Une fois n’est pas coutume, la soirée avait été plus que parfaite. Cela faisait une éternité que Lindsay et Serena n’avaient pas eu l’occasion de se retrouver en tête à tête afin de discuter entre sœurs. Ces instants de complicité, l’aînée des Livingston les recherchait activement depuis toujours. Passer du temps avec Lindsay avait toujours fait partie de ses priorités mais ces derniers temps, leur relation fusionnelle avait eu tendance à s’estomper peu à peu. Serena mettait cela sur le compte de son manque évident de disponibilité. Il faut dire qu’entre sa rupture avec Vit’, son déménagement, ses responsabilités et tout le boulot qu’elle devait accomplir, elle n’avait plus vraiment de temps à consacrer aux autres. Même Vin, son meilleur ami, lui avait fait remarquer qu’elle en faisait trop et qu’il serait bon pour elle de lâcher prise. Suivant ses conseils à la lettre le temps d’un soir, la jeune femme avait donc décidé de ralentir l’allure et de se consacrer pleinement à Lindsay. C’était toujours aussi surprenant de constater à quel point elles parvenaient à redevenir complices en un rien de temps. Les deux sœurs avaient passé la soirée au restaurant, elles n’avaient eu de cesse de rire, de se raconter des anecdotes croustillantes et hilarantes tout en évoquant des souvenirs qui n’appartenaient qu’à elles, se rappelant par la même occasion à quel point elles tenaient l’une à l’autre. A plusieurs reprises, Serena avait été tentée de lui confier un secret sans pour autant pouvoir s’y résoudre. Non, ce n’était pas correct, elle le savait. Ce n’était pas à Lindsay de l’apprendre en premier. Pourtant, c’est avec elle que Serena avait envie de partager son bonheur, ses doutes, ses craintes, sa joie … bref, toutes ces émotions qui s’emparaient d’elle depuis plusieurs jours.

Désormais sur le chemin du retour, les deux sœurs continuaient leur petite conversation, toujours dans la joie et la bonne humeur. « Je t’assure Linou, on devrait vraiment s’accorder davantage de temps rien que toutes les deux. Pour ma part, j’ai vraiment passé une super soirée. Ca faisait longtemps que nous n’avions pas discuté comme ça…» Quittant la route des yeux un court instant, Serena adressa un sourire complice à sa petite sœur. Elle savait qu’elle se montrait toujours trop maternelle avec Lindsay, mais c’était dans sa nature d’agir ainsi. Elle avait toujours eu besoin de la protéger, de l’aimer et de prendre soin d’elle. Serena n’allait certainement pas changer du jour au lendemain. « On pourrait remettre ça la semaine prochaine, qu’en dis-tu ? » C’était une bonne idée selon elle. Serena n’avait pas envie d’attendre encore une éternité avant de s’octroyer du temps avec sa sœur. Et puis, peut-être que d’ici la semaine suivante elle pourrait enfin lui confier son petit secret. Bon sang, ça la démangeait vraiment de ne pas pouvoir le lui dire !! Enfin bon ! Serena devait prendre son mal en patience durant un certain temps. « Le mois prochain j’ai l’intention de prendre quelques jours de congés. Je crois que je me suis un peu trop laissée déborder par le boulot ces derniers temps. En fait, j’ai bossé comme une dingue pour que la promotion du livre de Vit’ soit un succès. Je voulais que tout soit parfait et ça l’est. Je suis vraiment fière du résultat. Sauf que j’ai fini par m’oublier dans l’équation et je pense avoir besoin d’un peu de repos. Vin n’arrête pas de me répéter que j’en fais trop. Du coup, j’ai décidé de m’accorder un peu de bon temps. On pourrait … je sais pas moi, partir quelques jours entre filles ? Ca pourrait être sympa, non ?»

