« Ce soir je serai toute à toi chéri, mais là… il faut vraiment que je vois Blodwyn sinon je peux m’attendre à ce qu’elle déclenche la troisième guerre mondiale ! Tu te charges d’annoncer la nouvelle à Anastasia, je m’occupe de Blod… et ce soir on se soignera nos blessures de guerre. » Un dernier baiser tendre à son époux prêt à se rendre à son fidèle magasin et Dawn quitta leur nid d’amour en installation. Certes, il y avait encore beaucoup à faire, mais puisque pour l’instant la demoiselle n’avait pas encore de plan B professionnel véritable, elle allait concentrer une bonne partie de son énergie à l’installation ainsi qu’à la déco de leur appartement. Une chance qu’Elijah l’ait aimé ! Mais pour l’heure, la jolie chef avait légèrement plus grave en ligne de mire… à savoir se rendre chez sa meilleure amie, qui ne bossait pas aujourd’hui d’après les renseignements qu’elle avait pu obtenir auprès de ses collègues à l’hôpital, et lui avouer qu’elle s’était mariée à Paris, sans témoin ni rien du tout. Blodwyn allait la décapiter direct, plus par principe qu’autre chose. Il faut dire que sa meilleure amie ne faisait guère dans la demi-mesure et il était logique qu’elle lui en veuille… Dawn n’avait rien fait de capital sans sa présence, pas même le fait de rencontrer quelqu’un via un site internet –chose qu’elle avait eu l’extrême naïveté d’expérimenter ; puisque Blod s’était installée dans une table éloignée, à surveiller du coin de l’œil l’avancer dudit repas. Certes, la jolie chef restait une femme indépendante et parfaitement capable de se débrouiller seule… mais elle ne donnerait pas cher de sa peau si sa meilleure amie n’était pas là pour la soutenir, parfois. Dawn avait une fâcheuse tendance à partir du principe qu’elle savait l’humaniser bien plus que n’importe qui. Du moins, avant que son beau chocolatier ne bouleverse littéralement sa vie.

« Surpriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiise ! » s’exclama la jeune femme à peine Blodwyn eut-elle ouvert la porte. Bien sûr, Dawn fit feu pour le premier câlin d’usage, avant de se reculer et de ne lui montrer sa main gauche, qu’elle brandit fièrement, celle-ci portant et sa bague de fiançailles, et son alliance. Elle avait presque encore un peu de mal à réaliser… mais elle était bien une femme mariée. « Je suis Madame Branigan maintenant !! Et mieux, on s’est unis à la ville des amoureux… je sais, tu vas me dire que je t’ai oubliée mais ce n’est pas du tout le cas, disons qu’on était un peu pressés et comme Elijah devait concourir au mondial du chocolat à Paris… on a fait d’une pierre deux coups sans vraiment de témoins. Mais… » Sauf qu’elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. Le tonnerre grondait déjà !

Okaaaay beaucoup d’informations d’un seul coup, mais finalement, ce qui compta le plus, ce fut l’étreinte que lui offrit Blodwyn après cette sorte de diarrhée verbale dont elle venait d’être la victime. Dawn la serra à son tour contre elle, passablement désolée pour cette frayeur non intentionnelle qu’elle avait pu faire naître chez elle. Il restait profondément inhabituel pour la jolie chef de partir sur un coup de tête pour Paris et encore plus de démissionner. Mais le plus étonnant dans l’affaire restait sûrement son mariage. Elle pénétra à l’intérieur de l’appartement de sa meilleure amie avec la ferme intention de tout lui expliquer de A à Z, mais à peine assise sur le sofa du salon de Blod que déjà, elle ne savait par où commencer. Il y avait tant à dire et tant de détails à ne surtout pas manquer ! « Mon frère a été libéré de prison, tu le savais ? Forcément, il a sûrement dû venir prendre de tes nouvelles et t’en donner de Zoé, le connaissant… en fait, le jour de sa sortie, je l’ai serré dans mes bras comme jamais tant il m’avait manqué, Elijah l’a su et il a cru que c’était un amant, que je le trompais. Être accusée de ce genre de chose alors que… tu me connais, je ne me suis jamais engagée émotionnellement avant lui ! J’ai donc fuit à Paris pour me vider l’esprit, et j’étais tellement dévastée que j’ai démissionné de mon boulot et que j’en ai oublié mon téléphone ici. J’avais besoin de me couper de tout. Je suis sincèrement désolée pour le tracas que je t’ai causé, si tu savais… j’ai reçu une lettre émanant d’Elijah, et elle m’a tellement touchée que je me suis traitée d’idiote. Je n’avais même pas cru bon de l’écouter, j’ai juste fuit et donc, sachant qu’il était au mondial du chocolat ET que celui-ci se déroulait à Paris, je suis partie le retrouver. Il a gagné la médaille d’or mais au beau milieu il m’a demandé ma main et j’ai pensé que l’épouser à Paris avait un côté romantique… »

