Même si Leo détestait toujours autant Marley pour l’avoir fait replonger malgré lui dans tout ce qu’il cherchait à fuir, il devait bien avouer qu’il commençait à s‘accommoder de ce nouvel « emploi ». A plusieurs reprises, il avait du l’accompagner lors de soirées huppées dans lesquelles ils devaient jouer un véritable couple. Et même si l’italien ne se sentait pas du tout à l’aise dans ce monde-là, et encore moins dans son rôle de petit-ami modèle, il parvenait néanmoins à trouver quelques bons côtés à cette corvée qu’elle lui imposait. En général, de copieux buffets étaient servis dans ce genre de soirées, et pendant que Marley œuvrait auprès d’illustres inconnus aux yeux de Trevor, lui pouvait profiter de ces petits plus en l’attendant. Bien sûr, il se faisait parfois accoster malgré lui, et devait alors jouer le jeu mais en règle générale, il s’arrangeait pour rester assez en retrait pour que personne ne vienne l’ennuyer.

Ce soir, Trevor ne faisait pas exception à la règle, et il se tenait en bonne place près du buffet depuis un certain temps déjà Il avait bien évidemment perdu Marley de vue mais ne s’inquiétait pas outre mesure de son sort. Elle faisait probablement ce qu’elle avait à faire, et lorsqu’elle aurait terminé, elle viendrait le retrouver pour faire un dernier tour de salle à son bras avant de repartir. « Alors chéri ? Ta soirée fut bonne ? » entendit-il alors, comme s’il venait d’opérer une transmission de pensées avec Marley. Aussitôt, la jeune femme s’empara du canapé qu’il tenait entre ses doigts pour l’engloutir sans aucune vergogne juste sous son nez, provoquant ainsi une large grimace de la part de l’italien. Mais comme à son habitude, Marley finit par prendre le jeune homme de court en lui « proposant » d’aller danser, sans réellement lui laisser le choix. « Non, mais non, je… » Trevor tenta de protester mais très vite, il se retrouva sur la piste, Marley dans ses bras et fut bien contraint d’entamer un slow avec elle. « Je suis sûre que tu as goûté à tous les canapé de la soirée ! » souffla-t-elle, profitant visiblement de cette soudaine proximité. Lorsqu’il sentit la main de Marley glisser dans ses cheveux, l’italien réprima tant bien que mal un frisson, et esquissa plutôt un faible sourire. « Bien sûr que oui… et j’aurai eu tort de m’en priver ! » murmura-t-il au creux de son oreille, en faisant de son mieux pour se laisser porter par la musique.

Finalement, ces quelques minutes de musique passèrent bien plus vite que Leo n’aurait pu l’imaginer, et les faux-tourtereaux quittèrent la piste de danse bras dessus bras dessous en souriant. Après avoir fait le tour de quelques convives pour les saluer, ils prirent la direction de la sortie et à peine furent-ils dehors qu’un froid quasi-glacial vint les saisir. Mais alors que Leo commençait à avancer sur le trottoir désert, son regard se porta sur une voiture aux vitres teintées qui avançait vers eux. Il put très distinctement voir une de ces vitres s’entrouvrir, et laisser apparaitre le canon d’une arme, tout droit dirigé vers eux. Comme un réflexe, l’italien se jeta sur Marley en la projetant au sol, juste au moment où plusieurs détonations se firent entendre. Soudain, Leo sentit une vive douleur lui étreindre le bras, et il ne put d’ailleurs pas s’empêcher de pousser un cri. Après avoir heurté le sol juste à côté de Marley, il porta immédiatement une de ses mains en direction de la blessure qu’on venait de lui infliger en grimaçant. Déjà, la voiture s’éloignait dans une autre rue mais l’italien ne comptait pas baisser la garde pour autant. Malgré la douleur, il entreprit de se relever afin de détaler vers une éventuelle cachette en poussant Marley en faire de même. « Bouge, BOUGE ! A droite, la petite rue à droite, vite ! »

Les coups de feu résonnaient encore dans ses oreilles, alors qu’il pouvait clairement y entendre les battements effrénés de son cœur. En quelques secondes à peine, l’issue de cette soirée semblait avoir basculé vers l’horreur, et la scène qu’il venait de vivre rappelait bien trop de mauvais souvenirs à Leo. Il avait l’impression d’être revenu quelques années en arrière, lorsque son père lui confiait encore des missions dans lesquelles il risquait sa vie, en côtoyant les pires ennemis de sa famille. Tout en se tenant le bras qui lui faisait atrocement mal, l’italien s’empressa donc de fuir vers une ruelle dérobée, en entrainant Marley avec lui pour la mettre à l’abri des éventuelles voitures qui suivraient pour vérifier si le travail avait été bien fait. Leo ne connaissait que trop bien les habitudes et les agissements de ce genre d’ennemis et sur ce coup-là, il pouvait remercier son passé de mafioso pour lui avoir inculqué quelques petites notions de survie.

