Cela ne faisait pas longtemps que j’étais arrivé ici. Les bagages à peine posées, j’avais déjà dû commencer à travailler et à me faire des contacts. Dans une petite ville, j’imagine que j’aurais eu plus facile à trouver les meilleurs livreurs pour mes soirées, mais ici, dans la jungle New-Yorkaise, j’avais dû trouver le moyen de m’entourer des meilleurs pour que mes soirées deviennent les plus prisées et que je me fasse un nom, refaisant au passage, la dorure de la société dans laquelle je suis embauché. Du moins, maintenant j’en suis le PDG, mon ancien patron s’était mis à la retraite, gardant encore quelques parts et m’aidant beaucoup, malgré tout. Celui qui m’avait demandé de le suivre à New-York pour tenter le métier, ne m’avait donné aucun contact, voulant voir comment je me débrouille et comment je juge les gens. C’est de cette façon que j’ai rencontré Luke. Je prenais toutes mes pâtisseries chez lui, et le jour où j’eus besoin d’un pâtissier, cela ne fit qu’un tour dans ma tête, je devais lui demander.

Depuis, il est vrai que nous avons continué à travailler ensemble. Dès que j’ai une soirée à organiser, j’annonce Luke comme travaillant avec moi, que ses services peuvent être ajoutés au prix total, afin que lui, comme ma société soient rémunérés. Les gens sont en général toujours très satisfaits de mon travail, mais ils le sont encore plus, lorsqu’ils goûtent aux pâtisseries de Luke qui a vraiment le talent pour.
Il y a une semaine, nous nous sommes réunis, Luke, les clients et moi. La cérémonie était ce samedi et tout n’était pas prêt, il manquait le design de la pièce montée, qui n’avait pas encore été confirmé par les nouveaux mariés. Sans ça, Luke n’aurait pas pu faire de pièce montée. Heureusement, ils se sont décidés assez vite et… et nous sommes déjà Samedi, jour de la cérémonie. C’était mon premier gros mariage en tant que PDG et j’étais plutôt effrayé pour être honnête. Sur les lieux depuis la matinée, j’avais juste pris le temps de rentrer me doucher et me changer pour enfin revenir sur le coup de 17h.

Je reçus un message de Luke m’annonçant qu’il était arrivé et qu’il entrait du côté des livraisons. Traversant l’entière bâtisse et ses recoins cachés, je m’y rendis, afin de l’accueillir et d’amener quelques personnes pour décharger ce qu’il y a. « Salut, B ! Alors, tout se passe bien ? » Je souris, le regardant avant de répondre afin de le saluer également. Il m’ouvrit, les portes de son camion de livraison, et me permit de voir le somptueux gâteau réalisé pour l’occasion. J’en restai bouche-bée. Je n’en revenais pas. La pièce-montée était magnifique, il était vraiment talentueux et minutieux dans son travail. « Qu’est-ce que tu en penses ? » Je souris, me demandant si cette question était une blague ou quelque chose du genre avant de voir qu’il était sérieux. « Comment ça ce que j’en pense ? C’est une question sérieuse ou c’est une de tes blagues ? je souris avant de reprendre. Mais c’est parfait sérieusement, il est parfait ce gâteau. C’est juste que mon organisation va clairement être pourrie je crois à côté… J’crois que j’ai tout foiré… » Moi stressé ? Non pas du tout. Si, stressé à mourir en fait. J’avais juste besoin d’être rassuré, qu’on me dise que tout était parfait.

Les yeux portés sur ce gâteau majestueux je n’arrivais plus à décoller mon regard de ce dernier. J’étais tout bonnement obnubilé par l’art et le talent qui s’en dégageait. Je réalisai alors que j’avais vraiment choisi le meilleur pâtissier et j’étais vraiment très fier de m’être entouré des meilleurs pour constituer l’équipe qui m’assistait sur chacune des cérémonies que j’organisais. « Comment ça ce que j’en pense ? C’est une question sérieuse ou c’est une de tes blagues ? » Si j’avais réagi de la sorte, ce n’était pas exagéré ni-même tempéré, c’était vraiment la réaction que ce fabuleux gâteau méritait. « Mais c’est parfait sérieusement, il est parfait ce gâteau. C’est juste que mon organisation va clairement être pourrie je crois à côté… J’crois que j’ai tout foiré… » Dis-je alors. Il est vrai que je commençais à douter de l’organisation de ma soirée. Les clients m’avaient vraiment laissé libre et ne m’avaient donné que dans les grandes lignes, ce qu’ils voulaient. Habituellement, celui qui m’avait demandé de travailler pour lui était toujours avec moi, ou plutôt j’étais toujours avec lui, mais là, lui étant à la retraite, je me trouvais totalement seul et sans aide… d’où le stress et les doutes qui s’installaient en moi. « Dis pas n’importe quoi, tu es un des meilleurs organisateurs de New-York, tout le monde le sait. Ce n’est pas parce que tu te lances en solo que tu seras moins bon, au contraire. J’suis sûr que le fait de ne pas avoir de patron à ton cul te donnera des ailes. Bientôt, les grands magazines ne parleront plus que de toi, fais-moi confiance. » Me répondit-il alors. Il est vrai que je me vis plutôt rassuré par ses mots, même si je gardais, malgré tout, l’angoisse d’un total échec et donc d’une soirée ratée, ce qui aurait abouti à mon propre échec. Je ne voulais pas penser à toutes les sombres conséquences que mon échec aurait sur ma vie.