Effectivement, à bien y réfléchir, Blodwyn avait loupé pas mal d’étapes. Mais Dawn était prête à répondre à toutes les questions qu’elle pouvait bien se poser si cela pouvait apaiser l’éventuelle amertume qu’elle ressentait. « En fait… on compte fait une vraie cérémonie ici dans quelques temps. Ce qui m’amène à la raison de ma venue, en plus du fait de prendre de tes nouvelles… accepterais-tu d’être ma demoiselle d’honneur ? » Dawn avait l’air passablement sérieuse. Ce serait Blodwyn ou personne. Jack avait déjà accepté d’être celui la conduisant à l’autel, il ne manquait plus que l’essentiel… la présence de sa meilleure amie. « Je veux ensuite que tu me fasses un topo de tout ce que j’ai loupé en mon absence, et en échange… si tu as faim, je m’engage à m’occuper de ton petit estomac chéri ! » Dawn, acheter Blodwyn ? Jamais !

« Comme si j’allais prendre la poissonnière du coin à ta place ! » s’indigna Dawn non sans gratifier Blodwyn d’un sourire taquin pour mieux l’accueillir dans ses bras. A vrai dire, la jeune femme n’avait pas quinze amies à inviter non plus… elle donnait dans la qualité, pas dans la quantité. Sa Blod avait toujours été la personne la plus proche d’elle, celle la connaissant le mieux et avec qui elle avait toujours pu s’exprimer. « Je crois que c’était urgent que j’arrive… » souffla-t-elle avant de lever les yeux au ciel et de l’inciter à la suivre dans la cuisine. Certes, il n’y avait jamais pléthore de nourriture chez la jolie interne, mais il ne fallait pas oublier le talent extraordinaire de la jolie chef pour faire un met délectable avec trois fois rien… en l’occurrence, quatre œufs, une tomate, quelques poivrons émincés, des épices par-ci par-là et elle s’occupait de faire une Fritata en bonne et due forme. Sa mère lui avait donné la recette n’en n’étant absolument pas une. A vrai dire, le terme même de « Fritata » revenait à dire que l’on faisait une omelette avec les restes présents dans le réfrigérateur, ce qui permettait de ne gâcher aucune nourriture et de faire un mélange souvent diablement savoureux. Dawn était toujours extrêmement sûre d’elle, surtout au niveau des dosages d’épices… bien plus que lorsqu’il fallait parler de détails personnels et intimes avec sa meilleure amie ! « Je ne sais pas encore quand sera la cérémonie… il faut d’abord que je me retrouve un travail. Je voudrais bien ouvrir un restaurant à moi, mais petit souci : tout mon pécule a servi à sortir Jack du bourbier dans lequel il a été fourré. Je refuse de demander de l’aide à Eli… ça me fait étrange de dire mon mari, tu sais ? Bref. Je suis un peu au pied du mur mais je n’irais pas trouver cette vieille bique du Bleeker’s. Qu’elle s’étouffe avec son manque de connaissance en cuisine ! »

Mais Dawn cessa sa préparation pour serrer Blod dans ses bras. Elle se cachait peut-être derrière son sourire, de même que la jolie chef savait très bien dissimuler ses sentiments derrière sa barrière d’impassibilité, mais le fait que ses résultats soient négatifs était une première victoire ! « Je suis en dessous de tout, je ne t’ai même pas demandé… si tu n’as pas de champagne dans le coin, on va s’en faire livrer, et puis merde ! » Tiens, c’était rarissime d’entendre Dawn jurer. Mais là, c’était pour la bonne cause. « Si tu passes par là… notre première fois était folklo à Eli et moi. J’étais très stressée et puis finalement c’est allé comme sur des roulettes. Je pense qu’on a dû déranger quelques voisins pendant notre nuit de noces, mais ça, c’est un détail. Tu me prends pour une folle si je te dis que j’ai l’impression que cela fait mille ans que l’on se connaît ? C’est étrange comme sensation. Ca ne me paraît pas rapide entre nous… »

