Elle était à la maison … oui aujourd’hui, c’était chez elle qu’elle allait travailler, plus par obligation que par envie. Elle s’était pourtant réveillée à la même heure que chaque jour de la semaine afin de pouvoir passer un peu de temps avec sa fille avant de déposer cette dernière au jardin d’enfants et prendre la route de sa maison de disque pour une nouvelle journée à parrainer les artistes qui avaient signé pour elle avant de prendre du temps pour enregistrer ses propres chansons, promesse qu’elle se devait de tenir à présent. Cependant, sa journée avait démarré bien différemment de toutes les autres après qu’elle eut remarqué une certaine fièvre chez sa fille qui l’avait poussé à annuler ses plans pour la journée et faire en sorte de pouvoir garder un œil sur Lennon et s’assurer qu’elle n’allait pas trop mal. Toutefois, paniquée comme elle pouvait l’être lorsque sa fille était malade, Emmy-Lee avait bien rapidement fini chez le médecin qui avait découvert le début d’une angine chez la demoiselle et malgré cela la jeune femme n’avait pu s’empêcher de prendre la décision de rester bien sagement enfermée dans son appartement à travailler tout en surveillant de près Lennon, à croire qu’elle ne faisait pas confiance au diagnostic du médecin et qu’elle s’attendait à une catastrophe toutes les minutes. Il s’agissait du premier né, du premier enfant que la jeune femme avait et chaque jour elle apprenait à être mère et surtout à combattre la peur que quelque chose arrive à sa fille ce qui n’était pas une mince affaire, pas avec une jeune mère aussi effrayée qu’elle pouvait l’être et qui avait sans cesse peur que son passé vienne la hanter et surtout s’en prendre à ce petit être innocent de deux ans. Ainsi, elle passa une grande partie de sa journée à la surveiller, à la lui donner sa dose de médicaments à des heures biens précises tout en trouvant le temps de plonger son nez dans les divers papiers qu’elle devait remplir, une paperasse qu’elle repoussait chaque jour d’avantage, mais dont elle avait largement le temps de s’occuper en ce jour. Les heures s’écoulèrent à toute vitesse sans qu’elle ne parvienne à s’en rendre compte. Elle signait les papiers, remplissait les formulaires et vérifiait que sa fille respirait toujours sans même lever les yeux vers la pendule de la cuisine, bien trop absorbée par ce qu’elle faisait.

Ce ne fut qu’une fois tout ceci fait qu’Emmy-Lee se laissa du temps pour elle et alla prendre place sur le petit banc en face de son piano tandis que Lennon dormait paisiblement dans sa chambre ce qui lui assurait une tranquillité de plusieurs heures. Sans aucune difficulté ses doigts glissèrent sur les touches de piano en laissant ainsi une douce mélodie envahir la pièce dans laquelle elle se trouvait tandis que la jeune femme laissait ses paupières recouvrir ses yeux pour plus de concentration. Ce morceau, elle le composait que par petits bouts tant il lui tenait à cœur et tant elle voulait qu’il soit le plus parfait possible. C’était celui de son album qui la touchait le plus, celui qui prenait le plus de temps à se terminer, mais elle s’en moquait, elle aimait les choses bien faites. Une fois le début du morceau bien entamé, la voix de la jeune femme rejoignit les notes de musiques jusqu’à être coupée lorsqu’elle entendit des coups portés sur la porte de son appartement. Sourcils légèrement froncés, Emmy-Lee se pencha en avant et fixa la porte en se demandant pendant un bref instant qui pouvait venir la déranger pour finalement prendre la décision de se lever et d’aller ouvrir. Ceci fait, son regard chocolat se posa sur le visage d’une charmante demoiselle à la longue chevelure blonde qu’elle était ravie de voir sur le pas de sa porte. Il y avait quelque temps qu’elle avait remarqué Juliette, Juliette et son talent surtout. Elle possédait une voix magnifique, une voix surprenante venant d’une demoiselle qui en apparences semblait quelque peu fragile, mais sa voix appartenait à un tout autre monde, toutefois à l’époque elle n’avait pas accepté de signer pour elle. Ce n’était que très récemment qu’elle avait repris contact avec elle, au plus grand bonheur d’Emmy-Lee qui ne l’avait pas oublié, loin de là. « Salut ». Un léger sourire en guise de réponse et elle se décala sur le côté pour lui faire comprendre d’entrer après quoi elle ferma la porte derrière elle et posa de nouveau son regard sur Juliette. « Je pensais plutôt te voir au label, mais ça me fait quand même plaisir que tu sois là. Tu veux boire quelque chose ? ». Son sourire toujours dessiné sur ses lèvres, Emmy-Lee rejoignit en quelques pas la cuisine de l’appartement et atteignit le réfrigérateur avant de finalement prendre la décision d’attendre la réponse de Juliette avant de faire quoi que ce soit.

