PABLO & ZEPPELIN

❝ appearances can sometimes be deceiving ❞

Assise au comptoir d’une boîte de nuit branchée, Zeppelin comptait profiter du week-end que le F.B.I avait bien voulu lui accorder. ‘Détente’ et ‘amusement’ semblaient être les maîtres mots de la soirée, mais pourtant, Zeppelin ne cessait de détailler les personnes présentes autour d’elle comme s’il s’agissait de suspects potentiels. Déformation professionnelle, sans aucun doute. Les paroles de son amie de beuverie lui revinrent en tête aussi clairement que si cette dernière s’était trouvée assise à côté d’elle.Tu veux savoir ton vrai problème, Zeppelin ? La manière dont tu te braques dès qu’on t’approche : comment veux-tu qu’un homme tente sa chance si tu montres les crocs constamment ?. Zeppelin soupira, reconnaissant volontiers ses torts. Elle était constamment sur la défensive et cela était principalement dû au traumatisme de son enlèvement qui avait défrayé la chronique durant dix ans. Encore aujourd’hui, bon nombre de personnes l’identifiaient soit à cause de la photographie d’elle prise lors d’une interview et à la Une de tous les quotidiens, soit à cause de son prénom qui n’avait rien de commun : merci papa ! Dix neuf ans avaient passé depuis. Zeppelin était rentrée chez elle avec ses parents et avait pu faire la connaissance de sa fratrie, de ses oncles et tantes ainsi que de ses cousins et cousines, cependant le traumatisme était toujours bien présent. A l’âge où d’autres se découvrent à peine, Zeppelin avait dû tout réapprendre comme son identité ou sa vie de famille : elle qui s’était longtemps cru fille unique se retrouvait désormais avec deux frères aînés et une petite sœur. L’intégration avait été plutôt facile : Ewan & Rafaël étaient compréhensifs, quant à Belle, Zeppelin s’était attachée à elle en sachant qu’elle serait la seule de sa fratrie à voir grandir.

Quoiqu’il en soit, l’américaine était venue seule pour se prouver qu’elle n’était pas totalement associable. Elle se résigna donc à regarder la foule pour s’intéresser à sa consommation que le serveur venait tout juste de lui mettre sous le nez et le porta à ses lèvres sans plus attendre. Zeppelin laissa aussitôt un gémissement de contentement lui échapper.

ZEPPELIN ♦ « Gosh, ce Mojito est délicieux. » s’extasia-elle en laissant tomber sa tête légèrement en arrière.

L’agent fédéral prit tout son temps pour le savourer et en commanda finalement un deuxième quelques minutes plus tard. Squatter le bar lui convenait tout à fait, en fin de compte ! Zeppelin fut d’ailleurs rejoint par un autre homme qui s’installa sur le tabouret d’à-côté et elle sentit aussitôt son regard se poser sur elle. Se souvenant de la remarque de sa collègue et amie, l’américaine dû se faire violence pour ne pas laisser échapper une réplique cinglante dissuadant l’homme de tenter sa chance et resta impassible. Curieuse, elle tourna tout de même la tête pour oser un bref regard et ne put s’en détacher : cet homme avait quelque chose de familier. Zeppelin chercha aussitôt dans ses souvenirs et esquissa un sourire en se remémorant sa dernière descente dans un night-club. Cette fois-là, l’américaine était vêtue d’un gilet pare-balles et portait un flingue.

ZEPPELIN ♦ « Vous êtes le DJ de l’autre fois. » lança-t-elle finalement. « Rassurez-vous, je ne suis pas sous couverture et je n’ai pas prévu de faire un feu d’artifices avec mes collègues ce soir, vous pouvez mixer tranquille. » dit-elle en buvant une nouvelle gorgée de son mojito.

Pablo avait beau faire face à des journées plus que chargées, il ne crachait jamais sur une petite sortie pour occuper ses soirées… et accessoirement rentrer chez lui en bonne compagnie. Entre les Grands Prix, les essais et les longues heures qu’il passait auprès de ses différents bolides sur un circuit, le jeune pilote trouvait en effet le moyen d’avoir une vie sociale particulièrement riche. Mieux, il lui arrivait certains soirs de « travailler » pour tel ou tel club branché de la ville, jouant ainsi les DJ pour son plus grand plaisir. En bref, il ne restait pas une seule seconde dans la journée à Pablo pour s’ennuyer. Et ça tombait plutôt bien, puisqu’il ne supportait pas le fait de ne rien faire.

Après une longue journée passée à s’entrainer, enchainant les tours de circuits et les réglages de dernière minute, Pablo était finalement rentré chez lui relativement tard. A peine le temps de se faire chauffer une part de pizza qu’il restait dans son frigo que déjà, le jeune homme filait sous la douche. Quelques minutes plus tard, Pablo était fin prêt à sortir. Au lieu de rester chez lui pour se reposer comme le faisait certainement tous es collègues, il préférait de loin aller faire la fête. C’était un peu sa façon à lui de recharger ses batteries, même si ça pouvait paraitre paradoxal. En bon latino qu’il était, Pablo s’était donc armé de sa tenue fétiche : une simple chemise noire ouverte un peu trop largement sur son torse, un jean, et une paire de chaussure un peu classe. Ajoutez à cela des cheveux minutieusement décoiffés, et tout était parfait. A bord de son bolide personnel, Pablo ne mit que quelques instants à rallier le club qu’il avait visé ce soir. En pénétrant dans l’établissement, il put constater que l’ambiance était déjà au rendez-vous, et que la salle était quasiment pleine. Un rapide coup d’œil circulaire en direction du dancefloor lui permit d’ailleurs de repérer quelques « proies » potentielles… Bref, tout s’annonçait pour le mieux aux yeux du latino qui décida dans un premier temps d’aller s’accouder au comptoir, histoire d’avoir une vue plus globale de la situation.

