Quelque chose me chatouillait, c’était agréable, une douce sensation parcourait mon corps. Emmitouflé sous mes couettes le corps au chaud, je sortais à peine le bout de mon nez pour pouvoir mieux respirer. J’arrivais enfin à dormir sans faire de cauchemar, c’était comme une renaissance pour moi. Pouvoir dormir sur mes deux oreilles ne plus rêver du passé oui, enfin libre ! Ma jambe cependant, me démangeait de plu de plus, ou plutôt quelque chose bougeait sur mon mollet. Le frottant contre le matelas n’ayant pas envie de réellement bouger, la démangeaison s’amplifiait de plus en plus. C’était même de pire en pire, comme si quelqu’un d’autre était avec moi sous la couverture. Me figeant à cette idée, mon souffle se coupa. Surtout ne pas paniquer. Ne pas s’affoler, c’était mon imagination qui me jouait simplement des tours. Comme d’habitude. Tentant de ne pas y penser et de me rendormir, j’eu tout à coup l’impression que le lit bougeait. Ou plus précisément que le matelas devenait comme mouvant. Tirant sur la couverture pour voir ce qui se tramait, c’est alors que je vis des vers. Des millions de vers de terre. Les chassant à coup de pieds et de mains, je tentais de sortir de la avant de les voir. Mes anciens camarades de classe se trouvaient devant moi. La peau tombant, asséché, certains étaient méconnaissable, une vraie monstruosité. Il y avait même Alysson qui était alors empalé par son parapluie qui elle, tentait d’approcher vers moi. Poussant de plus en plus de cri j’essayais tant bien que mal de me défaire de vers de terre. « Tu dois payer ! » « Oui tu dois mourir toi aussi ! » J’avais envie de parler mais aucun son ne sortit de ma gorge. Comme devenue muette, ma gorge se nouait de plus en plus m’interdisant de me défendre. Il arrivait ! Armand était là aussi, une hache à la main. Il était prêt à me tuer, elle se levait, il était face à moi, et comme seul réflexe, comme seule défense de ma part, je ne trouvais rien de mieux que de lever les bras pour protéger ma tête.

Sursautant dans mon lit, la lumière allumait, je passais rapidement ma main sur mon front totalement couvert de sueur. Je dégoulinais à grosse goutte. Un bruit sourd se fit entendre me faisait alors pousser un cri. Mon livre, ce n’était que mon livre. Je m’étais endormi tout en lisant. Vingt-deux heures il était encore tôt, mais je ne voulais plus dormir. Je quittais rapidement le lit avant de filer dans la salle de bains. Une bonne douche chaude me ferait le plus grand bien. Restant un moment sous l’eau brulante, j’en ressortais toute rouge avant de m’envelopper dans une serviette chaude. Il fallait que je sorte et pour ça rien de tel qu’aller dans un bar. Fouillant dans l’armoire je pris un slim noir et un haut top assez décolleté noir à paillettes. Je détestais ce genre de fringues mais Amane elle, adorait. Une fois habillée j’enfilais ma paire de botte puis pris tout de même le temps de me coiffer. Pour une fois, ils en avaient besoin. Lissé à fond, pas une seule boucle en vue, je pris aussi le temps de me maquiller. J’étais presque méconnaissable pour dire… Sac à main et veste sur moi, j’attrapai mes clés et quitta rapidement l’appartement. Cela faisait un an que je vivais ici, un an que j’avais abandonné Kaïen. Il devait surement m’en vouloir, mais je ne pouvais pas oublier si je restais auprès de lui. Hors j’avais besoin d’oublier. Soupirant franchement j’attrapai une cigarette la portant à mes lèvres pour l’allumer. Je m’étais mise à fumer il y a quelques mois, c’était pathétique je le savais et c’était tout aussi mal… Mais dans un sens ça me calmait ! Entrant dans le premier bar qui s’offrait à moi, je vins rapidement m’assoir au comptoir à côté d’un homme bien plus âgé que moi. « Un Bloody Mary s’il vous plait. » soufflai-je doucement en me frottant les tempes sous la nervosité qui m’envahissait. Attrapant le verre une fois servit, je le bus cul sec avant de croquer dans la branche de céleris. « Un autre s’il vous plait. » demandai-je avec le sourire pour que le serveur soit des plus aimable. J’aimais le céleris c’était vraiment bon et là, je passais ma rage dessus en croquant avec force dedans. Au bout de quelques minutes, un garçon, pas mal saoule, vint s’assoir de l’autre côté de moi. « Salut beauté, je te paye un coup à boire ? » je détestais ce genre de personne, pour lui je n’étais qu’un bout de viande… « Désolée, je suis avec mon copain, et il est ceinture noir de Karaté, alors dégage ! » crachai-je en désignant l’homme à mes côtés comme étant mon petit ami. Chose tout à fait fausse c’était la première fois que je le voyais de ma vie. Une fois parti, je me mis doucement à rire avant d’attraper mon verre pour en boire une gorgée. « Pardon, je ne voulais pas vous mêlez à ça… Mais je voulais m’en débarrasser… J’espère que vous êtes réellement ceinture noir de Karaté, que s’il revient… » marmonnai-je en tournant le regard vers mon voisin. « Au pire, je vous défendrai, je suis ceinture noir de Karaté et dans d’autre arts martiaux… le truc c’est qu’à chaque fois que je le dis, on me croit pas et on me provoque… » soufflai-je avec une moue boudeuse avant de plonger mon regard dans le sien, si bleu à souhait.

Pratiquement soixante-douze heures sans voir un lit ni la lumière du jour… autrement dit une éternité. Voilà bien pourquoi Wayne faisait douloureusement craquer sa nuque au beau milieu du couloir menant aux blocs, son calot chirurgical dans une main, son autre massant sa peau aussi tendue que la corde d’un arc. A plusieurs reprises, des infirmières étaient passées à côté de lui, lançant des œillades on ne peut plus significatives mais le jeune homme était bien trop épuisé pour y prêter même la plus petite attention. Il demeura plutôt là de longues minutes, à observer le faux plafond de ce fameux couloir comme s’il s’agissait d’une véritable œuvre d’art, jusqu’à ce que ses jambes ne finissent pas crier au secours et à le pousser à se remuer l’arrière train. En un temps record, Wayne prit une douce, se changea et récupéra les clefs de sa fidèle Porsche flambant neuve histoire de partir décompresser ailleurs, loin de cet environnement de stress permanent où vie et mort s’entremêlaient tandis que le destin jouait aux cartes pour tirer au sort. Son choix se porta sur un petit bar sans prétention, dont il connaissait le gérant puisqu’il l’avait déjà eu sur sa table d’opération. Celui-ci se fit un plaisir de lui offrir sa première tournée que l’américain salua d’un regard parfaitement ravi. Voilà bien qui lui éviterait solitude et remise en question alors qu’il n’avait même pas osé passer le seuil de la porte de la chambre de sa jumelle… Anna ne lui en voudrait sûrement pas, mais il ne pouvait pas contrôler sa propre culpabilité, c’était impossible. Il se voyait donc tout à fait broyer du noir, même si ses trois gardes avaient été particulièrement propices et sous le signe de la guérison pour ses patients, jusqu’à ce qu’une jeune femme qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam entre en scène. Ses paroles manquèrent de lui faire avaler son scotch trente ans d’âge de travers, mais le chirurgien joua tout de même le jeune en affichant un regard relativement menaçant et, pour la beauté de la chose, en levant son verre à l’attention de cet abruti de première aussi lourd qu’une baleine du Pacifique. « Vraiment pas de quoi » se contenta-t-il de rétorquer alors qu’il dû admettre être surprise d’entendre ce qu’elle lui disait… elle, championne d’arts-martiaux ?! Diantre !

