trouvaient sur son chemin. Elle avait trouvé ce qu’elle cherchait et elle n’allait pas faillir si près du but. Arrivée à la hauteur des deux amis, Alec ne la vit pas tout de suite puisqu’il lui tournait le dos. Un peu gênée de l’interrompre comme ça, Nora dut se répéter que c’était absolument nécessaire qu’elle lui parle. Surtout que quand il saurait pourquoi il ne lui en voudrait même pas qu’elle l’ait dérangé. Elle lui tapota donc l’épaule et il se retourna sans attendre. « Nora ? » La jeune pinça les lèvres et baissa le regard quelques secondes, toujours gênée. Elle ne savait pas trop comment il allait l’accueillir maintenant, elle n’était pas la personne qu’il préférait voir sur terre. Surtout pas quand il passait un bon moment comme ça. Mais bon depuis l’annonce de leurs fiançailles il y a plus d’un an leur relation s’était quand même nettement améliorée. Dès que Nora avait commencé à tenir tête à son père ou en tout cas à ne plus dire amen à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. La jeune femme lui annonça ensuite bien vite qu’elle avait besoin de lui parler. Heureusement, Alec hocha la tête et l’invita à la suivre. Ils firent le chemin inverse à celui qu’elle venait juste d’emprunter pour trouver le jeune homme et se retrouvèrent rapidement bien plus au calme, dans le salon de la maison. « Alors, de quoi tu veux me parler ? » « J’ai vu mon père aujourd’hui. » Nora secoua immédiatement la tête en reconnaissant son erreur. « Non en fait, j’étais censée le voir. Sauf que quand je suis arrivée j’ai vu quelque chose que je n’étais pas censée voir. » Elle fronça les sourcils inspira longuement en se rappelant à quel point elle avait eu de la chance. « Pour faire court j’ai peut-être trouvé le moyen de tout arrêter. » Elle regarda le jeune femme dans les yeux avec insistance. « Nos fiançailles. J’ai trouvé le moyen de faire pression sur mon père pour qu’il rompe notre engagement. J’ai pensé que tu aimerais le savoir. »

Nora aurait pu attendre avant de chercher Alec pour lui parler. C’est vrai, ce qu’elle savait ne disparaitrait pas, ce n’était pas comme si on père avait la possibilité de se sortir du bordel dans lequel il s’était fourré en une nuit. Surtout pas vu ce par quoi il était passé cet après-midi. Pourtant, la jeune femme n’avait pas pu s’empêcher de le chercher plus ou moins dans toute la ville. Elle avait tellement hâte de lui parler de sa trouvaille aussi… Ils attendaient ça depuis presque un an, c’était tellement long… Et ils avaient tellement hâte que toute cette histoire prenne fin que la jeune anglaise ne voulait pas attendre et ne voulait pas faire attendre Alec. Il autant le droit qu’elle de savoir que son cauchemar serait bientôt terminé. Malgré tout, elle avait beaucoup d’affection pour lui, il avait été son ami à la base… Elle ne pouvait pas le laisser dans l’ignorance et elle voulait qu’il soit enfin libre. Parce que la situation était sans conteste encore plus difficile pour lui que pour elle.