« Vous êtes le DJ de l’autre fois. » A peine était-il installé que déjà, une voix à côté de lui manqua de le faire sursauter. Le jeune homme pivota instantanément, non sans afficher un sourire charmeur en prévision… Sourire qui se fana lorsqu’il tomba nez-à-nez avec cette fille. Cette fille qui avait fait une descente quelques jours plus tôt dans un des clubs où il mixait, en compagnie de ses compagnons flics. « Rassurez-vous, je ne suis pas sous couverture et je n’ai pas prévu de faire un feu d’artifices avec mes collègues ce soir, vous pouvez mixer tranquille. » Pablo esquissa un petit sourire mi-gêné mi-commercial avant de baisser les yeux. C’était stupide à dire, mais le latino ne savait absolument pas comment il était censé agir avec elle. Leur première entrevue avait été tellement… particulière qu’il s’interdisait presque de la considérer comme fêtarde lambda. « Euh… vous êtes sûre de ça ? » se hasarda-t-il demander, sans savoir s’il faisait preuve d’humour ou de réelle méfiance. Puis, il haussa les épaules et déclara : « Mais bon… Je ne mixe pas ce soir ! L’autre fois c’était… un peu exceptionnel… »

Il était amusant de voir à quel point le comportement de Zeppelin pouvait être contradictoire lorsqu’elle passait d’agent fédéral à citoyenne lambda. C’était comme si elle revêtait une toute autre carapace et sa présence dans un nightclub était la preuve irréfutable qu’elle était tout fait à capable de s’amuser en dehors du travail, même s’il lui arrivait parfois de chercher à décrypter ses interlocuteurs avant de se décider à leur accorder du crédit. Pourtant, les personnes qui l’avaient vu à l’œuvre et qui la connaissait également en dehors de son travail ne semblaient pas prêt à lui en accorder à son tour ; c’était comme s’ils avaient l’impression que Zeppelin leur cachait quelque chose ou qu’elle attendait le bon moment pour ‘frapper’. Ce sentiment, l’américain le retrouvait dans le regard du fameux DJ qu’elle avait quelque peu ‘bousculé’ quelques jours auparavant. Là encore, on pouvait constater à quel point la Zeppelin agent du FBI était différente de la Zeppelin ‘lambda’ : elle n’avait jamais été physionomiste sauf lorsqu’il s’agissait d’une enquête et c’est ce pourquoi elle n’avait pas oublié le visage du latino.

PABLO ♦ « Euh… Vous êtes sûre de ça ? » lui demanda-t-il finalement, provoquant un haussement de sourcil chez l’américaine.

Etait-il sérieusement en train de douter de sa parole ou cherchait-il à faire un trait d’humour ? A vrai dire, Zeppelin n’était pas sûre de la manière dont elle devait l’interpréter. Il était plutôt étrange… Elle ne portait ni son uniforme, ni son badge, ni arme et pourtant, Pablo la regardait comme s’il subissait un véritable interrogatoire.

ZEPPELIN ♦ « Parole de scout » affirma-t-elle en ponctuant ses propos d’un petit geste de la main, quelque peu ‘vexée’ de ne pas être prise au sérieux.

C’était bien là tout un problème, Zeppelin n’était jamais prise au sérieux, y compris lorsqu’elle secouait son badge au nez de quelqu’un, mais le fait était qu’elle ne se prenait pas au sérieux elle-même. L’américaine était toujours obnubilée par son enlèvement et son enfance passée loin de ses parents tant et si bien qu’elle se demandait parfois si ses choix auraient été différents sans cette tragédie ou si elle aurait pris exactement les mêmes décisions.

PABLO ♦ « Mais bon… Je ne mixe pas ce soir ! L’autre fois c’était… un peu exceptionnel… » avoua-t-il.

ZEPPELIN ♦ « Quant à moi, je ne fais jamais de descente dans les nightclub habillée en agent fédéral, mais l’autre fois c’était un peu exceptionnel. » sourit-elle, reprenant les mots de Pablo à quelques détails près.

Zeppelin se souvenait encore très bien de son irruption dans un club très branché ainsi que de l’arrestation musclé du principal suspect d’une sombre affaire de trafic de stupéfiant, elle avait d’ailleurs éclaté la tête celui-ci contre les platines du latino.

ZEPPELIN ♦ « D’ailleurs, avec ce foutu protocole, mon patron dit que je vous dois une table de mixage, ‘faudra penser à nous envoyer la facture. Je m'appelle Zeppelin, by the way. »

Alors qu’il avait pour habitude de profiter de toutes les occasions qui lui étaient offertes pour séduire, Pablo ne semblait pas disposé à faire honneur à sa réputation. En face de cette fille, il était plutôt sur la retenue sans même savoir pourquoi. A ses yeux, elle avait quelque chose d’intimidant, quelque chose qu’il n’avait encore jamais connu chez aucune femme. Le jeune pilote avait toutes les raisons de penser que ce sentiment était du à leur première rencontre, mais sa réaction restait toutefois des plus déstabilisantes. Comme s’il avait été spectateur de sa propre attitude, Pablo se voyait agir comme le dernier des imbéciles, tout en restant incapable de faire autrement. Tout, dans l’attitude de la jeune femme montrait qu’elle avait été piquée au vif par les doutes qu’émettait le pilote et pourtant, il ne s’excusa pas. Au contraire, il s’empressa de baisser la tête, et harangua le premier serveur qui se présenta pour lui commander une bière.

Pourquoi fallait-il que parmi toutes les femmes présentes ce soir, il tombe sur LA seule qu’il ne comptait jamais revoir ? Lui qui comptait trouver chaussure à son pied pour la soirée, ramener une jolie plante chez lui histoire de passer un bon moment et reprendre sa routine habituelle le lendemain, il était bien mal parti ! Pourtant, sa voisine était bien loin d’être repoussante mais Pablo ne parvenait pas à se faire une raison. Pour lui, elle était et restait celle qui avait ruiné sa dernière soirée de mix en venant coffrer un pauvre type pour il ne savait quelle raison. Attrapant la bière que le serveur lui tendait, le latino s’empressa d’en engloutir une longue journée, comme si cela constituait une occasion de regarder ailleurs qu’en direction de la jeune femme. « Quant à moi, je ne fais jamais de descente dans les nightclub habillée en agent fédéral, mais l’autre fois c’était un peu exceptionnel. » Pablo arqua un sourcil en daignant enfin se retourner vers elle. Etait-elle en train de se moquer de lui là ? Une chose était certaine : si elle se risquait à ça, elle n’allait définitivement pas améliorer son cas ! Dans le doute, le latino se contenta de lui sourire d’un air toujours aussi faux.

« D’ailleurs, avec ce foutu protocole, mon patron dit que je vous dois une table de mixage, ‘faudra penser à nous envoyer la facture. Je m'appelle Zeppelin, by the way. » A la simple évocation de l’issue de leur dernière entrevue, Pablo se renfrogna. Il avait en effet vu la table de mixage sur laquelle il travaillait voler en éclat grâce à la délicatesse dont avait fait preuve sa voisine. « Mouais… Il faut que je vois ça avec le club en question, mais ça risque de vous couter cher ! » Et il savait de quoi il parlait ! Il avait assez galéré comme ça pour réunir une somme suffisante et pouvoir se payer sa toute première table de mixage ! Mais après tout ce n’était pas son problème ! Cette fille avait tout bousillé, maintenant c’était à elle de se débrouiller.

