Trois mois de grossesse. Regardant mon reflet dans le miroir, je souffla légèrement. J'étais à trois petits mois de grossesse et j'étais déjà sur le point d'exploser. Pourquoi est-ce que cela arrivait à moi, grande célibataire dans l'âme qui ne se voyait pas – mais alors pas du tout – avec une famille ? J'avais l'impression de couler et pas qu'un peu. Il me restait encore trois gros mois à tenir avant de pouvoir être calme et mettre au monde ces quatre beaux bébés ? Ils allaient rester plusieurs mois en couveuse pour surveiller leur état, pour qu'ils continuent de grandir... J'avais lu quelques témoignages sur le net, des témoignages de femmes qui n'avaient pas pu voir leur enfant pendant plus d'un mois après l'accouchement parce qu'elles étaient faibles et les bébés aussi. J'avais déjà peur mais je tentais de ne rien dire. Hier, j'étais tombée sur Phoenix. Il n'était pas mort. Mon petit frère n'était pas décédé dans un accident d'avion. Je l'avais souvent maudit pour tout oublier à la maison mais là, je remerciais le bon Dieu de lui avoir donné une mémoire de poisson rouge en ce qui concernait les actes de la vie courante. J'avais tellement été sous le choc que j'avais d'abord cru que j'avais affaire à un fantôme, chose qui – étonnement – ne m'avait pas tant gêné que cela. J'avais juste besoin de voir quelqu'un que j'aimais, quelqu'un de ma famille. Vivre avec Indiana était génial mais je voyais très bien qu'elle se sentait de trop dans cette nouvelle famille qui allait arriver. Nous n'étions plus trois à l'appartement mais bientôt quatre – avec la venue de Phoenix – puis huit avec les jumeaux. Il fallait vraiment penser à déménager et même si cette idée me déchirait le cœur, je ne voyais pas d'autre solution. Il fallait une maison plus grande, beaucoup plus grande, où les jumeaux et mes deux petits frères n'auraient pas à cohabiter à quatre dans une chambre. Il fallait une maison à étage où Phoenix et Indiana pourraient dormir à un étage et les bébés à un autre, pour qu'ils ne soient pas réveillés par les cris des derniers venus. Il fallait que je pense à tout, absolument tout mais là, j'avais juste envie de sortir de la maison et de boire un coup dehors. J'avais proposé à la petite dernière de la famille d'aller boire un coup au Starbucks. Je pourrais prendre un frapuccino – sans caféine – et elle ce qu'elle voudrait. J'allais aussi – voire surtout – en profiter pour avaler la moitié de leurs gâteaux et cookies. Je bavais déjà d'avance à l'idée de manger un bon gros cookie ainsi qu'un muffin aux myrtilles. Enfilant la veste, j'attrapais mon sac à main et me pencha au dessus de l'escalier qui séparait le premier du deuxième étage. « Indi, t'es prête ? Ta grosse baleine de sœur l'est ! » Même si j'acceptais de mieux en mieux ma grossesse, j'avais toujours du mal avec mon poids. Lorsque je montais sur la balance, j'étais à deux doigts de faire une crise cardiaque alors que mon médecin me répétait que tout était normal et que j'avais le poids parfait pour ma condition. J'avais du mal à y croire, vraiment, mais Joshua m'avait fait promettre de ne pas contredire le médecin donc... Voyant ma petite sœur débarquer, je lui fis un large sourire. Qu'est-ce que mon adolescence me manquait. Je rêvais tellement d'avoir son âge, d'avoir sa pêche et sa souplesse. J'étais un vrai bout de bois maintenant alors qu'avant... entourant mon écharpe autour de mon cou, je lui fis signe de passer devant moi. Fermant la porte derrière nous, je lui souris et dis « On va aller boire un coup au Starbucks et si je m'en sens le courage on pourra aller faire quelques boutiques ? Enfin si tu veux et si tu as du temps pour ta grande soeur » Les relations avec Indiana n'avaient pas toujours été aussi parfaite que maintenant. Pendant longtemps, je l'avais laissé de côté, la considérant comme la raison même de mon mal être. Notre mère avait divorcé de notre père et, à peine le divorce prononcé, qu'elle avait déjà un bébé en route. Seulement voilà, Indiana n'y était pour rien là dedans et il n'y avait plus Arizona dans les parages... Du coup, je devais jouer à la grande sœur parfaite, à celle qui éduque plutôt que dévergonde et j'y arrivais plutôt bien. Après la réponse de la petite dernière, nous nous retrouvâmes au bas de l'immeuble. J'hélai un taxi et une large sourire se dessina lorsqu'un taxi de la ville s'arrêta devant nous deux. « J'ai toujours eu un succès fou avec les taxi ! Enfin là, je pense que c'est toi ou la taille de mon ventre qui le force à s'arrêter » Un léger rire se glissa entre mes fines lèvres. Dieu que j'aimais cette sensation...