En mettant leur distance sur le compte de ses propres préoccupations, Serena s’éloignait clairement du véritable problème. Comment aurait-elle pu imaginer une seule seconde que Lindsay entretenait une liaison avec Vitaly ? C’était tout bonnement impensable et l’idée ne lui avait jamais traversé l’esprit. Sa bonne humeur du jour n’était donc pas une façade, bien au contraire. Serena était ravie de pouvoir enfin rattraper le temps perdu même si ce n’était pas la seule chose susceptible de justifier son enthousiasme. En réalité, cela faisant longtemps que l’éditrice ne s’était pas sentie aussi bien dans sa peau. Elle avait désormais mille et une raisons d’être heureuse même si, hélas, elle ne pouvait pas encore partager son bonheur avec Lindsay. Rien ne semblait pouvoir ternir sa bonne humeur tant et si bien qu’elle anticipait déjà une nouvelle soirée en compagnie de la plus jeune de la famille. « J’en dis que c’est une très bonne idée ! Vendredi soir ? Ou samedi ? » Qu’importe, du moment qu’elles prévoyaient de se revoir la semaine suivante, Serena n’était pas bien difficile. Elle espérait juste disposer d’une soirée dans le week-end qui lui permettrait de voir Vit’ … Finalement, les deux sœurs partageaient un même secret sans le savoir : elles voyaient Vitaly de façon totalement clandestine et se cachait mutuellement l’information. Comme quoi, elles avaient bien plus de choses en commun qu’elles ne l’imaginaient. « C’est à voir en fonction de tes projets. Tu n’auras qu’à me dire quel est le soir qui te convient le plus et j’adapterai mon emploi du temps.» Il est vrai que Serena était toujours débordée par le travail. Ce n’était pas une mauvaise chose car elle était véritablement passionnée par son boulot mais elle avait conscience qu’elle allait devoir ralentir la cadence dans les mois à venir. C’est ce qui la préoccupait le plus ; il fallait qu’elle travaille sur les contrats les plus importants tant qu’elle était encore capable de tenir un rythme soutenu. Loin d’être découragée par tout cela, la jeune femme était au contraire terriblement excitée par sa future nouvelle vie. « Vin a raison, tu sais… Et prendre quelques jours de congés te fera certainement le plus grand bien ! Et je ne suis pas contre l’idée de venir avec toi… Bien au contraire ! Mais je ne pourrais sans doute pas rester bien longtemps,  on a des partiels à la rentrée et j’ai prévu de voir quelques amies pour réviser ensemble... » Ah oui, les partiels ! Il fallait vraiment que Lindsay mette un point d’honneur à réussir son année. C’était carrément plus important que de passer quelques jours entre filles. « Ne t’en fais pas, je comprends parfaitement. Tes études doivent passer en priorité, je te l’ai toujours dit. D’ailleurs, si tu as besoin d’un coup de main pour tes révisions, tu peux compter sur moi. Même si j’imagine qu’il te sera plus plaisant de réviser avec tes amies.» Ou son ami … Serena était pleinement conscience qu’il y avait probablement quelqu’un dans la vie de sa petite sœur mais elle ne souhaitait pas l’embarrasser avec ce genre de questions. Tout comme elle, Lindsay s’était toujours montrée d’une extrême discrétion sur le sujet et Serena respectait cela. Elle se disait que si Lin’ souhaitait se confier à elle, elle le ferait de son plein gré. La jeune femme freina en arrivant au feu rouge. Quelle idée de passer par cet endroit désert ! Ce n’était pourtant pas la route qu’elle empruntait habituellement mais à cause des travaux, Serena avait préférait opter pour un autre chemin. Qu’importe, elles n’étaient plus très loin désormais.   « Attends, je vais te dire quand je serais dispo… »

Le feu repassa au vert, la voiture redémarra et durant un quart de seconde, Serena détourna le regard vers sa petite sœur. « Lin’, tu sais que je n’aime pas quand tu enlèves ta ceinture !» Et oui ! Il fallait s’attendre à ce que Serena lui fasse ce genre de remontrances. Elle était pire que Katherine ! « Hey, tu m’écoutes ? » Le regard rivé sur la route, elle ignorait totalement ce que sa sœur trafiquait à l’arrière de la voiture. A peine eut-elle prononcé sa question qu’elle réalisa ce qui était sur le point de se passer… cela dura le quart d’une fraction de seconde … même avec toute la volonté du monde, Serena n’aurait jamais eu le temps d’éviter la collision. Le choc fut d’une violence incroyable. Lorsqu’elle retrouva ses esprits, Serena avait l’impression d’avoir la tête dans du coton. Sentant une douleur lancinante sur son front, elle y porta sa main et sentit aussitôt une matière chaude et visqueuse recouvrir ses doigts. Ils étaient couverts de sang. Totalement déboussolée, il lui fallut un instant pour comprendre … et la réaction fut alors immédiate. « Lin’ ?!! LIN ?!!!!!! » Serena tenta de se dégager de sa ceinture mais celle-ci était fermement coincée. La jeune femme se débattit durant plusieurs secondes avant d’en venir à bout. Tous ses membres semblaient faits de verre et la douleur, incomparable, semblait se propager à tout son corps. « Oh mon dieu … non … » Une vision d’horreur lui sauta alors aux yeux. Faisant fi de la douleur, Serena s’extirpa de la voiture qui n’était plus qu’un vulgaire tas de taule et observa sa sœur donc le corps avait en grande partie traversé le pare-brise. « LINDSAY !! » En pleurs, Serena tira sa petite sœur afin de la dégager des débris de verre et de taule froissée pour l’allonger sur le sol. Paniquée, elle regarda autour d’elle et se mit à crier. « AIDEZ-MOI S’IL VOUS PLAIT !!!!» Mais elle était seule … seule avec Lindsay. « T’en fais pas mon cœur, ça va aller … ça va aller, je te le promets.» Les mains tremblantes et couvertes de sang (d’ailleurs, était-ce le sien ou celui de Lindsay ?), Serena attrapa son téléphone portable et composa le numéro des urgences. Fort heureusement, la personne à l’autre bout du fil fit preuve d’un calme contagieux, si bien que Serena parvint un tant soit peu à canaliser sa panique. Les secours devaient arriver en moins de deux minutes lui avait-on assuré. Demeurant près du corps de sa sœur, Serena sentit les larmes couler à nouveau.« Linou, je t’en prie, réveille-toi chérie … je t’en supplie.»

