« Le cours est terminé, vous pouvez y aller ! » déclara le jeune professeur, un peu débordé par tous les événements perturbateurs qui se déroulaient dans sa classe. L’incompréhension pouvait se lire sur le visage de certains élèves, ceux du premier rang, les studieux, les intellos quoi. Angus leur lança un regard avant de soupirer et de ranger ses affaires. Les élèves se précipitèrent tous vers la sortie. Finir une vingtaine de minutes le cours bien avant les autres, c’était quand même cool, devaient sûrement penser certains d’entre eux. « Qu’est-ce qu’ils peuvent être lourds par moment… » se dit alors monsieur Brewer, puisque c’est ainsi que tout le monde l’appelé ici, à lui-même. Il se leva de son siège et sortit lui aussi, fermant la porte de la salle à clé. Et c’est ainsi que sa journée se termina… Brève journée. Après un bref passage dans le bureau des professeurs, il décida alors de rentrer chez-lui. Rentrer un peu plutôt chez-soi, c’était quand même le pied cela ! Sourire aux lèvres, il salua brièvement d’un geste de la main les rares collègues qu’il croisait avant de partir se réfugier dans sa petite voiture. Mais Angus ne prit pas directement la route qui la mènerait chez-lui. En effet, il prit la rue opposée. Non pas qu’il soit aussi tête en l’air que cela pour se tromper de route… le jeune homme en avait juste profité pour faire quelques courses rapides. Histoire d’avoir un truc à manger ce soir… Il connaissait tellement l’organisation de sa colocataire, Kaliska, qu’il se doutait bien qu’elle n’avait pas dû aller les faire. D’ailleurs, il en profita pour lui envoyer un petit message… juste pour la prévenir qu’il rentrerait certainement en avance. Message qui fut sans réponse… Sûrement avait-elle une énième fois égaré encore son portable quelque part dans l’appartement entre sa chambre et le réfrigérateur.

Quelques courses d’achetés, et Angus rentra enfin chez-lui. Pendant son trajet, il alluma son poste radio afin d’écouter un peu de musique. Et par la même occasion, il chantait à haute voix, et certainement très faux, dans son véhicule. Il chantonnait une chanson sans grand intérêt qui devait certainement faire fureur dans la cours des lycées… Ses élèves devaient écouter cela, il en était certain. I I I love you like a love song, baby, disait cette fameuse chanson. A travers les vitres, les autres automobilistes le regardaient d’un mauvais oeil. A croire que sa petite chorégraphie improvisée dans sa voiture ne plaisait pas à tout le monde. Angus arriva enfin devant son immeuble.
Les courses en main et il grimpa jusqu’à son étage. Petit sourire aux lèvres, ravi de retrouver son petit cocon. Il entra et referma la porte discrètement. Il savait que s’il allait encore une fois claquer la porte, il se ferait engueuler par Kaliska. Il entra aussitôt dans le salon et posa son regard sur… Kaliska et un jeune homme sur le canapé dans une position assez… enfin vous voyez. « Oh mon dieu… s’écria-t-il en lâchant les courses par terre. KALISKA ! » continua-t-il en lançant un regard noir à sa colocataire.

A peine venait-il de prendre la parole, que le jeune homme se tut aussitôt. Bouche bée, à croire que ce qu’il venait de voir l’avait pleinement choqué. Il secoua la tête, pensant un instant qu’il avait peut-être mal vu… Evidemment, ce n’était pas le cas. Il y eut le temps d’une fraction de minutes, ou bien de secondes, un blanc, un silence… un silence lourd. Vous savez ce genre de silence assez gênant comme si on venait vous prendre la main dans le sac, entrain d’accomplir la pire des actes sur Terre. Peut-être était-ce que Kaliska devait ressentir à cet instant précis, et ce type aussi d’ailleurs… Qui était-il d’ailleurs ? Son nouveau mec, avait émis comme hypothèse Angus. Il les jaugea un instant du regard, l’un après l’autre. Il les aperçut furtivement se rhabiller. Voir sa colocataire presque nue dans son appartement, c’était presque… une image répugnante que le jeune homme voulait renier de son esprit. Non pas que Kaliska soit laide, mais elle restait juste sa colocataire, la nana qu’il considérait comme « son pote » au féminin. Puis voir cet inconnu les bijoux à l’air dans son salon, sur son canapé, chez-lui… Non, ça ce n’était pas concevable pour le jeune Brewer. Il fronça des sourcils un peu plus, montrant certainement un certain mécontentement de sa part. Il l’aperçut rapidement prendre la direction de la sortie. Angus le suivit du regard, avant de lui lancer un ironique « Mec ! T’aurais pu prendre le temps de mieux te resaper quand même ! ». L’inconnu se retourna brièvement vers Angus, avant de disparaitre une bonne fois pour toute derrière la porte d’entrée.

