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Parfois, je me surprenais encore à penser au mois de septembre et à m'imaginer que les choses étaient totalement différentes de ce qu'elles étaient aujourd'hui. L'accident d'avion n'avait jamais eu lieu, les jumeaux avaient retardé leur vol, seraient toujours en vie et ont aurait tous les trois atterrit à New York en même temps accueillis par Cheyenne, Arizona, Austin et Indiana. Je ne pense pas que j'aurais tenu une semaine sans voir Théodora et je me serai littéralement jetée sur elle, la serrant fort dans mes bras en lui répétant combien j'étais contente qu'elle ait appris la vérité sur sa naissance et qu'elle ait réussi à nous trouver. Nous formerions une jolie petite famille. Mais les choses avaient été toutes autres, un enchaînement de mauvaises nouvelles, d'idées noires, de semaines de déprime et de solitude. Mais finalement, j'avais quand même mis les pieds dans la Grosse Pomme et j'y avais finalement élu domicile. Ma colocation ne se passait pas aussi bien que ma première rencontre avec la fille m'avait laissé présager, mais tout le monde a des hauts et des bas n'est-ce pas ? Ces derniers temps, j'étais dans ma phase « haute », clairement. Plus d'un mois que j'étais à New York et je n'avais pas trouvé le courage de contacter ma jumelle, dont le numéro de téléphone était enregistré dans mon portable depuis septembre pourtant. Et finalement, un matin de févier, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai proposé une rencontre. Je me suis imaginée Paris et Phoenix me sourire de l'au-delà et approuver ma décision. J'avais proposé un café où j'avais pris mes habitudes, où je me sentais à l'aise, un peu comme dans un cocon. Un lieu où selon moi tout le monde pouvait se sentir à l'aise, même Théo si le lieu lui était inconnu.

Le matin-même, prise d'une crise de doute, j'ai failli annuler. Prétextant une grippe, maladie qui faisait fureur dans la grande ville suite à la chute récente des températures. Et puis finalement, je me suis dit qu'à vingt-cinq ans, je ne pouvais plus me permettre ce genre de caprice, se décommander au dernier moment avec un mensonge. Et puis, j'étais si mauvaise à ce jeu que je risquais de me faire démasquer. Et surtout, je ne voulais pas mentir à ma soeur pour notre premier rencontre. J'ai soufflé un bon coup, observé une dernière fois mon visage dans la glace, me demandant à quel point on se ressemblerait, avant de nouer mon manteau en laine autour de ma taille, d'entourer mon cou d'une grosse écharpe et de poser un bonnet gris assortis sur mes cheveux sombres qui ondulaient doucement. L'endroit de notre rendez-vous n'était qu'à cinq minutes de marche de mon appartement et j'arrivais légèrement en avance d'après la grosse horloge située en face de l'entrée. Je pris place dans une banquette vide, un peu en retrait, d'où je pouvais observer la porte d'entrée. Je gardais pour l'instant mon manteau sur moi, encore gelée après mon cours trajet, mais retira mon bonnet mon écharpe. Une serveuse s'approcha, me tendant une carte que je refusais d'un geste de la main. Je prenais toujours la même chose, une part de tarte du jour et un thé noir aux agrumes. Elle nota ma commande et me laissa à nouveau seule. Il ne me restait plus qu'à patienter jusqu'à ce que Theo arrive, en espérant qu'elle n'ait pas eu la même crise de panique que moi plus tôt et qu'elle viendrait bien.

Quelques secondes à peine après mes doutes sur sa venue, après tout, elle était en droit de me faire attendre tout comme je l'avais fait depuis septembre, la porte d'entrée s'ouvrit et une silhouette similaire à la mienne fit son entrée dans le petit café. Même si je n'avais pas vraiment vu de photo d'elle, impossible de ne pas la reconnaître. Ses longs cheveux bruns ondulaient le long de ses épaules tout comme les miens, la seule différence était qu'elle en avait éclairci les pointes, comme un effet coup de soleil. Ca lui éclaircissait aussi le visage, lui adoucissait. Est-ce que mes cheveux unis me faisaient paraître plus austère et plus sévère ? Je n'eus pas le temps de me poser d'avantage de questions, car déjà, elle était debout juste devant la banquette que j'occupais. « Bonjour. » Sa voix était un peu plus aiguë que la mienne, enfin j'en avais l'impression. Je lui souris tout simplement et lui montrait la place vide en face de moi tout en posant mes mains sur mes cuisses, à l'abri des regards, où je pourrais jouer sans que personne ne me voit avec la petite bague en argent que je portais toujours et que je faisais tourner autour de mon annulaire lorsque j'étais stressée. « Ça me fait plaisir que tu aies appelé. » Je déglutis. Elle avait l'air sincère. Je me raclais la gorge avant de répondre, j'avais l'impression de ne pas avoir parlé pendant dix ans. « De rien ... » Je n'osais pas lever les yeux vers elle, la regarder. Je ne savais pas exactement si j'avais peur de voir le même visage que le mien ou d'y trouver des différences. La serveuse qui avait pris ma commande quelques instants plus tôt s'approcha de nous avec un plateau. Une diversion qui faisait un peu s'évaporer le silence qui s'était installé. Je rougis un peu, me rendant compte que j'aurai pu attendre que ma soeur arrive pour effectuer ma commande. La jeune femme déposa devant moi une théière pleine d'eau chaude, une grande tasse en porcelaine blanche avec un sachet de thé à l'intérieur et une petite assiette qui contenait une grosse part de tarte aux poires et aux amandes, surmontée d'une quenelle de crème fraîche. Je crus nécessaire de me justifier, gênée de la situation. « Désolée, je ne t’ai pas attendue. J’ai tellement l’habitude de venir ici seule … je commande toujours la même chose. C’est un peu mon quartier général ici. » Lieu que j’avais délibérément choisi parce que je m’y sentais comme chez moi. Rectification, mieux que dans mon appartement même.