Refermant les portes du camion, mon regard, se dirigea vers Luke, qui lui portait le sien sur le lieu magnifique et retiré de la ville, dans lequel nous nous trouvions. L’endroit était vraiment magnifique. Moi aussi je l’avais regardé pendant des heures, la première fois que j’étais tombé dessus, par hasard, en me promenant. « Cet endroit est magnifique, dis donc. » Dit-il alors, totalement stupéfait et bouche-bée. « Tu m’fais visiter, que j’vois l’excellent boulot que tu as encore fourni ? » J’appréciais le fait qu’il m’encourage par de gentilles paroles. Tout le monde ne faisait pas cela et c’est de cette manière que je me disais que Luke était un ami en lequel je pouvais totalement avoir confiance. Luke marchait légèrement en retrait. Je me retournais sans cesse afin de le voir, pour qu’il ne se perde car oui, le lieu était vraiment impressionnant, tant en beauté qu’en superficie. « Alors, t’en penses quoi, tu crois toujours que ton gâteau est à la hauteur de ça ? » demandais-je alors, lui faisant un clin d’œil, ironiquement. « Non honnêtement, t’en penses quoi, tu crois que ça leur plaira, par rapport à leurs critères et tout ? » lui demandais-je alors, avant de l’inviter à s’asseoir.

Le lieu était vraiment magnifique et j’avais l’impression que toute mon équipe était en train de mener un chantier qui allait rendre le tout encore plus beau. Si j’avais douté de mes capacités lorsque Luke et moi étions dehors, je n’avais presque plus aucun doute, maintenant que nous étions rentrés et qu’il pouvait contempler l’ampleur des travaux entrepris pour que la cérémonie soit parfaite. Nous étions au sein d’une fourmilière… Oui c’est l’image parfaite, celle qui décrit le mieux ce que nous entreprenions. Je regardais tous ces gens qui travaillaient pour moi, qui suivaient mes instructions et tout cela pour faire de ce jour le plus beau pour ceux qui allaient célébrer leur amour devant Dieu et leurs familles. J’étais quelque peu ému car j’avais travaillé des semaines, des journées et des nuits entières sur cette soirée et je sentais déjà la fin approcher. À force de s’attarder et de s’appliquer sur un projet, on s’y attache, et c’est ce qui m’était arrivé. Je m’étais attaché à ces gens et à l’amour qu’ils éprouvaient l’un envers l’autre. Le fait est que je savais que nous pourrions nous revoir étant donné qu’ils étaient de New-York. Parfois, certaines personnes venaient seulement se marier à NYC mais repartaient après dans leur ville de résidence, loin, pour la plupart du temps, alors c’était un réel déchirement.

Je le regardais alors. J’avais encore besoin d’être rassuré. Peut-être était-ce mon jeune âge ou bien mon manque d’expérience qui me poussait à insister comme ça. Je ne savais pas vraiment. « Alors, t’en penses quoi, tu crois toujours que ton gâteau est à la hauteur de ça ?» lui dis-je alors, pour détendre l’atmosphère… ou plutôt me détendre moi-même. « J’ai plus qu’à espérer que les mariés soient tellement heureux et dans leur bulle qu’ils ne remarqueront pas que mon gâteau fait pâle figure à côté de leur salle. » Me dit-il alors, plaisantant à son tour. J’imagine que même si son travail me plaisait, il ne serait réellement soulagé que lorsque les mariés lui auraient donné leur avis. Nous nous étions concentrés sur ce qu’ils voulaient vraiment et avions essayé d’évincer les choses futiles, sans pour autant leur dire. Il fallait que nous soyons les plus proches possible de leurs vœux mais il était évident que nous ne pouvions pas tout réaliser. Pour ce mariage, nous avions tout fait… J’avais mis tous mes moyens en œuvre pour que leurs souhaits soient exhaussés et que ce mariage soit parfait. « Non honnêtement, t’en penses quoi, tu crois que ça leur plaira, par rapport à leurs critères et tout ? » Avais-je alors repris, toujours pas satisfait de la répondre de Luke qui n’arrivait pas à me rassurer comme il le fallait. Je ne lui en voulais pas du tout, pas le moins du monde, le problème était mon amour pour la perfection, c’est tout. J’imagine que même lorsque les mariés allaient donner leur avis, j’allais encore me demander s’ils ne disaient pas ça pour me faire plaisir… « Franchement, oui, j’en suis sûr. Ils ont bien… saisi l’âme du lieu, en me demandant quelque chose d’un peu baroque comme ça » me répondit-il alors, tout en s’asseyant, le sourire aux lèvres, qui m’amenait à croire en ce qu’il disait. Je soupirai de soulagement. « La réception a déjà commencé ? Il me tarde de voir la déco… et la robe de la mariée ! C’est le genre de truc que j’avouerais pas à n’importe qui, mais j’adore les mariages » Je vis que Luke se montra quelque peu rêveur à la suite de cet aveu. Je le regardais alors, m’attendant à la fameuse question qui ne tarda pas à venir. « En tant qu’organisateur, ça ne te blase pas trop ? Enfin, j’veux dire… t’as envie de te marier, un jour ? » Je le regardais alors, avant de baisser les yeux et de jouer anxieusement avec mes mains. Je faisais une espèce de bataille ridicule avec mes doigts qui occupaient mon esprit tandis que je cherchais à ce que j’allais répondre. « Bah si, forcément, j’y pense tout le temps, j’me demande à quoi ressemblera mon mariage, si j’aurai de bonnes idées pour le mien… Je me demande même si mon mariage aura lieu un jour… » répondis-je alors, anxieusement. « Et toi, tu as envie de passer le cap du mariage ? » Lui demandais-je à mon tour, relevant mes yeux brillants, pour déposer mon regard vers le sien.