Rester calme. Surtout ne pas le pousser en faire mine de ne surtout pas être coupable afin qu’il prenne une autre douche froide dans la piscine. A vrai dire, comme toujours, Blaine finissait par l’agacer avant même d’avoir ouvert la bouche, comme s’ils s’adonnaient tous deux à une sorte de fausse parade amoureuse dont eux seuls avaient tous les tenants et les aboutissants. Diantre, heureusement qu’elle n’était pas agente du MI6 à plein temps sinon elle l’aurait petit suicidé depuis des lustres ! Pour l’instant, elle n’avait pas encore prononcé un mot qu’il la cassait déjà verbalement, semblant plus sur les nerfs qu’il ne l’avait été jusqu’ici. « T’as bouffé du lion toi ou quoi ? Ou alors tu es en période rouge ! » s’exclama-t-elle, à la limite de l’hilarité tant le fait de voir sa veste pourrie par l’eau chlorée lui fournissait une appréciable satisfaction. « C’est toujours un plaisir d’être ta petite femme mon chou ! » reprit-elle avant de suivre les deux hommes à l’intérieur de la maison, maudissant presque le fait de ne pas avoir à donner la becquée à Dillon Wolf, activité qui serait toujours moins pénible que de devoir supporter Blaine O’Neil durant l’intégralité d’une mission. Une chance que la paye soit bonne sinon elle aurait tourné les talons depuis une plombe ! « Ryan donne-moi une bonne raison pour rester ici sérieusement ! L’espèce de poulet monté sur échasses a l’air aussi ravi que s’il enterrait sa grand-mère ! Sans compter que je ne suis pas censée avoir le même métier que vous, once again… je sais bien que je suis efficace mais faut vous le dire en quelle langue pour que ça rentre ? Il peut se trouver une autre gonzesse pour faire sa femme et qui sera ravie de supporter ses sautes d’humeur… juré craché ! » Enfin presque. Blaine n’était pas désagréable en soi, disons que leurs avis différaient sur… pratiquement tout.

« Moi au moins j’ai une vie sexuelle active… ! » Il ne fallait surtout pas la lancer sur ce sujet en particulier car Morgana pouvait vite devenir on ne peut plus hargneuse à vrai dire. Elle estimait faire de son séant ce qu’elle voulait et cela n’avait même pas à rentrer en ligne de compte lors d’une joute verbale : avait-elle attaqué sa vie privée, après tout ? Non. Elle ne se permettait pas ce genre de bassesse d’ordinaire mais puisqu’il avait posé la première pierre à l’édifice, il aurait été illogique qu’elle ne réplique pas pour la beauté de la chose, parce qu’elle détestait ne pas avoir le point final lorsqu’il parvenait à obtenir le dernier mot. « Pourquoi, tu as envie que je l’appelle, que je lui propose de jouer à frotti frotta avant de passer une sulfureuse nuit d’amour dans ses bras ? » Morgana le provoqua en se rapprochant félinement de lui, arquant un sourcil tandis qu’un sourire mutin s’était soudainement emparé de ses lèvres. Diable, Blaine avait beau être terriblement séduisant, il était tellement insupportable en sa présence que cela cassait absolument tout le charme qu’il avait par ailleurs. Comme quoi, s’il avait un autre comportement, sûrement agirait-elle différemment… « Ne t’inquiètes de rien Casanova, je trouve que jouer ta femme est aussi agréable que d’avoir une caillasse dans ma chaussure Dior… mais Ryan je suppose que tu ne me laisses pas le choix non plus ? » Le meilleur ami de Blaine hocha négativement la tête, donnant le ton de la poursuite de l’entretien. Diable, il allait falloir qu’elle se le farcisse lors d’une nouvelle mission et qu’en prime, elle joue une parfaite femme amoureuse de son mari… autant dire qu’on était en train de lui demander la lune. « Tu vas faire une tête de trois pieds de long ou tu vas y mettre de ton tien ? » demanda-t-elle, à toute fin utile. « Tu veux un bisou pour détendre ton caleçon Armani ? »