En entendant son prénom, le latino se surprit à afficher un premier sourire à peu près sincère. « Vraiment ? » s’exclama-t-il, intrigué. « C’est… sympa ! Mais pour une… » Comme par réflexe, le jeune homme se tut instantanément. Certes il ne s’était pas imaginé qu’elle pouvait s’appeler Zeppelin, tout ça parce qu’il avait une image toute faite des gens qui travaillaient pour la police, mais elle n’était pas obligée de le savoir. Comme si cela allait suffire à changer de sujet et à lui faire oublier sa bourde, le latino se présenta à son tour : « Euh… moi c’est Pablo… Fernandez. » Dans le genre coincé et ridicule, Pablo avait rarement vu mieux. Aussi, il se replongea bien vite vers son verre de bière pour le vider un peu plus, et fixer son regard droit devant lui dans l’espoir qu’elle se lasse et finisse par déguerpir devant cet énergumène étrange qui le caractérisait ce soir.

Bloup, c'est NUL, mais je voulais répondre
tant que j'avais un peu de temps

PABLO ♦ « Mouais… Il faut que je vois ça avec le club en question, mais ça risque de vous coûter cher ! »

L’agent du F.B.I roula des yeux et but une nouvelle gorgée de son Mojito qui fut un peu plus longue que les précédentes comme pour faire passer le souvenir amer de cette descente qui avait mal tournée et qui lui avait valu un joli sermon de la part de son responsable et du directeur en prime.

ZEPPELIN ♦ « Ca me coûte déjà cher, vous pouvez me croire… » assura-t-elle en ponctuant ses propos par un mouvement de tête qui ne laissait aucun doute quant à la manière dont son patron l’avait accueilli à son retour.

Autrefois, personne n’osait trop se frotter à Zeppelin parce qu’elle était la fille de Piper McFersen, l’agent le plus respecté du F.B.I, mais le changement de directeur avait sérieusement changé la donne et désormais, dès qu’un écart de conduite était signalé l’agent concerné en prenait pour son grade, qu’il soit ou non la progéniture d’un agent reconnu. Zeppelin avait beau avoir prouvé par A + B qu’elle n’avait eu d’autres choix que de recourir à la force avec le suspect, son collègue – un peu jaloux du nombre d’affaires classés qu’elle comptait à son actif - n’avait rien fait pour corroborer ses dires et elle n’avait eu d’autres choix que d’accepter la sentence : une mise à pied temporaire. Son directeur ne l’avait pas prononcé en ces termes, cela dit. « Il me semble nécessaire que vous preniez un peu de recul et c’est pour cela que je vous accorde quelques vacances forcées, ça vous fera le plus grand bien. Espérons que vous en tirerez également un bon enseignement de tout ça… » avait-il dit, comme si ça passerait mieux. C’est sûr, contrairement à sa mère, Zeppelin était un tantinet anticonformiste lorsqu’il s’agissait de son travail, mais vous savez ce qu’on dit : aux grands maux, les grands remèdes. Ils semblaient tous oublier que le fait de l’avoir cogné lui avait délié la langue.

PABLO ♦ « Vraiment ? C’est… sympa ! Mais pour une… »

ZEPPELIN ♦ « Une fille ? Une fed ? » commença-t-elle, avant de pouffer légèrement. « Vous n’êtes pas le seul à penser ça. Manifestement, ce n’est pas l’avis de mon père… Donner à sa fille le nom de son groupe de rock préféré, c’est comme l’appeler Dieu et ce n’est pas moi qui vais me plaindre de l’originalité. »

En effet, son prénom était un peu atypique et c’est pour ça que Zeppelin l’adorait. Pendant dix ans, elle répondait au nom de Naomi et l’avait toujours détesté, mais quand on lui avait dit qu’elle s’appelait Zeppelin, son cœur avait fait un bond dans sa poitrine parce que c’était la preuve qu’un de ses parents aimait le vieux rock au point d’appeler sa fille comme l’un des groupes les plus populaires. Dès l’annonce de sa véritable identité, Zeppelin s’était immédiatement sentie ‘connectée’ avec sa famille.

PABLO ♦ « Euh… Moi c’est Pablo… Fernandez. »

ZEPPELIN ♦ « Pablo, je me disais bien que vous aviez un accent… Vous venez d’où ? Désolée… Déformation professionnelle, c’est ça quand on est conditionné pour faire des interrogatoires. »

Eh non. Elle n’avait pas l’intention de le lâcher de sitôt. Zeppelin le trouvait un peu étrange et comptait bien mettre le doigt sur son problème… Peut-être était-ce un misogyne qui n’avait pas du tout apprécié son exploit de l’autre soir ou simplement lui en voulait-il encore d’avoir massacré sa table de mixage sur la tête d’un suspect.

Mais qu’avait-il donc à agir comme un adolescent pré-pubère devant cette fille qu’il ne connaissait même pas ?! D’ordinaire, devant une fille comme elle, Pablo était plutôt du genre à sortir le grand jeu, à faire son numéro déjà bien rodé pour la ramener chez lui et y continuer la soirée plus « tranquillement ». Mais cette fois, l’idée ne lui traversait même pas l’esprit. Pire, il se sentait tout bonnement intimidé devant elle alors qu’a priori, il n’avait absolument aucune raison de l’être. Décidément les autorités, ce n’était pas son truc ! D’ailleurs, le latino avait beau chercher un plus profond de sa mémoire, il ne se souvenait pas avoir passé ne serait-ce qu’une soirée dans les draps d’une fille qui aurait travaillé dans la police. Et encore moins d’une fille qui serait venue pourrir l’une des soirées dans lesquelles on lui avait demandé de mixer. Bref, malgré son joli minois et son regard de plus en plus envoûtant, quelque chose turlupinait Pablo chez cette fille, et le lui montrait d’ailleurs sans même vraiment le vouloir.

Cependant, la jeune femme semblait rester imperturbable, trop absorbée qu’elle était à se remémorer les déboires que lui avait visiblement valu sa dernière arrestation. Pablo aurait pu se sentir désolé mais il ne pouvait pas s’empêcher de jubiler intérieurement. Elle avait tué ses platines alors quoi qu’il lui soit arrivé par la suite, elle l’avait bien mérité. Mais évidemment, le latino se garda bien de lui faire part de son opinion, se contentant de replonger le nez dans son verre de bière en évitant consciencieusement le regard de sa voisine. Mais, comme s’il n’était bon qu’à enchainer idiotie sur idiotie, Pablo ne tarda pas à gaffer une fois de plus à propos du prénom de la jeune femme. Et fort heureusement pour lui, elle sembla plutôt le prendre à la rigolade : « Une fille ? Une fed ? Vous n’êtes pas le seul à penser ça. Manifestement, ce n’est pas l’avis de mon père… Donner à sa fille le nom de son groupe de rock préféré, c’est comme l’appeler Dieu et ce n’est pas moi qui vais me plaindre de l’originalité. » Tout d’abord honteux et quasi-rougissant, le latino se redressa en affichant un sourire. En fait, il devait bien avouer qu’il aimait ce prénom… D’abord à cause de son originalité, mais aussi et surtout pour ce qu’il évoquait. Car Pablo avait beau être DJ à temps partiel, et ne mixer que des sons modernes pour enflammer les dancefloor, il n’en était pas moins amateur de VRAIE bonne musique. Et le vieux rock faisait également partie de ses péchés mignons. « Hm, je comprends, c’est… cool ! » ajouta-t-il sans trop s’étaler sur ce qu’il pensait.