« Oh et puis mince ! » Je soupirais profondément en relâchant finalement mais cheveux. C'était toujours la même galère, de savoir si je devais les attacher ou non. Il fallait que je commence à aller chez le coiffeur plus souvent ; mes cheveux étaient constamment en crise. De toute façon, je n'avais jamais été le genre de fille qui était à cheval sur son apparence. Bien sur que je tenais un minimum à avoir une apparence correcte, mais je n'en faisais pas non plus une affaire d'état. Et qui sait ? Peut-être que c'est aussi ce qui faisait fuir les garçons ? Cette pensée m'arracha un nouveau soupir. Je ne devais pas m'occuper l'esprit avec des choses pareils. Ça risquait simplement d'ajouter une couche supplémentaire à mes préoccupations qui étaient bien suffisantes à mon avis. En effet j'avais eu beaucoup à penser ces dernières semaines avec le départ d'Arizona, l'accident des jumeaux entre autres. Je pense que le plus difficile à supporter avait été le fait qu'Arizona s'en aille et surtout sans m'en dire un mot. Ce départ pouvait sembler insignifiant face à ce qui était arrivé aux jumeaux, Phoenix et Paris. Mais il ne fallait pas me blâmer pour ça. Je ne les connaissais qu'à peine alors que j'avais passé plus de dix années avec Arizona. Donc il était un peu normal que je sois un peu moins touchée que les autres par l'accident, même si je ne gardais de le montrer. Je ne savais pas pourquoi Arizona avait décidé de partir, ou du moins, je ne comprenais pas pourquoi. Je savais bien qu'elle n'avait pas vécu des périodes faciles depuis qu'elle était à New York. Entre sa fausse couche, la mort de son fiancé, et plein d'autres choses, elle en avait bavé. À sa place, je n'aurai peut-être même pas tenu le coup. Mais de là à m'en aller ... Je ne pense pas. Je me souvenais de ce qu'elle m'avait dit le jour où notre mère était morte ; qu'on allait rester soudées. À ce moment je m'étais dit qu'elle serait certainement la seule personne sur laquelle je pourrais compter. Mais maintenant qu'elle n'était plus là, ça n'avait plus trop de sens tout ça. Peut être que j'étais un peu trop dure avec elle, mais j'étais assez rancunière de nature.

À présent, c'était plus sur Ella que je comptais. Nos relations n'avaient pas été très faciles au début mais aujourd'hui, c'était comme si cette période n'avait pas existé. Il y avait quelques heures, elle m'avait proposé d'aller boire un coup au starbuck. Ce que j'avais bien sûre accepté ; j'allais pouvoir passer un moment en compagnie de ma sœur. « Indi, t'es prête ? Ta grosse baleine de sœur l'est ! » J'eus un petit sourire en l'entendant avant de lever les yeux au ciel. Décidément, elle n'allait jamais arrêter de plaisanter sur son poids. Mais c'était ça que d'être enceinte après tout. « J'suis prête. J'arrive ! » En effet, j'enfilais très rapidement ses chaussures, me regardais rapidement dans la glace avant de dévaler les escaliers pour me retrouver devant Ella. Je réajustais mon écharpe. « Tu devrais arrêter de faire une fixette sur ton poids. Je t'assure que tu es loin de ressembler à un baleine. Ou au pire, tu es une ravissante baleine.» Je lui adressais un clin d'œil en riant. Une fois ne nous étions sortis de la maison, Ella referma la porte derrière nous. « On va aller boire un coup au Starbucks et si je m'en sens le courage on pourra aller faire quelques boutiques ? Enfin si tu veux et si tu as du temps pour ta grande soeur » Je lui adressais un sourire. « Il me semble que je n'ai rien de mieux à faire donc je suis partante. » dis-je sur un ton désolé,plus pour moi-même qu'autre chose. Et peut-être même que ça me donnerait l'occasion de mettre du neuf dans ma garde-robe, qui à mon avis en avait grand besoin. Je laissai ensuite le soin à Ella d'arrêter un taxi, et on en trouva bien vite un. Je levai les yeux au ciel en entendant ce que venait de dire ma soeur. « En tout cas, je peux dire que ta grossesse n'affecte en rien ton humour. Ce qui est quand même une bonne chose. » Je me glissais ensuite dans le taxi après Ella.

