Les hôpitaux, Neige les avait toujours fuit, c’était de notoriété plus que publique. Mais face au petit incident dont elle avait été la victime, impossible d’être conduite ailleurs que dans cette véritable prison empestant l’eau de javel à plein nez. A ceci près qu’il ne fallait jamais sous estimer la demoiselle Hengel… elle était plus fine d’esprit que bien d’autres nénettes de sa génération, mais aussi beaucoup plus débrouillarde. Très tôt, elle avait appris à ne compter que sur elle-même, s’habituant à n’avoir ni mentor ni confident auquel se rattacher pour panser ses plaies d’âme. Tant pis… à l’heure actuelle, tandis qu’elle longeait un couloir de ce maudit hôpital, Neige n’estimait pas avoir besoin de qui que ce soit, et surtout pas de personnes bien pensantes prêtes uniquement à lui coller aux basques pour la forme. Cela dit, sortir dans cette tenue –à savoir en chemise d’hôpital d’une couleur bleue absolument hideuse– relevait du suicide, et même la jolie allemande ne pouvait qu’en avoir conscience. Elle cherchait donc un moyen pour trouver des vêtements à emprunter en vue de se grimer quelques minutes durant, soit le temps suffisant pour qu’elle ne sorte sans autre forme de procès de ce maudit endroit. Si ses calculs étaient exacts, elle ne devait pas être bien loin des vestiaires pour les internes, probablement vides à cette heure de l’après-midi, et qui constituaient une véritable caverne d’Ali-Baba pour quelqu’un comme elle. Hélas, alors que la porte était à proximité, que le couloir lui était apparut comme vide de prime abord et qu’elle s’était élancée jusqu’à elle, Neige ne manqua pas de se prendre de plein fouet une espèce de montagne de muscles en pleine poire, qui faillit la faire vaciller et tomber à même le carrelage blanc tapissant l’intégralité du couloir. La jeune femme eut un mouvement de recul, plus par réflexe qu’autre chose, car non seulement elle avait frôlé la catastrophe alors qu’elle était encore fragile physiquement ET psychologiquement, mais ce visage ne lui était hélas pas inconnu. Comment oublier le visage de chaque membre de cette foutue famille Strömblad, dont elle rêvait de ne plus jamais entendre parler, alors que l’un de celle-ci lui faisait justement face ? Neige ne connaissait même pas son prénom, juste son nom de famille. Somme toute, c’était largement suffisant.
« Je peux savoir ce que tu fous en plein dans mon passage ? Tu me déranges, dégage ! » La finesse incarnée, sans oublier de noter la politesse tout à fait fabuleuse de ce petit bout de femme, véritable électron libre s’il en est. Neige aurait été ravie de le contourner tout simplement afin d’oublier au plus vite cette rencontre impromptue, mais la présence d’infirmières au bout du couloir la poussa à agir d’une manière diamétralement opposée. Elle saisit donc le bras du colosse suédois quelques secondes et le poussa à l’intérieur du vestiaire des internes à l’aide d’une volonté parfaitement digne d’elle… et qui n’aurait souffert aucun refus de sa part. Désormais, son petit plan se devait de fonctionner à merveille : il lui fallait juste de nouveaux vêtements. Elle s’amusa donc à tester chaque cadenas de casier avec un brio proprement impressionnant, tout en écoutant le bruit qu’il faisait en collant simplement son oreille contre le métal du rangement. Efficace… lorsque l’on s’appelle Neige, évidemment. « Tu n’auras qu’à attendre qu’elles se barrent et tu pourras gentiment passer ton chemin à ton tour, l’ami. » Pas de vouvoiement, pas plus d’écoute sur ce qu’il pouvait vouloir non plus… la jolie allemande partait du principe, parfaitement logique à ses yeux, qu’il n’était pas venu la voir elle.
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