« Pablo, je me disais bien que vous aviez un accent… Vous venez d’où ? Désolée… Déformation professionnelle, c’est ça quand on est conditionné pour faire des interrogatoires. » Arquant un sourcil sous le coup de la surprise, le latino lâcha son verre avant de reposer son regard sur Zeppelin. « Un accent ? Vous êtes sérieuse ?! Je… je suis né à La B… » Le jeune homme n’eut même pas le temps de terminer qu’il fut coupé par des cris provenant d’un groupe de clients derrière lui. Et sans qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, il vit un des énergumènes projeter son « collègues » contre le comptoir, ou plus précisément contre Zeppelin. Immédiatement, et n’écoutant que ses vieilles habitudes de gentleman, Pablo se redressa pour attraper le fautif par le col de sa chemise. Le latino ouvrit la bouche pour le sermonner et lui faire comprendre qu’il avait tout intérêt à s’éloigner de la jeune femme sans faire de zèle s’il ne voulait pas s’attirer plus d’ennuis, mais avant même qu’il n’est prononcé le moindre mot, un poing vint s’écraser sur son nez. Un peu sonné par le choc, Pablo porta instantanément une main jusqu’à son visage, en lançant un regard hébété vers Zeppelin. Mais il reprit rapidement ses esprits, et son instinct de bagarreur se réveilla si bien qu’il fonça littéralement dans le « tas » pour distribuer une multitude de coup sans même regarder sur qui il tapait. Oubliés sa gêne et le mal-être qu’il avait ressentis face à la jeune femme, une seule provocation avait suffit à le faire redevenir le vrai Pablo, n’en déplaise à ceux qui avaient osé venir bousculer la fille avec qui il prenait un verre… même s’il l’avait fait malgré lui.

Au fur et à mesure de la conversation, Zeppelin se demandait s’ils allaient passer un jour le stade des banalités d’usage. De son point de vue, la jeune femme était tout à fait disposée à parler d’autres choses que de son travail – elle était là pour ça, d’ailleurs – mais Pablo semblait peu enclin à discuter. Zeppelin était sûre et certaine qu’elle n’avait pourtant pas interrompue une quelconque partie de ‘chasse’ et plus les minutes s’écoulaient, plus la jeune femme s’apercevait que sa présence était gênante voire intimidante. Pourtant, à le voir comme ça, il ne lui donnait vraiment pas l’impression d’être le genre de type facilement impressionnable, mais le fait d’avoir saccagé sa précédente soirée en procédant à une arrestation musclée y était sûrement pour quelque chose. Peut-être n’aimait-il tout simplement pas les représentants de l’ordre ? Et si c’était un camé ? Non. Il n’en avait pas du tout l’allure, quand bien même, l’américaine n’était pas en service et n’avait donc aucun droit d’user de son pouvoir. Repos forcé, Zepp, remember ? Ce qu’elle pouvait être excédée de son propre comportement parfois... Elle se trouvait là, assise seule au comptoir d’un bar, à parler avec un homme qui n’en avait visiblement pas envie, mais tous deux restaient là, assis l’un à côté de l’autre peut-être dans l’espoir que le second s’en aille. Le fait est que Zeppelin avait cruellement besoin de parler à quelqu’un, de tout et de n’importe quoi du moment que ça l’empêche de penser à son travail, malheureusement tout portait à croire qu’elle ne réussirait jamais à éviter le sujet. Quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, son statut au sein du F.B.I revenait toujours sur le plateau. Bref, dans une piètre tentative pour relancer la conversation, Zeppelin le titilla sur son très léger accent et celle-ci sembla faire mouche.

PABLO « Un accent ? Vous êtes sérieuse ?! Je… Je suis né à La B… »

Tandis qu’elle écoutait Pablo avec intérêt, celui-ci fut interrompu par une bagarre qui venait d’éclater juste derrière eux. D’un même mouvement, Zeppelin se tourna pour tenter d’apercevoir l’origine de tout ce raffut en se promettant intérieurement de ne pas intervenir, cependant elle fut percutée de plein fouet. Ne s’y étant pas attendue, l’agent ne put se préparer à la réaction en chaîne qui s’en suivit. Projetée contre le bar, le bord de celui-ci s’enfonça violemment dans son côté droit et tandis que Pablo repoussait le responsable, Zeppelin tomba du tabouret dont elle s’apprêtait à descendre. Les sourcils froncés, prête à montrer les griffes, la jeune femme chercha le responsable du regard au moment où Pablo essuyait un premier coup de poing. Elle ne put s’empêcher de pousser un hoquet de surprise avant d’échanger un regard hébété avec Pablo. Il saignait et quelque part la jeune femme se sentait un peu coupable, mais au moment où Zeppelin s’apprêtait à le traîner à l’extérieur pour éviter qu’il n’y ait plus de dégâts, celui-ci se joignit à la bagarre. Durant un instant, elle fut tiraillée entre l’idée d’intervenir et celle de sortir d’ici, mais elle avait un don certain pour s’attirer des ennuis de toute manière alors un peu plus ou un peu moins… Et puis, ça aurait été lâche de sa part que d’abandonner Pablo, surtout après son intervention.

ZEPPELIN « Oh f*ck, they gotta be kidding me ! Call the cops ! » lança-t-elle à l'adresse du barman avant d’assommer le plus proche d’un magnifique crochet du droit.

Jupe et talons hauts, ce n’était vraiment la tenue adéquate pour botter quelques derrières, alors Zeppelin s’aidait de tout ce qui lui tombait sous la main et en profita notamment pour en assommer un second avec le cadavre d'une bouteille de bière. L’ivrogne secoua aussitôt la tête pour recouvrer ses esprits et la chargea de nouveau en la pointant d’un doigt menaçant.

ZEPPELIN « Bad move, dude… »

L’agent lui agrippa l’index, puis le retourna jusqu’à ce qu’un craquement satisfaisant et un cri de douleur ne se fassent entendre dans la salle. En voulant le repousser violemment d’un coup de pied bien placé, Zeppelin – aux mouvements limitées par sa jupe étriquée – perdit l’équilibre, se cogna l’arrière du crâne contre le comptoir et se retrouva les quatre fers en l’air. On entendit un ‘aïe’ suivit d’un grommellement dans lequel elle glissa deux ou trois jurons. Lorsque Zeppelin se redressa en se massant l'arrière du crâne, une grimace peinte sur son visage, elle chercha aussitôt à savoir où se trouvait Pablo.

Comment son honneur en prend un coup !