Une fois arrivé dans la ruelle en question, Trevor reporta son regard sur Marley, il fut surpris de voir des larmes assaillir les yeux de la jeune femme. « Pardon… Pardon, c’est ma faute, tout est ma faute, c’était moi… C’était moi la cible ! Je t’ai jamais demandé de mettre ta vie en péril pour la mienne ! Abruti ! Je fais quoi si tu meurs hein ?! Je fais QUOI ?! » s’exclama-t-elle devant un Trevor médusé, qui avait un peu de mal à suivre la démarche qu’elle adoptait. Avec un petit rire désabusé et presque agacé, il ne tarda d’ailleurs pas à répliquer, sans parvenir à se détacher de l’emprise qu’elle venait d’exercer sur lui : « T’aurais peut-être préféré que je les laisse te descendre sans broncher ?! Désolé de t’avoir sauvé la vie, vraiment ! » Lorsque Marley daigna enfin se détacher de lui, Leo se laissa glisser en grimaçant contre le mur le plus proche, sans jamais lâcher son bras d’ores et déjà ensanglanté. Il se reconcentra alors sur sa blessure en la découvrant enfin, et grimaça de plus belle lorsqu’il vit distinctement le sang couler sur ses vêtements. La douleur était si vive qu’il devait serrer les dents pour ne pas hurler encore une fois, et ainsi risquer de les faire remarquer. Mais, le surprenant une fois de plus, Marley s’approcha de lui pour entourer son bras de son chandail, constituant ainsi un garrot sur lequel Leo s’empressa de poser sa main. « Il faut aller… aller à l’hôpital… Te soigner ! Il faut… Je vais contacter mes hommes… Je… J’ai le numéro de la voiture… Je… Je vais les faire tuer pour t’avoir blessé ! » Leo releva un regard rempli d’incompréhension en direction de Marley qui sanglotait et tremblait de plus en plus. Si elle n’avait pas été Marley, la fille qui représentait absolument tout ce qu’il cherchait à fuir, l’italien aurait d’ailleurs été tenté de la prendre dans ses bras pour la rassurer. Mais pour l’heure, c’était plutôt les questions set les doutes qui occupaient son esprit. Mais quoi qu’il en soit, il n’était absolument pas question pour lui d’aller à l’hôpital. Pas avec sa fausse identité, pas en prenant le risque d’être démasqué et associé d’une manière ou d’une autre à la mafia sicilienne. « Pas question Marley. Je n’irai pas à l’hôpital pour ça. » souffla-t-il alors que la jeune femme n’avait de cesse de s’excuser en pleurant. Fronçant les sourcils sans lâcher son bras, Leo demanda : « Et puis… qu’est-ce que t’as d’un coup ? Arrêtes de pleurer ! Pourquoi tu réagis comme ça alors que… alors que ton seul plaisir, c’est de me manipuler depuis le jour où on s’est croisés ici ! »

Alors que Marley se mettait clairement à paniquer, Leo tentait de rester le plus calme possible. Elle semblait le détester pour avoir été assez bête et tenter de la sauver, et l’italien ne comprenait clairement pas son comportement. Marley en avait « marre » qu’on lui sauve la vie, et Leo se sentit soudainement ridicule d’avoir risqué la sienne pour elle. Néanmoins, les larmes qu’il pouvait voir couler sur ses joues depuis le début rendaient encore plus incompréhensible son attitude, et il ne se priva pas de le lui faire remarquer. Mais malheureusement pour lui, Marley fit preuve de beaucoup plus de répartie que ce qu’il aurait voulu, et lui retourna immédiatement sa question. Pourquoi l’avait-il sauvée ? Il n’en avait pas la moindre idée. Leo avait agit par réflexe, presque comme il l’aurait fait avec n’importe qui. Et pourtant, il avait l’intime conviction que le fait qu’il s’agisse de Marley l’avait grandement poussé à agir ainsi. Cela faisait désormais plusieurs semaines qu’il travaillait à ses côtés et même s’il la détestait effectivement pour tout ce qu’elle lui avait fait, Trevor ne pouvait pas nier qu’une partie de lui commençait à s’attacher à elle. Après tout, ils avaient un peu le même passé et même s’ils avaient choisi de suivre des directions différentes, Marley et lui avaient encore beaucoup de points communs. Et quoi qu’il en dise, l’italien savait que si les choses tournaient mal avec la mafia milanaise, il pourrait compter sur elle et les siens pour se protéger. Mais ce qu’il espérait avant tout était de pouvoir protéger Ashton et Shaun, chose qu’il ne pouvait clairement pas faire tout seul.

