ROSE & AMAURY ❝ give our heart a fuckin break ❞

Treize heure cinquante cinq. Pour la première fois de ma vie, j'étais en avance à un rendez-vous et ça, il fallait le marquer sur le calendrier. Emmitoufflé dans un manteau d'hiver, écharpe autour du cou et bonnet sur les oreilles, j'attendais ma sœur. J'avais revu Rose depuis la dernière fois et elle savait donc tout ce qui m'était arrivé avant la première à Broadway, première où elle avait été présente, ce qui m'avait fait plaisir... A l'époque, je ne pensais qu'à mon genou qui me tiraillait, mon rôle de Bert dans Mary Poppins et puis c'est tout... Seulement depuis quelques jours, tout avait changé... J'avais eu des nouvelles de Neige, ma meilleure amie, et toute ma vie venait de prendre un drôle de tournant... Je m'en voulais de ne pas avoir cherché à la retrouver plus rapidement. Après tout, je la connaissais par cœur et j'aurais très bien pu deviner qu'elle allait faire les courses à un tel endroit ou autre. Tapotant du pied dans la fine couche de neige devant moi, je regardais à droite puis à gauche en attendant ma sœur. Il fallait que je lui dise tout, qu'elle m'aide et me foute une claque si c'était nécessaire... Neige était enceinte, du moins avait été enceinte. Elle avait porté mon fils – ou ma fille – et avait fait une fausse couche sous mes yeux. J'en tremblais encore de tout ce qui c'était passé... J'avais tellement aimé qu'elle se pose quelques jours, que nous discutions de tout cela mais non, la jeune allemande était repartie vivre sa vie. Elle était inconsciente et je ne faisais que de lui répéter mais parler à un mur aurait eu le même effet... Soupirant, je tourna la tête vers la droite et vis ma sœur au coin de la rue. Me levant d'un bond, je me dirigea rapidement vers elle et la pris dans mes bras sans un mot. Elle devait bien se demander ce que nous faisions dans un lieu comme celui ci mais j'avais tenté de trouver un café éloigné de tout et de tous pour que personne n'écoute ce que j'avais à lui dire. J'avais besoin de calme et le quartier qui regroupait tous les grands couturiers n'était vraiment pas bruyant. Desserrant mon étreinte, je dis « Comment vas-tu Rosie ? » Et dire que nous avions discuté de petits amis et de bébés il y a encore un mois de cela... Etrangement, les problèmes liés à ma mère avaient disparu en moins de temps qu'il en faut pour dire ouf... J'avais de plus gros chats à fouetter et un cœur à penser. Je ne savais pas vraiment si Neige et moi pouvions donner quelque chose, j'en doutais vraiment vu qu'elle m'en voulait mais j'en avais tellement envie... Je m'étais rendu compte – un peu trop tard – que je tenais énormément à la belle allemande... Faisant un léger sourire à mon aînée, je l'invita à entrer dans un café où nous nous asseyons le plus loin possible du comptoir et de la porte d'entrée. J'étais presque paranoïaque oui oui... « J'ai besoin de te dire quelque chose d'important Rose... Tu promets de ne pas me tuer ? » Elle risquait de m'hurler dessus, de me dire que j'aurais du me protéger et tout ce qui allait avec. Je la connaissais assez pour prévoir sa réaction mais tout de même... Commandant un chocolat chaud, j'ôta ma veste et souffla légèrement. Une mine aussi déconfite pour moi, c'était vraiment étrange et ça, Rosie le savait. Me craquant les doigts pour montrer le stress qui coulait dans mes veines, je dis « J'ai merdé Rosie... J'ai foutu Neige en cloque... Elle l'a perdu mais je l'ai foutu en cloque et je m'en souviens pas ! Je pensais toujours être saint de la braguette et au final... » C'était peut être ça le plus choquant pour moi... J'attendais la réaction de ma sœur avec hâte mais peur par la même occasion... Elle allait me tuer ou alors me soutenir, au choix..