L’évènement avait été brutal, inattendu, et en quelques secondes seulement Pablo s’était retrouvé planté au milieu d’un groupe de gros bras visiblement bien éméchés, dont le seul et unique but semblait être de frapper sur tout ce qui bougeait. Dans un sens, le jeune homme ne s’en plaignait car lui aussi, prenait un certain plaisir à se battre comme ça, même si ça pouvait paraitre complètement stupide et immature. Ce qui e chagrinait ce soir, c’est qu’on s’en soit prit à une fille, et plus particulièrement à celle avec qui il était en train de partager un verre. Sin on pouvait dire ça comme ça… Il ne lui avait donc pas fallu réfléchir pendant longtemps avant de se redresser, et d’amorcer ce qui avait tout l’air d’être une belle riposte. Mais le latino eut à peine le temps de donner le premier coup que déjà, il en recevait un au moins dix fois plus puissant. Après un bref regard échangé avec Zeppelin, qui ne suffit d’ailleurs pas à le détourner de ses intentions premières, Pablo décida de se joindre au chaos qui enrôlait désormais d’une bonne partie des clients proches de comptoir. Les coups pleuvaient de tous les côtés, presque autant que les insultes, et même s’il ne savait pas bien d’où tout cela était parti, le jeune pilote ne comptait pas repartir perdant de cette altercation.

Rapidement, Pablo vit la chevelure blonde de Zeppelin se joindre à la bagarre, et il ne put qu’être impressionné par le crochet qu’elle assena à son voisin. En réalité, il savait déjà de quoi elle était capable puisqu’il l’avait vue à l’œuvre sur ses platines, mais venant d’une femme de son gabarit, ce genre de réaction était toujours impressionnant. C’est alors qu’il l’entendit ordonner au barman d’appeler la police, proposition à laquelle le latino ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux. Les flics ? Pour quoi faire ? N’y en avait-il pas assez d’une dans ce bar ? Décidément, Pablo commençait à croire que la simple présence de cette fille à ses côtés était synonyme d’ennuis. Alors qu’il s’apprêtait à protester, un nouveau coup, dans la mâchoire cette fois-ci, l’en dissuada et il fut contraint de retourner à son occupation première. Il frappait sans même voir qui se trouvait en face de lui, priant simplement pour que son poing ne vienne pas s’écraser sur Zeppelin dans un moment d’inattention. Pablo essayait le plus possible de garder un œil sur elle, mais l’agitation était telle qu’il ne cessait de la perdre de vue. Néanmoins, à chaque fois qu’il parvenait à l’apercevoir, il pouvait constater que la jeune femme ne s’en tirait pas trop mal… voire même plutôt bien. Partagé entre vexation et admiration, le latino ne pouvait s’empêcher d’afficher une expression des plus surprises.

Seulement voilà, la dernière vision qu’il eut de Zeppelin fut celle de sa chute contre le comptoir, et de ce coup monstrueux qu’elle s’était donné à la tête. Aussitôt, Pablo se figea, presque surpris de se sentir inquiet pour elle. Mais il n’eut pas le temps de cogiter bien longtemps, et se « réveilla » juste à temps pour esquiver un nouveau coup. En jouant des coudes et en distribuant quelques crochets supplémentaires, le jeune pilote tenta du mieux qu’il pouvait de se rapprocher d’elle, mais la tâche était loin d’être aisée. Au bout d’un chemin qui lui parut interminable, Pablo parvint tout de même à hauteur de Zeppelin qui se massait déjà le crâne en grimaçant. « Hé ! Ca va ? » brailla-t-il pour couvrir le brouhaha environnant, tout en se débattant pour lutter contre un des gros bras un peu trop insistant. « Sortez d’ici, je… AOW ! » s’exclama-t-il en recevant un projectile non-identifié en pleine figure. « Je vous rejoins ! » « Peut-être » aurait-il du ajouter… Car avant ça, il devait encore se débarrasser de l’armoire à glace à l’air un peu benêt qui s’apprêtait à fondre sur lui, armé d’une bouteille de bière vide des plus menaçantes.

Il va être vexéééééé

Il y avait des moments comme celui-ci où Zeppelin en avait assez de jouer les gros bras et de passer pour une fille sans peur et sans reproches alors que c’était loin d’être le cas. Elle avait beau crier sur tous les toits ne pas croire au Prince Charmant et toutes les niaiseries que l’on peut entendre chez certaines personnes, parfois, la jeune femme espérait qu’un homme se montrerait assez noble pour prendre sa défense. C’était justement ce qu’il se produisait sous ses yeux : Pablo s’était joint à la bagarre uniquement parce que Zeppelin avait été bousculée et bien qu’elle ne le montrait pas, ce genre l’avait déstabilisé et touché en même temps. L’agent fédéral avait toujours eu le chic pour se retrouver dans des situations compromettantes. Un aimant à emmerdes, voilà ce qu’elle était. Zeppelin avait toujours aspiré à une vie normale, mais les choses s’étaient compliquées dès sa naissance : Karma is a bitch. Oui. Zeppelin était persuadée d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, prête à fendre sur elle à n’importe quel moment. L’américaine n’était pas superstitieuse, mais elle craignait que sa malchance ne touche ses proches ou ne les entraîne dans sa chute et c’était en grande partie qui la rendait aussi distante. A cause de cette peur sans nom et sans visage, l’américaine avait fini par abandonner son fils en étant persuadée que c’était la meilleure chose à faire autant pour lui que pour elle. Une peur déraisonnée qui ne la quittait pas et qui l’empêchait parfois d’être naturelle avec ses interlocuteurs ou d’éprouver parfois du plaisir à les rendre mal à l’aise comme c’était le cas avec Pablo.

Toujours un peu sonnée par sa chute, Zeppelin se frotta l’arrière de son crâne là où celui-ci avait violemment percuté le sol et trouva Pablo à quelques mètres d’elle, toujours aux prises avec quelques ivrognes qu’il tentait de maîtriser.

PABLO ♦ « Hé ! Ca va ? Sortez d’ici, je… AOW ! Je vous rejoins » l’interpella-t-il.

En guise de réponse, la jeune femme esquissa d’un léger mouvement de tête, mais resta plantée là, incapable de bouger. Une partie d’elle voulait sortir du bar pour accueillir les policiers qui ne tarderaient pas à débarquer, mais une autre ne pouvait se résoudre à abandonner Pablo à son triste sort, surtout en sachant que c’était pour elle qu’il servait désormais de punching-ball pour une bande d’imbéciles. Théoriquement, Zeppelin n’était pas en service et n’était pas autorisée à se servir de son badge, mais rien ne l’empêchait de se servir de ses poings pour en mettre K.O quelques-uns. Elle envoya donc un coup de pied dans les valseuses de l’un d’entre eux qui, sous la douleur, se courba en tenant ses bijoux de famille : Zeppelin n’eut qu’à le pousser de son index et ce dernier se vautra par terre. Bien décidée à en finir, la jeune femme monta sur le bar, siffla pour attirer l’attention, attrapa le tuyau à bière, l’ouvrit et arrosa tout le monde sans exception pour les forcer à se séparer.

