ANNA&HAYDEN - What happened to us? How did we come to this? ►

Je n’ai pas eu de nouvelles d’Anna depuis plusieurs semaines –mais n’était-ce pas ce que je voulais ? Après tout, c’est moi qui lui ai imposé cet éloignement. J’ai volontairement choisi de couper les ponts et même si ça me tue de l’admettre : jusqu’à hier soir, je ne m’en portais pas plus mal. Ces quelques semaines m’ont permis de faire le point sur notre relation. Je me suis concentré sur ma carrière professionnelle et je pense même avoir retrouvé ma sœur jumelle. Rien n’est encore sûr –car j’attends toujours le résultat de l’analyse ADN- mais toutes les informations qu’elle m’a données concordent parfaitement. Même âge, même yeux et date de naissance identique à celle de Lucy. Par ailleurs, cette mystérieuse jeune femme (tout droit sortie de nulle part) porte le médaillon que nos parents avaient offert à ma sœur le jour de sa naissance. C’est un peu trop pour être une simple coïncidence, non ? Quoi qu’il en soit, j’essaye de faire connaissance avec cette jeune femme tout en essayant de ne pas trop espérer. Les chimistes du laboratoire auquel je me suis adressé m’ont confié être débordés en ce moment, si bien que je ne sais pas trop quand j’aurais les résultats. J’étais un peu contrarié au départ, mais j’ai finalement compris que ma demande ne faisait pas partie de leurs priorités. Ils ont surement tous un tas d’affaires criminelles non résolues sur les bras et c’est pourquoi je saurais me faire violence. Tout ça pour dire que je n’ai pas vraiment eu l’occasion de prendre des nouvelles de la jolie blonde. J’y ai souvent pensé au début, car je regrettais ma décision, mais j’ai réalisé que cet éloignement était nécessaire. Notre relation était au point mort de toute manière. Nous étions dans une impasse, comme incapables d’avoir une conversation normale… A quoi bon forcer les choses ? De mon côté, je pense être en droit de dire que l’expérience m'a été plutôt bénéfique. Même si j’ai toujours un peu de mal à comprendre d’où lui vient ce ressentiment envers Lucy, je comprends mieux ses motivations. Elle est partie, car elle avait l’impression de me perdre et au fond, je pense que j’aurais probablement réagi de la même manière si les rôles avaient été inversés. Optimiste et amoureux comme au premier jour, il m’est même arrivé de songer à prendre un nouveau départ avec elle, loin d’ici, dans un endroit où nous pourrions démarrer une nouvelle vie. J’aime Anna. Je l’aime probablement plus que tout au monde. D’ailleurs, mes amis ont fini par se lasser de ce discours, car à leurs yeux, je n’ai que son nom à la bouche. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que la jolie blonde –aussi compliquée soit-elle – détient la clef de mon cœur : je la lui ai confié il y a des années et même si j’en ai souvent rêvé, je ne pourrais jamais l’en priver. Nous avons peut-être connus des jours meilleurs, mais je lui appartiens tout entier. Pour toujours et à jamais -et rien ni personne ne pourra me convaincre du contraire.

J’étais donc dans un bon état d’esprit quand Manuela m’a téléphoné. Sans avoir chassé Anna de mes pensées, j’avais décidé de laisser passer un peu de temps et de me concentrer sur autre chose, histoire d’être sûr de lui avoir laissé le loisir de suffisamment réfléchir à ce qu’elle attendait de notre relation. Mais le coup de fil de la belle espagnole a tout changé. « Je ne l’ai pas vu depuis des semaines et elle ne répond pas au téléphone. » J’ai déglutis et une boule a été se loger au fond de mon estomac. Après avoir promis à Manue de me déplacer, j’ai composé le numéro de téléphone de l’américano-allemande, mais elle n’a pas répondue. Il était trop tard pour lui rentre visite, mais je me suis promis de me rendre chez elle aux premières lueurs du jour. Trop inquiet pour me reposer, je n’ai pas dormi de la nuit.