Le temps qui s’écoulait semblait s’étirer en d’interminables secondes durant lesquelles Serena se sentait totalement impuissante. Encore sous le choc de l’accident qui venait de se produire, elle ne prêta nullement attention à ses propres blessures afin de se focaliser entièrement sur celles de Lindsay. La voir dans un tel état était insupportable et Serena ne pouvait s’empêcher de culpabiliser quand bien même n’était-elle pas responsable de cet accident. Depuis que Lin’ était venue au monde, Serena avait toujours veillé sur elle avec une ferveur incroyable. Pour la première fois de sa vie, elle avait l’impression d’avoir manqué à son devoir. Si jamais les blessures de sa petite sœur étaient trop importantes, il semble évident que l’éditrice ne pourrait jamais se le pardonner. « Serena… Qu’est-ce… qu’il s’est… passé ? » Aussitôt, Serena se sentit renaitre, bien trop soulagée de constater que sa petite sœur était en train de retrouver ses esprits. Même si elle tâcha de lui sourire pour tenter de dédramatiser un tout petit peu la situation, ce qui n’était pas chose aisée, elle ne fut pas en mesure de répondre à sa question. « J’en sais rien … je crois qu’une voiture est venue percuter la nôtre … le chauffeur a certainement grillé le feu rouge mais …» Serena secoua doucement sa tête de droite à gauche, semblant ne pas comprendre. Le chauffard avait pris la fuite et étant donné qu’elle avait perdu connaissance, elle n’était pas capable de lui apporter davantage de détails sur l’accident. « Mon poignet… » Délicatement, Serena posa une main sur l’avant-bras de Lindsay afin qu’elle ne bouge pas et n’accentue pas sa douleur, tandis qu’elle caressait doucement ses cheveux de l’autre. « Ca va aller mon coeur, ne t’en fais pas. Les secours ne devraient pas tarder à arriver mais il ne faut pas que tu bouges, d’accord ? » Elle avait entendu dire qu’en cas d’accident, il ne fallait surtout pas toucher aux victimes afin de ne pas aggraver les éventuelles blessures internes. En voyant sa petite sœur au travers du pare-brise, elle n’avait pas songé à cela et s’était empressée de la tirer des débris de verre et autres éclats de taule. Au loin, Serena entendit la sirène des pompiers. Dieu merci, son interlocutrice avait dit vrai. « Et toi… ca va ?? » Excellente question … « Je crois que oui … » Elle n’allait pas inquiéter Lindsay avec ses propres blessures. En réalité, elle avait mal un peu partout et tout comme sa petite sœur, se retrouvait désormais avec bon nombre de blessures superficielles un peu partout sur le corps. Encore sous l’effet de l’adrénaline, elle ne réalisait pas vraiment que son front était ouvert. Il y avait également cette douleur lancinante qui se propageait dans tout son être qui n’avait de cesse de lui rappeler à quel point le choc avait été violent. Et puis … naturellement elle pensait à son état. La collision avait été d’une telle violence qu’elle ne pouvait s’empêcher de redouter le pire.

Les secours arrivèrent sur place et aussitôt, plusieurs personnes vinrent à leur rencontre afin de les prendre en charge. Si Serena était capable de marcher, elle n’en demeurait pas moins totalement sonnée par l’accident. Quant à Lindsay, on la transporta sur une civière en direction de l’hôpital le plus proche. Comme il lui était totalement impensable de laisser sa petite sœur toute seule, Serena monta avec elle à l’arrière de l’ambulance et lui prit doucement la main. « « T’en fais pas, je vais rester avec toi…» Elle lui adressa un sourire rassurant et bienveillant avant de déposer un baiser sur son front. Lindsay aurait aussi bien pu être sa fille tant son comportement était maternant, protecteur et aimant. A leur arrivée à l’hôpital, la plus jeune fut transportée pour subir quelques examens et Serena fut conduite à un médecin qui constata qu’elle avait besoin de quelques points de suture. L’éditrice en profita pour lui faire part de ses craintes concernant son état et elle fut alors amenée à subir à son tour une batterie d’examens. Une heure plus tard, elle alla rejoindre Lindsay dans sa chambre. La première chose qu’elle remarqua fut son poignet bandé et sa petite mine. « Je viens de voir le médecin. Il dit que tu n’as rien en dehors de cette vilaine fracture et de quelques coupures superficielles. Ca aurait pu être beaucoup plus grave que ça, tu reviens de loin. J’ai téléphoné à maman … » Comme il fallait s’y attendre, Katherine n’allait plus tarder à arriver. Serena vint s’asseoir au bord du lit de sa sœur et caressa de nouveau ses cheveux. « Je suis désolée … j’aurais dû voir cette voiture, tout comme je n’aurais pas dû redémarrer alors que tu venais de détacher ta ceinture. Je t’aime tellement Lin’ … je ne me le pardonnerais jamais s’il devait t’arriver quoi que ce soit par ma faute.»

