Lettre en mains, je respirais difficilement. Mon cœur n'arrivait pas à se calmer, mes poumons me faisaient un mal de chien et je savais bien que, tant que je ne serais pas sortie de cette situation, rien ne s'arrangera pour moi. Mon médecin me demandait de me reposer, de déstresser mais c'était mission impossible. Des dealeurs de drogue en avaient après moi et ils ne voulaient pas arrêter leur petit manège malgré mes nombreuses supplications. J'avais donc décidé de me plier à leurs quatre volontés pour me débarrasser d'eux. Ils se débrouillaient toujours pour me donner des petits trucs à faire mais des choses qui étaient horribles pour moi. Aujourd'hui, je devais me faire passer pour une actionnaire pharmaceutique et faire croire à ma 'victime' que je rêvais d'investir dans son argent. Seulement, je n'avais pas d'argent pour investir dans une quelconque entreprise. Je n'arrivais déjà pas à payer mon loyer alors investir... Passant mes mains sur mon tailleur, je soupira légèrement. Nolan était chez Daryl et j'avais prétexté un entretien d'embauche à mon ex petit ami pour qu'il ne se pose pas trop de questions. Ma boutique était inutilisable et je n'avais pas les fonds pour démarrer les réparations. Autant dire que je n'étais pas prête de refaire des cupcakes de si tôt. Soupirant à nouveau, je tenta d'échapper tous mes mauvais souvenirs de ma tête et de me concentrer sur ce qui allait venir. J'allais devoir faire preuve de force et de courage. Je ne devais pas laisser paraître une once de doute. J'avais bossé mon sujet et puis c'est tout. J'allais devoir me pointer devant ce cher Monsieur Romanov et lui montrer un intérêt particulier pour savoir où il en était dans son entreprise, voir s'il n'y avait pas un moyen de le faire retourner dans son ancien 'métier'. Me retrouver à bosser pour des dealeurs pour rameuter d'anciens dealeurs étaient pire qu'un supplice pour moi mais je devais le faire pour protéger Nolan. Enfin, c'était l'excuse que je me donnais parce que rien, absolument rien, ne me garantissait qu'ils allaient respecter leur parole. Je connaissais assez ces hommes pour savoir que rien ne les tenait à exécuter leurs 'paroles'. Sortant de la maison, je monta rapidement dans ma voiture et me dirigea vers le lieu de rendez vous fixé quelques jours plus tôt. J'avais expressément demander Monsieur Romanov pour ne pas avoir à amadouer un autre homme ou quelqu'un d'un statut inférieur. Je n'avais plus qu'à espérer que le russe allait se pointer et ne pas me démasquer en moins de temps qu'il en faut pour dire 'ouf'. Regardant mon reflet dans le rétroviseur, je souffle légèrement avant de faire apparaître un sourire sur mes lèvres et de répéter. « Bonjour Monsieur Romanov. Je suis mademoiselle Jones ! » Faux nom, faux papier, j'avais la totale pur ne pas me faire griller. Inspirant une grande bouffée d'air, j'ouvre la portière de ma voiture et laisse apparaître mon plus beau sourire. Je laisse tout derrière moi, Nolan, Daryl et toutes les pensées qui pourraient me griller en moins de deux. Je pouvais être professionnelle, je devais l'être, question de vie ou de mort. Passant la porte du café dans lequel nous avions rendez vous, je glisse mes yeux sur la salle et le vois à quelques mètres de là, ôtant sa veste. Nous étions synchro. Glissant une mèche rebelle derrière mon oreille, je me dirige vers sa table et me présente à lui. « Bonjour Monsieur Romanov ! Mademoiselle Jones » Je lui tends la main, tente d'être la plus convaincante possible avant d'ajouter. « Le retour du soleil est agréable n'est-ce pas ? » Je laisse un léger rire s'échapper de mes lèvres avant de lui faire un léger sourire. Autant commencer tranquillement parce que j'avais peur de ne pas faire long feu. Mon rythme cardiaque ne cessait d'accélérer et ce n'était pas franchement la meilleure chose qu'il soit pour moi, loin de là même...

