Finalement, Alexandre allait finir par devenir expert ès petits boulots qui bouclent les fins de mois. Cela dit, le fait d’avoir été étudiant –et major de promo, très accessoirement– à Columbia lui avait grandement servi pour obtenir un petit poste de professeur de TD au sein des murs de cette prestigieuse université. Il avait déjà aidé de nombreux étudiants, s’étonnant d’aimer l’enseignement contre toute attente. Il se rendait très volontiers pour donner des cours, animait des travaux dirigés manifestement appréciés par ses élèves, et cette nouvelle journée ne fit pas exception. Il ne s’attendait pas à ce qui allait lui arriver, cependant. En fin de cours, il mit un certain temps avant de remarquer une jolie brune dont le visage lui était complètement inconnu et qui semblait manifestement attendre d’obtenir son attention. Il n’eut pas le temps de lui demander ce qu’elle souhaitait qu’elle s’était déjà présentée, lui apprenant par la même occasion qu’elle était celle s’étant inscrite pour un cours particulier en sa compagnie. Il l’accueillit donc avec un grand sourire, non sans lui serrer énergiquement la main pour mieux se présenter à son tour : « Enchanté ! Cela vous dérange-t-il que je vous appelle par votre prénom ? Je trouve cela plus pratique et agréable, pour ma part, surtout que nous n’allons pas disserter de Philosophie ou de Médecine, mais de Photographie… une discipline qui nécessite un peu plus de relâchement dans les convenances ! Vous pouvez donc m’appeler Alexandre si vous le souhaitez. » Alexandre avait une règle : ne jamais mettre trop de distance entre lui et ses étudiants, mais ne jamais dépasser les bornes pour autant. Il n’oubliait pas être marié, bien que ledit mariage soit un faux, il n’empêche qu’il portait son alliance sans jamais l’enlever. Il incita donc Jezabel à s’asseoir en face de lui, une table les séparant dans le but de savoir ce qu’il lui fallait au juste comme type d’aide. Il ne pourrait rien faire si elle ne lui parlait pas, c’était l’évidence même… « Je suis curieux de savoir quel type d’appareil vous avez, ce qui vous a branché pour choisir la photographie, et enfin, le plus important, ce qui cloche pour que vous veniez me voir. » Alexandre n’avait pas quitté son sourire, faisant preuve d’une aisance orale indéniable tant il avait l’impression de se trouver dans son élément. Il aurait pu parler photographie et matériel s’y rattachant pendant des heures. Sans doute était-il si ouvert parce qu’il ne la connaissait pas et ne se doutait pas une seconde de leur lien fraternel… sa réaction aurait été bien différente s’il en avait eu conscience, ou si elle avait commencé par cela en se présentant. Mais en l’absence d’une telle information, il n’était illogique de le voir agir de façon aussi naturelle que possible. « Vous pouvez parler sans crainte, je ne juge jamais. Je suis là pour aider et non pour enfoncer, toujours le garder à l’esprit ! »

C’était assez paralysant de se retrouver face à son frère jumeau pour la première fois et ne pas pouvoir lui sauter au cou ou au moins se comporter normalement, comme entre frère et soeur, juste parce que lui ne savait pas qu’il avait une jumelle. Encore plus paralysant car il ne devait pas lui poser trop de questions sur la photographie car même si elle s’en sortait pour le moment bien en cours, elle n’y connaissait pas grand-chose et elle se retrouverait vite ridicule de se retrouver en stage avec lui qui ressemblait plus à un perfectionnement, alors qu’elle n’avait encore pas vraiment acquis toutes les bases. Par ailleurs elle se sentait aussi obliger de le vouvoyer ce qui la gênait encore plus mais elle n’avait pas d’autre choix. Fort heureusement, le jeune homme lui demanda de l’appeler par son prénom, c’était bizarre mais Jezabel le prit avant tout comme une barrière en moins à franchir. Assez timidement elle acquiesça donc à sa demande avant de lui répondre. « Vous m’appelez Jezabel, je vous appelle Alexandre, pas de problème. Mais est-ce que ça vous dérange qu’on se tutoie après tout on a le même âge alors bon… Enfin c’est vraiment comme vous voulez. » La jeune femme avait terminé sa phrase comme si de rien était mais elle s’était bien rendue compte qu’elle avait clairement dit qu’ils avaient le même âge alors qu’elle n’était pas censée savoir son âge et que lui pouvait facilement la trouver plus jeune que son âge à lui d’autant plus qu’elle n’était qu’en première année. Jusque-là, la conversation était assez fluide entre les deux jumeaux mais la nouvelle phrase d’Alexandre suffit à bloquer complètement la jeune femme qui ouvrit la bouche sans parvenir à en faire sortir le moindre son. Elle avait envie d’une chose à ce moment-là, c’était de prendre ses jambes à son cou et courir le plus vite possible pour ne pas avoir à répondre à tout cela. Mais elle ne put pas le faire, elle préféra donc se contenter d’ouvrir la sacoche dans laquelle elle rangeait son matériel et de lui donner la main des plus tremblantes, un tremblement qu’elle tenta de contrôler en vint. Il prit finalement l’appareil et le regarda, elle était incapable de réellement décrire ce qu’il avait de plus qu’un autre, elle savait juste que selon le vendeur du magasin dans lequel ses parents avaient été pour l’acheter, c’était le meilleur. Le silence s’installa dans la salle et finalement le jeune homme en conclut que c’était du bon matériel. Une fois planté à nouveau devant elle, elle dut répondre à ses deux autres questions pourquoi avoir choisi la photographie et pourquoi venir le voir. Hum… La jeune femme se racla la gorge en tenta de gagner du temps avant de tenter de formuler une phrase à nouveau ce qui n’était pas gagné une nouvelle fois. « Je… Euh… j’ai étudié le journalisme pendant cinq ans, j’ai adoré cela et j’ai réussi à atteindre un assez bon niveau maintenant, alors bon pourquoi ne pas y associé la photographie… » Pourquoi pas, ou pourquoi ne pas continuer dans le journalisme pour être la meilleure si elle adorait cela? C’était la question qu’il pouvait lui poser et là elle ne saurait plus quoi répondre. Mais, très vite, elle enchaina, pour qu’il n’ait pas le temps d’ajouter quelque chose et qu’elle puisse attirer son attention sur autre chose que cette fameuse question. Oui car à la deuxième question, elle avait une réponse plus logique et moins suspecte même si son comportement tout entier était suspect et qu’il ne tarderait pas à s’en apercevoir. « Sinon je suis venue car… En fait j’aime progresser très vite, alors je souhaite avoir rapidement les bases et pouvoir évoluer même si je ne suis qu’en première année… » Elle avait noyé le poisson enfin elle espérait. La jeune femme n’était pas du tout à l’aise face à son frère mais elle savait aussi que c’était à cause de la maladie. Elle avait perdu toute confiance en elle à l’annonce de la maladie. Ce moment ne se serait pas passé de la sorte si elle n’avait pas été malade, mais elle ne serait peut-être aussi pas là si la maladie n’avait pas été soulevé. Bref, elle espérait qu’il débloque rapidement cette conversation pleine de silence et de malaise même si la seule manière de le faire était de crevé l’abcès et que Jezabel avoue tout ce qu’elle avait à lui dire et pourquoi elle était là !