« Vrai qu’en vous regardant, on ne pense pas immédiatement à cela, autant être honnête. En revanche… je vous remercie mais je crois que je saurais tout de même me défendre tout seul. » Il n’y avait aucune arrogance dans ses paroles, c’est la raison pour laquelle il n’hésita pas à ponctuer celles-ci par un sourire éclatant, sincère et amusé à la fois. Il recommanda un second verre à son barmaid préféré, non sans rouler des yeux d’exaspération en voyant que l’abruti de première revenait à la charge au galop, non content sans doute de s’être fait rembarrer… pour quelqu’un au charme plutôt évident, au regard bleu eau-de-mer et à la carrure tout de même musclée. Wayne ne se leva même pas du tabouret de comptoir sur lequel il était assit, ce n’était pas utile : il dominait tout de même l’importun de sa taille alors qu’il n’avait pas reposé un pied au sol. Il le toisa de tout son long, l’air menaçant, sourcils froncés ; pire, il le défiait de dire ne serait-ce qu’un mot de trop histoire d’avoir l’opportunité de le prendre pour cible… Wayne allait s’y donner à cœur joie, mais d’une façon différente que celle à laquelle on pourrait s’attendre. « Et bien ? Beaucoup de bruit pour rien ! Alors je vais faire simple, l’ami, histoire que ton poids chiche capte rapido : un mot de plus et je te dégage à grands coups de tatane dans le derche. Un regard vers ma femme et je te défigure avec mon bistouri, vu ? Tu seras très mignon pour le musée des horreurs à côté de Central Park, du meilleur effet. » Haussement de sourcil, le ton était donné. Wayne commença à compter les secondes dans son esprit, se défiant lui-même en faisant des probabilités toutes plus farfelues les unes que les autres. Finalement, il ne mit pas plus de six secondes et quarante-six centième pour détaler comme un lapin de Bourgogne. Autant dire que c’est un neurochirurgien hilare et passablement fier de lui qui se retourna vers le comptoir et dégusta une nouvelle gorgée de ce liquide semblable à de l’ambroisie. Satisfait… le mot restait faible. « Je ne suis pas champion… mais je pense qu’il va pleurer sa génitrice pour un moment et donc vous laisser tranquille. Santé. » Wayne leva son verre pour la beauté de la chose, retournant aussitôt à la précarité de ses pensées. C’est fou comme ses traits venaient de changer diamétralement d’émotion en l’espace de quelques secondes à peine…

« Vraiment pas de quoi » Il avait l’air… Ailleurs, pouvais-je penser qu’il n’avait pas l’air dans son assiette ? Peut-être la fatigue ? Le boulot ? Ou dieu sait quoi ? En tout cas, quand je le regardais et que je l’entendais parler il y avait quelque chose qui me dérangeais. Pas dans le sens ou c’était insupportable non, juste le fait qu’il n’avait pas l’air bien… « Vrai qu’en vous regardant, on ne pense pas immédiatement à cela, autant être honnête. En revanche… je vous remercie mais je crois que je saurais tout de même me défendre tout seul. » Souriant faiblement, je soupirais fortement avant de poser mon coude sur la table en faisant une moue boudeuse. « Pourquoi donc ? Car je suis une fille super mince et chétive ? Rah l’apparence ne fait pas tout ! J’aime me défouler… Je veux plus dépendre de qui que ce soit pour me sauver… enfin, je dis ça mais je vous ai pris comme complice, c’est mal… » soufflai-je en faisant mine de réfléchir. Ok j’avais déjà bu un verre, je n’avais pas trop l’habitude de boire d’un coup, mais quand même… Je n’étais pas déjà ivre… non ! Interceptant à nouveau le type ivre qui revenait vers nous. Il n’avait pas compris ou quoi ? Il n’était pas le bienvenu… Je ne voulais pas de lui bon sang… mais je n’eus pas le temps de faire ou dire quoi que ce soit, je vis mon voisin se tourner vers l’inconnu. J’avais l’impression d’avoir foutu une mauvaise ambiance… J’avais peut-être dérangé mon voisin d’ailleurs… Je me sentais mal pour le coup… « Et bien ? Beaucoup de bruit pour rien ! Alors je vais faire simple, l’ami, histoire que ton poids chiche capte rapido : un mot de plus et je te dégage à grands coups de tatane dans le derche. Un regard vers ma femme et je te défigure avec mon bistouri, vu ? Tu seras très mignon pour le musée des horreurs à côté de Central Park, du meilleur effet. » Manquant de m’étrangler avec mon verre non seulement par ces dires, mais surtout aussi, par le fait qu’il venait d’employer le mot femme, je crus mourir sur place.

Il jouait certes bien le jeu mais il m’avait surprise. Je tentais de feindre l’ignorance en regardant alors l’homme du coin de mes yeux en souriant à peine. Le genre de sourire qui narguait l’autre en un sens. Pour jouer un peu plus le rôle, je ne perdis pas de temps pour me coller contre cet inconnu qui me sauvait la mise. Il était chaud, et fort, doux aussi, et un parfum que je trouvais envoutant émanait de cette personne. Il se passa quelques secondes avant que le mec ivre, ne s’en aille pour de bon. Mon sauveur avait l’air d’apprécier ce moment d’ailleurs. Le regardant boire une gorgée de son whisky, je le détaillais longuement. Il était plutôt bel homme. C’était bien la première fois que je m’attardais sur quelqu’un avec autant de minutie. « Je ne suis pas champion… mais je pense qu’il va pleurer sa génitrice pour un moment et donc vous laisser tranquille. Santé. » Riant doucement, je posais doucement ma main sur ma bouche avant de lui lancer un regard amusé. Il était assez marrant, mais j’espérais en tout cas que ce type allait me laisser tranquille. Tournant un vague regard autour de nous, je le vis au fond de la salle nous épiant, comme s’il attendait que je m’éloigne… Buvant une gorgée de mon verre, je restais contre mon sauveur avant de poser une main sur sa cuisse l’air de rien, comme si c’était tout à fait normal. « Je pense qu’il me laissera tranquille oui, tant que je serais à vos côtés, mais bon n’ayez crainte pour moi, s’il me suis dehors, il aurait à faire à mes prises… Il ira peut-être même pleurer sur les genoux de son père comme ça… » soufflai-je doucement en le regardant à nouveau. « Oh, la main, c’est parce qu’il nous regarde, ne fait pas attention… Au fait… Je m’appelle Chizuru et vous ? Mon humble sauveur ? » demandai-je doucement en croquant lentement ma branche de céleris sans le quitter un seul instant du regard, ma jambe frôlant alors la sienne plus par inadvertance qu’autre chose… mais ça seule moi le savait…