« Et toi ? Rien de grave ? » Non, juste quelques points de suture et des égratignures un peu partout. En dehors de ça, Serena n’avait vraiment pas à se plaindre. Elle était en pleine forme. « Je suis encore un peu secouée mais je vais bien, ne t’en fais pas. » Au regard de l’accident qui venait de se produire, la situation aurait pu être dramatique et la jeune femme en avait pleinement conscience. Fort heureusement, elles venaient d’échapper au pire. « Dis-moi… C’était quoi ces analyses que j’ai vu dans ton sac ? … Tu es … enceinte ? » Et merde …  Hésitante, Serena fixa sa petite sœur et éluda la question en passant à autre chose. C’était uniquement un moyen de se donner quelques secondes afin de réfléchir à la manière de lui annoncer la nouvelle. Malheureusement, elle semblait contrainte de lui en dire davantage puisque Lindsay avait trouvé ses résultats d’analyse. Serena ne tenait pas à lui cacher cette information, disons juste qu’elle aurait préféré l’annoncer à Vitaly en premier, ce qui semblait normal. « Arrête ! Tu n’y es pour rien… Vraiment.. Ce n’est pas de ta faute Serena. Ne culpabilise pas pour ça… Puis je vais bien, rassures-toi… » Oui et cela relevait presque du miracle ! L’accident aurait pu être beaucoup plus dramatique et Serena en avait pleinement conscience. Doucement, elle serra la main de sa petite sœur tout en esquissant un léger sourire, à la fois tendre et rassurant. « Je sais, mais tu ne m’empêcheras jamais de m’inquiéter pour toi. Ce malade a bien failli nous tuer.»  D’ailleurs, cette affaire n’allait pas en rester là. Le chauffard avait pris la fuite mais les enquêteurs allaient certainement finir par lui mettre la main dessus. Quant à sa voiture et bien, elle n’avait plus qu’à en racheter une nouvelle.

Soupirant doucement, Serena remit une mèche de ses cheveux blonds en arrière et croisa de nouveau le regard de Lindsay, se décidant enfin à lui dire toute la vérité. « Ça parait dingue, je sais.» Aucun doute, elle faisait clairement allusion à son état. Elle n’avait nullement prémédité le fait de tomber enceinte, d’autant que la situation actuelle ne s’y prêtait guère … c’était arrivé, voilà tout. « Moi-même j’ai eu beaucoup de mal à y croire. C’est la raison pour laquelle j’ai fait ces analyses. Il n’y a aucun doute, je suis bel et bien enceinte. » Sa voix, toujours aussi calme et posée, semblait à la fois teintée d’excitation et de culpabilité. Elle n’avait rien dit à Lindsay concernant Vit’ et le fait qu’ils s’étaient revus. D’ordinaire, Serena se confiait beaucoup à sa sœur mais là, sans réellement savoir pourquoi, elle ne l’avait pas fait. Peut-être parce-que ce qu’ils avaient vécu était tellement incroyable qu’elle tenait à le garder pour elle, tel un jardin secret qu’elle tenait à protéger du monde extérieur. Quant à sa grossesse et bien, elle attendait d’abord de voir Vit’ avant d’annoncer la nouvelle au reste de la famille. « Ecoute Lin’, si je ne t’en ai pas parlé c’est parce-que personne n’est encore au courant. J’ai reçu les résultats ce matin et j’attendais d’en parler avec Vitaly avant de te l’annoncer. Il est tellement occupé en ce moment, que je n’ai pas encore eu le temps de le faire. Lui dire ça par téléphone, c’est pas trop mon truc. » Non, elle tenait à le voir en personne afin qu’ils puissent en discuter ensemble.  « Je compte sur toi pour ne rien dire à maman ou à qui que ce soit d’autre. J’veux pas que ça se sache avant que Vit’ soit au courant. » La question de savoir si Serena allait ou non garder ce bébé ne se posait même pas. L’idée d’y renoncer ne lui avait jamais traversé l’esprit. « Je ne te cache pas que c’est sa réaction qui m’effraie le plus.»

« Mais... alors vous vous êtes revus… depuis votre séparation ? Je suppose que c’est là où… tu es tombée enceinte ? » Si la jeune femme poussa un long soupir, elle ne répondit pas immédiatement. Il faut dire qu’au cours des dernières semaines, elle avait pris soin de cacher sa relation avec Vitaly aux yeux de tous. Elle aimait cette vie clandestine et l’intensité qui en découlait. Chaque fois qu’ils se retrouvaient, ils s’enfermaient dans une bulle hermétique, comme coupés du monde. Des instants volés au temps et qui n’appartenaient qu’à eux. Serena ne souhaitait pas partager cela avec quiconque, pas même avec sa sœur. C’était pour ainsi dire, leur paradis perdu. Sans compter que depuis leurs retrouvailles, leur relation était vraiment … parfaite. Ils vivaient l’instant présent et faisaient preuve d’une authenticité bouleversante. Tandis qu’elle fixait longuement sa petite sœur, un léger sourire eut finalement raison d’elle et de son bonheur. Serena ne pouvait décemment pas lui cacher cette horde d’émotions fulgurantes qui déferlaient en elle depuis plusieurs semaines. « Dire que nous nous sommes simplement revus est assez réducteur en réalité. Vit’ et moi on … enfin … je ne peux même pas décrire ce qui se passe entre nous. Ca va au-delà des mots et de tout ce qu’il est possible d’imaginer.» Un mélange incroyable de douceur, de tendresse et d’amour fusait de ses paroles, de son timbre de voix et se reflétait dans ses prunelles brillantes. Le simple fait de songer à Vitaly la mettait dans un état second, chose qu’elle n’avait jamais éprouvé auparavant. Du moins, pas aussi intensément. C’était incroyable. « On se revoit assez fréquemment … il a un double des clés de mon appartement. Mes excuses concernant le boulot sont généralement liées à Vitaly. » Quand elle faisait croire qu’elle devait plancher sur un dossier ou une correction de manuscrit durant toute une soirée, c’est qu’elle était avec lui. C’est un peu ce qui s’était passé la semaine précédente lorsque Katherine l’avait convié à un repas de famille des plus ennuyeux. Choisir entre les frasques de la famille Livingston au complet ou bien une nuit dans les bras de Vit’ était vite vu. Comment Serena aurait-elle pu deviner que ses aveux allaient totalement chambouler sa petite sœur ? Toutes ces révélations partaient pourtant d’un bon sentiment ; celui de lui faire partager sa joie et son bonheur. « Je sais que j’ai souvent parlé de mon désir d’avoir un bébé mais … c’était vraiment pas prémédité.» Elle esquissa un nouveau sourire qui s’estompa doucement tandis qu’elle essayait d’anticiper la réaction de Vitaly. Serena ne savait pas trop à quoi s’attendre.