« Anna ! C’est moi Hayden… » Ma main va s’écraser sur sa porte. Pas de réponse. Déterminé à connaître les raisons de ce silence alarmant, je choisis d’insister. « Anna, s’il te plaît… Manuela se fait beaucoup de soucis. Si tu n’as pas envie de me parler, je comprends… J’ai peut-être été un peu trop dur l’autre jour, j’aurais sans doute du t’appeler, mais… j’avais vraiment besoin de prendre du recul… Je suis désolé » Toujours pas de réponse. « Anna… » C’est maintenant ma tête qui cogne contre sa porte d’entrée. « TU VAS M’OUVRIR, OUI ?! Ce petit jeu ne m’amuse plus du tout et si tu n’as pas donné signe de vie d’ici deux secondes, je te jure que je défonce cette foutue porte ! » Je ne suis pas violent de nature, mais cette situation m’inquiète. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? J’ai la gorge serrée rien que d’y penser.

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Ma menace semble faire son petit effet puisque déjà : j’entends des pas derrière la porte. J’en profite pour souffler. Je suis soulagé. Quand j’ai décroché le combiné et que Manuela m’a dit qu’Anna était injoignable ; mon cœur n’a fait qu’un bond et j’ai commencé à imaginer le pire. Je me suis presque senti coupable de l’avoir ‘éjectée’, ne serait-ce que momentanément, de ma vie. Si jamais il lui était arrivé quelque chose, je crois que j’aurais été incapable de me le pardonner. « J’arrive ! » Elle a l’air renfrogné et j’ai l'impression de déranger –mais au moins, elle est en vie. Je suis sûr que Manue sera ravie de l’apprendre. « Qu’est-ce que tu veux ? » Sa bonne humeur fait plaisir à voir ! « Je voulais juste m’assurer que tu allais bien… » je lâche en soupirant. C’est moi qui me fais des idées ou bien cette conversation a de grandes chances de se solder par une –énième- dispute ?! « Si tu ne voulais pas être dérangée, tu n’avais qu’à prendre la peine de répondre au téléphone ! Certaines personnes se font beaucoup de soucis pour toi… » Je marque une courte pause. « Moi, y compris… » Je m’étrangle presque en prononçant ces mots. Ça me tue de réagir de cette manière. Je suis plutôt du genre à camper sur mes positions d’habitude, mais lorsqu’il s’agit de la jolie blonde – j’ai plus l’air du chihuahua à sa môman que d’un bulldog féroce, si vous voyez ce que je veux dire… La métaphore était vraiment minable, j’en conviens, mais je n’ai pas trouvé mieux. « Tu as une drôle de façon de recevoir les gens. » Toujours aucune réaction de sa part. J’inspire à nouveau dans l’unique but de calmer mes nerfs. « Tu ne comptes pas m’inviter à entrer ? » Je l’entends bougonner derrière la porte. « C’est dommage… Je m’étais dit qu’on pourrait parler un peu et faire le point sur notre histoire. Je ne sais pas pour toi, mais en ce qui me concerne, ces trois dernières semaines ont été riches en rebondissements ! D’ailleurs, tu ne me croirais probablement pas si je te disais qui est venu me rendre visite… » Je m’arrête finalement de parler parce que ça me met en rogne de m’adresser à un mur. D’un côté, je suis agacé par son comportement, mais de l’autre : j’aimerais pouvoir tout lui raconter, lui dire que je pense avoir retrouvé Lucy. Quoi qu’il ait pu se passer entre nous, elle reste l’unique personne avec qui j’ai envie de partager cette nouvelle. Si je compte fanfaronner devant elle en insistant sur le fait que j’avais raison de continuer à espérer et qu’elle a eu tort d’enterrer ma jumelle aussi vite ? Absolument pas. Je veux juste parler avec elle, lui confier mon bonheur et mes doutes, retrouver un peu de ce qui nous unissait autrefois. Mais je doute qu’elle soit dans le bon état d’esprit. Il s’est écoulé plusieurs minutes depuis qu’elle s’est approchée de la porte, mais elle ne s’est toujours pas décidée à l’ouvrir. Peut-être que c’est mieux comme ça, allez savoir ? La communication a été rompue. Nous sommes incapables de discuter sans nous crier dessus et chaque tentative de rapprochement –qu’elle vienne d’elle ou bien de moi- semble vouée à l’échec. Nous ne sommes plus sur la même longueur d’onde. Je l’ai compris en m’éloignant d’elle. Pour être tout à fait franc, j'ignore si nous serons à jamais capables de retrouver la complicité qui nous unissait. Au fond, je doute que les résultats des analyses ADN y changent quoi que ce soit. Si cette mystérieuse Cece est bel et bien ma sœur, je serais grandement soulagé et je me sentirais indéniablement libéré d’un poids –mais ça ne changera rien au problème. Anna ne me tombera pas dans les bras sous prétexte qu’elle a eu tort. Quant à moi, je ne suis pas certain d’être prêt à retenter l’expérience avec elle. Beaucoup disent que l’amour n’est pas toujours suffisant et j’ai bien peur que dans notre cas, l’hypothèse ne se vérifie, malheureusement. « Bon… Si tu le prends comme ça : je te laisse. Veille juste à répondre au téléphone la prochaine fois. Tu sais, tu peux t’entêter tant que tu voudras, ça n’empêchera pas les gens de t’aimer, ni même de se faire du souci pour toi. »

