one breath, one step, one life, one heart

selina & sora

Son regard était rivé en direction de la fenêtre. Depuis combien de temps ? Elle ne savait plus et elle s'en moquait du moment que son esprit pouvait vagabonder ailleurs et ne pas écouter les propos qui pourtant lui étaient destinés. Elle était sans doute un peu trop naïve ... c'était même une certitude mais qu'importe, elle était comme elle était. Malgré sa rancœur, malgré l'agacement qui la gagnait à chaque fois qu'elle était en sa présence, elle ne pouvait pas s'empêcher de lui laisser une dernière chance car une partie d'elle voulait croire qu'ainsi elle s'attachait aux souvenirs de sa mère, sa mère biologique s'entend. Oui, elle acceptait de laisser une chance à son père même si elle avait sans cesse la sensation d'aller contre ce qu'elle souhaitait réellement, toutefois il était son père qu'importe ce qu'elle pouvait dire ou faire, le même sang coulait dans leurs veines et si l'histoire avait été différente elle aurait même pu porter son nom. Par moment, elle voulait le croire, elle rêvait de croire que lorsqu'il lui disait qu'il aurait aimé rester avec sa mère il disait vrai, mais comment pouvait-elle réellement le savoir ? Elle n'avait que la parole de son père, rien d'autre et elle était incapable de vraiment se satisfaire de cette dernière. Cependant, puisqu'elle était ainsi, Sora lui avait laissé une chance, une de plus parmi les nombreuses qu'elle lui avait déjà cédé. Trouver son appartement dans New York n'avait pas été difficile, pas alors qui lui avait donné l'adresse, mais y rester lui demandait une grande maîtrise. Même impressionnée par les lieux elle n'arrivait pas à vouloir rester plus longtemps chez son père biologique et, bien vite, son regard s'était posé en direction de la terrasse qui donnait une vue plus que splendide sur le tout New York.

Elle avait envie de se lever pour gagner la porte vitrée et gagner cette terrasse pour mieux observer les alentours même si la hauteur n'était pas son dada. « Sora ? M'as-tu au moins écouté ? » La jeune femme tourna lentement la tête en direction de son père, l'un de ses sourcils s'arqua. Si elle l'avait écouté ? Juste les premières minutes et dès qu'il avait répété pour la énième fois il n'est pas assez bien pour toi son esprit avait totalement décroché. Poussant un long soupire plein de lassitude, Sora hocha la tête et se redressa sur le canapé, main portée sur son ventre de plus en plus rebondit. « Parfaitement, les deux premières minutes en fait ... Tu me répètes la même chose à chaque fois qu'on se voit depuis que tu sais, seulement tu n'as pas ton avis à donner, j'ai vécu seize ans sans et je continuerais de faire sans ! Maintenant, je dois y aller. » Et sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, la Guatémaltèque se leva du canapé - avec un peu de difficulté - et attrapa sa veste qu'elle enfila. Un léger sourire à son père et elle gagna la porte de l'appartement pour quitter l'immeuble et prendre la direction de l'hôpital. Depuis qu'elle savait sa sœur - enfin demi-sœur, mais peu importait pour elle - à l'hôpital Sora s'était promis de lui rendre visite sans jamais trouver le temps – enfin sauf une fois – pas même alors qu'elle se rendait dans le même hôpital afin de s'assurer que sa grossesse se déroulait bien - aussi bien que cela pouvait l'être dans son cas. Arrivée sur place, tous ses muscles se crispèrent lorsqu'elle franchit les portes automatiques. Elle n'aimait pas cet endroit, elle ne l'avait jamais apprécié mais c'était d'autant plus le cas depuis qu'elle avait connaissance du danger de sa grossesse, cependant elle n'était pas là pour elle, elle était là pour sa sœur et c'était le plus important. S'empressant de gagner l'accueil pour trouver la chambre où Selina était, elle parvint à se glisser dans l'ascenseur avant que les portes ne se ferment, adressant un léger sourire à la jeune femme qui avait retenu les portes avant d'appuyer sur le bouton de l'étage où elle se rendait.