ZEPPELIN ♦ « Tout le monde va tranquillement regagner sa place. » lança-t-elle une fois que le calme fut retombé. Autoritaire, elle les défia tous du regard. Ce fut à ce moment précis que les policiers entrèrent dans le bar. Zeppelin afficha un air satisfait lorsque tous s’éloignèrent en grommelant tels des morts vivants.

Une fois que tous furent pris en charge par les policiers, elle grimaça de nouveau en se massant l’arrière du crâne et descendit de son perchoir pour rejoindre Pablo.

ZEPPELIN ♦ « Est-ce que ça va ? » s’enquit-elle avant de dresser un rapide inventaire de ses blessures. « Ils vous ont bien amoché… » constata-t-elle. La jeune femme se tourna vers le barman et le héla comme s’il avait été un de ces potes. « Hey ! Vous n’avez rien pour soigner ça ? ». L’intéressé acquiesça et se pencha pour attraper la trousse de secours qu’il lui tendit. « Parfait, merci. Venez... » ajouta-t-elle en poussa Pablo un peu plus loin.

Elle s’installa à l’écart du comptoir pour plus de tranquillité et commença déjà à désinfecter les blessures de Pablo.

ZEPPELIN ♦ « Au fait, merci d’être intervenu » dit-elle très sérieuse durant une fraction de secondes avant de reprendre : « ... et désolée pour le concours de miss T-shirt mouillé. » plaisanta-t-elle en faisant référence à ses vêtements couverts de bière. Oui. Zeppelin n'était pas très douée lorsqu'il s'agissait de dire merci à quelqu'un : elle n'en avait pas l'habitude.

Pablo était en mauvaise posture, et il le savait. Mais il avait tout de même une réputation à tenir, et ne souhaitait pas se faire totalement ridiculiser sous les yeux de Zeppelin. Pourtant, l’espèce de monstre qui se dirigeait vers lui avec sa bouteille vide à la main avait une carrure à faire frissonner les plus courageux. Mais alors que Pablo avait demandé à la jeune femme de quitter le bar avant que cette bagarre ne tourne trop mal, elle restait indéniablement plantée là, près du comptoir, risquant à tout moment de se prendre un nouveau coup perdu. Le latino fronçait les sourcils sans comprendre à quoi elle jouait. Il la regardait le plus souvent possible, tentant ainsi de lui faire comprendre qu’il était temps de déguerpir mais rien n’y faisait. Elle sembla même reprendre du poil de la bête en flanquant un coup de pied fort bien placé au voisin de Pablo qui s’écroulant en hurlant littéralement de douleur. Sans pouvoir s’en empêcher, le jeune pilote grimaça et regarda le malheureux d’un air presque désolé. Décidément, même s’il ne savait pas tout à fait quel nom mettre sur la relation qui le liait à Zeppelin, il préférait de loin être de son côté !

Alors que Pablo était aux prises avec un nouvel assaillant, il surveilla la jeune femme du coin de l’œil. Cette dernière grimpa sur le bar et aussitôt, le latino se mit à craindre le pire. Qu’est-ce qui lui était encore passé par la tête ? Que croyait-elle pouvoir faire une fois perchée là-haut ? Levant les yeux au ciel, le jeune homme se retourna pour s’occuper de l’énergumène qui fonçait sur lui. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il sentit une sorte de pluie s’abattre sur lui. « Qu’est-ce que… Mais… C’est de la… ! » De la bière, oui. De la bière qui pleuvait littéralement sur la salle entière, et qui réveillait les quelques entailles occasionnées sur le visage de Pablo, qui commençait à piquer de toutes parts. Eberlué, le jeune homme lâcha son adversaire et se retourna vers le comptoir sur lequel était toujours perchées Zeppelin, armée du tuyau responsable de l’inondation. « Tout le monde va tranquillement regagner sa place. » ordonna-t-elle avec une autorité telle que même Pablo baissa légèrement la tête, la regardant à la manière d’un gamin que l’on venait de punir.

Le groupe se dispersa finalement dans la salle, sous l’impulsion non-négligeable de la police qui venait de faire son apparition. C’est ce moment-là que Zeppelin choisit pour descendre de son perchoir et venir retrouver le latino en examinant ses blessures. Sans qu’il ne puisse faire ni dire quoi que ce soit, la jeune femme se procura une trousse de secours et l’entraina dans un coin plus tranquille de l’établissement. « Non mais… Hé ! Attendez, ça va ! » balbutia-t-il en la suivant, et en constatant du même coup qu’elle n’avait rien à faire de ce qu’il lui disait. Sans rien demander, Zeppelin se mit à désinfecter les blessures du jeune homme qui grimaça dès le premier contact du produit sur sa peau. Mais au moment où il allait de nouveau protester, la jeune femme le remercia. Il aurait pu rouler des mécaniques et montrer à quel point il était fier d’avoir joué les preux chevaliers mais bizarrement, Pablo était gêné. Il se contenta donc de hausser les épaules en silence, laissant tout de même échapper un éclat de rire lorsqu’elle s’excusa pour le concours de t-shirts mouillés. En effet, le latino était trempé et la belle chemise qu’il avait consciencieusement choisie pour ce soir était certainement ruinée. Mais qu’importe, il ne se sentait pas d’attaque pour s’étaler sur ce sujet. Au contraire, il se recula légèrement de Zeppelin, esquivant ainsi les soins qu’elle avait commencé à lui prodiguer. « Laissez… c’est rien je vous dis. Je vais bien ! Occupez-vous plutôt de vous ! Votre tête, ça va ? » demanda-t-il avec une pointe d’inquiétude. « Vous vous êtes pris un sacré coup… » Bien sûr, l’idée de profiter de la situation pour s’approcher d’elle, pour passer sa main dans ses longs cheveux blonds et ainsi tenter une approche lui traversa l’esprit. Mais comme si un coup de baguette magique l’avait littéralement métamorphosé, Pablo se refusa à agir comme il l’aurait fait d’habitude. C’était totalement incompréhensible, mais cette fille exerçait sur lui un tel pouvoir d’intimidation qu’il avait l’impression de se trouver dans la peau de quelqu’un d’autre…