Bien évidemment, Trevor s’abstint de toute réponse, et préféra serrer les dents en ravalant sa frustration. « Tu ne veux pas aller à l’hôpital ? Alors on va chez moi. Quelqu’un te soignera là-bas. Ton identité ne craint rien. » lâcha-t-elle finalement après avoir pianoté sur son téléphone, coupant ainsi court à leur conversation. Surpris d’entendre qu’elle avait quasiment lu dans ses pensées, Trevor lui adressa un regard entendu sans pour autant protester. Son bras semblait le faire de plus en plus souffrir, et si le seul moyen d’être soigné était d’aller chez elle, alors il l’acceptait. « Je devrais peut-être aller chercher la voiture je pense que ça ne craint plus rien… » continua Marley sans bouger d’un pouce. « Ca va… ça va je peux venir. » articula alors Trevor en se redressant, non sans grimacer de douleur à chacun de ses mouvements. Bien conscient qu’il perdait du sang et que le temps pressait, le jeune homme observa sa voisine pendant quelques instants, avant de l’inciter à avancer. Sans jamais lâcher son bras blessé, l’italien pressa le pas en grognant à l’attention de Marley : « Dépêche-toi bon sang, ils ne vont pas tarder à repasser pour vérifier que le travail a été bien fait ! »

Même si Trevor avait encore un peu de mal à réaliser ce qu’il venait de se passer, il était bien sûr d’une chose : Marley et lui devaient déguerpir au plus vite s’ils ne voulaient pas recroiser le chemin de ceux qui cherchaient visiblement à avoir leur peau. Cela faisait bien longtemps que l’italien n’avait pas été confronté à ce genre de situations et jusque là, il ne s’en était pas plaint. Mais le fait de fréquenter Marley le projetait de nouveau dans ce monde qu’il cherchait à fuir par tous les moyens. Et curieusement, ses vieux réflexes étaient revenus au galop, visiblement pas si enfouis que ça aux tréfonds de son esprit. Sans réfléchir, il avait projeté la jeune femme à terre pour la protéger, et avait lui-même fait les frais de ce sursaut de bienveillance. Il aurait pu regretter son geste et se détester pour avoir ainsi prit cette balle à la place de Marley, mais Trevor n’éprouvait absolument aucun remord. Et si la scène devait se rejouer à l’identique, il était quasiment certain qu’il agirait de la même façon. A vrai dire, l’italien ne comprenait pas lui-même pourquoi il avait eu cette réaction mais il se sentait simplement soulagé d’avoir pu sauver Marley. Qui savait ce qu’il se serait passé s’il n’avait pas bronché ? Les hommes de Marley auraient peut-être cru que Trevor était à l’origine de cette agression… Et dans tous les cas, le jeune homme n’aurait plus bénéficié de la protection des siciliens. Car, quoi qu’il en dise, Leo comptait de plus en plus sur Marley pour sa propre sécurité, mais aussi indirectement pour celle d’Ashton et Shaun.