Angus croisa ses bras le long de son torse et se retourna vers Kaliska. « Mais qu’est-ce que tu fais là ?! Tu ne devrais pas travailler ? » le questionna-t-elle après s’être retrouvée en tête à tête avec lui. Ou plutôt en face à face. Il ne devrait pas travailler ? Qu’est-ce qu’il foutait là ? Mais… se fichait-elle de lui ? Angus se posait bel et bien la question. Il avait pourtant pris le temps de lui envoyer un message pour la prévenir de son retour plus tôt à l’appartement. A croire qu’elle avait les mains bien trop occupé pour pouvoir consulter ses nouveaux messages… et à cette brève pensée, une grimace se peignit sur le visage d’Angus. « Oh, t’as fais les courses ! C’est génial ! ». Angus haussa les sourcils. Etait-ce lui ou bien était-elle entrain de changer de sujet ? Il lâcha un long soupir, avant d’hausser les épaules. Oui, il avait fait les courses… Mais ce détail n’était plus que secondaire après ce qu’il venait de voir. « Qu’est-ce que je fais là ? osa-t-il demander d’une voix quasi-naïve. Tu te fiches de moi là ? Je t’ai envoyé un message… Enfin là, n’est pas la question. Toi. Qu’est-ce que tu faisais là ? Tu t’es crue où là ? Dans un bordel ou quoi ? » lâcha-t-il, tout en haussant la voix au fur et à mesure de sa réplique.

Angus n’avait jamais été en colère. Il ne l’était jamais à vrai dire. Même envers ses élèves. Ca lui arrivait bien des fois d’hausser la voix en présence de ces gamins qui voulaient jouer les caïds, mais il recevait rapidement les moqueries de ces derniers. Angus n’avait jamais été ce garçon bien sérieux qui pourrait faire des remontrances à tout va. Angus n’était pas comme cela, c’était dans sa nature de ne rien prendre au sérieux. Être sérieux, à quoi bon ? Il lança un regard noir à sa colocataire peu de temps après lui avoir parlé. Du calme gars ! lui avait-elle lâché. Gars ? Elle se prenait pour l’une de ces paysannes au patois incompréhensible ou quoi ? « Et puis je suis chez moi en plus, je te signale ! Je fais ce que je veux ici ! Quant à mon portable, si tu crois que j’avais que ça à faire de le regarder hein, tu te trompes gravement mon petit. ». Angus cligna des yeux. Une fois, deux fois, trois fois… Il n’en crut pas ses oreilles. Elle était chez-elle ? A ce qu’il savait, lui aussi habitait ici, il était donc lui aussi chez-lui. Ils étaient chez-eux. Le schéma était simple : un gars, une fille, un appartement. Non, ils n’étaient pas en couple. Juste des colocataires. « piapiapia j’suis chez-moi en plus et piapia » lâcha-t-il en se moquant légèrement (juste légèrement… ou pas) de la façon de parler de sa colocataire. En temps normal, lorsqu’il le faisait, un rire s’échappait de sa bouche après coup, mais pas cette fois-ci. Non, pas cette fois. « J’suis ici chez-moi aussi, je te signale ! Alors non ! Non, tu ne fais pas ce que tu veux ici ! Il y a des règles à respecter… Règle numéro un : pas de partie en l’air dans le salon. Pour la peine, tu seras corvée de ménage pendant deux semaines. » finit-il par décréter. Bien entendu l’existence de cette fameuse règle numéro était nulle, mais qu’importe. Si elle n’existait pas, il venait de l’inventer.

Angus secoua la tête nerveusement avant de se diriger vers le canapé où il allait se prélasser dedans. Sur son chemin, il y croisa Kaliska qui s’empressa de ramasser les courses qu’il avait fait tomber par terre contre sa grande volonté. Afin de se divertir un peu, il attrapa la télécommande qui était sur la table basse et alluma la télé. Il zappa sur quelques chaines avant de tomber sur une série débile dénuée de sens dont le nom lui échappait. Cette émission avait-elle au moins un nom, bonne question. « Tu pourrais venir m’aider hein. » grommela alors Kaliska dans la cuisine. Angus roula durement les yeux et se résigna de se lever. C’est au moment de se relever que son regard croisa un sous-vêtement qui trainait sur le canapé. Il l’attrapa par curiosité et l’observa avec une attention accrue. Il put alors identifier le boxer d’un homme… Il aurait pu penser que c’était l’un des siens, mais Angus ne portait pas cette marque. Rictus en coin, il s’approcha alors de la cuisine et se stoppa dans l’entrée. « Ton petit-copain a oublié quelque chose, je crois bien ! » lâcha-t-il, en dessinant un large sourire moqueur. Au bout de son bras, il fit pendre le boxer qu’il tenait, le montrant à Kaliska, un brin fier de sa trouvaille.