L'ascenseur presque vide lorsqu'elle arriva à destination, Sora s'engagea dans le couloir d'un pas hésitant. Elle n'aimait vraiment pas les hôpitaux et ce qu'elle aimait le moins était de savoir qu'un de ses proches s'y trouvaient, que la raison soit sérieuse ou non. Une fois devant la porte de la chambre de sa demi-sœur, la Guatémaltèque y donna deux petits coups avant de l'ouvrir afin de passer sa tête dans l'entrebâillement et ainsi vérifier que sa sœur était éveillée. « Hey ... » Glissa-t-elle en remarquant que Selina était réveillée bien que son attention semblait portée vers le poste de télévision de la chambre. Entrant pleinement dans la pièce, elle sortit de derrière son dos une peluche qu'elle avait achetée avant de venir, un petit sourire gêné aux lèvres, jamais Sora n'avait été très douée pour savoir qu'elle présent offrir. « Je me suis dit qu'au moins il te tiendrait toujours compagnie. » Expliqua-t-elle tandis qu'elle attrapait un siège pour l'approcher du lit de Selina avant de lui tendre la peluche. « J'avais à peu près le même petite, enfin tu pourras toujours le donner à Nolan si tu préfères. » Sora tapota la tête de l'ours en peluche avant que son regard ne se pose sur sa demi-sœur, un sourire timide naquit au coin de ses lèvres. « Je suis désolée de ne pas être revenue plus tôt ... comment tu te sens ? » Question stupide étant donné l'état dans lequel la Mexicaine se trouvait. Elle ne connaissait pas les détails qui pouvaient expliquer le fait que Selina soit couchée dans ce lit sans pouvoir respirer correctement sans l'aide de son masque, mais elle savait néanmoins que sa situation était assez grave, pourtant elle était incapable de ne pas poser la question dont la réponse semblait être évidente.