« Haha, laisse-moi rire, comme si t’en avais une de vie sentimentale ! Au moins moi je me complais pas avec un gigantesque rien du tout… » Et toc ! Vraiment, dans le genre casse bonbon en chef, Blaine savait très bien se placer là où il était. C’était dérangeant à la longue et Morgana risquait fort de perdre et sa patience et le semblant d’amabilité qu’elle conservait encore en faisant un semblant d’effort. Ryan semblait presque compter les points entre les deux et c’en était risible. A croire qu’ils soient faits pour mener à bien des missions ensemble mais se trouvent dans l’incapacité la plus totale de se parler avec amabilité et gentillesse. Ma foi, Blaine avait commencé cette fois ! « Rendez-vous chez le docteur ? Soit t’es un grand malade et tu t’en rends enfin compte, soit tu as envie de lui casser la gueule ! Dans le premier cas ça va, j’étais déjà au courant et dans l’autre tu serais encore plus timbré que tu ne l’es déjà, tu risques de pulvériser ton record l’ami, fais gaffe ne prends pas la grosse tête… ! » Aux yeux de la monégasque, c’était proprement impensable qu’il puisse être jaloux ou réellement intéressé par sa personne. L’écossais n’aimait personne, pas vrai ? Il n’y en avait que pour son boulot, ses missions, ses règles. Ses foutues règles ! Elles avaient manqué de la rendre dingue et quelque chose lui disait que cette fois-ci ne ferait pas exception. « Oh mille excuses c’est que la virilité se réveille ! Franchement Ryan, trouve lui une autre gonzesse et épargne-moi une plombe de thérapie pour réussir à le supporter sinon tu vas avoir un agent à la prochaine rubrique nécrologique ! »

« Évidemment, dès qu’il ne s’agit pas de toi y’a plus personne » envoya-t-elle dans les gencives de Blaine sans aucune douceur tout en levant les yeux au ciel par la même occasion. De toute façon, il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour se rendre compte de la raison pour laquelle Morgana préférait les locations vingt-quatre heures, refusant de fait de s’encombrer d’un homme à demeure qui n’aurait de cesse de vouloir lui apprendre la vie : l’égoïsme, la dépendance, le machisme à l’état pur et autres défauts du même genre lui donnait littéralement envie de mordre. Vraiment, Blaine n’était qu’un spécimen parmi tant d’autres qu’elle cherchait à fuir à tout prix. A quoi bon s’attacher lorsque l’on peut se contenter de prendre du plaisir si éphémère soit-il ? Au moins, Morgana ne pourrait jamais craindre la répétition, il n’y avait vraiment aucun risque là-dessus. « Au risque de t’apprendre quelque chose je suis championne de Kung-Fu, les types comme lui, j’en bouffe quatre au petit déjeuner ! Si tu crois que je vais pleurnicher en me cassant un ongle… il pleurera avant moi ! » « Méfie-toi Blaine, si tu nous l’énerve tu vas te retrouver avec la tête en mode puzzle… » Ryan connaissait suffisamment Morgana pour savoir à quel point la patience savait ne pas être sa qualité première lorsqu’elle s’y mettait. Mais l’agent du MI6 semblait presque l’ignorer tandis qu’il interrogeait son meilleur ami, la mettant de fait de côté alors qu’elle pourrait tout à fait être utile, donner un fier coup de main pour que cette mission ne soit rien d’autre qu’une petite promenade de santé. « Bah quoi ? Si je mets un maillot de bain s’il fait sa petite fête, je me glisserais ni vu ni connu j’t’embrouille. Mais il faudra que mon charmant petit mari accepte la chose ! Ca t’embouche un coin perlinpinpin que je sois au courant !! »