« Bonjour Mademoiselle Jones, enchanté de vous rencontrer. » Un large sourire se dessina sur mes lèvres. Moi aussi j'étais 'enchantée' de le rencontrer. À vrai dire, non, je n'étais pas enchantée de me retrouver face à cet homme. Dans d'autres circonstances, la rencontre aurait pu être agréable mais là, c'était tout autre chose. Je n'avais pas encore posé mes fesses sur la chaise que je tremblais déjà comme une feuille. Je sentais que j'allais me perdre dans mes arguments, dans le cours de la discussion et cela risquait de m'être préjudiciable. Le jeune russe allait croire que je lui faisais perdre son temps et les hommes qui me contrôlaient aller me faire payer le prix fort. Je déglutis difficilement, tentant de cacher mon stress, ce qui n'était pas une mission franchement facile. Il fallait que je me détende et plus vite que cela sinon, j'allais faire une bourde. J'avais trop répété et j'avais trop en jeu pour faillir à mes obligations aussi facilement. Sous la table, je fis craquer toutes les articulations de mes doigts en attendant que le serveur que venait d'appeler le jeune homme arrive. Souriant au serveur, je dis « Un café crème s'il vous plait » La caféine n'était peut être pas la meilleure idée qui soit en ce moment même mais je n'en n'avais pas eu d'autres. Surtout que j'aurai eu l'air bien gamine avec un diabolo menthe ou violette, l'une de mes boissons préférées. Pour le moment, il fallait juste que je tente de détendre l'atmosphère et d'établir un certain lien de confiance ; on ne marchande pas avec les gens qu'on ne porte pas dans son cœur, j'étais bien placée pour le savoir. À vrai dire, je ne marchandais jamais avec personne. J'avais l'habitude de m'écraser comme une vulgaire mouche dès que les ennuis pointent le bout de leur nez. Est-ce normal ? Non, sûrement pas mais j'avais été élevé comme ça. Enfin, j'avais l'habitude de fuir les conflits et cette sale habitude n'avait pas foutu le camp avec le temps, c'était encore pire qu'avant, surtout quand je voyais ce qui était entrain de m'arriver. « Le soleil est des plus agréables en effet ! C’est lui qui vous a donné envie d’investir ? » Je déglutis difficilement, tentant de me cacher derrière un léger rire. J'avais l'air d'une potiche, d'une sale cruche et il venait de me démasquer en deux minutes montre en main. C'était insupportable mais je devais le faire, je pouvais le faire. Déboutant légèrement ma veste, je souris légèrement et dis « Oh non. Qu'il fasse beau ou non, mes collègues et moi voulons investir dans votre firme. Vous avez fait vos preuves au fil du temps et ils sembleraient qu'ils aient une entière confiance en vous » Je mettais plein de sous entendus dans mes phrases et j'étais presque fière de moi. Oui, presque, parce que j'avais l'air d'être un gros gag à moi toute seule. Je remercia le serveur qui déposa les boissons chaudes devant nous et souris au jeune russe. « Nous cherchons à diversifier nos investissements pour tout vous dire. Boite de nuit, compagnie aérienne, nous sommes un peu partout mais pas dans le milieu pharmaceutique et nous sommes plutôt friands des changements. Après tout, le plaisir est dans le changement » Venais-je réellement de citer Don Juan en plein 'rendez vous d'affaire' ? Je lui fis un large sourire avant de boire une gorgée de ma boisson. J'allais droit dans le mur mais alors vraiment droit dedans... Mes mains tremblaient légèrement et je décida donc de poser la tasse sur sa soucoupe et de poser mes mains sur mes cuisses pour qu'il ne puisse pas les voir. « Nous sommes prêts à investir des milliers de dollars. Que dis-je, des millions de dollars ! Nous avons pour habitude de voir les choses en grand » Un large sourire se dessina sur mes lèvres. J'humecte rapidement mes lèvres avant d'attendre sa réponse. Allait, sait-on jamais, peut être qu'il mordra à l'hameçon...