Cela ne faisait que quelques heures que Serena avait appris la nouvelle et déjà, elle rayonnait. Il faut dire que sa vie était particulièrement merveilleuse depuis quelques semaines et l’arrivée de ce bébé était pour ainsi dire, la cerise sur le gâteau. Même si elle redoutait la réaction de Vitaly qui avait toujours exprimé clairement son refus de fonder une famille, elle savait qu’elle ne renoncerait jamais à ce bébé. L’idée n’était pas envisageable un seul instant. Dans quelques mois, elle serait maman. A cette idée, ses yeux pétillaient de bonheur et malgré la pâleur de son visage, une sorte de beauté nouvelle se dégageait de ses traits. Oui, elle était heureuse. Et partager cela avec Lindsay était absolument merveilleux. « Je… je suis ravie pour toi… c’est formidable ! Et pour … le bébé… je suis sûre que tout se passera bien avec Vitaly… » Oh, oh … disons que cela aurait dû être merveilleux. Ne comprenant pas ce qui lui valait cette soudaine réaction de la part de Lin’ – et ne la mettant absolument pas sur le compte de cette nouvelle – Serena se rapprocha de sa petite sœur et s’installa sur le bord du lit. « Hey … qu’est-ce qui se passe mon cœur ? Tu sais que tu peux tout me dire … Tu as mal quelque part ? Tu veux que j’appelle un médecin ?» Automatiquement, Serena regarda vers la porte de la chambre. Toutefois, elle savait au fond d’elle-même que le problème de sa sœur n’était pas d’ordre physique. Quelque chose semblait profondément la chagriner et Serena se noyait dans son incompréhension. « Linou … j’aime pas quand tu arbores cette petite mine toute tristounette. J’espère que ce n’est pas l’idée de devenir marraine dans un future proche qui te met dans un tel état.» Si seulement Serena savait à quel point son ironique remarque était déplacée !! Bien sûr que c’était ça le problème !! Hélas, elle n’était pas en mesure de s’en apercevoir.

« S’il y a bien une chose dont je suis certaine, c’est que je t’aime à un point inimaginable tant et si bien que je suis malheureuse si tu l’es également… j’aimerais vraiment comprendre ce qui ne va pas Lin’ … mais pour ça, il faut que tu me donnes un coup de main.» Doucement, elle posa sa main sur celle de sa petite sœur. Serena avait remarqué le changement d’attitude de Lin’ depuis quelques mois. Rien d’alarmant, mais suffisamment pour qu’elle se pose des questions. Elle avait d’abord pensé que Lin’ voyait quelqu’un … sentiment qui s’était confirmé au fil du temps tandis qu’elle voyait sa petite sœur de plus en plus radieuse. Jusqu’à ce soir … Peut-être que le fait de parler de Vitaly lui avait fait songer à son propre … copain ? Peut-être que les choses n’allaient pas bien entre eux ? Serena estimait qu’il était peut-être temps d’en discuter, non ? Ou pas … allez savoir. « Lindsay, je ne suis pas dupe. J’ai parfaitement remarqué ton changement d’attitude au cours des derniers mois. Je n’ai pas voulu t’en parler parce-que j’estimais que c’était à toi de faire le premier pas si tu en éprouvais l’envie. Moi non plus je n’ai jamais aimé parler de mes relations amoureuses. D’ailleurs, tu es bien placée pour savoir qu’en dehors de Vitaly, vous n’avez jamais rencontré personne papa, maman et toi. Mais j’ai connu certaines situations avec les hommes … dont j’aurais aimé pouvoir parler avec quelqu’un… me confier.» Là, elle faisait clairement allusion à tout ce qu’elle avait vécu à Londres et dont elle n’avait jamais parlé à personne. Si comme Lin’, elle avait eu une grande sœur à qui exposer ses problèmes, Serena n’aurait probablement pas hésité. « Alors si jamais tu souhaites qu’on … qu’on en parle…»