« Ça va ? On est bientôt arrivés. » déclara la jeune femme alors qu’elle roulait à pleine vitesse en direction de la maison où elle vivait. Pour toute réponse, Leo se contenta de hocher la tête en silence, le regard rivé droit devant lui et la mâchoire serré qui l’aidait à encaisser la douleur décuplée par les secousses de la voiture. Le reste du trajet se fit dans le silence le plus complet, et ce n’est que lorsque le véhicule s’immobilisa devant la maison que Marley reprit la parole : « Suis moi. On va aller dans le salon, y’a déjà quelqu’un pour te soigner. » Tant bien que mal, Leo s’extirpa de la voiture et suivis Marley sans lâcher son bras ensanglanté. Une fois arrivé dans le salon, son regard se posa sur un homme qui semblait les attendre, et sur lequel la jeune femme aboya l’ordre de soigner l’italien. Fronçant les sourcils, Leo recula d’un pas avant de chercher le regard de Marley. « Attends ! Qu’est-ce que… c’est qui ? Pourquoi ton père veut te voir ? » souffla-t-il d’un air des plus méfiant. En aucun cas il ne se laisserait soigner par un inconnu si Marley ne lui apportait pas la preuve qu’il pouvait lui faire confiance. Pour lui, le fait de se trouver dans « l’antre » des siciliens était tout sauf rassurant, et il ne pouvait par conséquent pas s’empêcher d’être sur la défensive. Mais soudain, le regard de l’italien se troubla et ses jambes semblèrent cesser de le porter. Leo avait déjà perdu énormément de sang et il se sentait désormais clairement défaillir. D’un geste un peu approximatif, il s’appuya contre le premier meuble qui lui tomba sous la main, faisant par la même occasion valser tous les bibelots qui y trônaient.

Sans qu’il ne voit rien venir, Leo fut soudain prit de vertiges et, en essayant de se rattraper au meuble le plus proche ne réussit qu’à faire tomber tout ce qui trônait dessus. Mais avant même qu’il n’ait eu le temps de heurter le sol, le médecin ainsi que Marley se précipitèrent vers lui pour le rattraper. L’italien ne réalisa pas précisément ce qui était en train d’arriver, mais il se retrouva rapidement allongé dans un canapé avec une étrange sensation de flottement. En posant son regard sur le médecin qui se trouvait près de lui, il identifia très clairement une seringue entre ses doigts, signe qu’il venait de l’anesthésier pour s’occuper de son bras comme il le devait. Et cette fois, le jeune homme n’eut plus la force de protester. De toute façon, on lui avait déjà retiré sa chemise, et l’homme commençait à s’affairer autour de sa blessure sans que Leo ne puisse répliquer. Quelques instants plus tard, Marley refit son apparition dans son champ de vision et déposa un linge mouillé sur son front brûlant. La sensation était à la fois saisissante et agréable, et l’italien se prit à fermer les yeux tout en écoutant la jeune femme le réprimander. « Voilà ce que c’est que de poser des questions ! Tu as perdu trop de sang, laisse toi soigner. Tu passeras la nuit ici, hors de question que tu rentres dans cet état-là. » En temps normal, Leo aurait tout tenter pour se défiler et échapper à la « surveillance » de Marley mais, l’anesthésie aidant, il ne prononça pas le moindre mot, se contentant de soupirer sans broncher.

Alors que Leo tentait avec difficultés de retrouver ses esprits sans trop prêter attention au médecin qui s’occupait de son bras, il sentit la main de Marley se glisser dans la sienne. La jeune femme s’installa au pied du canapé tout près de lui, et sans qu’il ne lui demande rien elle répondit la question qu’il lui avait posée quelques heures auparavant. « Tu me demandais toute à l’heure pourquoi j’étais dans cet état… J’ai perdu mon frère de la même façon, on s’est fait tirer dessus, et il m’a protégé. Sauf que lui, il y a perdu la vie… » avoua-t-elle, clairement gagnée par l’émotion. Sur le coup, Leo eut un peu de mal à réaliser ce qu’elle avait pu vivre mais il finit par resserrer franchement sa main dans la sienne, lui apportant ainsi le seul soutien dont il était actuellement capable. « Oh… je suis désolé… Je comprends… » balbutia-t-il d’une voix rauque et empreinte de fatigue. Tout à coup, Leo comprenait le comportement qu’elle avait pu avoir depuis le début, et il se surprit même à ressentir une pointe de tristesse pour elle. Fronçant les sourcils sous le coup de la contrariété, il chercha tout de même à capter le regard de Marley et murmura : « Je ne regrette pas de l’avoir fait Marley… » comme pour la rassurer. « Tu aurais fait pareil pour moi… j’imagine. » ajouta-t-il, lui avouant du même coup qu’il comprenait enfin qu’elle agissait plus par bienveillance qu’autre chose.