« J’ai fait mes preuves? Vous êtes sûre que vous parlez bien de moi ? Je ne suis pas sur le marché depuis très longtemps même si ma firme a déjà fait quelques petits miracles. » Tout en buvant une gorgée de ma boisson, je tenta de garder ma contenance et de ne pas m'étouffer. Et une bourde, une. Il fallait que je reste calme, que je continue de sourire mais surtout que je trouve quelque chose à dire pour éviter toute forme de soupçon face à ma malhonnêteté. Ici, je n'étais qu'un pion et je ne donnais vraiment pas chère de ma peau si je venais à échouer à une mission 'si simple', comme me l'avait répété mes 'supérieurs'. Passant une serviette sur mes lèvres, je pencha légèrement la tête de côté et haussa les épaules. « Faire des miracles au début est bien plus important qu'une durée de vie sans rien de bien intéressant. Nous préférons investir dans de nouvelles firmes prometteuses plutôt que dans d'anciennes qui ne font plus grand chose. Mes patrons ont une drôle de vision des choses mais je pense que l'avenir est là » Mon ton était assuré et posé ce qui m'étonnait plutôt pas mal quand on voyait l'état dans lequel j'étais, à l'intérieur. Une vraie bombe prête à exploser. Tout cela était de la folie pure et simple et je n'avais qu'une envie : quitter ce café avant qu'il ne soit trop tard. Je savais que le jeune Romanov avait été un mafieux et qu'il n'était donc pas 'blanches pattes' mais je ne pouvais pas me mettre en danger plus que je ne l'étais déjà. Il ne semblait pas porter d'armes, personnes pour le suivre alors autant profiter de mon charme et de ma facilité à parler pour l'appéter. Il me fallait un accord, un seul et c'était partit pour retrouver ma liberté, ou pas. J'avais vraiment peur qu'ils ne me laissent pas tranquilles... Dire oui une fois revient à dire oui toute sa vie, je le savais plutôt bien pour avoir vécu dix huit ans dans le monde de la drogue, de la prostitution et de la mafia mexicaine... J'avais échappé aux mauvais là haut mais ici, j'étais tombée dedans, à contre coeur. « Mais parlez moi un peu de vos collègues, mon assistante ne m’avait parlé que de vous, vous êtes finalement la déléguée de plusieurs intéressés ? » Mon discours semblait lui avoir plu puisqu'il ne s'attardait pas sur ma mini bourde mais voulait en savoir plus sur mes supérieurs et tout ce qui allait avec. Je savais ce que je devais dire et ne pas dire sur ce coup. On m'avait prévenu, le jeune russe n'allait pas signer un contrat sans en savoir plus sur moi, sur ceux qui m'employaient officieusement. « Pour tout dire, je représente les investisseurs sur le plan commercial. Ils pensent qu'une femme qui s'y connaît fait toujours bonne impression puisque ce métier semble essentiellement masculin. Quelques petits préjugés qui ne me gênent pas parce que si nous venons à signer un contrat, le nom sur la page sera le mien. Mais ne vous inquiétez pas, je suis en droit de faire signer des contrats puisque je suis ce que l'on appelle couramment la numéro deux. » Je lui fis un léger sourire et espérais qu'il allait gober cela comme on gobe un flamby ou de la gelée. Je n'avais plus beaucoup d'espoir ni de temps pour le convaincre parce que je me sentais fléchir. L'entretien et la discussion semblaient bien se passer mais, de mon côté, je me sentais mal, vraiment mal. Tous ces mensonges me rongeaient. Moi qui avait toujours vécu dans un environnement sans mensonge, j'étais perdue et déboussolée. Je devais me reprendre et vite. « Très bonne lecture à ce que je vois, j’aime la culture chez mes investisseurs, et la diversité ! » Un léger sourire se dessina sur mes lèvres. À ce moment, j'étais bien contente d'avoir un peu de culture. Bien entendu, j'avais dix huit ans de retard mais je voulais m'intégrer dans ce pays autant que possible alors bon... J'avais tenté de détendre l'atmosphère, ce qui semblait avoir marché pour le jeune homme mais à peine croisais-je son regard que j'étais déjà perdue. Un seul contact oculaire me suffisait pour être déstabilisé comme pas deux. J'étais faible et une piètre menteuse... Mon discours tenait la route mais mon corps me trahissait. Fichues émotions. L'écoutant, je ris légèrement avant de me ressaisir. « Je ne vais pas non plus vous imaginer en sous vêtements ! Il paraît que ça marche mais je ne suis pas sûre qu'ici, ce soit le cas » Autant dire, mon coco t'es un petit peu trop beau pour te ridiculiser ! « Cela ne fait pas longtemps que je suis sur le devant de la scène, on va dire et je ne m'y suis toujours pas habituée. Je préfère les bureaux où on ne croise pas grand monde, ça me rassure » Et bim, je venais de mettre les pieds dans le plats, une fois encore. Selina ou l'art d'avouer qu'elle avait peur. Posant mes mains sur la table, je les vis trembler et les planqua illico presto sous la table. Je lui fis un large sourire et dis « Je suis vraiment désolée. C'est la première fois que mon stress se voit autant » Ou pas. Mais ça, il n'était pas obligé de le savoir...