« Merci Serena, mais ne te fais pas de soucis pour moi… C’est juste que te voir si heureuse, si rayonnante, me renvois à ma propre situation, à mon célibat… Je crois qu’il y a en moi une petite pointe de jalousie à la vue de tout ce bonheur… » Devait-elle y croire ? Hum… pas sûr. Serena observa sa petite sœur sans réellement comprendre. Lindsay n’était pas du genre à jalouser sa situation, encore moins au regard de leur différence d’âge et de leurs préoccupations respectives. Et depuis quand son célibat lui pesait-il autant sur les épaules ? Vraiment, il y avait quelque chose de pas clair dans cette histoire. Mais soit ! Serena n’aimait pas se montrer intrusive et il était totalement hors de question qu’elle mitraille sa petite sœur de questions indiscrètes si celle-ci refusait de lui parler. « Tout n’est pas si simple, tu sais. » Heureusement, Serena savait garder la tête sur les épaules et savait son état d’euphorie n’était que passager. La réalité allait bien vite reprendre le dessus et une fois encore, elle allait certainement s’apercevoir qu’elle s’était bercée de douces illusions. Mais ainsi va la vie. « Maman est au courant ? Enfin, j’veux dire, pour toi et Vit’ ? Ca expliquerait certains sous-entendus et certaines réactions… » Comme quoi ? Aussitôt, Serena songea à la visite imprévue de Katherine le soir de ses retrouvailles avec Vitaly. Elle avait alors eu l’audace d’émettre quelques remarques inappropriées que la jeune femme avait trouvées particulièrement déplacées. Du moins, ce n’est pas le genre de choses que l’on aime entendre dans la bouche de sa mère. « Elle est passée un soir à la maison et Vitaly était également présent. Mais … à quels sous-entendus fais-tu allusion, exactement ?» La jeune femme aurait volontiers raconté à Lindsay à quel point elle avait trouvé leur mère étrange en présence de Vitaly mais elle jugea bien vite que ce serait déplacé. Après tout, elle s’était probablement fait des idées concernant les remarques de sa mère. Katherine ne pouvait décemment pas avoir des vues sur Vit’. Eurk… Serena chassa bien vite ces pensées de son esprit et haussa les épaules. « Je ne sais pas trop comment elle va réagir en apprenant qu’elle sera bientôt grand-mère. Papa va être aux anges, c’est certain. Depuis le temps qu’il me répète qu’il a hâte de m’entendre lui annoncer la nouvelle…»

A force de la voir se mêler de sa vie privée, Serena allait véritablement finir par se faire des idées concernant sa mère et l’intérêt qu’elle portait soudainement à Vitaly. Il y avait quelque chose de profondément étrange là-dessous, quelque chose que la jeune femme n’appréciait pas vraiment. A vrai dire, Serena n’avait pas vraiment l’habitude que Katherine lui porte autant d’attention. Un tel revirement de situation était donc extrêmement surprenant. Mais soit ! Peut-être cherchait-elle simplement à rattraper le temps perdu, allez savoir. « Rien de bien méchant… Elle a juste sous-entendu que votre séparation n’était peut-être pas définitive, du moins qu’elle l’espérait fortement… Et avait l’air d’apprécier tout particulièrement Vitaly. Je n’avais d’ailleurs jamais remarqué qu’elle lui portait autant d’intérêt… » Cette fois-ci, c’était officiel : il y avait vraiment quelque chose d’anormal dans le comportement de sa mère. Bizarrement, Lindsay semblait avoir eu la même impression qu’elle. Serena ne se souvenait pas que sa mère appréciait autant Vitaly. En fait, Serena était même persuadée qu’elle ne l’aimait pas outre mesure. Non pas parce qu’il ne correspondait pas aux critères du gendre idéal mais tout simplement car il plaisait à Serena. Fut un temps où la mère et la fille étaient en perpétuelle opposition … alors forcément, si un homme plaisait à Serena, il déplaisait obligatoirement à Katherine et inversement. « C’est amusant que tu soulèves ce point car je me suis fait la même remarque… je trouve que son soudain intérêt pour Vitaly est assez surprenant. Quand elle est venue à la maison elle … enfin, j’ai trouvé son comportement étrange. Elle semblait beaucoup l’apprécier. » Et pas au sens intellectuel du terme mais plutôt physiquement parlant. Mon dieu que c’était répugnant !!