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Je ne devrais pas m’obstiner, je le sais. Mais c’est plus fort que moi. Bien que nous soyons séparés depuis plus d’un an, j’ai toujours du mal à me faire à cette idée. Nous avons été tellement heureux tous les deux et nous vivions ensemble depuis si longtemps que j’avais presque oublié qu’elle n’était pas totalement mienne, que je n’avais aucun droit sur elle. Le jour où elle m’a quitté, je me suis senti trahi –mais je réalise après coup qu’elle ne faisait que reprendre sa liberté. Une liberté qu’elle m’avait confiée le temps de retrouver la force et le courage de plonger dans l’aventure incroyable qu’est la vie. Aujourd’hui, la petite fille fragile et meurtrie que j’ai recueillie est devenue une belle jeune femme. Une femme forte et mystérieuse. Une personne qui commet certes des erreurs, mais ça ne fait que la rattacher au commun des mortels. Cette femme, je l’aime. Aussi têtue, manipulatrice et menteuse soit-elle, je l’aime. Changée ou similaire à celle que j’ai connue, je l’aime. Et je l’accepte telle qu’elle est, comme je l’ai toujours fait. Ce discours est plutôt convaincant dans ma tête alors, pourquoi suis-je incapable de prononcer ces mots à haute voix ? Pourquoi laisser mon orgueil prendre le pas sur mes sentiments ? Pourquoi raisonner avec ma tête au lieu d’écouter mon cœur ? Pourquoi rendre les choses plus difficiles qu’elles ne le sont déjà ? Venir ici était une mauvaise idée. Comme d’habitude, j’ai agis sous le coup d’une impulsion, mais j’aurais mieux fait de m’abstenir. Tout ça c’est la faute de Manuela. Cette douce Manue qui s’alarme trop vite. Cette amie formidable sans laquelle je n’aurais pas pu survivre. Cette enquiquineuse qui me fait passer pour un abruti incapable de tenir parole. Cette amie que j’adore et que j’admire. La mère de ma filleule enfin, à laquelle je vais passer un savon monumentale dès que je l’aurais au téléphone.

« I don’t want you to care… » Un murmure. Quelques mots hésitants qui raisonnent comme une plainte. Je m’arrête brusquement. Figé sur place, je refuse pourtant de me retourner, momentanément incapable d’affronter son regard. « Qui est venu te voir ? » Elle n’en a pas la moindre idée, mais je souris. Malgré moi, mes lèvres s’étirent. L’intérêt qu’elle me porte, même minime, suffit à me redonner espoir. L’espace de quelques secondes, je me plais à penser que tout n’est peut-être pas perdu pour nous deux, qu’on a encore une chance de ramasser les pots cassés. « Ma sœur… Ma sœur est venue me voir » je réplique la voix tremblante, en lui faisant finalement volte-face. « Je sais ce que tu penses… » je reprends en faisant un pas vers elle. Bizarrement, elle a les yeux rivés sur le sol et elle se tient dans l’encadrement de la porte. Je crois qu’elle n’est pas prête à me laisser entrer et pour l’instant, ça me va très bien. Je n’ai aucune envie de lui forcer la main. Je veux d’abord voir si elle sera réceptive à ce que je vais lui dire. « Tu te dis que je prends mes rêves pour la réalité, que je divague ou bien que je te mens, mais… aussi invraisemblable celui puisse paraître, c’est pourtant la vérité. Une jeune femme est venue me voir sur une séance photos. Elle s’est fait passer pour un mannequin dans l’unique but de me parler. Elle a gardé les mêmes yeux que dans mes souvenirs, Lucy. Elle a le même sourire aussi. Au départ, j’étais comme toi, dubitatif, mais elle m’a ensuite montré un pendentif. Un pendentif que mes parents ont offert à ma sœur le jour de notre naissance. Gravé au dos de celui-ci, son prénom et sa date de naissance. Plutôt troublant comme coïncidence ? Je sais de quoi je parle, je porte un bijou similaire au poignet. » Mes mots s’éteignent dans un soupir et je pose ma main sur son menton. Une légère impulsion et elle relève les yeux vers moi. Ils sont différents. Gonflés, rougis, aurait-elle pleuré ? « Je sais que c’est probablement la dernière chose que tu aies envie d’entendre, mais je ne me voyais pas partager tout ça avec quelqu’un d’autre que toi. Tu as toujours été mon pilier, ma meilleure amie, ma confidente et mon âme sœur Anna. Dans mes moments les plus sombres, c’est toi qui m’as toujours donné la force de garder la tête hors de l’eau. Alors ce bonheur, j’avais envie de le partager avec toi. Malgré tout ce qui s’est passé, tu restes l’unique personne avec qui j’ai véritablement envie de tout partager… » Elle doit avoir envie de me gifler et je ne pourrais pas l’en blâmer si elle le faisait. Je suis une véritable girouette. Lors de notre dernière conversation, je lui ai reproché de constamment souffler le chaud et le froid avec moi, mais je suis en train de reproduire la même erreur. Ce que je lui fais subir est injuste et je devrais avoir honte de moi.