Même s’il était particulièrement mal en point, Trevor était encore capable de mesurer la gravité de la situation. Et le fait de voir Marley fondre en larme venait encore ajouter un peu plus de poids à tout cela. Il ne pouvait pas se targuer de la connaître par cœur, mais il l’avait fréquentée assez longtemps pour comprendre qu’elle n’était pas ce genre de fille. Il n’était pas si facile de la faire pleurer car elle était forte… du moins, c’est ce qu’elle cherchait à faire transparaître par tous les moyens. Mais ce soir, l’italien avait presque l’impression d’être en face d’un autre Marley, de la VRAIE Marley. Et quelque part, il était rassuré de voir qu’elle pouvait aussi avoir un cœur, et qu’il ne s’était pas trompé en pensant qu’elle voulait le protéger.  Certes, elle ne s’y était peut-être pas prise de la meilleure manière qui soit, mais l’intention était là. Profitant du fait qu’elle se soit penchée sur lui pour pleurer, Leo releva son bras encore valide pour venir le poser sur l’épaule de la jeune femme et y appliquer quelques caresses réconfortantes.

« Bien sûr que je l’aurai fait. Plutôt deux fois qu’une. » déclara alors Marley en se redressant, arrachant un léger sourire à Leo. Mais bien vite, son attention fut déviée par un regard qu’il sentait bien trop pesant sur lui. C’est alors qu’il aperçut un homme qu’il identifia comme étant le père de Marley, et  l’expression qu’il arborait ne lui disait absolument rien qui vaille. Néanmoins, la jeune femme ne prit pas la peine d’aller le voir et au lieu de ça, reporta son attention sur le blessé. « Je te dois la vie… je te suis redevable… » Pour toute réponse, l’italien se contenta de lui offrir un nouveau sourire, avant de replacer son bras le long de son corps en désignant l’homme en face d’eux d’un signe de tête discret. « Je crois que tu devrais aller le voir… Il n’a pas l’air content. T’en fais pas pour moi, ça va aller. » déclara-t-il en se voulant rassurant, même s’il avait bien du mal à cacher sa souffrance à chaque fois que la douleur dans son bras se réveillait. Une nouvelle fois, le regard de Leo croisa celui du père de Marley et s’y attarda quelques instants… avant de se rediriger vers la jeune femme. « Je… je ferai peut-être mieux de ne pas trop trainer ici. Je vais appeler un taxi, je t’assure que ça va aller… De toute façon, je crois que ton père ne tient pas spécialement à ce que je reste… » se permit-il d’ajouter en constatant que le regard que le patriarche portait sur lui était de plus en plus noir et sévère.

Même s’il était mal en point, Leo était bien décidé à quitter les lieux. Se retrouver ainsi dans l’antre des siciliens le mettait particulièrement mal à l’aise, et ce même s’il s’y trouvait en compagnie de Marley. Le regard que son père portait sur lui était sans équivoque, et l’incitait clairement à s’éloigner d’elle. Pourtant, la jeune femme décida de prendre les devant et renvoya son père dans ses foyers sans aucun ménagement. A la plus grande stupéfaction de Leo, l’homme tourna les talons sans un mot et quitta la pièce aussi vite que ce qu’il y était arrivé. Tout à coup, Marley et Leo se retrouvèrent donc seul dan le silence quais glacial de cette immense maison. « Viens, tu peux marcher ? Je vais t’installer dans une chambre d’ami, on va te laver aussi, t’as du sang partout… » souffla alors la jeune femme, incitant l’italien à se lever, non sans esquisser plusieurs grimaces et étouffer quelques gémissements de douleur. Le jeune homme appréciait la manière dont elle s’occupait de lui, même s’il était peu habitué à ce genre de choses. Très indépendant, il préférait en général se débrouiller tout seul, et ce dans tout ce qu’il entreprenait. Mais avant qu’il n’ait eu le temps de protester, Marley l’entraina à ses côtés en dehors du salon, et ajouta : « Tu veux manger quelque chose aussi ? Je peux te préparer à manger sans aucun souci, tu sais… » Cette fois-ci, un sourire prit place sur les lèvres du jeune homme. Décidément, elle était réellement aux petits soins avec lui, et il n’en demandait pas tant ! Mais alors qu’il était une nouvelle fois prêt à décliner son offre, la jeune femme prononça sans le savoir la phrase de trop.