De toute évidence, Pablo n’avait pas envie de se faire soigner par Zeppelin et étant donné les circonstances de leur première rencontre et celles de leurs retrouvailles, il y avait de quoi craindre le pire. La jeune femme donnait parfois – souvent, même – l’impression d’être une dure à cuire, mais vous savez ce qu’on dit : la carapace est en fer, mais le cœur est en velours. Elle n’était pas méchante ou associable, mais simplement un peu trop méfiante et maladroite envers les personnes qu’elle ne connaissait pas ou peu. « Non mais… Hé ! Attendez, ça va ! » protesta-t-il vainement. Zeppelin fit mine de ne rien avoir entendu. Pablo ne semblait pas se rendre compte de la ‘chance’ qu’il avait parce qu’à cet instant précis, il était l’un des rares à voir une facette de sa personnalité qu’elle ne montrait qu’à de très rares occasions. L’agent fédéral reconvertie en infirmière pour l’occasion se concentra sur sa nouvelle tâche et claqua la langue d’agacement lorsque Pablo se mit à remuer. « Laissez… C’est rien je vous dis. Je vais bien ! Occupez-vous plutôt de vous ! Votre tête, ça va ? ». Après avoir désinfecté au mieux le plus gros de ses blessures du jeune homme, Zeppelin obtempéra. Son ‘patient’ semblait être de mauvaise foi et honnêtement, l’agent fédéral ne savait même pas ce qui l’avait poussé à le ‘materner’ de la sorte, ça ne lui ressemblait tout simplement pas. « C’est vrai, je vous ai arrosé de bière, vos blessures sont sûrement déjà désinfectées, mais on jamais trop prudent… » sourit-elle.

Depuis quand était-elle d’humeur à plaisanter ? Zeppelin avait l’impression de ne faire que ça depuis quelques jours déjà, de tout prendre sur le ton de la rigolade pour éviter les discussions sérieuses qui la rebutaient : du Gabriel McFersen tout craché ! La pomme n’était vraiment pas tombée loin de l’arbre la concernant. « Vous vous êtes pris un sacré coup… » reprit-il. S’apercevant qu’elle n’avait pas répondu à sa question, Zeppelin reprit contenant et lui adressa un signe de tête ponctué d’un sourire qui se voulait à la fois rassurant et reconnaissant. « J’aurais sûrement une belle bosse demain matin au réveil. » dit-elle haussant les épaules d’un air nonchalamment. « J’ai connu pire. » ajouta-t-elle, très sérieuse. Avec un métier comme le sien, la jeune femme était exposée à un danger constant : Zeppelin avait même eu droit à une blessure par balle quelques années auparavant. « La prochaine fois que je veux passer une soirée quelque part, j’enfile un jogging et une paire de baskets : c’est moins dangereux qu’une robe et des talons hauts puisqu’apparemment je suis un véritable aimant à emmerdes. ». En effet, c’était bel et bien à cause de sa tenue vestimentaire si elle avait perdu l’équilibre.

Elle aurait pu s’éclipser et ne pas intervenir, mais si Zeppelin s’était engagée dans les forces de l’ordre ce n’était sûrement pas pour se défiler à la première occasion et puis, c’était comme si elle estimait avoir une dette envers Pablo. De mémoire, c’était le seul homme qui avait pris la peine de jouer des poings pour elle alors que d’autres – en sachant qu’elle savait parfaitement se défendre – s’étaient tout de suite sentis… castrés ? Oui, exactement. « En tout cas, ça m’a passé l’envie de finir la soirée ici. ». Zeppelin avait l’intention de quitter les lieux et de rentrer chez elle. Bien sûr, elle était dans ce bar depuis à peine une heure, cependant la jeune femme ne connaissait pas d’autres endroits pour la simple et bonne raison qu’elle ne sortait que très peu.

Pablo avait beau gesticuler et grogner comme un animal grincheux, rien n’y faisait. La jeune femme s’évertuait toujours autant à soigner ses quelques blessures sans broncher. La seule réaction que le latino remarqua fut ce petit claquement de langue qui marqua son agacement, et eut finalement raison des protestations de Pablo. Baissant les épaules en signe de renoncement, il se laissa faire jusqu’à ce qu’elle en termine avec lui. « C’est vrai, je vous ai arrosé de bière, vos blessures sont sûrement déjà désinfectées, mais on jamais trop prudent… » fit-elle finalement en souriant. Dans un premier temps, Pablo leva un regard blasé dans sa direction, mais ne put s’empêcher de sourire à son tour en la voyant. Il secoua la tête en riant discrètement, mais s’abstint de tout commentaire. En effet, un détail continuait de turlupiner le jeune homme, qui ne se priva d’ailleurs pas d’en faire part à son « infirmière ». Elle aussi s’était prit un beau coup de tête dans le comptoir et même s’il ne parvenait pas à qualifier cela d’inquiétude, Pablo voulait s’assurer que tout allait bien. Mais, de la même manière qu’il avait omit de lui préciser que le mélange bière + coton imbibé de désinfectant lui faisait un mal de chien, Zeppelin haussa simplement les épaules en assurant qu’elle avait connu pire. Et après l’avoir vue à l’œuvre à deux reprises, le latino n’en doutait pas une seule seconde. En réalité, il avait parfois plus l’impression de se retrouver en face d’un de ses amis plutôt qu’en charmante compagnie, et pourtant…

Suite aux explications « vestimentaires » de Zeppelin qui voulait apparemment rejeter la faute sur ses talons hauts, Pablo laissa de nouveau s’installer un silence qu’il trouva lui-même pesant. Mais il avait beau essayer de faire des efforts, aucune de ses belles paroles habituelles ne lui arrivaient. Son regard alternait entre Zeppelin et le reste de la salle, et à chaque fois qu’il croisait celui de la jeune femme un sourire gêné prenait place sur son visage. Pourquoi ne lui jouait-il pas son grand numéro de séducteur bon sang ? S’il y avait mis un peu de bonne volonté, ils se retrouveraient peut-être déjà dans le même lit à l’heure qu’il était. Mais même si l’envie ne lui en manquait pas, Pablo restait planté là, incapable d’amorcer une quelconque approche. Ce fut finalement à Zeppelin de rompre le silence (tout relatif, puisque qu’il régnait tout de même un certain brouhaha dans l’établissement) en déclarant : « En tout cas, ça m’a passé l’envie de finir la soirée ici. » Immédiatement, le jeune homme acquiesça, désireux de sauter sur l’occasion qu’elle lui offrait pour reprendre du poil de la bête, et se montrer un peu moins timide et ridicule. Mais une fois de plus, les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Ses habitudes de fêtards l’avaient amené à connaître une bonne partie des bars de la ville et en cas de pépin, il avait toujours une solution de secours. Et il n’eut d’ailleurs pas besoin de réfléchir longtemps pour trouver dans sa mémoire d’autres bars assez proches. Mais avait-il vraiment saisi ce que Zeppelin venait de lui dire ? Alors que son instinct lui criait de l’inviter ailleurs, une autre petite voix lui laissait entendre qu’elle voulait certainement rentrer chez elle, et fuir cette piètre compagnie qu’il lui offrait ce soir. Néanmoins, Pablo décida de se faire violence et en relevant un regard amusé vers la jeune femme, il déclara : « Je connais bien d’autres endroits mais… tout dépend de vous. Est-ce que votre simple présence suffit vraiment à déclencher une bagarre à chaque fois ? Non parce que… je ne voudrais pas être sur la liste noire de tous les bars de la ville vous voyez… » Même s’il était capable de mieux, sa voix paraissait beaucoup plus détendue et son ton se faisait plus taquin. « Ou alors… » continua-t-il avant de marquer une courte pause, tant pour réfléchir que pour se donner le courage d’aller au bout de son idée. « Ca vous dit une glace ? C’est pas très festif, mais au point où on en est… ! »