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Marc-André Poissant a écrit « si l’amour est un art difficile, la rupture l’est bien davantage. » Comme incapable de détacher mes yeux de celle qui, jadis illuminait d’un simple sourire mes heures les plus sombres, je commence à méditer cette phrase. Cet auteur disait vrai : se séparer de quelqu’un qu’on aime est cent fois plus difficile que de le garder auprès de soi. Surtout quand on refuse de lâcher prise ou qu’on s’efforce de croire qu’un miracle va se produire, même si une petite voix nous souffle que c’est perdu d’avance. Cette voix, qui raisonne sans arrêt dans notre esprit s’appelle la conscience –et la mienne a essayé de me dissuader de venir aujourd’hui. En vain, car j’ai préféré écouter mon cœur. Quitte même à ressortir plus égratigné encore de cette énième confrontation ? Que voulez-vous que je vous dise ? Le cœur a ses raisons que la raison elle-même ignore. Et même si je me penchais sérieusement sur la question, je ne serais probablement jamais en mesure d’expliquer ce qui me ramène toujours à elle. L’amour sans doute… Mais qu’est-ce réellement, si ce n’est un mot ? Poser un qualificatif sur une sensation est chose aisée, mais peut-on véritablement expliquer ce qu’est l’amour à moins d’être en plein dedans ? De le vivre passionnément ? J’en doute. Anna et moi sommes arrivés à un tournant de notre vie où deux choix s’offrent à nous : emprunter le chemin non moins sinueux de la réconciliation ou baisser les armes, abandonnant dans le même temps tout espoir de nous retrouver un jour. J’ignore ce qu’elle compte faire, ni même où elle en est, mais en ce qui me concerne : je ne peux plus continuer comme ça, c’est trop douloureux. Je pensais la faire réagir en venant ici, mais force est de constater que je me suis bercé d’illusions. Si même mes retrouvailles avec Lucy ne suffisent pas à la faire réagir, que puis-je faire ? Je suis perdu. Bien sûr, je n’ai jamais été naïf au point de croire qu’elle allait me tomber dans les bras, mais cette nouvelle marque tout de même la fin de longues années de tourmentes, elle élimine à jamais notre principal sujet de dispute. En se donnant du mal, maintenant que tout est réglé, nous pourrions repartir du bon pied et construire quelque chose de solide ensemble. Mais ça ne lui fait ni chaud ni froid. « Oh, c'est... je suis vraiment contente pour toi. Pour vous » sont les seuls mots qu’elle parvient à prononcer avant de fuir à nouveau mon regard. Inutile d’être diplômé en psychologie pour comprendre que ce n’est pas la réaction que j’attendais. Quelque part, je me sens presque trahi, blessé qu’elle porte si peu d’intérêt à ce que je viens de lui annoncer. Certes, elle n’est pas personnellement concernée et j’ai conscience qu’entre nous ce n’est plus ce que c’était, mais est-ce là une raison valable pour s'en désintéresser totalement ? Est-il possible qu’elle ait changé à ce point ?