Ashton. Elle venait de mentionner Ashton alors qu’il n’avait parlé d’elle avec absolument personne. Et encore moins avec Marley qu’il savait directement liée à la mafia, et donc aux hommes qui menaçaient l’américaine et son fils. Et leur fils. D’ailleurs, est-ce qu’elle était au courant de ça aussi ? D’abord heurté par la surprise, Leo se laissa ensuite gagner par une sorte de colère, néanmoins apaisée par les calmants que le médecin qui venait de le soigner lui avait donnés. « Non ! Non tu ne vas rien lui dire, tu ne vas même pas l’approcher Marley ! » cracha-t-il, bien plus menaçant qu’avant. « Comment est-ce que tu sais pour… elle ? D’ailleurs, qu’est-ce que tu sais exactement ?! » En un clin d’œil, l’ambiance avait radicalement changé et Leo s’était brusquement éloigné de Marley, la toisant désormais d’un air méfiant. Il se sentait trahi, espionné, et se prit même à remettre en question le geste qu’il avait fait ce soir et qui avait sauvé la vie de la jeune femme. « Dis-moi la vérité. Maintenant. » menaça-t-il une nouvelle fois, en cachant une certaine forme de fébrilité et cette crainte d’apprendre que Marley savait en fait tout de lui et du lien qui le liait à Shaun.

Même s’il était rongé par la colère, Leo s’installa volontiers sur le lit que Marley lui désignait. A vrai dire, le fait de rester debout plusieurs minutes d’affilé commençait à lui peser, et de nouveaux papillons noirs envahissaient peu à peu son champ de vision. Mais une fois assis, il reprit un peu ses esprits tout en écoutant ce que la jeune femme avait à lui dire. Selon elle, elle ne ferait jamais aucun mal à Ashton et Shaun et au fond, c’est tout ce que l’italien voulait entendre. Mais sans qu’il n’ait le temps de dire ni de faire quoi que ce soit, Marley enchaina un long discours sur un ton de plus en plus agressif. « Tu crois que s’ils te retrouvent ile ne fouilleront pas dans ta vie ? On dirait que tu n’as jamais été dans la mafia ! Si j’ai fait ça c’est pour te protéger ! Uniquement pour te protéger ! Et éventuellement pouvoir protéger Ashton et le petit ! Tu sais aussi bien que moi, qu’ils n’hésiteront pas. » Conscient qu’elle avait raison sur toute la ligne, Trevor se contenta de soupirer en baissant la tête. Mais visiblement, Marley ne décolérait plus et il fut surpris de l’entendre renchérir en frappant nerveusement le bureau en face d’elle. Et sans prévenir, elle finit par tout déballer. Elle avoua absolument tout ce dont il se doutait et ce dont il la soupçonnait. Elle ne s’était rapprochée de lui que pour le protéger et en le faisant replonger dans la mafia, n’avait jamais rien voulu faire de mal. Contrairement à ce qu’il avait pensé au début, Marley n’avait jamais cherché à le manipuler ni même à le faire retomber dans ses pires souvenirs.

Trevor resta seul dans la chambre quelques instants, un peu penaud et forcé de constater qu’elle avait vraiment fait tout cela pour son bien. Lui qui l’avait haïe et détestée se rendait plus que jamais compte qu’il pouvait compter sur elle en toutes circonstances. Finalement, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, elle était en fait sa meilleure alliée ici à New-York. Ce fut donc un regard gêné qu’il posa sur elle lorsqu’elle revint à sa hauteur avec une serviette, probablement destinée à nettoyer son torse ensanglanté. « Je ne leur ferai jamais de mal… » assura-t-elle une nouvelle fois en le fixant. Honteux mais soucieux de mettre les choses au clair, Trevor se racla la gorge avant de répondre : « Promet moi que tu ne les approcheras jamais… sauf si c’est vraiment nécessaire… » demanda-t-il, en sous-entendant clairement qu’il acceptait qu’elle les protège si jamais la mafia milanaise venait à leur tomber dessus. En attrapant un coin de la serviette, Trevor commença à l’appliquer sur son torse afin d’y enlever les traces de sang témoins de la soirée plus que mouvementée qu’il venait de passer. Mais après quelques secondes seulement il se stoppa, remontant ses yeux vers ceux de Marley pour capter son regard. Il attendit quelques instants, mais finit par soupirer doucement et murmura : « Merci Marley… »