Après l’avoir finalement trouvé, et avoir insisté à quel point il était important qu’ils se parlent tout de suite, celui qui serait très vite son ex fiancé l’emmena un peu à l’écart dans une autre pièce de la maison : le salon. La fête était loin à présent et on en entendait que des bruits étouffés. Idéal pour parler en toute tranquillité, donc. Nora n’attendit ensuite pas plus longtemps pour lui expliquer ce qu’elle lui voulait : elle avait vu son père, ou aurait dû plutôt, et avait découvert le moyen de rompre leurs fiançailles. Bien sûr ils auraient à faire des choses pas tellement jolies pour ça, mais après leurs très chers pères n’avaient pas hésité à agir de la même façon avec eux. En tout cas, la blonde n’avait pas envie de se gêner. Alec avait quand même l’air perdu, il ne semblait pas réussir à réaliser ce qu’elle venait de dire. Ils attendaient ça depuis tellement de temps aussi que ça pouvait paraitre fou… « Quoi ? » La jeune femme hocha continua de le regarder d’un air très sérieux, sans ciller. « Tu as très bien compris je pense. » Elle n’aurait pas être plus claire en même temps. Il s’approcha ensuite d’elle. « Comment ça ? Qu'est ce que t'as découvert ? » Nora pinça les lèvres. Par où pouvait-elle bien commencer… Elle avait l’impression d’avoir tant de choses à lui dire. « Je suis à peu près sure que mon père trempe dans des affaires pas très légales. » Carrément illégales même. « Du genre, mafia, tu vois… Et ouais on dirait un mauvais film ou une mauvaise blague comme ça mais ce n’est pas le cas. » Elle le regarda très sérieusement en silence pour qu’il comprenne à quel point tout ceci était sérieux, justement. Elle inspira ensuite longuement, elle se détestait pour avoir pensé à une telle chose mais aux grands maux les grands remèdes… « J’ai pensé… qu’on pourrait le faire chanter… »

Alec ne semblait pas comprendre où Nora voulait en venir. Pourtant, selon elle, ce n’était pas très compliqué. Elle faisait bien sûr référence à leurs fiançailles arrangées. Elle-même avait toujours un peu de mal à y croire, pour plusieurs raisons, mais elle avait effectivement trouvé un moyen de tout arrêter, d’enfin les libérer de leurs obligations et de leur rendre la vie beaucoup plus facile. Parce qu’il n’y avait pas qu’Alec qui souffrait de cette situation. C’était bien pour ça qu’elle en était arrivée à une solution extrême : le chantage. « Tu veux faire chanter ton ... ton père ? » La jeune femme hocha timidement la tête. Elle n’avait eu que le temps du trajet jusqu’ici pour y réfléchir mais ça avait été suffisant pour qu’elle puisse en conclure que c’était la seule solution qui s’offrait à eux. C’était mal, c’était aussi bas que ce que leurs pères leurs avaient fait mais justement… elle ne voyait pas pourquoi elle devrait avoir des scrupules. Enfin, elle s’en voulait un peu mais l’envie de se sortir de tout ça était encore plus forte. « T'es vraiment sure de vouloir ... faire ça ? Enfin, bon ça serait mentir si je disais que je suis pas partant parce que j'ai vraiment envie que tout ça soit derrière nous mais ... Faire ça, c'est pas rien ... » « Je sais que ce n’est pas rien. Crois-moi, s’il y avait une autre solution je serais en train de la chercher et non devant toi pour te proposer ça. » Malgré tout, elle avait encore du respect pour son père. Leur relation avait beau s’être dégradée ces derniers mois, elle ne faisait pas ça de gaieté de coeur, loin de là. « Tu me diras si c'était mon père vu à quel point je l'adore, j'imagine que le chantage serait dans les options depuis longtemps. » Il était vrai que comparé à la relation d’Alec et son père, celle de Nora avec le sien était idyllique. Donc il aurait peut-être été plus « normal » d’entendre ça de la bouche du jeune homme que de celle de l’anglaise. Et pourtant… « A moins que tu aies de quoi faire chanter ton père, on va de voir le faire avec le mien. » Une fois encore, ce n’était pas comme s’ils avaient vraiment le choix. Son père allait la hair. Déjà qu’elle ne lui avait pas rendu la vie facile, même si ce n’était qu’un juste retour des choses. « Nan sérieusement Nora, je suis désolé pour ton père. » Nora baissa alors le regard et haussa légèrement les épaules. « Il faut qu’il assume ses actes. Il s’est mis là-dedans tout seul, ni moi ni personne ne l’y a poussé. » Elle releva ensuite le regard vers Alec. « Tu es partant alors ? »