« Écoute, je- je suis au milieu de quelque chose, là, alors... » Souffle-t-elle, visiblement pressée de se débarrasser de moi. « Alors, quoi ? Tu aimerais bien que je te fiche la paix, histoire que tu puisses te défoncer tranquillement ? » Elle relève la tête et son visage trahi parfaitement sa surprise. « Je ne suis pas né de la dernière pluie Anna, je sais reconnaître quelqu’un qui se drogue –et tu n’es malheureusement pas la première que je croise ! » je m’exclame en la bousculant légèrement, pénétrant ainsi dans son appartement sans même y avoir été invité. « Alors, ça fait combien de temps que ça dure ? » Pas de réponse. « Tu carbures à quoi ? Exta ? Coke ? Cannabis, peut-être ? » Au départ, je ne faisais que le soupçonner, mais j’ai tout de suite compris que j’étais dans le vrai lorsque j’ai croisé son regard. Il fut un temps où un très bon ami à moi se droguait et il y a des signes qui ne trompent pas. De même, l’odeur des joints est restée incrustée dans ses cheveux -et comme je ne fume pas, ça ne m'a pas échappé. Anéanti par cette découverte, je m'adosse contre un mur et accuse -difficilement- le coup. « Qu'est-ce qui nous est arrivé? Comment en est-on arrivé là? » je demande, au bord des larmes.

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L’être humain est une chose complexe. Ses humeurs, parfois très inégales, changent constamment et il se laisse contrarier pour un rien. Qu’à cela ne m’en déplaise : je ne dérobe pas à la règle. Quand j’ai accepté de venir frapper à sa porte, j’étais dans un bon état d’esprit. Bien sûr, je m’étais mentalement préparé à me disputer avec Anna, mais je ne pensais pas subir un tel choc. A présent, je suis anéanti. Mon existence, jusqu’alors si triste, s’est pourtant embellie lorsque j’ai retrouvé ma sœur. Apaisé et heureux, je suis donc venu ici avec l’intime conviction que les choses allaient s’arranger avec la jolie blonde. Une fois de plus, il y a eu méprise.

Qui est cette jeune femme ? Je ne la connais pas. En tout cas, l’Anna qui se tient devant moi, n’est pas celle dont je suis tombé amoureux. Ou bien est-ce moi qui me suis trompé ? Celle que j’ai longtemps considérée comme une femme forte et à laquelle je prêtais des qualités parfois surhumaines, s’avérerait-elle contre toute attente, semblable au commun des mortels ? Dans ce cas, pourquoi l’avoir mise sur un piédestal ? Une autre conséquence de l’amour, je présume. Mais à quoi bon se torturer l’esprit ? La vérité, c’est que je peux bien tourner le problème dans tous les sens, ça ne changera rien au fait que je me sente affreusement mal. J’ai l’impression de l’avoir poussée vers ce précipice et cette culpabilité est insoutenable. Même si je ne l’ai jamais contrainte à faire quoi que ce soit, je sais que j’ai ma part de responsabilités dans toute cette histoire –et c'est sans doute ça qui fait le plus mal. Le fait de se dire qu’elle n’en serait pas au trente sixième dessous si cela n’avait pas été pour moi, ou plutôt devrais-je dire à cause de moi… Comment vivre avec ça ? A l’époque, j’étais convaincu d’être légitime dans mes actes, comme dans mes choix. Mais je réalise après coup que je me suis simplement montré égoïste. Sans m’en rendre compte, j’ai progressivement délaissé la femme que j’aimais pour passer plus de temps à rechercher ma sœur jumelle et ce sera finalement ça qui aura tout déclenché : son départ, son silence et cette abominable dépendance.