C’était sur les bons conseils de son amie que Zeppelin était venue se réfugier dans ce bar à ambiance pour se changer les idées et penser à autre chose qu’à ce boulot qui était devenu une véritable obsession au point que la jeune femme avait un peu tendance à s’oublier ces temps-ci. Elle avait l’impression d’agir en agent fédéral H24, de ne jamais mettre sa vie professionnelle à la porte de chez elle avant de s’y enfermer à double tour et, curieusement, le fait de discuter avec Pablo lui faisait prendre conscience de tout cela. Il semblait si distant que Zeppelin comprenait enfin ce qu’avait voulu dire sa collègue : elle était devenue beaucoup trop sérieuse, beaucoup trop froide. C’était une telle ‘révélation’ que l’américaine se risquait maintenant à dévoiler son côté sensible, cependant, elle se montrait un peu brusque même en soignant les blessures de Pablo. Il fallait dire que Zeppelin n’avait pas vraiment la fibre maternelle avec une enfance aussi perturbée et un enfant abandonnée à la naissance dont elle ne voulait plus entendre parler.

« Je connais bien d’autres endroits mais… tout dépend de vous. Est-ce que votre simple présence suffit vraiment à déclencher une bagarre à chaque fois ? Non parce que… je ne voudrais pas être sur la liste noire de tous les bars de la ville vous voyez… ». Surprise du ton taquin qu’elle décelait dans sa voix, Zeppelin ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en coin et de répondre sur le même ton. « Oui, je vois. Je m’en voudrai de vous savoir au chômage par ma faute : ça me ferait encore un truc à me faire pardonner, vous imaginez !? » dit-elle, se souvenant qu’il était DJ sans savoir qu’en plus de cela, Pablo était connu pour être un pilote de F1 reconnu. Elle était sur le point de décliner l’offre et de rentrer chez elle lorsque Pablo l’interrompit. « Ou alors… Ca vous dit une glace ? C’est pas très festif, mais au point où on en est… ! ». Une glace. On l’invitait à dégustait une glace. C’était… Original. C'était bien la première fois qu'on lui faisait une proposition de ce genre et curieusement, Zeppelin était plus emballée par cette idée que celle de finir la soirée dans un autre bar. Après ce qu'il venait de se passer et la douleur qui lui martelait le crâne, la jeune femme avait besoin de calme. Finalement, la présence de Pablo s'avérait beaucoup plus agréable que Zeppelin ne l'aurait cru. « Une glace… » souffla-t-elle, le regard rieur. « En fait, vous avez découvert mon péché mignon. Je raffole des glaces : je ne sais pas faire sans une coupe de Ben&Jerry’s Chocolat-Brownie/Vanille, de la crème chantilly et un coulis de caramel, enfin… de temps en temps, je me fais aussi une coupe de glace tutti-frutti, histoire d’équilibrer le repas. » plaisanta-t-elle.

Si Pablo avait lui aussi envie de quitter cet endroit, il n’avait en revanche pas spécialement envie de partir sans Zeppelin. D’ailleurs, c’était un sentiment assez étrange puisqu’il n’était même pas foutu de se comporter normalement devant elle. Passée leur première rencontre tumultueuse, il aurait pu changer de point de vue sur elle, se « décoincer » et arrêter de la considérer comme un simple flic, et pourtant… Quoi qu’il fasse, quoi qu’il tente, le latino en revenait toujours au même point : en face de la jeune femme, il lui était impossible d’être lui-même. Mais à bien y réfléchir, ce n’était peut-être pas totalement une mauvaise chose ! En effet, Pablo était connu pour être un coureur de jupons invétérés et pour lui, toutes les techniques étaient bonnes pour entrainer une fille jusqu’à son lit. Parfois, il frisait même les limites de la décence mais parvenait en général toujours à ses fins. Sauf aujourd’hui. Ce n’était pourtant pas l’envie qui lui manquait, mais simplement un élément qu’il ne parvenait pas à saisir qui le bloquait.

Néanmoins, le latino parvint finalement à aligner plus de trois mots sans devenir incompréhensible, et il fut plutôt satisfait du résultat. Zeppelin souriait et, mieux, elle rentrait dans son jeu. « Oui, je vois. Je m’en voudrai de vous savoir au chômage par ma faute : ça me ferait encore un truc à me faire pardonner, vous imaginez !? » répondit-elle sur le même ton ironique qu’il avait lui-même adopté. « Oh, ne vous en faites pas pour ça, je ne serai pas au chômage de toute façon ! Vous ne risquez pas d’aggraver votre cas si c’est ce qui vous inquiète… » Pablo se sentait de plus en plus à l’aise, et il continua d’ailleurs sur sa lancée en l’invitant à manger une glace avec lui. C’était une proposition enfantine et ridicule, qu’il regretta au moment même où il la formula. Et pourtant, l’éclair de malice qu’il distingua dans le regard de la jeune femme l’intrigua. Et contre toute attente sa proposition, bien qu’étrange et inhabituelle, sembla ravir Zeppelin qui s’empressa d’expliquer : « En fait, vous avez découvert mon péché mignon. Je raffole des glaces : je ne sais pas faire sans une coupe de Ben&Jerry’s Chocolat-Brownie/Vanille, de la crème chantilly et un coulis de caramel, enfin… de temps en temps, je me fais aussi une coupe de glace tutti-frutti, histoire d’équilibrer le repas. »

Pablo était un peu éberlué par l’effet qu’avait provoqué son idée, mais un sourire s’était dessiné sur ses lèvres et ne semblait plus vouloir les quitter. Un simple sujet de glace avait suffit à ce que Zeppelin se mette à lui raconter sa vie, parlant bien plus que ce qu’elle avait pu le faire depuis leur rencontre. Bien sûr, elle ne lui livrait pas là des détails très croustillants, mais c’était un bon début. Et devant l’enthousiasme à peine masqué de la jeune femme, Pablo fut bien obligé d’honorer sa promesse. Presque fièrement, il quitta donc l’établissement aux côtés de Zeppelin, direction le marchand de glaces le plus proche pour enfin pouvoir passer un moment « normal » en compagnie de la jeune femme.