Croire qu’il allait s’offusquer pour une main sur sa cuisse, allons bon ! Wayne conservait au contraire un petit sourire malicieux alors que cette parfaite inconnue s’exprimait, non sans mettre en avant un talent qu’il imaginait tout à fait possible et contre lequel il allait bien évidemment éviter de se frotter. Certes, il était habile du bistouri, mais n’en n’était pas combattant pour autant. Ce qui l’intéressait de son côté, c’était la Capoeira. Aucun risque qu’il ne fasse réellement de mal à une mouche, même atteinte de strabisme, et bien que sa musculature soit relativement impressionnante. Il parvenait toutefois à très bien se défendre une fois armé d’un club de golf, sport qu’il idolâtrait par-dessus tout, il en avait fait la preuve lors d’une agression avec trois abrutis armés. Comme quoi, il ne faut surtout pas croire que de grandes gigues ne peuvent pas être agressées. Néanmoins, dans le cas de l’importun ayant osé les déranger par deux fois, Wayne savait par avance qu’il ne pourrait pas faire le malin une troisième : non seulement le neurochirurgien n’hésiterait pas à lui exploser son verre à la tronche, mais il imaginait que sa charmante voisine allait lui faire bouffer son alcool par tous les orifices… chose qu’il trouverait à la fois douloureuse et passionnante, à n’en pas douter. Pour l’instant, il faisait un effort d’écoute, sans la lâcher des yeux, faisant preuve de la politesse dont l’autre semblait avoir oubliée au passage. Finalement, elle se présenta, lui arrachant d’un même temps un sourire sincère alors qu’elle lui donnait une appellation à laquelle il ne s’attendait aucunement… diantre, ils étaient faits pour s’entendre, deux originaux en perdition ! « Je devrais peut-être mesurer mes manières pour ne pas me retrouver en mode Picasso période déstructurée, je suppose ? » Afin de rendre vert le type qui les observait toujours, Wayne n’hésita pas une seconde à s’emparer de la main que Chizu conservait contre sa cuisse depuis quelques minutes maintenant… afin d’y déposer un léger baisemain. Quel acteur il faisait parfois !

« Je m’appelle Wayne, enchanté. » « Docteur Wayne Swarovski, a-t-il oublié de préciser le bougre ! » « Tu n’as pas des verres à lustrer toi ? » Secouant négativement la tête, le jeune homme poussa un faux soupir tout en reposant la main de la demoiselle là où elle était précédemment : autant jouer le jeu jusqu’au bout pour qu’elle n’évite d’être ennuyée à la sortie… on ne sait jamais sur quel zigoto on tombe dans des quartiers disons plus populaires. Wayne s’en voudrait beaucoup s’il apprenait par la suite qu’une bricole lui était arrivée alors qu’il aurait très bien pu la raccompagner. « En tout cas, si l’habit ne fait pas le moine, faut savez très bien faire peur, je vous rassure tout de suite ! Néanmoins… vos prises sont-elles à la merci des balles et autres joyeusetés du genre arme blanche ? » Il ne remettait pas en cause son talent : elle avait l’air de savoir de quoi elle causait justement. Mais elle restait une femme… moins puissante qu’une barrique de deux mètres, c’est évident, et la prudence n’était donc pas à laisser totalement de côté, malgré une connaissance avisée en matière d’arts martiaux.

« Je devrais peut-être mesurer mes manières pour ne pas me retrouver en mode Picasso période déstructurée, je suppose ? » Sa question me fit doucement rire. Il était adorable, j’aimais déjà parler avec lui. Il avait l’air d’avoir de l’humour mais aussi, de l’intérêt, ce n’était pas le genre d’homme à s’en foutre de tout. « Mais non… Soyez vous-même… Vous m’avez l’air fort sympathique, puis je n’oserai pas abimer un si joli visage… » soufflai-je doucement avant de me figer en le sentant porter ma main sur ses lèvres. Qu’est-ce que… Rougissant sur le coup, c’était la première fois de ma vie qu’un homme me faisait ce genre de chose… Ne sachant plus ou me mettre, je baissais furtivement le regard tout en me mordant l’intérieur des joues. « Je m’appelle Wayne, enchanté. » « Docteur Wayne Swarovski, a-t-il oublié de préciser le bougre ! » « Tu n’as pas des verres à lustrer toi ? » Ne pouvant pas m’empêcher de rire, je posais délicatement ma main devant ma bouche en riant faiblement avant de lancer un regard amusé au serveur tout en lui faisant un clin d’oeil. Ils avaient l’air de se connaitre et pas qu’un peu… peut-être que je devrais poser mes questions à cet homme pour en apprendre sur ce fameux Wayne. Attend, stop. Pourquoi je voudrais en apprendre moi ? Me surprenant à penser de telle chose, je me pinçais les lèvres avant de les humecter rapidement. Le laissant me reposer la main sur sa cuisse, je me mis à caresser du bout des doigts celle-ci, comme si cela m’était permis. J’en venais à oublier carrément l’homme qui était derrière tout ça, cet homme ivre. Le faisais-je réellement à cause de lui à ce moment même ? Je me demandais. « En tout cas, si l’habit ne fait pas le moine, faut savez très bien faire peur, je vous rassure tout de suite ! Néanmoins… vos prises sont-elles à la merci des balles et autres joyeusetés du genre arme blanche ? » Faisant une faible grimace pour le coup, je me mis à repenser à tout ce qu’il s’était passé au Cap Vert. C’est à cause de tout cela que je m’étais mise aux arts martiaux, je ne voulais plus avoir à être protégée… Kaïen, avait failli en perdre l’usage de sa jambe… Même si je devrais être morte à l’heure qu’il est au vu de la direction de l’arme qu’avait utilisé Jessica… Droit vers mon cœur… Rien que d’y penser j’avais envie de vomir. Resserrant ma main sur sa cuisse j’attrapai mon verre pour le boire cul sec. « C’est pour cela que je me suis mise aux arts martiaux. Pouvoir défier ceux qui tenteront de m’attaquer avec des armes blanches… Nous vivons dans un monde de fou. » Marmonnai-je doucement en tendant le verre vers le serveur en lui faisant signe de la tête que j’en voulais un autre. « Est-ce qu’on vous a déjà agressé avec une arme blanche ? Vous ou ne serait-ce que vos amis qui étaient avec vous ? » Demandai-je doucement en détournant le regard. Je n’aimais pas parler de ça, je ne voyais même pas pourquoi j’en parlais… Peut-être le fait que j’avais besoin de parler… mais non. Inspirant profondément, je pris le verre que me tendais le serveur avant de le boire à moitié pour le poser sur le comptoir avant de rire doucement en tournant un regard un peu amusé vers Wayne, mon ami du soir.