Je voyais très bien que le ton employé par ma sœur n'était pas son ton habituel. Bien que nous n'ayons pas eu des vies franchement heureuse et sentimentale, Rose et moi avions cette facilité à tout voir du bon côté mais aussi à être heureux pour deux, voire trois ! Notre énergie et notre bonne humeur était communicative et, à moins qu'elle ait choppé ma tristesse, quelque chose clochait chez la jeune femme. Seulement, j'avais tellement gros sur le coeur que je ne m'en préoccupait pas... Après tout, cela pouvait bien attendre et il ne devait rien avoir de grave dans sa vie sinon, elle m'aurait tenu au courant, comme je venais de le faire... Il fallait que tout sorte et que je m'attarde plus sur son sujet où j'allais ruminer encore bien longtemps ! Je prenais les choses bien trop à coeur, chose qui était loin d'être la meilleure qui soit... Je faisais un drame de tout et cela n'était pas la solution. La voyant éclater de rire, je fronça les sourcils et croisa les bras au niveau de mon torse. Comment ça le fait que j'ai couché avec une fille et ait réussi à la mettre enceinte la faisait rire ? Ce n'était pas drôle, absolument pas et j'avais besoin de ses conseils. « Euh... Elle l'a perdu, comment elle va à la suite de cela ? » Haussant les épaules, je soupira légèrement. Comment Neige allait ? Très bien, bien mieux que moi qui était toujours très mal à l'aise suite à la découverte de cette nouvelle effroyable. Je n'étais pas prêt pour être père, autant le dire, mais l'allemande avait été tellement radicale sur le sujet que je ne m'y étais toujours pas fait ! Je n'en avais discuté avec personne sauf Alejandro et le jeune latino n'était pas réellement d'une grande aide.. Après tout, c'était un homme ! « Etrangement, elle va bien... Ils ont du l'opérer pour faire sortir l'embryon parce qu'elle saignait énormément puis, à peine elle s'est réveillée, elle m'a piqué une crise de nerf et est parti de l'hôpital... Du grand Neige quoi » L'allemande était... indescriptible. Aussi douce qu'une plume, elle pouvait se transformer en dragon en un claquement de doigt. Il n'avait qu'à voir la façon dont elle avait réagi lors du gala des Szadowski ! Des fois, je ne la comprenais pas mais je ne pouvais pas lui en vouloir... Elle n'avait jamais été des plus douée avec les sentiments et cela ne semblait pas près de changer, surtout si elle continuait de se cacher derrière un mur de secret. « Enfin Amau, comment t’as fait pour pas te souvenir de ça? Elle ne t’a pas violé non plus ! T’avais bu ? » Grognant légèrement, je dis « Bah j'en sais rien en fait... On était en boite, j'ai bu un peu et puis, plus rien... Je pense que quelqu'un a mis quelque chose dans mon verre croyant que c'était celui de Neige ou je sais pas... Mais je me souviens de rien du tout ! Elle m'a fait la gueule pendant deux mois à cause de ça.. Elle croyait que je faisais comme si de rien n'était mais c'est pas mon genre ! » Pas du tout même, j'étais plutôt le style de mec hyper cash et qui ne mâchait pas ses mots. Bon, j'étais bisounours sur les bords mais il y avait des limites à cela... Commandant une boisson, je soupira et laissa ma tête cogner contre la table. « J'ai la poiiiiiiiiisse » lançais-je, comme un appel à l'aide. C'était pire qu'avoir la poisse à vrai dire... Frottant mon front avec ma main, je me redressa légèrement avant de me tourner vers la jeune blonde. « Et toi ? Rien de palpitant dans ta vie ? Ta petite voix me dit que si... Même si tu t'es ouvertement moquée de moi ! » Les moqueries ne me plaisaient guère – en même temps à qui pouvaient-elles plaire – mais quand cela venait de Rose (ou de Neige), je ne lui en tenais pas compte...