Avec Indiana, tout n'avait pas été aussi facile qu'au jour d'aujourd'hui... Je devais l'avouer, notre relation avait plutôt mal débuté. Ma mère nous avait quitté pour retourner en Asutralie et avait eu Indiana quelques temps après. La plus part de la famille avait déjà eu du mal à accepter le départ de notre mère – sans compter que Paris et Phoenix étaient encore très jeunes à l'époque – et l'arrivée de la petite Thomson n'avait rien arrangé mais alors absolument rien. Je me souvenais encore d'Arizona qui me disait de faire un effort, de l'accepter et de lui laisser une place dans notre famille. Seulement, je n'avais jamais fais cet effort jusqu'il y a peu. Avec le départ de ma jumelle, la petite dernière se retrouvait sans repère et moi, j'étais plus que dépaysée de cette absence. L'une comme l'autre, nous avions du combler le vide, l'absence et la douleur que laissait Arizona. En un rien de temps, nous avions créé des liens qui auraient rendu notre mère heureuse. Je m'en voulais presque d'avoir été une idiote pendant tellement de temps. Elle n'y était pour rien après tout. Attendant en bas des escaliers, je me demandais à quoi allait ressembler notre après-midi. C'était la première fois depuis bien longtemps que j'allais quitter l'appartement et profiter du temps et de tout ce qui allait avec. Je n'avais plus qu'une envie : laisser le soleil me chatouiller le visage et respirer l'air – pollué – de New York. C'était sans compté que j'avais une grande nouvelle à annoncer à la petite dernière. Phoenix était de retour. Notre frangin n'était pas décédé dans un accident d'avion. Il avait juste perdu la mémoire, tout oublié, jusqu'à son arrivée à New York où, petit à petit, tout lui était revenu. J'avais hâte de lui raconter tout ce qui s'était passer la veille mais, en même temps, j'avais peur qu'elle me prenne pour une folle. Il avait quitté l'appartement avant que quiconque rentre du boulot (ou des cours) et j'étais donc la seule à l'avoir vu en chair et en os. « J'suis prête. J'arrive ! » Un léger sourire se dessina sur mes lèvres. J'espérais vraiment que tout se passerait bien cette après-midi. La jeune femme le savait bien, il ne fallait pas que je fasse trop d'efforts, que j'ai à faire avec trop de stress et d'émotions. Tout devait être mesuré pour éviter une mauvaise surprise. Je n'avais guère envie que la jeune femme se dépêche de composer le numéro des urgences, surtout si nous restions dans le quartier... Si Joshua venait avec les pompiers, j'étais consignée jusqu'à ce que les quadruplés naissent et ça, franchement, merci mais non merci. Je ne me voyais vraiment pas rester encore trois à quatre mois enfermés entre ces quatre murs. J'avais une pile de DVD, de magasines mais je m'ennuyais à mourir, autant le dire. « Tu devrais arrêter de faire une fixette sur ton poids. Je t'assure que tu es loin de ressembler à un baleine. Ou au pire, tu es une ravissante baleine.» Un large sourire prit possession de mes lèvres et un léger – et timide – « Merci » s'échappa. Je n'avais vraiment pas l'habitude de voir un tel chiffre s'inscrire sur la balance et je devais l'avouer, je n'aimais pas cela. Bien entendu, cette prise de poids était temporaire mais j'avais peur de la gueule de mon ventre après la grossesse. Le sport et les massages revitalisants risquaient de devenir mes meilleurs amis une fois les quatre bébés au monde. Joshua allait détester cette idée, 'aimant' mon corps de jeune maman mais ce n'était pas mon cas. « Il me semble que je n'ai rien de mieux à faire donc je suis partante. » Etrangement, cela me rassurait amplement et ne me gênait guère. En temps normal, j'aurai sûrement été 'désolée' pour elle, j'aurai cherché à lui trouver une occupation mais là, je me fichais bien qu'elle soit seule ! Et puis, elle ne l'était pas, elle était avec moi. Bon, pour faire les boutiques, il y avait toujours mieux qu'une femme enceinte mais personne n'aurait le même avis que moi sur les tenues qu'elle allait choisir, ça c'était sûre. Lui offrant un sourire franc, j'entrai rapidement dans le taxi, suivit e près par Indiana. Lui indiquant une rue marchande que je connaissais pour l'ombre qu'elle prodiguait grâce aux devantures de magasins, je me tourna vers ma soeurette et lui souris, une fois encore. « Alors mon Indi, j'ai deux petites choses à t'annoncer... Premièrement, nous allons bientôt déménager je pense et si on ne peut pas se permettre de déménager avant la naissance des quadruplés, ça se fera après. Je doute pouvoir enchaîner les visites en fait... Mais ne t'inquiète pas, tu auras ta chambre pour toi toute seule, ça, ça ne change pas » Je ne me voyais pas lui imposer de dormir avec les bébés, loin de là même. Si nous déménagions, c'était pour trouver un logement plein pieds mais aussi – voire surtout – quatre voire cinq chambres. Me raclant légèrement la gorge, je pris sa main dans la mienne et dis « Je veux que tu saches et sois consciente que rien ni personne ne gâchera ce qu'on a d'accord ? Certes il va y avoir quatre bébés d'un coup d'un seul mais cela ne changera rien à notre relation, d'accord ? » Je n'avais guère envie qu'elle se sente mise de côté une fois encore. Elle avait déjà du subir un abandon avec Arizona, je ne me voyais pas lui en imposer un nouveau. J'allais juste devoir organiser mon temps différemment mais Joshua serait là, Indiana aussi, ainsi que Phoenix et peut être une nourrice ou deux... J'allais être à la tête d'une petite entreprise et ça, c'était plutôt effrayant...