« Bordel un ballotin ça va jamais suffire, j’vais péter un boulon » trancha Lynn alors qu’elle avait largement entamé celui-ci. Elle avait à peine eut le temps de s’asseoir dans son taxi que déjà, elle s’était pour ainsi dire ruée sur ledit ballotin comme si sa vie entière en dépendait. « Faites demi tour et que ça saute !! » ordonna-t-elle tout en secouant une petite liasse de billets à l’intention du conducteur afin qu’il évite surtout de lui rebattre les oreilles avec le code de la route et autres choseries du genre. Il s’exécuta sans même sourciller, reçut son pécule et laissa la piquante brunette devant une chocolaterie qui malheureusement était en train d’être fermée. Merde ! Elle avait mis tant de temps à se rendre compte que son ballotin n’était pas suffisant pour l’intégralité de la soirée ? En plus, pour ne rien arranger, il pleuvait comme vache qui pisse sur la belle ville de New York et en moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, la jolie canadienne se retrouva trempée… et particulièrement agacée. C’était un état endémique chez elle, mais depuis quelques temps, cela n’allait pas en s’arrangeant. Lynn aimait Caine depuis qu’elle avait croisé son regard. Tout son être était attiré par cet homme aux bras puissants et au sourire à damner un saint… hélas, le malheur avait voulu qu’ils soient partenaires au sein de la même cellule : la CIA. Le règlement était extrêmement clair, les relations amoureuses étaient totalement proscrites. Ils avaient néanmoins tenté naïvement leur chance, s’avouant ainsi leurs sentiments furieux lors d’une mission où ils devaient jouer un couple marié… mais cet état de fait n’avait guère simplifié les choses, car ils étaient obligés de s’aimer dans le plus grand secret. D’aucun se seraient tournés vers leur meilleur ami anti-déprime, le chocolat, à moins que cela !

« Rhaaaa !! Ouvrez-moi je paye le double ou même le triple pour le même ballotin si vous rouvrez cette putain de grille de merde !! » Lynn, tout dans la douceur, n’avait de cesse de tambouriner à la grille avec toute la force de ses bras et de ses jambes. Si on ne lui ouvrait pas, elle était prête à coucher sur place pour ne surtout pas retrouver son grand loft vide. Son petit bout de six mois avait été kidnappé par le père de la demoiselle et Lynn ne voulait surtout pas se prendre un sermon dans la tronche sur ses histoires sentimentales foireuses… elle s’abstenait donc de songer à cette éventualité. « J’vais coucher ici !! » Pitié, faites qu’Erine, cette charmante vendeuse d’ordinaire présente, vienne à son secours…

Aaaah Erine, sa sauveuse, n’était pas encore partie de la chocolaterie et volait à son secours comme une princesse charmante, même sans destrier blanc. L’image la fit vaguement sourire tandis qu’elle suivait docilement ses indications pour se frayer un passage dans le magasin. Ce n’est qu’ensuite que la piquante brunette lui offrit deux bises, fidèle à son tempérament tactile et toujours extrêmement excentrique. Impossible pour Lynn de ne pas s’exprimer sur tout et rien, de donner son avis sur ce qui lui passait sous le nez et en l’occurrence, elle devait admettre que le tablier de vendeuse dans une chocolaterie allait à ravie à son acolyte chérie. Le plus extraordinaire dans tout ça, c’est que la jolie canadienne était tenue au secret de par son métier, avait déjà été torturée par la Mafia sans jamais être en passe de divulgation et pourtant, on la jugeait toujours –bien qu’à tort, de façon on ne peut plus évidente– comme quelqu’un de superficiel et d’extrêmement peu fiable. Hélas, Lynn n’était pas là pour prouver le tréfonds de son tempérament mais bien pour passer ses nerfs sur autre chose qu’un mannequin, flingue à la main… ou encore sur un ring de boxe face à un collègue aux muscles mastoques. Cette fois-ci, la magnifique brunette avait opté pour une solution vieille comme le monde : le chocolat. A la plus grande surprise d’Erine d’ailleurs, l’ayant servie plus tôt dans la journée pour qu’elle puisse récupérer le ballotin qu’elle avait commandé… malheureusement, qui disait visite surprise et impromptue de sa part signifiait également excuse en béton armé. Inutile de mentir, elle n’était pas en face de sa patronne de mère, qui cherchait probablement à la zigouiller si elle savait que sa fille avait décidé de continuer son histoire avec son partenaire à la CIA… pour un peu, aux yeux de Marjorie Maryweather, une telle trahison mériterait la potence !

