On dit souvent que l’argent ne tombe pas du ciel. Qu’il se mérite à la sueur et aux tripes. C’est ce que pensait également Caden Cooper lorsqu’il ouvrit la porte de sa chambre d’hôtel, aux alentours des deux heures du matin. Une habitude pour lui comme pour les gérants de l’établissement, qui ne se posait pas de question du moment qu’il recevait la paye de la location. En y réfléchissant bien, c’était banal de voir un jeune homme de 22 ans revenir vers ces horaires-ci, supposant les fêtes et soirées. Sauf qu’il en était tout autre pour Caden, qui s’effondra rapidement sur son lit après s’être délesté de ses quelques vêtements. Trouver le sommeil à cette vitesse était peu commun, mais c’était sans compter les difficultés de l’épreuve physique à laquelle il sortait. Pour une énième fois, il avait été un challenger dans un affrontement organisé. Une victoire à la clef lui avait fait remporter la modique somme de 5 000 dollars, mais également un aller simple pour la clinique privée d’un de ses clients.
Malgré cet afflux d’argent sorti tout droit de ses poings, malgré cette somme confortable qui lui offrirait une paix relative jusqu’au prochain round, Caden se réveilla brutalement. Il sentait les battements de son cœur à l’intérieur même de sa tête, il sentait une douleur permanente sur ses phalanges meurtries, sans oublier cet hématome à l’arcade qui lui valu un point de suture. Le jeune homme lança un coup d’œil à son téléphone, qui lui donna une heure à laquelle il n’avait pas l’habitude d’ouvrir les paupières. Mais cette fois-ci, il n’y avait pas la possibilité de se rendormir calmement, pas avec le bruit des voitures au bas de l’hôtel.

C’est avec un juron que Caden se redressa, se grattant comme à son habitude le sommet du crane. Saisissant la télécommande du téléviseur, qu’il régla sur la chaine des hits musicaux, il se dirigea vers la salle de bain. Rare était les fois ou il s’observait dans un miroir mais, aujourd’hui il dérogea à la règle pour observer l’état de son visage. Ca allait encore, il n’y avait pas de défiguration trop importante, trop visible. Sauf ce pansement sur l’arcade qui était, elle, légèrement enflée. Selon le médecin de l’urgence, ce n’était pas trop grave. Un pansement par jour serait appréciable cependant, selon une durée indéterminée. Il suivrait cette consigne mais avant, une douche s’imposait. Toute sensation externe et invasive disparaissait une fois que les jets se mirent à asperger chaque parcelle de son corps, d’une douceur tiède sous laquelle Caden pourrait passer des heures. Mais il ne pouvait abuser des bonnes choses, ce n’était pas dans son comportement.

Au bout d’une vingtaine de minute, le jeune Cooper revint devant le miroir pour se coller le fin pansement sur l’arcade. Vêtu par la suite d’un simple teeshirt blanc et d’un baggy, l’adulte saisit ses effets personnels avant de quitter son « domicile ».
Il n’avait pas vraiment de direction privilégié en ce début de journée. Tout ce qu’il désirait désormais, c’était d’avoir un endroit, un paysage reposant pour qu’il puisse se relaxer autour d’un bon petit déjeuner. Par petit-déjeuner, à n’importe quelle heure de la journée, entendez par là deux boissons chaudes et quelques beignets, donuts et autres croissanteries. Vu la stature du jeune homme, ce large menu était nettement compréhensible. Entrant dans Central Park avec sa boite en carton et ses boissons, il fut légèrement surpris de la température agréable qui y régnait. Avant d’attarder son regard sur une personne assise sur un banc, un peu plus loin. Au premier coup d’œil, il ne prêta attention qu’à sa chevelure blonde, et rien d’autre. Ses jambes semblaient déjà avoir pris la décision de squatter son banc, tandis que ses yeux observaient encore tour à tour le petit-déj’ tenu dans ses deux mains. Tant pis, advienne que pourra. Caden rejoignit le banc et y prit place. Son regard avait observé peu attentivement la jeune femme auparavant, mais là c’était face à lui qu’il le porta.

« Hum… J’ai horreur de prendre mon petit-déjeuner tout seul. » Enonça Caden, s’annonçant par la même occasion. « Et je refuse l’idée de te laisser partir sans avoir obtenu un prénom à mettre sur ce visage blond. » Ajouta-t-il comme unique parole à l’encontre d’Opale, lui accordant à la fois un sourire et un regard en coin.

Il y avait une grande différence entre Caden Cooper et les jeunes hommes séducteurs qui prenaient un malin plaisir à charmer la moindre jolie fille. De ce coté-ci de son comportement, il était assez posé. Bien entendu, il était jeune, vigoureux, plein de ressource et d’envie. Il était aussi quelqu’un dont le respect envers la gente féminine était important, même si ce n’était pas la première chose que l’on voyait chez lui.
Que voyait-on d’ailleurs de lui en ce moment même ? A vrai dire, pas mal de chose pour quelqu’un ayant un tant soit peu d’observation. D’une part, son allure nonchalante, limite baba-cool, le montrait incroyablement décontracté en cette douce matinée. Son visage, dont la mine était légèrement renfrognée à cause de la clarté, indiquait que Caden n’avait surement pas son quota de sommeil. Ajoutez à cela le conséquent petit-déjeuner qu’il venait de déposer sur le banc et son ventre qui émit un grognement significatif, nulle doute qu’il avait fichtrement faim.

Il avait également décidé d’énoncer quelques paroles à l’encontre de la jeune femme présente sur le banc choisi. Sans aucunes pensées néfastes, même si cela pouvait être perçu comme un rapprochement par la plupart des personnes. Les dires de Caden étaient pourtant vrais. En aucun cas il n’aimait débuter sa journée par un petit-déjeuner en solo. Le prouvait ses nombreuses relations avec le personnel du Starbuck au coin de sa résidence provisoire. Par ailleurs, c’est l’un des deux cafés que prit finalement le jeune homme dans l’une de ses mains, avant de tourner son visage entièrement vers Opale. Elle venait de recracher ce qu’elle venait de boire. En y portant plus d’attention, C.Cooper émit un léger rictus. De la vodka le matin, c’était loin d’être conseillé, de même que la cigarette. Mais il ne fit aucun commentaire, préférant pousser le café restant vers la cuisse d’Opale, l’incitant à le prendre.

« Loin de moi l’idée de te flatter, mais tu es tout à fait attrayante… » Annonça Caden avec un léger sourire. « D’apparence hein. Parce que le crachat n’était pas vraiment charmant à voir. » Ajouta-t-il en hochant amusément la tête négativement.

Viens le temps des présentations, qui s’accompagna d’un donut pour le jeune homme. Sauf que durant l’écoute, il avala de travers une bouchée qui le fit s’étouffer à moitié. Et pour cause, ce n’était pas souvent qu’une inconnue vous posait une question comme celle qui venait d’être émise. Avait-il couché avec Opale cette nuit ? Croyez bien qu’il aurait préféré cela aux coups de poings rapide du chinois qu’il avait combattu et vaincu. C’est en toussotant encore quelque peu qu’il se retourna vers sa nouvelle connaissance, cherchant ce qu’il pouvait bien lui répondre tant le visage qui lui était lancé était sérieux. Alors il se lança.

« Crois moi, si on avait couché ensemble, tu en garderais des souvenirs jusqu’à la fin de ta vie. » Avait-il annoncé en riant de moitié. « Je m’appelle Caden. Et même si ce n’est pas mes affaires, tu devrais manger un peu. » Conclut-il en désignant la boite en carton qui séparait leurs deux corps.