Allongée dans mon lit, je soupirai légèrement. Je n'étais ici que depuis une dizaine de jours et pourtant, cela me semblait être une éternité. Je n'en pouvais plus de l'hôpital. J'avais passé tellement de temps dedans étant jeune que, dès que je le pouvais, j'évitais ce lieu. Les médecins et infirmières étaient plus qu'adorables avec moi mais j'aurai préféré ne pas avoir à être ici. Qu'est-ce que je m'en voulais d'avoir joué avec le feu mais surtout de m'être brûlée. J'avais pensé à tout le monde sauf à moi en commençant à exécuter quelques actes pour la mafia russe. J'avais essayé de faire revenir Andrea dans leur rang, j'avais essayé de corrompre des petits jeunes mal intentionné. J'étais devenue une marionnette dans ce monde de faux semblants et d'apparences. Aujourd'hui, je n'avais plus que mes yeux pour pleurer. Mon masque en place, je mis quelques secondes avant de sortir du lit. Tout mouvement était difficile et fatiguant pour moi. Sans compter que je devais toujours trimbaler ma bouteille d'oxygène avec moi. Sans masque, je me donnais deux minutes d'espérance de vie, c'était pour dire. Me dirigeant vers la porte, je commença à marcher quelques mètres. Traverser le couloir était un exploit dans l'état dans lequel je me trouvais. C'était même déconseillé mais je savais que, si je venais à chuter en plein couloir, les infirmières pourraient venir m'aider tout de suite alors que dans ma chambre, personne ne le verrait avant de venir m'examiner toutes les deux heures. J'attendais des poumons avec impatience, c'était même pire que cela. Je n'avais pas vu Nolan depuis un bon bout de temps et il me manquait tellement. Daryl me donnait des nouvelles du petit tous les jours et me faisait le récit de ses exploits mais ce n'était pas pareil, mon fils me manquait. Soupirant légèrement, je me dirigea vers la machine à café où j'introduis quelques pièces en échange un bon coca tout frais. J'allais mettre pas mal de temps à le boire mais ce n'était pas grave, j'avais besoin de quelque chose de frais mais surtout de pétillant. Je n'en pouvais plus de n'avaler que de l'eau plate. C'était désaltérant et rafraîchissant mais à petite dose. Canette en main, je me dirigea à nouveau vers ma chambre. Je ne voulais pas utiliser toutes mes forces maintenant. Si Daryl venait me voir, j'aurais sûrement envie d'aller marcher un peu dehors, pour changer d'air. Il insisterait sûrement pour me sortir en chaise roulante mais bon... Je salua les infirmières sur mon passage et me glissa à nouveau dans mes draps d'un blanc immaculé. Je les détestais ces draps, je le détestais ce lit. Je détestais ce bâtiment de fond en comble pour tout dire mais j'étais là pour un bon bout de temps encore. Quand est-ce que j'aurais la chance de recevoir deux jolies poumons ? Était-ce trop demandée ? Sûrement oui... Après tout, je souhaitais la mort d'un individu en bonne santé et ça, c'était malsain. Passant la porte de ma chambre, je me posa sur le lit et entrepris d'ouvrir ma canette de coca-cola light. Je n'avais plus de force dans les mains et je mis une bonne vingtaine de secondes à ouvrir cette petite boite grise. Un large sourire se dessina lorsque je réussis à l'ouvrir. Le doux son du 'pshht' me fit un bien fou, je devais bien l'admettre ! M'installant confortablement dans mon lit, j'allume la télévision et changea rapidement de chaînes. Les films à l'eau de rose, merci mais non merci. Je préférais encore voir quelque chose de fantastique pour changer d'univers. J'étais pris dans mon épisode lorsque j'entendis la porte s'ouvrir et vis une petite tête blonde dans la chambre. Je lui fis un léger sourire et me releva légèrement, baissant le son de la télévision par la même occasion. « Je me suis dit qu'au moins il te tiendrait toujours compagnie » Un léger sourire prit possession de mes lèvres et je tendis le bras pour attraper la peluche que me tendait ma petite sœur – enfin demi sœur. Je l'écoutais me dire que je pourrais très bien la donner à Nolan dès que je rentrerais. Si je rentrais un jour. Cette pensée m'arracha une douleur au niveau du cœur. Et si je perdais la vie ici, en attendant des poumons, et sûrement un cœur pour que le tout fonctionne convenablement ? Posant une main sur mon masque, je le souleva légèrement pour la remercier. « Merci c'est très gentil (…) Il en a assez va, celui ci est pour moi » Je laissa un léger rire s'échapper de mes fines lèvres ainsi qu'une quinte de toux. Je rabattis rapidement mon masque sur mon visage et repris mon souffle aussi bien que possible. Mes yeux me brûlaient et je n'avais plus qu'une envie : que tout cela s'arrête. Je ne souhaitais pas mourir, non, mais je souhaitais que l'on me soigne et plus vite que ça. J'en avais tellement marre, marre de tout. Tout me fatiguait, j'étais d'une humeur fracassante six jours sur sept. Rien n'allais dans ma petite vie pitoyable. Je l'invita à s'asseoir sur la chaise à côté du lit et bus une petite gorgée de coca avant de repositionner mon masque. Ce rituel était tout aussi fatiguant que la lutte que je menais contre mon propre corps. La regardant, suite à sa question, j'haussa les épaules. « J'ai l'impression de mourir douze fois par jour mais à part ça, ça va » Je lui fis un léger sourire. Je ne perdais pas espoir... Sur un malentendu, ça peut peut-être marcher. « J'attends toujours des poumons... Un jour peut être (…) Il faut juste que je ne sois pas trop pressée ni stressée parce que sinon, j'aurais besoin de poumons et d'un cœur et là, c'est encore plus rare » Posant mon masque, je pris une grande bouffée d'oxygène. J'étais à bout de souffle. Je savais que mon tableau était plutôt moche à voir mais je savais que Sora avait vécu plein de choses dans son enfance et qu'elle était capable d'entendre la triste vérité, ma triste vérité. Glissant mes yeux sur son ventre, je lui souris et dis « Et, comment vas-tu ? C'est pour quand ? » Son ventre était encore plus rebondi que la dernière fois ce qui voulait dire que tout allait bien. Enfin, c'était ce que je croyais.

C'est dernier temps ses pensées n'étaient pas les plus joviales qui soit. C'était à croire que toute la misère du monde était en train de s'étaler sur son petit monde, de tomber sur ses proches comme sur elle. L'année 2013 n'était pas celle qui commençait le mieux et, pour tout dire, il y avait un petit moment que la Guatémaltèque avait cessé d'espérer qu'une année serait meilleure que la précédente. Elle n'était pas devenue pessimiste, cela ne lui ressemblait absolument pas mais elle était bien plus réaliste que par le passé ... peut-être à cause de ce qui lui tombait dessus, de ce qui tombait sur elle et Danjel puisque son petit ami était tout autant concerné qu'elle. Peu importait ce qu'elle faisait pour se changer les idées, ses pensées tournaient toujours autour des mêmes choses et le fait de devoir - en principe - rester enfermée chez elle pour un repos total ne l'aidait pas le moins du monde à se vider la tête. Elle en avait assez. Elle était fatiguée de tous ces malheurs qui lui tombaient dessus et qui touchaient Danjel par extension. Elle aspirait à une vie calme, une vie loin des problèmes qu'elle avait pu accumuler ces dernières années mais à avoir joué avec le feu pendant plusieurs années la jeune femme avait fini par se brûler.