« Mon visage vous en remercie ! » s’exclama-t-il avant de lever son verre à l’attention du barmaid afin qu’il ne le lui remplisse. Décidément, comme rencontre inattendue, Wayne aurait pu tomber sur bien pire… cette demoiselle Chizuru était vraiment rafraichissante après la garde interminable qu’il venait de vivre. Cela dit, la question dont elle le gratifia le frappa d’étonnement : il en fronça automatiquement des sourcils et mit un moment avant de comprendre qu’elle avait sûrement vécu un traumatisme important pour la lui poser. N’importe quel jeune sot se serait laissé prendre au piège et aurait parlé d’anecdotes horribles à ce sujet des heures durant, mais il ne fallait pas oublier que Wayne n’était pas né de la dernière pluie… bien qu’il ait une sainte horreur qu’on le considère comme un vieux, du haut de ses trente-quatre ans, il avait vu plus d’horreurs que son esprit n’était capable d’emmagasiner. Son boulot de chirurgien lui avait appris à maintes reprises que l’âme humaine peut être aussi merveilleuse qu’elle n’est laide et sale lorsque la nécessité se fait sentir. Ce fut pourquoi ses traits délicats se fermèrent aussitôt : il ne pouvait s’empêcher de penser à sa jumelle, Anna, souvent malmenée par des abrutis comme le type qu’ils avaient communément repoussé. Il ne lui était jamais arrivé de chose grave, heureusement, sans quoi l’américain aurait tout bonnement rué dans les brancards à la seconde même où il l’aurait appris. Mais tout ceci le rendait perplexe. Fallait-il que cette jeune femme ait de bonnes raisons pour se lancer dans l’apprentissage des arts martiaux, puisqu’il semble qu’elle ne l’est pas fait pour la philosophie de vie véhiculée par ceux-ci. Il ne pouvait s’agir que d’un moyen défensif face à la connerie humaine… ce qu’il comprenait plutôt aisément, à vrai dire. « Mes proches ont vécu des sales trucs mais rien qui soit semblable. Ceci étant… je sais ce que peuvent faire ces engins. J’en vois défiler à longueur d’année sur ma table d’opération. Je suis plutôt habitué à la bizarrerie humaine, qui pousse notamment les gens à rouler sans casque sur une moto sportive et les transforme en légume… croyez bien que ce genre de connerie est une belle source de désespoir pour les gens comme moi. Mais je ne pense pas qu’il y ait de remède à la connerie. Vous vous rendez compte de la taille des bâtiments si on inventait des asiles de cons ? »

Wayne, satisfait de sa dernière réplique visant à détendre l’atmosphère, n’hésita pas à s’enfiler l’intégralité de son verre juste rempli cul sec. Le liquide lui brûlait à moitié le gosier mais diantre, cela lui fit un bien fou. Il en soupira d’aise la seconde d’après, avant de reporter machinalement son attention sur cette jolie demoiselle. « Nous vivons dans un monde de fou mais une aussi jolie demoiselle ne devra pas avoir des pensées aussi sombres en cette belle soirée. Ni même bouffer du céleri… c’est une invention de sadique ça, vous savez ? Vous ne voulez pas boire autre chose ? J’offre ma tournée pour fêter la folie mondiale. » Sans doute la fatigue qu’il trimballait rendait-il l’alcool nettement plus marquant que d’habitude… mais Wayne n’était pas saoul. Seulement plus joyeux qu’il ne l’aurait été en temps normal, sans n’avoir rien ingéré.

« Mon visage vous en remercie ! » Souriant doucement, je portais ma main libre sur sa joue pour le caresser l’air de rien avant de me pincer les lèvres. « Ça serait vraiment du gâchis… » soufflai-je en enlevant ma main l’air de rien, comme si j’avais eu le droit de caresser son visage de la sorte. Par la suite, on se mit à parler des armes blanches, et je ne pus m’empêcher de lui demander s’il avait déjà eu à faire aux armes blanches lui aussi. Je ne voulais pas trop en parler, je détestais me souvenir de ces moments-là… Mais pour le moment tant qu’on n’entrait pas dans les détails tout m’allait…« Mes proches ont vécu des sales trucs mais rien qui soit semblable. Ceci étant… je sais ce que peuvent faire ces engins. J’en vois défiler à longueur d’année sur ma table d’opération. Je suis plutôt habitué à la bizarrerie humaine, qui pousse notamment les gens à rouler sans casque sur une moto sportive et les transforme en légume… croyez bien que ce genre de connerie est une belle source de désespoir pour les gens comme moi. Mais je ne pense pas qu’il y ait de remède à la connerie. Vous vous rendez compte de la taille des bâtiments si on inventait des asiles de cons ? » Je n’osais pas imaginer non, surtout qu’au fond, nous étions tous cons… Il y avait toujours un moment dans notre vie, ou nous étions réellement con de faire tel choix au lieu d’un autre, de réagir de telle façon et pas une autre et j’en passe. Mais ce que j’avais vécu chez moi avait été un traumatisme qui nous avait à tout jamais changé. Pour ceux qui avaient survécut bien évidemment. Car malheureusement pour ceux qui étaient mort… Ils ne pouvaient pas vivre ce ressentit que nous avions. Le voyant boire cul sec son verre, suivant le mouvement de sa main, je me trouvais un peu nunuche de suivre ses mouvements, comme s’il était un dieu ou diable sait quoi qui pouvait autant m’obnubilé… « Nous vivons dans un monde de fou mais une aussi jolie demoiselle ne devra pas avoir des pensées aussi sombres en cette belle soirée. Ni même bouffer du céleri… c’est une invention de sadique ça, vous savez ? Vous ne voulez pas boire autre chose ? J’offre ma tournée pour fêter la folie mondiale. » Rougissant faiblement sous le compliment, je fixais mon verre avant de me pincer les lèvres. Il n’avait vraiment pas tort, il fallait que je cesse de manger du céleri et que je boive ce genre de boisson. Mais j’essayais de taper dans ce qu’il n’y avait pas de trop cher au vu de mes finances actuelles… Finissant à mon tour mon verre je le poussais vers le barman avant de lui faire mon plus beau sourire. « Je prendrais comme lui alors. » soufflai-je doucement en priant pour que ça ne soit pas trop fort comme boisson. Je n’en avais jamais bu, mais bon il y avait une première fois à tout ! Me tournant bien vers lui, je penchais ma tête tout en le scrutant longuement avant de sourire, dévoilant alors mes dents. « Un asile… Ahh, dieu, plein de gens seraient enfermé là-dedans. Peut-être moi la première ! Après tout, je crois que nous sommes tous une fois dans notre vie, con... M’enfin bon. » marmonnai-je doucement en laissant le barman nous donner deux verres. Prenant le mien, je regardais le liquide orangeâtes avant de sourire faiblement. « Merci alors, Wayne le médecin… Quelle est votre spécialité ? Dites-moi tout, je veux tout savoir… » soufflai-je en caressant toujours sa cuisse, sans réellement m’en rendre compte qu’autre chose.