Puisque Katherine était au centre de la conversation, Serena se demanda comment sa mère allait réagir en apprenant sa grossesse. Pour sûr, elle allait avoir l’impression de prendre un sacré coup de vieux. Elle faisait partie de ces femmes modernes prêtes à tout pour conserver leur jeunesse. N’allons pas jusqu’à dire qu’elle aurait pu passer sur le billard histoire de se faire tirer la peau dans tous les sens mais elle aimait se montrer sous son meilleur jour quoi qu’il advienne. En même temps, ce n’était pas bien difficile car à l’instar de ses deux filles, elle était une femme très élégante et toujours aussi ravissante pour son âge. « Je suis sûre que maman sera ravie… La famille qui s’agrandit, ce n’est pas rien tout de même ! Non, vraiment, rassures toi, je suis sûre qu’elle sera elle aussi aux anges ! » Ou pas. Si jamais Vitaly refusait de s’impliquer dans la vie de ce bébé, Katherine allait sans doute se faire un plaisir de souligner les erreurs de Serena. C’était inévitable comme situation. Ceci dit, Lindsay n’avait pas tort. L’arrivée de ce bébé était censée être une bonne nouvelle et non l’inverse. Alors à quoi bon se faire tant de mauvais sang ? Cela ne servait strictement à rien si ce n’est remuer le couteau dans la plaie. « J’espère sincèrement que tu as raison. Mais tout est tellement compliqué que je ne sais plus trop par où commencer.» Et encore !! Serena ne connaissait pas toute l’histoire. Il y avait ce qu’elle savait … et tout ce qu’elle ignorait. « En tout cas, je suis contente que tu sois la première personne au courant. J’aime partager mes petits secrets avec toi. »

Serena n’était pas certaine d’avoir envie d’entrer dans les détails concernant l’attitude étrange et déplorable de Katherine face à Vitaly. Ce serait totalement déplacé d’avoir une telle conversation avec sa petite sœur … Non, elle ne pouvait pas se le permettre. Elle confiait beaucoup de chose à Lindsay mais CA, elle ne pouvait pas. « Beaucoup l’apprécier ? C’est-à-dire ? Enfin… jusqu’à quel point ? » Euh… au point de mater son mari tandis qu’il était en train de se rhabiller et de faire une allusion pour le moins explicite quant à la situation ? Serena fronça légèrement le nez et agita la tête de droite à gauche. « Laisse tomber, cela n’a aucune importance. Tu connais maman, elle peut parfois se montrer vraiment lunatique.» Oui, c’était carrément mieux de croire que Katherine était dans l’un de ses jours étranges. Sans compter que c’était plus facile de se dire qu’elle s’était fait tout un film plutôt que d’encaisser la vérité. C’est donc tout naturellement que la conversation dévia sur cette annonce plutôt inattendue et sur la réaction de Vitaly et du reste de la famille. Serena était loin d’être aussi confiante que Lindsay. Elle n’était vraiment pas certaine de pouvoir compter sur le soutien de qui que ce soit. A vrai dire, toute sa vie avait été martelée de coups durs qu’elle avait été contrainte d’affronter seule. La famille unie, la solidarité etc … tu parles !! Rien de plus que des valeurs que l’on prétend avoir pour se donner bonne conscience. Les Livingston étaient bien plus compliqués que cela. Et Vitaly, n’en parlons pas. « J’aime ça, moi aussi… Et pour ta grossesse, je pense que tu devrais en parler à Vitaly avant tout… Et après, tu pourras vraiment officialiser tout ça. Mais ne t’inquiètes pas, tout va bien se passer… » Lindsay était vraiment adorable… Heureusement que Serena pouvait compter sur sa petite sœur. Elle était d’ailleurs la seule personne digne de confiance dans son entourage. Du moins, le croyait-elle avec conviction. « J’en sais rien… Si jamais les choses se passaient mal Lin’, j’espère que tu ne m’en voudras pas de prendre une décision radicale concernant ma vie.» Serena faisait ouvertement allusion à son envie de tout plaquer et de commencer une nouvelle vie ailleurs. « Prendre la fuite ne serait pas une solution de facilité, simplement un moyen de m’octroyer le droit d’entamer une nouvelle vie. Si Vit’ et moi ne sommes pas capables de surmonter ça c’est que nous ne sommes vraiment pas faits pour être ensemble. Et je le connais suffisamment pour être en mesure d’anticiper sa réaction. »