La drogue était la raison principale de son état. Si elle n'était pas tombée dans ce cercle vicieux il y avait fort à parier qu'elle n'en serait pas là où elle en était désormais. Ses overdoses l'avait fragilisé à tel point que sa grossesse en était devenue dangereuse bien que la drogue ne soit pas la seule cause, la malchance était probablement une raison de plus. Pourtant, la Guatémaltèque refusait de s'apitoyer sur son sort et elle faisait tout son possible pour garder la tête haute même en étant à deux doigts de devenir littéralement folle. Elle ne dormait quasiment plus alors que le sommeil était ce dont elle avait clairement le plus besoin si bien qu'elle n'aurait pas été étonnée de ressembler à un zombie, mais jusqu'alors personne n'avait fui sur son passage. Pourtant, si elle était dans une mauvaise posture c'était bien pire pour sa demi-sœur et Sora ne pouvait que penser à elle ces derniers temps. Si la jeune femme s'était écoutée elle aurait passé une grande partie de son temps à l'hôpital auprès de Selina pour lui tenir compagnie mais aussi pour être certaine qu'elle allait bien ce qui était loin d'être le cas, mais peu importait. Cependant, c'était bien difficile alors qu'elle était supposée rester enfermée dans l'appartement - même si elle allait souvent contre cet ordre - et la Guatémaltèque ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir de ne pas rendre assez souvent visite à sa demi-sœur.

Néanmoins, ce jour-là elle était là et même s'il n'y avait rien de bien joyeux à raconter sur leur vie à toutes les deux, Sora comptait bien profiter du temps qu'elle avait avec Selina pour prendre de ses nouvelles et partir l'esprit un tant soit peu tranquille. La peluche dans les bras de sa demi-sœur, un petit sourire naquit au coin de ses lèvres tandis qu'elle prenait place sur le fauteuil près du lit. « Merci c'est très gentil (…) Il en a assez va, celui-ci est pour moi » Sora opina du chef, son petit sourire toujours dessiné sur ses lèvres avant de disparaitre face à la quinte de toux de Selina. S'il y avait bien une chose qu'elle ne supportait pas c'était le fait de se sentir impuissante face à l'état de la jeune femme. Elle aurait tant aimé pouvoir faire quelque chose pour elle quitte à lui donner ses poumons s'ils ne lui étaient pas aussi nécessaire qu'à elle, mais elle devait se contenter de la regarder, impuissante. « J'ai l'impression de mourir douze fois par jour mais à part ça, ça va. J'attends toujours des poumons... Un jour peut-être (…) Il faut juste que je ne sois pas trop pressée ni stressée parce que sinon, j'aurais besoin de poumons et d'un cœur et là, c'est encore plus rare » Une grimace déforma le visage de la jeune femme. Elle n'aimait pas apprendre de telle nouvelle. Si elle aurait préféré apprendre qu'elle allait bientôt passer sur le billard et avoir des poumons tout neuf ? Bien sûr, Sora n'espérait que ça.

Elle espérait sincèrement qu'elle n'aurait pas à attendre trop longtemps et que bientôt elle pourrait quitter l'hôpital afin de retrouver son petit garçon. « Ça va aller, je suis certaine que tu auras bientôt un donneur, que tout se passera bien et que tu pourras retrouver ta vie et Nolan. » Assura-t-elle bien qu'elle ne soit pas médecin. Sora voulait y croire, elle voulait apporter un tant soit peu d'optimisme dans cette chambre d'où le sourire sincère au coin de ses lèvres. « Et, comment vas-tu ? C'est pour quand ? » Son regard tomba vers son ventre bien rebondit qu'elle caressa alors que son sourire se fanait. Un soupire s'échappa de ses narines et elle redressa la tête vers sa sœur en fronçant quelque peu le nez. « Ça peut aller ... En principe c'est pour août si tout se passe bien. » Lâcha-t-elle en détournant le regard non sans cesser de caresser son ventre pour s'apaiser. « Il y a quelques complications mais ça va aller, de toute manière on a connu pire alors on ne peut que s'en sortir, de toute manière je ne te laisse pas vraiment le choix. » Selina était de loin la sœur avec laquelle elle s'entendait le mieux. Même si elles n'avaient pas grandi ensemble et qu'elles se connaissaient depuis peu, le temps qu'elles avaient passé toutes les deux leur avait permis de se rapprocher et la Guatémaltèque refusait d'envisager qu'elle la quitte si brutalement.