La musique était sa passion au même niveau que le surf l’avait été durant son adolescence. Elle en vivait, certes parce que ses grands-parents lui avaient donné les moyens de se lancer sans que personne le sache, mais elle tenait à faire les choses bien comme il le fallait. Elle était aussi sérieuse dans son travail que dans la vie de tous les jours. Parfois c’était à se le demander vu le nombre de fois où elle avait repoussé l’enregistrement de son propre album, mais dès qu’il s’agissait des personnes qui avaient signé pour elle, qui lui faisaient confiance, elle mettait tout entre parenthèses pour s’occuper d’eux. Les artistes qui avaient un contrat pour elle lui faisaient confiance et elle respectait cela en faisant de son milieu pour les aider, les guider et être présente lorsqu’ils en avaient besoin. La jeune femme s’efforçait toujours d’être présente lors des enregistrements, de faire part de son point de vue et parfois même d’aider pour quelques accords ici et là ou encore pour aider à mieux formuler les paroles d’une chanson pour donner plus de cohérence au tout. La musique était ce qui la passionnait et elle se donnait corps et âme dans son métier pour le bon plaisir de ses artistes mais aussi pour que personne n’ait rien à dire sur son travail. Certes, son label lui appartenait, elle en était la prioritaire, mais elle avait dû trouver des personnes dans le milieu pour la lancer parce que, finalement, ça ne se faisait pas du jour au lendemain par un simple claquement de doigts. Elle avait travaillé dur pour en arriver là où elle était aujourd’hui. Elle s’était donnée à fond pour se faire un nom et pour se faire respecter dans le milieu. Elle avait tout d’abord commencé en simple directrice pour ensuite se laisser tenter par la musique, laissant sa voix sortir de l’anonymat bien qu’elle restait discrète à cause de la couverture sous laquelle elle vivait depuis douze ans.

Toutefois, elle refusait de se reposer sur ses lauriers et même si s’occuper de Lennon lui prenait parfois du temps, elle n’en oubliait pas son autre bébé pour autant et lorsqu’elle ne pouvait pas s’y trouver, elle travaillait chez elle comme aujourd’hui et pouvait passer sa journée au téléphone pour s’assurer que tout se passait bien. Emmy-Lee avait cessé de compter le nombre de fois où elle avait dû gérer à la fois sa fille et le téléphone qu’elle maintenait entre sa tête et son épaule pour rassurer les membres d’un groupe qu’elle produisait qui n’étaient pas certains que leur musique soit assez bien ou qui angoissaient un peu trop à quelques minutes de monter en scène. Malgré les divers artistes qui travaillaient avec elle – et quelque part, pour elle – la jeune femme était toujours à la recherche de nouvelles perles rares, de nouveaux artistes en quête de se faire un nom dans le milieu de la musique et Juliette faisait partie de ces artistes qui, malheureusement, lui avait glissé entre les doigts. Cependant, elle n’avait pas perdu espoir et elle avait continué de surveiller la demoiselle de loin. Ainsi, la voir sur le pas de sa porte l’avait automatiquement fait sourire et lui donnait bon espoir de la voir signer pour elle bien qu’elle ne comptait pas lui forcer la main. Emmy-Lee voulait avant tout être une oreille attentive pour Juliette et savoir ce qui l’amenait chez elle en cet après-midi même si elle avait bien une petite idée sur la question. Ce fut donc avec le sourire et à bras ouverts qu’elle l’accueillit chez elle tout en faisant en sorte qu’elle se sente à son aise. « Du lait, merci. ». Emmy-Lee acquiesça en silence et sortie de son réfrigérateur une brique de lait avant de saisir l’un des verres qui séchait près de l’évier afin de le remplir. Ceci fait, elle rejoint la demoiselle tout en lui tendant son verre, prête à s’adresser à elle mais Juliette lui coupa l’herbe sous les pieds.

« Rosa et moi on s’est séparé du groupe. ». Emmy-Lee prit place autour de la table du salon en faisant signe à Juliette d’en faire de même. Tandis qu’elle mettait l’une de ses jambes sous ses fesses, position pas très professionnelle mais qui était très confortable selon elle, elle écouta la jeune femme lui faire part du fait que Rosa et elle s’étaient séparées du groupe. Pourtant, elle resta silencieuse, devinant sans la moindre difficulté qu’elle n’allait pas s’arrêter là. « On voudrait se lancer en Duo. J’aimerai que ce soit toi qui s’occupe de notre album. Je t’ai emmené quelque chanson que j’aimerais voir à l’intérieur. ». Elle ne put s’empêcher de sourire, quelque peu victorieuse. Elle avait attendu ce moment et ne pouvait pas s’en cacher. Ce fut d’ailleurs toujours le sourire aux lèvres et avec plaisir qu’elle prit soigneusement le disque que lui tendait Juliette. Emmy-Lee quitta de nouveau le salon pour aller tout d’abord fermer la porte de la chambre de Lennon avant de revenir dans la pièce et d’introduire le disque dans la chaine hi-fi. « Voyons ce que ça donne. ». Elle prit la télécommande afin de lancer le disque et écouta avec attention la chanson s’imprégnant de la musique et de paroles de cette dernière qui lui était, évidemment, totalement inconnue. La jeune femme resta silencieuse durant tout le morceau et lorsque ce dernier fut terminé elle posa les yeux sur Juliette. « J’aime beaucoup … il y aurait juste quelques petites choses à revoir, mais rien de bien grave et ça ne changera pas grand-chose à la chanson. Enfin si jamais toi et Rosa vous êtes d’accord vous n’aurez qu’à passer au label pour qu’on voit tout ça et qu’on se mette d’accord ? ».