Trevor était rassuré que Marley comprenne tout l’enjeu qui régnait autour d’Ashton, et surtout autour de Shaun. Même si elle ne connaissait pas les détails de leur histoire (du moins c’est ce qu’il espérait), elle avait saisi qu’il ne valait mieux as trop les approcher, pour ne leur faire courir aucun risque supplémentaire. Et même s’il continuait de prouver un infime sentiment de méfiance envers elle, l’italien savait au moins qu’il pouvait lui faire confiance sur ce point-là. Elle ne commettrait pas d’impair, et il en était ravi. Aussi, il s’empressa de la remercier mais son geste n’eut pas exactement l’effet escompté. Marley lui sembla plus gênée et mal à l’aise qu’autre chose, et elle ne tarda d’ailleurs pas à déguerpir en rougissant. Aux vues des efforts que cela lui avait coûté, Leo aurait espéré qu’elle puisse apprécier son geste à sa juste valeur… mais ce n’était visiblement pas le cas, et c’est avec un petit sourire à demi amusé et presque attendri que l’italien la regarda sortir de la pièce. Profitant de ce moment de calme, il s’allongea doucement sur le lit tout en grimaçant  cause de son bras dans lequel la douleur se réveillait peu à peu. Puis, sentant une extrême fatigue l’envahir, il se laissa aller à fermer les yeux pour sombrer dans une sorte de torpeur qu’il trouva curieusement apaisante.

« J’espère que t’aime les légumes et le poisson… car c’est ce que tu vas manger. » Malheureusement ce moment de repos ne fut que de courte durée, puisque Marley fit de nouveau irruption dans la pièce, armée d’un plateau. Se redressant difficilement en étouffant un gémissement de douleur, Leo réceptionna ledit plateau sur lequel trônait de quoi manger et de quoi boire. « Hm… j’ai pas très faim tu sais… » se risqua-t-il à avouer, avant de croiser le regard de la jeune femme qui venait de se donner tant de mal, et de capituler. Attrapant la fourchette d’un geste faible, il entama alors son assiette sans rien dire, s’étonnant même des qualités insoupçonnées de Marley en matière de cuisine. Puis, après quelques bouchées,  il reposa sa fourchette et releva la tête pour chercher le regard de sa voisine. « Tu sais, tu n’es pas obligée de faire tout ça… Je veux dire… Tu en fais déjà beaucoup, même si je ne m’en rends compte que maintenant… Et puis c’est pas parce que j’ai prit cette balle à ta place que… enfin tu vois. Je te dois certainement plus que ce que tu me dois pour ça… »

Leo voyait de plus en plus clair dans le petit jeu de Marley, et il se trouvait presque honteux d’avoir pu penser qu’elle lui voulait du mal. Même si elle n’avait pas forcément toujours employé la meilleure méthode pour le lui faire comprendre, la jeune femme était en réalité bienveillante envers l’italien. Tout ce qu’elle voulait, c’était faire en sorte qu’il ne se mette pas bêtement en danger, que les anciens hommes de son père ne remettent pas la main sur lui pour régler leurs comptes une bonne fois pour toute. Et contrairement à ce qu’il aurait pu penser jusqu’à aujourd’hui, Leo pouvait vraiment compter sur elle. Lui qui la considérait comme une ennemie trouvait désormais en elle une véritable alliée et quoi qu’il en dise, ne plus être seul ace à ses démons était plutôt agréable et rassurant. Malgré tout, il s’estimait bien plus redevable que ce qu’elle pouvait l’être à son égard, même après le sacrifice qu’il venait de consentir pour elle. C’est avec une touche d’humour que Marley répliqua cependant, le sommant d’accepter son aide sous peine de la voir piquer une crise. N’ayant d’autre choix que d’accepter, Leo se contenta de sourire en l’observant s’allonger près de lui sur le lit. Tant bien que mal, il se débarrassa du plateau qu’elle lui avait posé sur les genoux puis s’installa à son tour plus confortablement, fermant même les paupières quelques instants, avant que Marley ne reprenne la parole.