C’est une question à laquelle Serena avait longuement pris le temps de réfléchir. Sa décision était sans appel, bien qu’elle puisse sembler catégorique. Cela faisait un long moment qu’elle songeait à refaire sa vie loin de New York et elle voyait-là un parfait prétexte pour concrétiser cette envie. Rester vivre ici ne serait pas sain pour elle, elle en était persuadée. Cette « famille » n’en était pas vraiment une et elle ne s’y sentait pas à sa place. Et puis, même si elle n’en parlait jamais, Serena en voulait toujours à ses parents de ne pas lui avoir tendu la main au moment où elle en avait le plus besoin. Elle était toujours là pour les autres mais se trouvait souvent seule. Alors pour une fois, elle souhaitait prendre ce qui lui semblait être la meilleure décision pour elle-même, quitte à en blesser d’autres. Toutefois, elle souhaitait avant tout en discuter avec Lindsay. C’était important à ses yeux. Elle était cependant loin de se douter que cette décision arrangeait grandement les affaires de la plus jeune de la famille… Comme quoi, elle avait raison de ne faire confiance à personne. Même l’être qu’elle chérissait le plus au monde était en train de lui planter un couteau dans le dos sans même qu’elle s’en aperçoive. « C’est pas un peu trop radical, ça ? Enfin… Que tu veuilles entamer une nouvelle vie, je le conçois… C’est même normal. Mais de là à partir… Cela voudrait dire que l’on ne se verrait plus ? Ou beaucoup moins ? Et…que cet enfant, en plus de grandir sans son père, grandirait sans sa famille ? » Suite à ses propos, Serena ne put réprimer un léger sourire ironique. A croire que la notion de « famille » varie intensément d’une personne à une autre. La jeune femme poussa un profond soupir, se redressa et fit quelques pas dans la pièce. Elle en avait plus qu’assez d’être la gentille petite Serena qui dit amen à tout. Cet état de rébellion n’avait rien à voir avec Lindsay mais plutôt avec un ras le bol grandissant de jour en jour. Passant une main sur son front, elle reprit la parole avec détermination. « Parce-que tu trouves que nous ressemblons véritablement à une famille ? Mais enfin Lindsay, ouvre les yeux ! Dans cette « famille », je trouve que l’on a un peu trop tendance à prôner le « chacun pour soi »… Quand j’ai eu besoin de cette « famille », personne n’était là pour me tendre la main. Papa et maman ont préféré faire la sourde oreille quand ça les arrangeait. Quant à toi et bien … tu n’y étais pour rien, bien entendu. Mais jamais je n’aurais dû endosser ce rôle-là … j’avais seize ans et je suis devenue ta maman. J’ai passé ma vie à penser aux autres … à toi, à James, puis à Vitaly … maintenant, j’ai envie de penser à moi et à moi-seule, tu comprends ? » Serena marqua une courte pause et adressa à sa petite sœur un tendre sourire. Elle n’avait rien contre Lindsay, simplement elle en avait marre de tous ces faux-semblants et de cette vie qui ne lui correspondait pas. « Je n’ai vraiment pas envie que mon fils ou ma fille grandisse dans un environnement pareil. Alors certes, cela peut paraitre radical mais j’ai décidé que si Vitaly décidait de ne pas s’impliquer dans la vie de ce bébé et bien… j’irais tout recommencer ailleurs… Je ne te demande pas de comprendre, simplement de me pardonner de vouloir, pour une fois dans ma vie, me montrer égoïste.»

La rancœur de Serena à l’encontre de ses parents ne datait pas d’hier. Elle leur en voulait toujours d’avoir fait la sourde oreille lorsqu’elle avait tenté de leur demander de l’aide. Une période de sa vie dont elle n’avait jamais parlé avec Lindsay car elle estimait qu’elle n’avait pas à connaitre certains détails. Certes elle avait des nerfs d’acier mais y repenser, c’était comme si l’on s’amusait à serrer son cœur dans une main jusqu’à ce qu’il ne se mette à saigner. En revenant à New York, c’est avant tout à sa petite sœur qu’elle songeait. Serena avait toujours tenu à veiller sur elle. Mais elle était une adulte désormais, elle n’avait plus besoin qu’on lui tienne la main. Encore moins s’il s’agissait de sa grande sœur. « Je ne te cache pas qu’une telle décision me surprend et m’attristerait si vraiment tu venais à la prendre… Mais je crois que je comprends. Et puis, je ne veux que ton bonheur. Et, si pour cela, tu as besoin de quitter la ville et de te reconstruire ailleurs, je ne peux que t’approuver et t’encourager. Tu es de toute façon la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour toi… En tous cas, promets moi juste une chose… J’aimerais que, même si tu pars, on reste en contact. Et qu’on continue de se voir de temps en temps… Puis, j’ai envie de le voir grandir ce petit bout…» Non ... elle tenait à préserver son enfant de sa vie passée. Lorsqu’elle parlait de tout recommencer depuis le début, cela signifiait également couper les ponts avec sa famille au grand complet. Y compris Lindsay. De toute façon, Serena l’ignorait mais disparaitre totalement de la vie de cette famille houleuse allait arranger les affaires de chacun. Plus spécifiquement celles de Lindsay et Vitaly. Sans le savoir, elle était donc en train de prendre la bonne décision. Imaginez un peu le déséquilibre si sa fille ou son fils venait à apprendre que, tata Lindsay est en réalité l’amoureuse de papa … un papa totalement inconnu soit dit en passant. Quelle galère. Loin de se douter de la sagesse de sa décision, Serena observa sa sœur le regard brillant, lui faisant tacitement comprendre qu’elle refusait de lui faire une promesse qu’elle ne serait pas en mesure de tenir sur le long terme. « Je suis désolée, Lindsay. Je ne dis pas que j’ai l’intention de disparaitre définitivement mais je vais clairement avoir besoin d’un temps d’adaptation. Partir sur de nouvelles bases et entamer une nouvelle vie. De toute façon, tu n’as plus vraiment besoin de moi à présent.» Elle lui adressa un sourire plein de tendresse et elle sentit son cœur se serrer. Abandonner Lindsay à New York allait sans doute la rendre malade mais elle devait s’y résoudre. Elle allait certainement commencer par lui donner des nouvelles au début … puis avec le temps, les deux sœurs s’éloigneraient de plus en plus jusqu’à devenir de parfaites étrangères. C’était toujours comme ça. « Linou … c’est pas une décision définitive. C’est juste … une hypothèse au cas où les choses tourneraient mal avec Vitaly.  »