Ne plus être toute seule… autant parler à un sourd, car Dawn avait cruellement du mal à se faire à l’idée. Elle était la femme la plus heureuse du monde, elle donnerait jusqu’à sa vie pour offrir plus de bonheur à Elijah, mais elle était encore infoutue de s’ouvrir suffisamment pour lui demander son aide. Elle avait l’odieuse impression de le trahir, et cette idée était insupportable. Il faut dire que la meilleure amie du beau chocolatier l’avait suffisamment fait culpabiliser au départ, et qu’il s’agissait de la première raison pour laquelle elle refusait de lui demander son aide… surtout pécuniaire. Elle ne voulait surtout pas se prendre à nouveau dans la tronche qu’elle abusait de son mari… elle ne s’en remettrait pas, même si ce n’était aucunement le cas. « Il était évident que je t’invitais, c’est la moindre des choses pour la frayeur que je t’ai faite ! » se défendit-elle aussitôt tout en prenant en main son téléphone pour passer l’appel. En moins de cinquante secondes, Dawn était de retour vers Blodwyn pour continuer sa préparation demandant minutie et concentration. Disons que cela lui permettait surtout de cacher son trouble face à ce qu’elle s’apprêtait à dire. « Avant que je n’aille en France, donc, disons qu’on s’est disputé. En vérité, sa meilleure amie, qu’il considère comme sa sœur jumelle vu comme ils sont proches et même pareils, me fout les jetons. Au départ, j’avais l’impression qu’elle m’analysait façon rayon X, comme si elle attendait la moindre petite erreur de jugement pour m’éjecter à grands coups de pompe là où je pense. Avant que je parte en France, elle m’a dit que je profitais d’Elijah. Peut-être qu’elle a juste dit ça sur le coup de la colère pour le protéger… mais ça m’a fait mal plus que je ne le pensais. Depuis, je suis incapable de lui demander le plus petit service. J’ai honte… outre le fait que je me démerde toute seule depuis que j’ai approximativement seize ans ! »

Dawn poussa un pénible soupir avant de ne regarder Blodwyn. Chacun son chemin de croix, semblait-il… mais les soucis que pouvait bien rencontrer la jolie chef étaient complètement dérisoire face au drame vécu par sa meilleure amie. Et ça, nul n’en n’avait davantage conscience qu’elle. « Au lieu de te faire violence, pourquoi ne prends-tu pas ton temps ? Je connais tes sentiments pour lui et je sais à quel point tu l’aimes… mais effectivement, si c’était une mise en scène pour l’atteindre, peut-être qu’il faudrait que tu prennes le temps d’aller mieux. Ca me fait mal de te savoir mal, ma belle… »

Parler à Elijah de son restaurant… il y avait tellement de choses dont Dawn devait parler à son mari qu’elle en perdait littéralement son latin. La preuve, Blodwyn venait d’entendre plus de confidence de la part de la jeune femme que son propre époux, à qui elle avait promis non seulement fidélité mais soutien, confiance et vérité. Diable… avait-elle à ce point perdu la tête en route ? Dawn ne se reconnaissait plus. Elle d’ordinaire si droite, si franche, voilà qu’elle faisait des cachotteries afin de pouvoir soigneusement continuer à se mettre des œillères devant les yeux. C’était… pathétique, il n’y avait pas d’autre mot. « Un chocolatier au lit, c’est plutôt doué ! Mais je sens qu’il ne se lâche pas vraiment, encore. Comme s’il avait peur de me « salir ». Je crois que je ne suis pas la seule à cacher des choses à l’autre… je crois que je vais prendre un grand coup de colère, le menotter au lit, lui sauter dessus et après parler pendant des heures si je suis sûre que personne ne viendra nous emmerder ! » Dawn se mit à soupirer avant que le fou rire ne s’empare de son expression principale. Quitte à perdre la tête, autant qu’elle ne le fasse franchement… « D’ailleurs, je vais m’atteler à la chose tout de suite. Tu m’excuses ma chérie, mais j’ai laissé trop de choses de côté d’un coup. Je te promets que je t’appelle après, et tu pourras me parler de tout ce qui te gêne avec Jay, d’accord ? » Dawn se sentait l’âme d’une égoïste, soudainement. Certes, elle mettait presque sa meilleure amie dehors… mais c’était pour la bonne cause et de toute évidence, elle se rattraperait. Blodwyn devait en être persuadée.