« Je ne crois pas que tu sois au courant… Mais si on est là aujourd’hui, c’est parce qu’on a tué le parrain de la Mafia en Sicile… Je dis on, car j’ai participé alors que je n’avais même pas quinze ans… Pour aider mon père à fuir… Peut-être qu’aujourd’hui je ne fuis plus car mon père est le parrain et que j’ai moins peur… Mais je pense qu’au fond, toi et moi, on est pareil, on a eu les même ressentis… » expliqua alors la jeune femme à demi-mot. Soudainement très intéressé, Leo tourna la tête vers elle en retenant une nouvelle grimace procurée par la douleur. « Vous avez fait ça… non, je ne savais pas. En fait, je ne sais plus grand-chose depuis que je suis à New-York, et je me dis que c’est très bien comme ça. C’est ce que je voulais. » Même si Leo était jusqu’ici persuadé que tout l‘opposait à Marley, il découvrait effectivement avec une certaine surprise qu’ils avaient tous les deux bien plus de points communs qu’il ne l’aurait imaginé. Outre leur enfance passée au cœur de la mafia italienne, les deux jeunes gens avaient une relation particulière à ce que tout cela engendrait pour eux. Pensif, Leo reprit en fixant à son tour le plafond : « Est-ce que t’as déjà voulu tout quitter ? Je veux dire, ça finit toujours par nous rattraper mais… est-ce que ça t’es déjà arrivé de ne plus vouloir entendre parler de tout ça ? De devenir quelqu’un de… normal ? » Pour la première fois depuis des lustres, le jeune homme se retrouvait en face de quelqu’un qui était en mesure de le comprendre, en mesure d’appréhender tout ce qu’il ressentait. Alors même si la fatigue commençait clairement à le guetter, il tenait à profiter de ce moment juste pour se sentir un peu moins seul, au moins une fois.

Même s’il aurait préféré se dire que tout les séparait, Leo découvrait peu à peu qu’il avait bien plus de points communs avec Marley que ce qu’il pensait. Ils avaient le même passé, quelque part ils avaient eu la même enfance… Trevor, de son côté, avait essayé de fuir le monde de la mafia qui les avait vu naître, alors que Marley était restée plus rationnelle. Bin consciente qu’il lui était impossible de fuir, elle avait préféré rester auprès de son père. Et aujourd’hui, e destin de Trevor semblait être en partie entre ses mains. D’ailleurs, l’italien ne savait pas encore exactement s’il devait s’en réjouir ou au contraire redouter ce qui arriverait. Mais dans un sens, rejoindre ainsi les siciliens étaient une sorte de sécurité pour lui. Néanmoins, la situation lui paraissait absurde : il avait tout mis en œuvre pour s’échapper te pour fuir la mafia, et se retrouvait désormais plus ou moins engagé dans le camp adverse, avec ceux qui avaient toujours voulu sa peau et celle des associés de son  père. Mais si c’était le seul moyen de protéger sa vie et celle de ces proches, alors Trevor avait fait son choix. De toute façon, on ne lui laissait pas vraiment d’autre possibilité.

« Je mentirai si je disais que non. J’y ai perdu ma mère… Ma vie aurait surement été mieux sans la mafia. Mais je ne peux pas en vouloir à mon père… Et je pense que mon père a déjà du ressentir que je voulais abandonner la mafia. Mais l’abandonner veut dire abandonner mon père. Même s’il me force à faire ce que je fais… Il se compense en acceptant tout ce que je demande. Je ne suis plus une gamine, je suis réaliste. Il m’achète, alors j’en profite. » expliqua Marley lorsque le jeune homme dévia la conversation vers un sujet un peu plus grave que d’habitude. Elle était lucide. Peut-être même un peu trop, et Trevor se contenta de hocher la tête sans pouvoir s’empêcher de se demander ce à quoi aurait ressemblé sa vie s’il était resté à Milan. Certes, son père n’était plus là pour lui offrir ce dont il avait besoin, mais aurait-il lui-même été capable de tenir les rênes de la mafia milanaise ? Aussi « bien » que ce que l’avait fait son géniteur ? Au final, était-il vraiment fait pour ça ? Autant de questions qui se bousculaient dans son esprit, et qui rendaient la situation encore plus pénible qu’elle ne l’était déjà.

En croisant une nouvelle fois le regard de Marley, Trevor poussa un long soupir accompagné d’une grimace, puis se laissa glisser pour s’allonger sur le lit à proprement parler. Après toutes ses mésaventures de la soirée, il était simplement épuisé et sentait le sommeil s’emparer de lui. Il ne put d’ailleurs retenir un bâillement qui le fit sourire, et qui marqua du même coup la fin de la conversation qu’il entretenait avec Marley.