Wayne arqua un sourcil de surprise en entendant Chizuru commander la même chose : là encore, à la voir avec son morceau de céleri et son Bloody Mary attestant de son humeur plutôt maussade, il ne s’attendait pas le moins du monde à la voir commander un verre d’un whisky ressemblant davantage à une œuvre d’art qu’à autre chose. Il la regarda jeter une petite œillade au liquide contenu par son verre, et ne pu s’empêcher d’esquisser un petit sourire rien qu’à imaginer ce que ledit liquide allait faire à son organisme si celui-ci n’était pas habitué. Il se retint de faire tout commentaire, bien trop conscient du fait qu’elle n’était pas sous sa protection et qu’il n’avait donc aucun jugement à porter à ses actes. Bien au contraire, elle semblait majeure et vaccinée, aussi loin qu’il put en juger… bien que sa vision soit désormais légèrement atteinte par tout l’alcool qu’il avait lui-même ingéré de son côté. A croire qu’ils aient été destiné à s’alcooliser joyeusement tous deux, ressassant leur marasme respectif jusqu’à ce que le rire remplace le reste et que toute forme de raison ait été définitivement anesthésiée. « Peut-être devrais-je trinquer à la connerie dont nous sommes tous atteint un jour, alors ? Merci pour cette philosophie carambar très chère, je me sens bien mieux maintenant. » Qu’elle ne s’offusque surtout pas de la liberté verbale qu’il venait juste de prendre : Wayne se trouvait toujours bien plus bavard avec un petit coup dans le nez. Lui d’ordinaire si taciturne, si secret, si impénétrable, se trouvait mis à mal par quelques verres d’un délicieux liquide… dommage que les perfusions à base de vieux whisky distillé ne soit pas autorisées à la vente, sans quoi en aurait-il prescrit à tous les malades souffrant atrocement et ne se trouvant plus en mesure de différencier la réalité de leurs délirium. Quel mal y aurait-il à apaiser leur douleur ? Aucun. Wayne se voyait même en user pour lui-même, afin de taire cette souffrance latente toujours prête à réapparaître au pire instant… « Tout savoir ? Alors tout dépend de combien de temps vous disposez, Chizuru. »

Son côté bavard n’était pas encore réellement enclenché, sans quoi il aurait répondu sans l’ombre d’une hésitation à sa question. Mais à la réflexion, il n’avait aucune envie qu’elle ne bave devant sa spécialité si admirable, par l’idéal qu’elle se ferait dès lors de lui et qui le mettrait, malgré l’alcool ingéré, diablement mal à l’aise. Il se racla donc la gorge, se tournant désormais vers elle afin de capter son regard de façon plus directe et, lorsqu’il eut l’impression d’avoir obtenu toute l’attention possible, se lança : « Neurochirurgie. Ce qui fait que je pourrais très bien charcuter l’autre imbécile là bas derrière qui n’a de cesse de nous reluquer et qui commence juste à me taper sur le système. Vous croyez que le céleri en suppo, ça fait mal ? » Wayne éclata de rire face à sa propre connerie : il reposa donc son verre, le repoussant même du bout de son doigt avant de se passer une main dans sa chevelure. C’est fou ce qu’il faisait chaud, tout d’un coup. « Faites attention si vous n’avez pas l’habitude de boire ceci… c’est traître. Je ne suis pas certain de pouvoir suturer droit à présent. Patron ! T’as pas une banane, une aiguille et du fil ? Je veux vérifier quelque chose ! »

« Peut-être devrais-je trinquer à la connerie dont nous sommes tous atteint un jour, alors ? Merci pour cette philosophie carambar très chère, je me sens bien mieux maintenant. » Ma philosophie carambar ? C’était quoi un carambar en plus ? Jamais entendu parler… C’était surement un truc d’ici… Pour le coup, j’avais pas mal de mal à me demander ce que c’était… Il avait peut-être voulu dire calamar ? Ça se ressemblait non ? Le calamar n’est pas très intelligent ? Enfin, je n’en savais foutrement rien… « Carambar ? » demandai-je en fronçant les sourcils. J’espérais ne pas passer pour une folle… Je venais tout de même d’Afrique du sud, et même si j’avais grandi dans une grande ville comme le Cap Vert, il y avait des choses que nous n’avions pas qui se trouvait ici… Parfois ma ville natale me manquait, mais je ne préférais pas y penser ! Non valait mieux pas… « Tout savoir ? Alors tout dépend de combien de temps vous disposez, Chizuru. » J’avais toute la nuit ! Et bien plus, voilà ce que j’avais envie de dire, mais peut-être que ça prêté à confusion… Et que je pourrais paraitre un peu trop collant à son égard. Déjà que je m’incrustais dans sa soirée, et qu’il avait s’il faut, voulu la passer seul… Je me sentais un peu… De trop. « Autant que vous le voudrez ! » soufflai-je alors l’air de rien, en espérant qu’il ne prenne pas cela pour autre chose. Déjà que j’étais bien jeune contrairement à lui … Et qu’en plus de cela je venais dans des bars alors que je n’avais même pas l’âge légal… L’avantage d’avoir trafiquer une fausse carte d’identité… C’était mal, très mal, j’assumais. « Neurochirurgie. Ce qui fait que je pourrais très bien charcuter l’autre imbécile là-bas derrière qui n’a de cesse de nous reluquer et qui commence juste à me taper sur le système. Vous croyez que le céleri en suppo, ça fait mal ? » Le céleri en … suppo ? Oh mon dieu, oh… Mon dieu ! Je ne pus m’empêcher de rire pour le coup. Il avait de ces idées, même moi je ne l’aurai pas trouvé… J’avais envie de rire mais de rire… Je me retenais comme je pouvais tenter de chasser ce méchant fou rire qui me guetté. L’entendant rire, je ne pus cesser de me retenir, pour rire à mon tour. Finalement j’avais bien choisi mon bar et en plus ma place.

Ce Wayne m’avait l’air très gentil, et adorable surtout. J’avais envie de continuer ma soirée avec lui de parler de rire, de pouvoir enfin penser à autre chose… C’était si rare, je me sentais bien pour le coup. « Faites attention si vous n’avez pas l’habitude de boire ceci… c’est traître. Je ne suis pas certain de pouvoir suturer droit à présent. Patron ! T’as pas une banane, une aiguille et du fil ? Je veux vérifier quelque chose ! » Une banane ? Mais qu’est-ce qu’il voulait faire avec une banane ? Il voulait suturer pour me montrer son talent ? Il avait trop bu oui ! Il avait surement raison, sa boisson était dévastatrice, et elle avait déjà eu raison de lui ! Fixant alors ma boisson, je ne pus m’empêcher de boire le verre cul sec et le reposer en frissonnant. Ma gorge me brulait, et je pouvais sentir l’alcool descendre jusque dans mon estomac tellement il était fort et que je n’avais pas l’habitude de boire ce genre d’alcool. « Ok mon petit Wayne, je laisse ma branche de céleri de côté… S’il nous gonfle encore, on la teste en suppo ok ? Je suis sûr que si on le menace en gigotant la branche sous son nez il prendra peur et s’ne ira ! » Lâchai-je avant de rouler des yeux de ma connerie et rire doucement. J’avais chaud, très chaud, je mettais ça sur le compte de l’alcool pour le moment. « J’ai une banane mais, pas de fil et aiguille, désolé Wayne. » « Attendez, j’ai toujours un petit kit de couture sur moi, je suis pas une nana pour rien… » lançai-je en faisant signe au barman d’aller chercher une banane. Fouillant dans mon sac, je sortis mon petit kit avant de le donner à Wayne. Je ne supportais pas de me trimballer avec des trous dans les fringues. Même si ma couture était affreuse, au moins il n’y avait plus de trou. « Vous… Voulez coudre une banane ? Ou… J’ai mal compris votre intention ? » Demandai-je en le regardant droit dans les yeux.