« Tu es la seule à pouvoir me faire du bien bordel, voilà ce qui m’amène ! A ton avis, que fait une nénette qui t’a déjà pris un ballotin énorme de chocolats à dézinguer la porte de la chocolaterie de ton boss, franchement ? On additionne par a+b et ça fait quelqu’un qui a une vie sentimentale à chier, qui a besoin de compenser et qui est à deux doigts de déglinguer la tronche d’un passant façon Picasso ! Evite-moi d’aller en taule ce soir, pitié… » Lynn avait l’air fluette comme ça, mais il n’y avait que du muscle sous sa jupe ultra courte et ses courbes féminines. La piquante brunette était la plus redoutable agente de son unité et renversait la plus grande montagne de muscles de la CIA en trois attaques précises. Elle avait de qui tenir, la petite… « Je t’explique : y’a ce gars qui est juste sexy, romantique, parfait… et moi je galère avec les mecs depuis un lustre et demi, je sais qu’il m’aime, mais dans notre boulot on est aussi partenaires et ce putain de règlement de bordel de chiotte interdit les relations personnelles. Celui qui l’a pondue celle-là, qu’on me donne pas son adresse ! Donc je me console avec du chocolat. Genre, j’en ai vraiment besoin sinon je vais devoir opter pour l’intraveineuse là, c’est grave ! »

Du sang chocolat… Lynn achèterait le concept direct si seulement une telle chose s’avérait possible. D’un même genre, elle serait totalement fan du fait de se plonger dans une mer qui serait composée uniquement de Coca-Cola par exemple, que l’on pourrait boire sans craindre que cela n’assèche la langue à cause du sel, ou que le goût en soit absolument infâme en cas d’incident à boire la tasse. Mais là, c’était peut-être pousser un peu trop loin le bouchon. « J’adore pousser mémé dans les orties, alors j’épouse direct le premier qui m’invente le concept histoire que j’essaye direct ! » Lynn éclata cependant de rire dès lors qu’Erine fut de retour avec une quantité plutôt impressionnante de chocolats, chose qui la poussa à sortir une liasse de billets non moins impressionnante, et dont on pouvait parfois questionner la provenance. Il n’y avait rien de sinistre puisque la demoiselle restait agent du gouvernement, sous couverture certes, mais il n’empêche qu’elle ne trempait jamais dans quoi que ce soit de louche, et si elle avait un vocabulaire rigoureusement peu châtié, elle n’en restait pas moins quelqu’un d’excessivement droit. Sa loyauté envers son pays ne pouvait être questionnée après onze longues années de service, à avoir subit à plusieurs reprises des tortures sans jamais avoir dévoilé le moindre secret… la vie de l’agent, somme toute. « Je vais payer mes consos, évidemment ! » lança-t-elle avec enthousiasme, et ce bien qu’elle soit totalement consciente du fait qu’Erine ait sûrement envie de rentrer chez elle et que la jolie canadienne était ni plus ni moins en train de la retarder. Il n’était pas question que l’employée de la chocolaterie paye quoi que ce soit pur elle, Lynn mettant un point d’honneur à ne jamais devoir le moindre pécule à qui que ce soit. Règle peut-être stupide, mais qui avait fait ses preuves quoi qu’il en soit. « En un mot comme en cent : fais péter tout ce qui te tombe sous la main baby ! » C’était pour une « grande malade » après tout. Personne ne lui en voudrait de se faire ce petit plaisir, la belle brune étant non seulement mince mais blindée de muscles de part son métier. Elle pouvait totalement se permettre sans éprouver le plus petit regret. Quand bien même, elle emmerdait prodigieusement quiconque ne serait pas d’accord. « Tu es bien cynique avec les histoires d’amour ma belle ! Un abruti t’a fait du mal ? Je peux lui refaire le portrait gratos si tu veux, tu n’as qu’un mot à dire et il bouffera les pissenlits par la racine avant d’avoir pu faire ouf celui-là ! Mais plus sérieusement, des fois on calcule pas tu sais. Ca te tombe sur la gueule, tu rames comme un malade et puis c’est tout, c’est la vie… quant à mes patrons, disons qu’ils sont insistants dans leur genre. Ils ont plus de moyens que toi et moi réunis pour emmerder leur monde ! Justement, on reste cachés pour le moment mais c’est fait grave chier quand même… tu ne peux pas aller au resto sans craindre d’être pris en flag ou même vu par un abruti qui ira, à coup sûr, tout cafter ! Bande de collabos tiens… bref, le risque zéro n’existe pas et puis merde, quand tu aimes quelqu’un, t’es limite à te retenir de le crier sur tous les toits ! Moi, en tout cas, c’est malheureusement mon cas… foutus sentiments d’merde tiens. »