« Who cares... » lâche-t-elle avec dédain, ce qui me fait grimacer. « Je n'ai aucune réponse à te donner, Hayden. Just...  » Elle ne veut pas de moi ici. Elle me déteste. Probablement autant qu’elle m’aime, Anna me hait. Je peux le lire dans ses yeux. Elle voudrait juste que je disparaisse. « Why do you care ? C'est toi qui m’as demandé de rester loin de toi, alors qu'est-ce que tu fais là ? C'est quoi, de la torture ? »  Elle marque un point. Je change d’avis comme de chemise et fais des choses que je sais néfastes pour moi. Sans doute suis-je masochiste… « I just can't take it. Un jour oui, un jour non... J'étais pas prête à te revoir, je voulais pas tout ça, c'est toi qui... J'aurais voulu que tu fasses volte-face, que tu t'en AILLES quand tu m'as vue dans la librairie » hurle-t-elle, m’arrachant un soubresaut. « Je veux que tu t’en ailles… » Cette fois, ses mots sonnent presque comme une supplication. J’ai mal pour elle, comme pour moi. La douleur que l’on peut lire dans ses yeux est insupportable et le fait de m’en savoir responsable me met extrêmement mal à l’aise. « I care, because I love you… » je réplique en me laissant glisser contre le mur. « I wish I could stop! Everything would be much easier that way, but… I can’t help it, okay ?! So what do you want me to say ? » Je suis désespéré et elle le sait. « Je t’aime Anna. Je t’aime et ça va finir par me tuer… J’ai beau essayer de m’éloigner de toi. J’ai beau me dire que c’est fini et que je ne t’aime plus, rien n’y fait ! Je pense constamment à toi ! Même quand j’étais convaincu de te détester, mon amour pour toi l’emportait toujours. Alors, non, je ne sais pas où tout ça va nous mener, ni même si on se remettra jamais ensemble... Mais s'il y a bien une chose dont je sois convaincu, c'est que je ne supporte pas de te voir dans cet état. Tout ce que je veux c’est t’aider… Laisse-moi t'aider, d’accord ? S’il te plaît Anna... En souvenir de tout ce qu’on a vécu ensemble, laisse-moi faire ça pour toi… » Je n’ai pas bougé. Ma tête est appuyée contre le mur de son salon et je ferme les yeux pour cacher mes larmes. Je suis au bout du rouleau. Toutes les émotions que je refoulais depuis des semaines sont en train de ressortir et j’ai beaucoup de mal à me contrôler.

Spoiler:

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« Just stop... Don't cry, and don't... don't say that you love me. I don't wanna hear that. » Je relève doucement la tête et lui lance un regard plein d’incompréhension. Alors quoi ? Je suis supposé lui mentir ? Lui balancer à la figure que je la déteste et que tout ce qui nous arrive est uniquement sa faute ? Est-ce que c’est ce qu’elle attend de moi ? J’essaye de croiser son regard pour y trouver des réponses à mes questions, mais c’est peine perdue, car elle évite soigneusement de me regarder dans les yeux. Elle ne s’est encore jamais donné autant de mal pour m’éviter et je redoute la suite des événements. Je m’attends tout bêtement au pire. Pour avoir longtemps partagé sa vie, je sais comme Anna peut-être imprévisible. Elle peut exploser d’une minute à l’autre ou même fondre en sanglots. J’appréhende donc sa réaction, j’ai peur de ne pas savoir quoi dire. « I don't want your help, or your love... » Je déglutis ? « What ? You, what ? » je répète, totalement abasourdi par ce qu’elle vient de dire. Bien sûr, je ne m’attendais pas à ce qu’elle fasse preuve d’enthousiasme, mais je suis vraiment choqué qu’elle refuse catégoriquement la main que je lui tends. Et son discours m’échappe totalement, j’ignore où elle veut en venir…. Est-ce qu’elle cherche à me faire du mal ? Est-ce qu’elle pense me faire une faveur en se montrant désagréable ? Un peu comme si elle me facilitait la tâche ? « I just want you gone... Out of here, and out of my life. Just go. » Mon cœur se serre et j’accuse ses paroles sans trop savoir comment réagir. Je ne sais plus très bien ce que je ressens. Colère ? Frustration ? Tristesse ou bien déception ? Tout s’emmêle dans mon esprit. Je mélange tout. Incapable de réagir, je la regarde fuir dans la salle de bain sans même trouver la force de me lever pour la retenir. A plusieurs reprises, mes lèvres bougent, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Je suis sous le choc. Ce que j’attendais et ce que je redoutais le plus au monde aura finalement fini par se produire. Anna vient de mettre un point final à notre histoire et contrairement à ce que j’avais pu imaginer, ce n’est pas elle, mais bien moi qui n’arrive pas à lâcher prise. Le regard encore embué par les larmes qui refusent de couler, je me redresse doucement et me dirige vers la porte d’entrée. L’espace d’une fraction de secondes, je suis tenté de frapper à la porte de la salle de bain dans l’espoir de la raisonner, mais m’abstient. Au lieu de lui dire ce que je ressens, je choisis de le lui écrire. « You might have decided to push me away, but I’m not gonna give up on you, Anna. I love you, and no matter what happens, I’ll get you out of it. Don’t forget that you’ve always been the most precious treasure life gave me… » Je pose la feuille de papier sur le canapé et quitte l’appartement. Sur le chemin du retour, je me promets de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour l’aider à décrocher – même si ma raison m’intime l’ordre de la laisser en paix.


TO BE CONTINUED