« Comme si j’avais envie de connaître ta vie ! » rétorqua-t-elle de façon nettement plus froide que précédemment, preuve ultime qu’il commençait à l’agacer au-delà des mots. Blaine avait une fâcheuse tendance à se croire arrivé quand il s’y mettait et autant dire que les personnes à fort ego agaçaient toutes la jolie monégasque. Pire, si elle avait pu lui refaire le portrait tout de suite maintenant et ne plus avoir à le supporter une seconde de plus, sûrement l’aurait-elle fait sur le champ. Mais finalement, au fil des minutes, Morgana vit une formidable opportunité de tourner la phrase de l’écossais contre lui : puisqu’il voulait qu’elle fasse les magasins, et que Ryan n’avait aucune envie qu’ils ne fassent planter la mission, autant en jouer ! « Puisqu’on doit jouer le couple de parfaits mariés, pourquoi ne pas faire les magasins ensemble ? Histoire qu’au moins une fois dans ta vie tu aies la classe, une fois n’est pas coutume ! » La piquante brunette arqua un sourcil de défi, détachant ses yeux d’un bleu puissant du plan que les deux agents décortiquaient comme s’il s’agissait d’un crabe dont il fallait déguster la chair de toute urgence. Diantre, il allait la haïr puisque Ryan vit une excellente façon de faire croire à tous que justement… ils étaient bels et bien mariés ! « Allez, avoue que t’es tenté qu’on y aille de suite et qu’on en parle plus… » Grande victoire pour Morgana. Autant dire qu’elle n’était pas peu fière d’elle !

« Ouais en même temps, ça me fait comprendre une chose : s’il y a la fin du monde, surtout éviter de compter sur toi espèce de mufle des bacs à sable !! » Morgana haussa les épaules et parvint à feindre de quitter la pièce, en fanfare, comme si elle allait passer le restant de la journée à s’acheter de bêtes maillots de bain pour le bon déroulé de la mission. Et puis quoi encore !?! Pendant de longues minutes, la brunette observa Blaine et Ryan checker leurs jouets et autres guns tout en fomentant ce qui semblait être un plan sur la comète. L’écossais ne perdait rien pour attendre et se grattait s’il pensait être définitivement débarrassé de la jolie monégasque… en tant que chieuse suprême, elle était bien décidée à lui en faire voir des vertes et des pas mûres juste pour le plaisir de la chose. Il l’avait cherchée ? Il allait la trouver, et plutôt deux fois qu’une ! « La petite souris elle t’emmerde, Casanova en papier bulle ! » maugréa-t-elle avant de réapparaître comme un cheveu sur la soupe, entourant son cou de ses bras pour mieux s’emparer de ses lèvres avec une fureur parfaitement digne d’elle. Déstabilisation : check. Bien évidemment, aucune douceur ne s’échappa de ce geste et elle eut tôt fait de s’écarter de Blaine à la fin du baiser. « Maintenant, tu laisses tes jouets et tu m’accompagnes sinon c’est à grands coups de pompe dans le derrière que tu vas le faire ! Je tente une dernière fois la manière douce, ne m’oblige pas à brûler l’intégralité de ton dressing en prime pour obtenir satisfaction… sur ce, je t’attends dehors ! » Morgana eut un petit déhanché provocateur en sortant, Ryan se rinçant l’œil face à cette vision enchanteresse sans pour autant cesser de lancer un regard désolé à l’attention de Blaine. Restait à savoir si l’écossais allait abdiquer ou obliger la brunette à le pousser à bout…