Chizuru devait bien être la seule jeune femme à avoir un petit kit de couture dans son sac à main alors qu’elle sortait dans un bar… la donne fit doucement sourire Wayne avant qu’il n’éclate volontiers de rire : finalement, voilà qui était parfait ! Il accepta le fruit tendu par son barman unique et préféré avant de prendre en main LE kit de couture qui allait lui permettre de tester ses réflexes de chirurgien… même avec un gros coup dans le nez. « Je vous remercie ! La donne est délicate, à vrai dire. Je veux simplement savoir si je serais capable de faire une petite suture à quelqu’un si jamais on m’appelait… bon évidemment, je ne suis pas inconscient au point de dire que je suis capable d’opérer un cerveau humain dans l’état où je suis, mais une suture, ce n’est pas grand-chose ! » En faculté, il était capable d’en réaliser les yeux fermés. Ses comparses le prenaient pour un extraterrestre à vrai dire… le côté bourreau de travail qu’il mettait en application laissait ses camarades aussi bien admiratifs que jaloux. Mais le fait est que la chirurgie était bien la seule chose que personne ne saurait lui prendre. Il n’aurait jamais rien à perdre à l’exercer, puisqu’il ne pouvait s’en dégoûter. Anna lui faisait suffisamment de reproches là-dessus, surtout lorsqu’il recousait si soigneusement la dinde de Thanksgiving ! A sa décharge, avoir sans arrêt l’impression d’être à l’hôpital n’aidait pas… mais la chirurgie caractérisait le jeune homme, il n’y pouvait rien. Pourquoi diable culpabiliserait-il ? Il n’y avait aucun mal à aimer son travail au-delà des mots. La preuve, il découpa soigneusement la peau de la banane à la verticale afin de l’écarter légèrement et fit une légère coupure sur le fruit en lui-même, sans trembler une seule fois, un soudain sérieux s’étant comme emparé de ses traits si marqués d’ordinaire. Il faut dire que coudre une banane relevait de l’exploit, ce fruit étant extrêmement mou. Il prit donc en main le petit kit confié par Chizu et s’occupa de mettre un bout de fil dans le chat de l’aiguille comme s’il s’apprêtait à s’exercer sur une véritable œuvre.

« Il faut se lancer des défis, dans la vie ! » s’exclama-t-il, on ne peut plus fier. Certes, Wayne ne regardait plus la jeune femme dans les yeux, tout concentré qu’il était à coudre sa banane armé de son brio de neurochirurgien, mais cela ne voulait pas dire que toute discussion devait en être stoppée. Bien au contraire, il aimait s’exprimer, surtout en face d’internes qu’il formait. Cela permettait moins de tensions au sein du bloc et donc un bien meilleur « karma » pour ceux qui croient à ces choses là. « Dites-moi Chizu, que faites-vous de votre côté ? Je veux dire, comme métier, en dehors de manger cette espèce d’horreur que l’on appelle céleri… m’est avis que je ne verrai plus jamais ce légume de la même façon désormais ! »

« Je vous remercie ! La donne est délicate, à vrai dire. Je veux simplement savoir si je serais capable de faire une petite suture à quelqu’un si jamais on m’appelait… bon évidemment, je ne suis pas inconscient au point de dire que je suis capable d’opérer un cerveau humain dans l’état où je suis, mais une suture, ce n’est pas grand-chose ! » Il était de garde ? Il buvait alors qu’il y avait des chances qu’on l’appelle pour avoir ses services ? Ça ne craignait pas un peu pour le coup ? Enfin, j’y connaissais rien moi ! Mais dans une série que j’avais vu, il n’y a pas longtemps, il me semblait, qu’avec une perfusion, de je ne sais quel médicament, on pouvait rapidement dessaouler quelqu’un. Etait-ce vrai ? Etait-ce faux ? Ça je n’en savais rien… Je n’avais jamais tenté et ne tenterait pas. Toute façon, pour aller squatter les soins d’un hôpital ça revenait bien trop cher, alors autant tenter au maximum d’y aller faire un petit séjour… « Vous êtes sûr que ça va bien ? Je veux dire… Je n’aimerai peut-être pas être la personne qui aurait besoins de vos soins là… Vous pouvez vraiment coudre ? Une banane ok… mais quelqu’un ? Je veux bien vous donner mon bras si vous voulez… je ne suis pas douillette… » Non mais je délirais de lui donner gratuitement de la peau de mon corps pour coudre moi. Ça n’allait plus du tout. L’alcool ne me réussissait pas là… Le laissant prendre le fil pour le mettre dans le chat de l’aiguille, je le regardais faire, comme s’il était en train de me donner un cours, ou dieu sait quoi sur la couture… « Il faut se lancer des défis, dans la vie ! » Oui certes il n’avait pas tort, mais tout de même… Se lancer de tels défis, ce n’était pas un peu… bizarre ? Je veux dire… Recoudre une banane c’est tout de même… Pauvre banane ! Même si elle ne sentait rien, je préférais la voir dans mon estomac. Mais ça ne devait pas être facile, elle était tout de même mole, n’était-ce pas mieux de recoudre quelque chose d’assez dur et bien consistant ? Enfin, je n’y connaissais rien en médecine… Tout ce que je savais c’est que fendre un crâne avec un bon caillou c’était possible. Secouant ma tête, j’essayais de ne plus repenser à la façon dont j’avais tué Jessica. « Dites-moi Chizu, que faites-vous de votre côté ? Je veux dire, comme métier, en dehors de manger cette espèce d’horreur que l’on appelle céleri… m’est avis que je ne verrai plus jamais ce légume de la même façon désormais ! » Ce que je faisais… Rien de bien glorieux contrairement à lui… Je cumulais les petits boulots pour pouvoir m’en sortir et surtout pour pouvoir me payer des études dans quelques temps. En temps normal j’aurai très bien pu m’en sortir avec l’argent de ma mère, mais j’avais coupé les ponts, j’étais parti et je ne lui avais pas donné de nouvelles depuis. Je me demandais d’ailleurs si elle allait bien. Inspirant doucement, je me penchais un peu vers lui pour le voir faire, comme hypnotisé par tout cela. C’était tout de même passionnant. Moi à sa place j’aurai déjà fait de la purée de banane. « Eh bien… Je suis ici depuis un peu plus d’un an alors je cumule un peu les jobs pour pouvoir mettre de côté et faire des études plus tard… Mon passe-temps favoris est bien évidemment les arts martiaux… Je mange beaucoup de légumes ! Le céleri en fait partie mais… je crois qu’à présent, quand j’en prendrais... Je ne le verrais plus de la même façon… » marmonnai-je doucement en frissonnant sur le coup. C’était tout de même affolant de constater à quel point on peut vite s’écœuré de quelque chose avec une simple petite connerie annoncé. Me penchant un peu plus je le regardais faire en me tenant sur le comptoir m’étant presque mise debout sur le tabouret mes pieds posé sur l’une des barres de celui-ci. Le voir faire me rendait folle, c’était limite… Excitant ! Etait-ce normal d’être excité de voir un homme coudre une banane ? Je n’étais pas plus normal que lui de la coudre ! Je devenais folle ! C’était surement l’alcool qui me faisait cet effet là… Riant faiblement je me mordis les lèvres avant de m’approcher de son oreille. Ne dis rien… « ça m’excite, moi de vous voir coudre cette banane… » C’était dit…