Toutes les questions que me posaient Rose ma faisait perdre le fil de mes pensées. J'avais déjà un mal fou à me concentrer en temps normal mais là, c'était pire que tout. Elle allait trop vite, elle me posait trop de questions et j'étais perdu. Me lancer au milieu de l'océan atlantique aurait eu le même effet. Portant mes mains au niveau de mes tempes, je les massa quelques secondes avant de ne plus entendre sa voix. Levant les yeux vers la jeune femme, je lui fis un léger sourire et tenta de répondre à toutes les questions qu'elle venait de me poser ; du moins à celles que je me souvenais. « Je l'ai appris une petite demi heure avant qu'elle fasse une fausse couche. Bah en fait, on a couché ensemble donc et elle a plus donné signe de vie pendant trois mois. Elle faisait sa vie et tout ce qui va avec et puis un jour, elle m'a recontacté, on s'est vu et elle m'a annoncé être enceinte mais qu'elle le garderait pas. Elle est jeune, je le comprends... Sauf qu'on s'est pris la tête parce qu'il avait rien demandé ce bébé.. Et la colère mélangée au stress et tout ce qui va avec l'a fait perdre le bébé sous mes yeux. On se serait cru dans une boucherie, y avait du sang partout, c'était dégueulasse ! » Et c'était peu dire... L'image me revenait en tête et un certain dégoût prenait place dans ma bouche. Beurk. Quand j'y pensais, j'avais envie de vomir mais je tentais de me contenir. J'étais une âme sensible mais il ne fallait pas abuser non plus, je devais rester fort. Me grattouillant la tête, je regarda ma sœur et fis une petite moue. Elle n'avait pas idée à quel point tout cela me rendait dingue. J'avais l'impression d'être un lion en cage ne sachant pas quoi faire avec la belle allemande. J'essayais de la voir régulièrement mais ce n'était pas facile avec Broadway. «  Et pourquoi la poisse hein ? Ce n’est pas parce qu’il t’ait arrivé un truc mauvais là maintenant que tu es condamné à vie frérot ! » La regardant, j'haussais légèrement les épaules. Ce n'était peut être pas cet événement qui allait m'apporter la poisse éternelle mais tout de même... J'étais tellement mal ! C'était la folie dans ma tête et franchement, je n'avais pas besoin de cela. Les répétitions à Broadway s’enchaînaient et j'avais un mal fou à suivre. J'étais une vraie loque et je ne pouvais pas me le permettre ; il fallait que je me ressaisisse et vite ! Du moins, c'était sans compter sur ce que venait de me dire ma sœur. J'analysais rapidement les données : elle était enceinte d'un homme qui se fichait d'elle comme de sa première couche culotte et elle n'avait plus de nouvelles de notre mère. Si mes yeux avaient pu sortir de mes orbites et rouler sur le sol, ils l'auraient fait sans aucun doute. Je la regardais, yeux ronds comme la lune, la bouche à moitié ouverte. Je mis quelques secondes à pouvoir cligner des yeux, tellement ils étaient secs et brûlants. Je la regardais en clignant des yeux plutôt rapidement. Elle devait se moquer de moi, ce n'était pas possible autrement. Voyant son teint pâlir et son sérieux, je déglutis difficilement. « T'es en... Enceinte ? Tu vas le garder ? » Et sa carrière la dedans ? Il y a encore trois semaines elle me disait qu'elle ne voulait pas d'enfants et là, elle avait un polichinelle dans le tiroir et n'avait pas encore avorter. C'était de la folie, cette grossesse pouvait lui coûter sa carrière mais ça, je me retenais de lui dire, elle était assez grande pour s'occuper de son futur. « Et maman ? Pas de nouvelles du tout ? Même pas du major ? Les lettres se sont peut être perdues... Ou alors elle n'a pas eu le temps. Je sais pas, ça doit être ça » Lançais-je, riant nerveusement. Ça ne pouvait être que ça, elle devait être paumée dans le désert et n'avait donc pas le temps d'écrire. Fermant les yeux quelques seconde,s je les rouvris et dis « De toute façon, y a pas eu de flash info inquiétant ces derniers jours alors bon, il doit juste y avoir du retard avec les fêtes, c'est tout » Ca ne pouvait qu'être cela, j'en étais persuadé, ou pas.