« Ouais, j’avoue, avec des mini toi… l’humanité ne serait plus à l’abri de rien ! » s’exclama-t-elle sans pour autant répondre à la seconde provocation dont il lui fit part. « Mes bisous coûtent bien plus cher que tes costards, alors faut les mériter m’sieur le génie ! » En effet, Morgana était absolument persuadée que Blaine ne pourrait jamais l’apprécier, leurs deux tempéraments se trouvant bien trop opposés et leur passif n’aidant en rien la chose. Pourtant, elle ne pouvait décidément pas s’empêcher de le provoquer, de voir s’il allait résister à lui faire des avances de son côté ou bien rester simplement de côté, à subir ses provocations sans mot dire. Le flegme british sans doute, puisque après tout, Blaine était écossais jusqu’au bout des ongles. « Tu veux pas aussi que je roule à deux à l’heure non ? Ralala quel vieillard avant l’âge celui-là ! Fais pas chier et mets ta ceinture en attendant. » maugréa Morgana tandis qu’elle se plaçait du côté conducteur, démarrant sans perdre de temps. Inutile de l’emmerder là-dessus, elle connaissait mieux que quiconque les limitations de vitesse de la ville, ce n’était pas Blaine qui allait lui apprendre la vie ! « Je serais curieuse de savoir pourquoi tu prends un malin plaisir à m’emmerder. Tu sais que c’est une seconde nature chez toi ? »

« Mignon n’est pas forcément le premier terme qui me vient quand je te regarde, franchement ! » Et encore, elle restait polie juste pour éviter d’avoir envie de lui en mettre une à chaque fois qu’il avait le malheur d’ouvrir la bouche… sinon, bonjour les bleus sur le visage ! Sauf que la jolie monégasque eut soudainement une expression choquée lorsqu’il osa lui demander si, pendant les soldes, il y avait également des prix pour ses baisers. Il la prenait pour une conne ou avait-elle la berlue ? Mais autant dire ce qui est, Blaine avait toujours eu une formidable capacité à la faire sortir de ses gongs, de tout temps. Le simple fait qu’il ne veuille reprendre des habitudes « de couple » sonnait louche, surtout avec la joute verbale qu’ils s’étaient payé il n’y avait pas dix minutes. Au départ, Morgana conduisit sans mot dire, espérant que cette idée lui sortirait de la tête mais lorsque l’écossais avait une idée en tête, il ne l’avait manifestement pas dans les doigts de pieds. Elle sentait même son regard sur elle, comme s’il cherchait à la déconcentrer par tous les moyens possibles et imaginables en vue d’obtenir satisfaction. Quel bel enfoiré celui-là quand il s’y mettait ! « T’en veux d’autres alors que t’as pas arrêté de me faire chier tout à l’heure parce que je vais être ta partenaire, faudrait savoir ! Puis des bisous de ma part, ça se mérite qu’est-ce que tu crois ? On n’a rien sans rien dans la vie petit padawan ! » Pour une fois qu’elle pouvait lui faire les pieds et que ce n’était pas l’inverse… elle n’allait pas s’en priver. Quel délectable pouvoir ! Enfin presque…

« Et moi, je suis si laide que ça, ou c’est mon charme qui t’horripile ? » Morgana lui renvoya la question sans même en avoir honte puisque après tout, Blaine n’avait pas hésité à l’emmerder pendant toute la durée de leur conversation. Que ce soit devant Ryan ou maintenant dans la voiture, l’écossais ne s’arrêtait jamais, à croire qu’il soit monté sous pile alcaline ! Mais en tout cas la jolie monégasque n’était pas prête à supporter la donne pendant tout leur shopping, et il allait falloir qu’il musèle son tempérament ou bien elle allait finir par commettre un meurtre… littéralement. « Écoute pour l’instant on va se contenter de te racheter des costards, moi je vais m’acheter de belles robes, on va essayer de se supporter allez… pendant les deux heures à venir et après on avise d’accord ? Mais à la prochaine remarque désobligeante, je te jure que tu prends mon poing dans la tronche ! Et tu peux être certain que je vais tenir parole ! » Mais en attendant, elle se contenta de simplement se garer vers le premier centre commercial qu’elle trouva à proximité. Game was on !