Il n’y avait vraiment qu’un Wayne alcoolisé jusqu’au bout des ongles pour s’adonner à une telle « discipline ». Mais le pire, c’est que ses mains avaient subitement cessé de trembler pour ne se concentrer que sur une chose : la couture de cette fichue banane. Il y parvenait à la manière d’un véritable professionnel, d’ailleurs. Jamais il n’aurait accepté d’opérer un être humain dans un tel état, et puis après tout, il n’était pas le seul chirurgien compétent de l’hôpital où il officiait. On pouvait bien le remplacer pour une nuit… nul n’est irremplaçable. A la place, il trouvait bien plus palpitant de coudre la chair de ce fruit, délicate, surtout qu’elle était en mode bien mûre, tandis que son visage laissait s’échapper une expression sérieuse que peu de gens lui connaissaient. On aurait presque dit qu’il n’écoutait pas un traître mot du discours de sa compagne de ce soir, mais il était au contraire on ne peut plus attentif. Un bref sourire trancha son sérieux lorsqu’elle lui avoua adorer les légumes : c’est drôle, il aurait presque été capable d’en parier ! Mais très étrangement, lui non plus ne verrait plus jamais le céleri de la même façon, déjà qu’il n’aimait guère cela en temps normal… une invention de sadique que ce légume absolument imbouffable, difficile à cuire et ultra dur quelque soit la manière de le cuisiner. En somme, il allait se faire une joie de continuer à ne surtout pas en manger. Surtout qu’à l’heure actuelle, la couture de son fruit préféré semblait bien plus passionnante ! Tellement passionnante qu’il manqua de s’étrangler avec sa salive face à l’aveu de Chizuru : cette petite ne perdait pas le nord, l’est, l’ouest ou même le sud ! Wayne stoppa l’espace d’un instant son ouvrage pour mieux lui lancer un petit air malicieux dont il avait le secret…

« Serait-ce que vous me trouvez sexy ? » Autant faire semblant de lire entre les lignes, bien qu’il n’y ait pas forcément grand-chose à y lire. Ils étaient tous deux aussi alcoolisés l’un que l’autre et incapables d’être sérieux deux secondes. Le rire du beau chirurgien en fut l’ultime preuve. « C’est plus sexy de la coudre que de couvre votre bras. Ce serait gâcher que de vous abîmer, ma rusée damoiselle… » Wayne eut le culot d’esquisser un léger clin d’œil tout en reprenant son ouvrage. Ah, mon pauvre Wayne, tu chies dans la colle. Cette nénette te fais un brin de rentre dedans et toi tu continues ta cousette, t’es bon pour la casse ! Mais en attendant, il prouvait par a+b que même avec un gramme dans le sang, il savait encore utiliser ses mains à bon escient… « Au moins je suis habile de mes mains, bon à savoir ça ! »

« Serait-ce que vous me trouvez sexy ? » Mordillant mes lèvres, je lui lançais un regard assez provocateur avant de baisser mes yeux vers ses lèvres, fines et pulpeuses à la fois. Oui, je le trouvais sexy… Terriblement sexy même ! Ok, l’alcool m’aidait surement, mais non, avant même que je ne boive un seul verre d’alcool… Je le trouvais déjà assez mignon alors… L’alcool m’aidait simplement à parler et à surement avouer mes sentiments… enfin, sentiments… Mes envies… Il était sexy… Est-ce que je pouvais me rapprocher de lui ? Est-ce que je pouvais atteindre son visage si sublime ? Son regard si intense et envoutant ? Je me demandais… « C’est plus sexy de la coudre que de coudre votre bras. Ce serait gâcher que de vous abîmer, ma rusée damoiselle… » Interceptant son petit clin d’œil, je lâchais un faible gémissement étouffé par ma gorge qui se contractait sous une envie grandissant en moi. Mon cœur battait la chamade, j’avais chaud, terriblement chaud, j’avais l’impression de ne plus connaitre mon corps. Mon ventre me faisait mal, pas une douleur horrible, non plutôt agréable en soi. Comme s’il me disait quelque chose… Je me rapprochais de lui, ma main toujours sur sa cuisse, je tentais de ne pas perdre la tête. Me raisonner c’était ce qu’il y avait à faire. L’alcool m’abrutissait, c’était ça le fautif ! Je devais me contrôler et ne pas perdre le corps contrôle des choses. Son corps était chaud, brulant, il donnait envie de câlin… Oui c’était ça… « Au moins je suis habile de mes mains, bon à savoir ça ! » Hmpf… Inspirant profondément, je fixais ses mains en soupirant faiblement. Il était habile de ses mains oui… Moi ça faisait longtemps que la banane serait en mode compote prête à se faire manger… quoi que… Je doutai de ça après mon passage…Mordillant mes lèvres, je relevais le visage pour le fixer longuement, détaillant bien son visage. « Vous êtes sexy… Vous avez du charme, vous êtes envoutant je trouve… Terriblement tentant aussi… » soufflai-je d’une voix légèrement cassé par ma gorge toujours aussi contractée. Ma main caressant lentement sa cuisse, je la fis remonter vers le haut de celle-ci avant de filer vers son genou du bout de mes doigts faisant alors ceci pendant quelques instants avant de fermer les yeux. Ma tête me tournait légèrement, je me sentais quelque peu euphorique. Bien, si je puis dire. Il avait raison, cette boisson était traitre quand on n’avait pas l’habitude de la boire. Mais je me sentais tellement bien là. Comme si aucun souci ne faisait partie de ma vie. Si seulement ça pouvait être le cas. Ça serait merveilleux…Posant ma main sur la sienne, je le stoppais dans ses mouvements, me fichant de gâcher son boulot, son chef d’œuvre, mon autre main elle, attrapa son menton pour lui faire tourner le visage vers moi. Ni une ni deux, sans réellement réfléchir, je plaquais avec douceur mes lèvres contre les siennes avant de gémir contre les siennes. La douceur de ses lèvres me fit frissonner, mon corps tout entier réagissait sur le coup. Entrouvrant mes lèvres, je les bougeais faiblement avant de mordiller sa lèvre inférieure avec extrême lenteur. Tremblante contre lui, je faufilais ma main dans ses cheveux pour rapprocher encore plus nos visages, comme s’ils n’étaient pas assez prêts. Mon nez caressant la peau de son visage je me reculais faiblement pour le regarder de façon envieuse. Restant silencieuse quelques seconde, je m’amusais à frotter nos nez avant de rire faiblement, mes joues s’empourprant en réalisant ce que je venais de faire. « J’espère que vous n’avez personne en ce moment sinon… C’est trop… tard… » soufflai-je en caressant ses lèvres des miennes avant de l’embrasser d’un simple baiser et me reculer en me raclant la gorge l’air de rien.

