Un soir comme les autres. Un soir dans un bar. Beuverie solitaire. Un truc d’ivrogne diront certains. Les ivrognes, vous savez, ceux que l’on nomme ainsi parce qu’ils sont tous les jours le cul vissé sur le tabouret au bar, un verre toujours rempli dans la main et qui parlent de tout et de rien. Bien souvent, pour les personnes lambda, ces personnes ne tiennent pas des discours cohérents, bien trop imbibés par l’alcool. On les voyait tous comme cela. Vous, toi, nous, oui même moi. Des types sans avenir, sans histoire, sans rien en fait. Rien juste leur verre. Un verre oublier les soucis. Quelle jolie philosophie. C’était un soir comme tous les autres. Comme tous les soirs, ou presque, Jan était installé à ce bar. Sur ce même tabourait où il s’installait depuis son retour. C’était ici qu’il venait se vider la tête, qu’il essayer d’oublier. D’oublier tout. Tout ca. Ce ‘ca’ qui le rongeait, qui le bouffait depuis son retour à la vie dite civilisée. On voulait tout savoir ce qu’il se cachait derrière tout cela. On était tous pareil dans ce genre de situation, la curiosité bouffait notre esprit. De vraies fouines, sommes-nous. Son verre à la main, il était assis sur sa table, en grand solitaire. En face de lui ? Personne. Bien assez comme compagnie. Un verre d’alcool suffit de toute manière. De temps en temps, le barman tentait de lui faire la conversation, sans grand succès à tous les coups. Jan était une vraie tombe. Ses pensées se perdaient petit à petit au fin fond de ce verre qui se vidait au fur et à mesure de sa soirée. « Ça fait plaisir de voir que tu es en vie... et de retour d'ailleurs... », venait de lui dire une voix. Une voix qui ne lui était pas étrangère. Il se tourna alors vers sa droite, endroit d’où provenait le flot de paroles qu’il venait d’entendre. Il se tourna, oui. Et c’est alors qu’il vit une personne qui ne lui était pas du tout étrangère. Non. Il ne pouvait pas nier le fait qu’il ne la connaissait pas. Il ne le pouvait pas. Il haussa alors les épaules, finissant son verre d’une traite. « Dans les deux cas, tu l’aurais su tôt ou tard, de toute façon. ». Puis, une fois que le barman fut arrivé à leur hauteur, il lui demanda deux verres. Deux verres d’alcool. Bien entendu, il en aurait bien eu assez d’un seul. Le second n’était pas pour lui. Il était pour la jeune fille qui venait de réveiller les démons enfouis au fond de lui. C’était un peu sa façon de se faire pardonner, de lui offrir un verre. Sûrement une façon maladroite, certes…

Sans se faire attendre, son verre atterrit sous ses yeux vides. C’était comme cela chaque soir. De sa forte main, il s’en saisit pour boire une gorgée. Gorgée qu’il crut avaler de travers une fois que la jeune brune prit la parole. « Et l'apprendre par hasard ou par ta volonté, qu'est ce que ça change, hein? ». A ses mots, il tourna quelques secondes la tête vers elle. Il entrouvrit la bouche comme s’il comptait lui répondre, mais il se rétracta. Se contentant alors d’un soupir et de replonger son regard dans son verre encore plein. Ce type de réaction avait tendance à énerver n’importe quelle personne. C’était certain. Aloysia ne restera pas indifférente de cette réaction. De cette subtile fuite de la conversation de la part de Jan. «Dans le cas ou tu en douterais, je t'ai détesté de partir comme ça, sans un mot ! Puis la haine à laisser place à la fierté, parce que tu risquais ta vie pour l'Amérique et que je savais que tôt ou tard, j'allais avoir des nouvelles. Mais rien! Même à ce moment là, j'ai arrêté de t'en vouloir en me disant que tu avais mieux à faire... mais là t'as franchement pas l'air d'être occupé... ». Une personne lambda réagirait, serait touché, s’excuserait ou que sais-je, mais Jan s’en fichait. De l’indifférence. Occupé, il l’était. Non, en fait, c’est faux. Visiblement, il ne l’avait pas l’air. En apparence, un mec comme tous les autres, qui vient sûrement boire un verre, retrouver des connaissances ou peut-être bien tenter des approches. Non. Ce n’était pas ça du tout. Jan n’avait rien de ces gars normaux qui viennent au bar. Il était occupé. Dans sa tête, sûrement. A essayer, justement, de devenir normal. De redevenir normal. « Tu te tentes de me faire dire quoi là ? ‘Pardon’ ? » lui demanda-t-il, s’abreuvant de nouveau. Ne daignant pas porter un seul regard sur Aloysia, son amie. Son ancienne amie. Puis, il reparla de nouveau. «Tu l’as eu ton pardon. ». Et c’est alors qu’il osa enfin de défier la jeune fille qui était à ses côtés.