S’il y a bien une chose à laquelle Wayne ne s’attendait pas, ce fut cet élan de passion que lui offrit pourtant Chizuru. Il mit quelques secondes avant de réaliser la teneur du baiser mais n’émit pas la moindre hésitation supplémentaire en le lui rendant. L’alcool désinhibait complètement les habituelles barrières qu’il mettait entre lui et les autres, mais ne s’en portait pas plus mal ainsi. Mieux, il sentit une délicate chaleur s’emparer de lui alors que les secondes filaient et déplora presque le fait qu’elle ne s’écarte si vite. Elle fut la première à se racler la gorge, cela dit… le public alentour n’avait pas la moindre importance puisqu’ils étaient libres de faire ce qu’ils voulaient. Chizu lui arracha cependant un large rire franc et incontrôlable qu’il mit un moment à calmer tandis qu’elle lui demandait s’il avait quelqu’un. Effectivement, cela pourrait être un problème si cela était le cas mais le beau chirurgien avait quelques soucis vis-à-vis des relations humaines. Il préférait mille fois passer le plus clair de son temps à l’hôpital, au milieu du sang, des bistouris et du tempérament on ne peut plus arrogant de ses semblables plutôt que de sortir chaque soir qu’il avait de libre pour trouver quelqu’un. Il ne croyait pas en l’amour, et ça ne datait pas d’hier. De plus, sa sœur jumelle avait besoin de lui. Hors de question d’avoir un autre objectif que celui de veiller sur elle, en définitive.

« Et si je réponds oui, vous allez soigneusement garder vos distances je suppose ? La réponse est non, bien sûr. Je viendrais m’alcooliser en solo, suturer une banane et continuer à passer ce moment en votre compagnie si j’avais effectivement quelqu’un ? La réponse me semble évidente à moi, même avec un coup dans le nez ! » Wayne laissa un léger sourire moqueur se placer contre ses traits avant qu’il n’attrape doucement le menton de Chizu afin de pouvoir capter son regard. Il la trouvait soudainement plus belle, mais d’autant plus fragile. Il se moquait bien de passer pour quelqu’un de facile, de rustre ou quoi que ce soit d’autre… il n’eut aucun regret à capturer ses lèvres à nouveau, de façon extrêmement délicate, comme s’il la redécouvrait. Ce baiser prit bientôt en puissance, offrant à leurs lèvres ainsi qu’à leurs langues respectives une sorte de ballet endiablé auquel elles ne semblaient pas vouloir échapper. Cette sensation était divine… dangereuse et délicate à la fois. Il ne serait pas celui qui se recule brusquement pour se racler la gorge et faire mine de n’avoir rien fait. Il n’avait rien fait de mal ! S’il s’écarta, ce fut uniquement pour lui offrir son plus beau sourire et continuer à planter son regard bleu eau-de-mer dans le sien. « Peut-être souhaitez-vous que je vous raccompagne ? »

« Et si je réponds oui, vous allez soigneusement garder vos distances je suppose ? La réponse est non, bien sûr. Je viendrais m’alcooliser en solo, suturer une banane et continuer à passer ce moment en votre compagnie si j’avais effectivement quelqu’un ? La réponse me semble évidente à moi, même avec un coup dans le nez ! » C’était un type honnête, et franc au moins, il n’avait pas l’air d’être celui qui trompe sa femme, sa copine ou autre. C’était plaisant à voir, parce que, combien de fois j’étais tombée sur des hommes mariés, qui trompaient leur femme après quelques verres dans le gosier… N’ayant pas le temps de répondre, je sentis sa main s’emparer de mon visage avant de sentir alors ses lèvres contre les miennes. Mon cœur s’emballa sous le coup. J’aimais qu’il puisse avoir envie de m’embrasser à son tour. J’aimais terriblement sentir ce baiser s’intensifier et devenir de plus en plus langoureux et excitant. Il me ravageait de l’intérieur, il me détruisait tel un feu ardent s’immisçant en moi. C’était dévastateur, tueur, mais si bon. Le baiser s’interrompant au bout de quelques secondes, je plongeais mon regard dans le sien, en me retenant de ne pas lui sauter tout simplement dessus. Nous étions dans un bar et pas en privée. Je ne répondais presque plus de rien à ce moment présent, et c’était limite déconcertant de voir l’effet qu’il pouvait procurer sur moi. Je n’aimais pas cela, il fallait que j’apprenne à mieux gérer mes sentiments. « Peut-être souhaitez-vous que je vous raccompagne ? » Frissonnant lentement sous sa voix et encore sonné par le baisé que nous venions d’échanger, j’avais du mal à mettre mes idées en places. Est-ce qu’il était en train de me faire comprendre qu’il voulait aller bien plus loin ce soir ? Il voulait me raccompagner chez moi pour faire bien plu que s’embrasser ? C’était surement pour cela oui… Passant brièvement ma langue sur mes lèvres, tentant de coordonner mon cerveau et mes muscles, je collais mon front au sien, avant de caresser sa joue du bout de mes doigts. J’avais terriblement envie de dire oui, mais à la fois non. Le fameux non de la sainte vierge… Mais il y avait un cap à tout et vu l’état dans lequel j’étais, j’avais qu’une envie c’était de filer d’ici avec lui et de me retrouver chez moi, ou bien même chez lui, ça m’importait peu pour le coup… Me redressant faiblement, je déposais un faible baiser sur ses lèvres avant de lui lancer un regard totalement équivoque à la situation. « Volontiers… Je n’habite pas loin en plus ça tombe bien… » soufflai-je avant de sortir de mon sac de quoi payer ce que j’avais consommer. J’aurai volontiers payé ceux de mon nouvel ami mais malheureusement… Je ne pouvais pas… J’étais aussi pauvre que le sdf du coin. Une fois totalement debout, je fis craquer les articulations de mon dos, avant de l’attraper par l’avant-bras, comme pour le retenir de partir. Je ne voulais pas finir la soirée sans lui, je le voulais, je le désirais ardemment même. Ses yeux m’envoutait, sa voix me rendait folle et m’émoustillait, je voulais en savoir plus sur lui. Soupirant faiblement, je m’approchais de lui pour lui voler un autre baiser avant de le prolonger plus que prévu. Glissant faiblement ma langue dans sa bouche, je pris le temps de caresser la douceur exquise de la sienne, échangeant alors un baiser qui me brulait de l’intérieur, je me consumais doucement sous ce baiser aux mille saveurs qui alertait alors tous mes sens, me rendant totalement folle sur place.